Quand Brian ne contrôle plus sa vie

Groupe triomphant des sixties, les Beach Boys avec, à droite, Brian Wilson.

Groupe triomphant des sixties, les Beach Boys avec, à droite, Brian Wilson.

Biopic, demandez le biopic! Johnny Cash (« Walk the line »), Charlie Parker (« Bird »), Janis Joplin (« The Rose »), Tina Turner (« Tina »), Jim Morrison (« The Doors »), Richie Valens (« La Bamba »), Jerry Lee Lewis (« Great Balls of Fire »), Ray Charles (« Ray »), Bob Dylan (« I’m not there ») et on en oublie sûrement, tous ont vu le cinéma s’emparer de leur vie pour la mettre en scène. Souvent avec précision, parfois avec de solides entorses aux faits. Mais qu’importe, la légende pèsera toujours plus que la réalité… Et puis ces parcours sont toujours émaillés de drames, d’alcool, de drogue, de sexe. De quoi faire frissonner le grand écran.

Avec Love & Mercy, c’est donc au tour des Beach Boys d’être célébrés par Hollywood. Cependant, comme le signale l’interminable titre français de ce biopic, ce sont moins les garçons de la plage qui sont au coeur de l’aventure que leur leader Brian Wilson. Il faut dire, à voir la première réalisation de Bill Pohlad, que les Beach Boys, mignons et propres sur eux, avaient l’air plutôt falots. Par contre, Brian Wilson disposait, lui, du bon profil pour un biopic soucieux de sonder les reins et l’âme d’une grande pointure de la musique surf-pop-rock. Soir d’après-répétition dans un studio californien. Brian Wilson se repose, appuyé contre une voiture. L’un des musiciens s’approche: « T’es inspiré. Nous sommes tous des pros. Nous avons joué avec les plus grands mais tu nous épates! »

Brian Wilson (Paul Dano) en studio.

Brian Wilson (Paul Dano) en studio.

Généralement reconnu comme l’un des compositeurs les plus talentueux de sa génération, Brian Wilson est aussi un homme très fragile. Eugène Landy, le psychiatre qui le suivit pendant un certain nombre d’années, le traitait de schizophrène paranoïaque et de « petit garçon dans un corps d’homme ». En centrant son film sur deux grandes périodes de la vie de Brian Wilson -les années 60 à l’époque de l’enregistrement de l’album Pet Sounds et les années 80 avec la rencontre de Melinda Ledbetter- le réalisateur peut jouer sur deux atmosphères, celle, chaleureuse et quasiment romantique de l’âge d’or de la surf music et l’autre, plus froide et rude, autour d’un homme fracassé qui va tenter de se reconstruire dans une relation amoureuse apaisée. Pour incarner Brian Wilson à ces deux époques, Bill Pohlad a choisi de travailler avec deux comédiens. Paul Dano, découvert dans Little Miss Sunshine (2006), est le Brian du passé et John Cusack, le Brian du présent. Grâce aux comédiens, le cinéaste n’a pas le souci de la chronologie et peut sauter aisément d’une époque à l’autre. Et cela profite au récit dans la mesure où Cusack est un Brian sans beaucoup de réactions alors que Dano est un musicien actif, inventif, torturé aussi qui entend constamment des voix dans sa tête et avoue: « J’ai vu Dieu et il m’a tout montré ». On le voit à l’oeuvre notamment dans des sessions en studio où il expérimente musiques et harmonies vocales complexes, n’hésitant pas à enregistrer des aboiements de chien ou à produire des sons d’hélicoptère avec des violoncelles…

John Cusack dans le rôle de Brian Wilson âgé.

John Cusack dans le rôle de Brian Wilson âgé.

Soumis aux diktats et aux manipulations de Gene Landy (l’épatant Paul Giamatti avec une épaisse chevelure) après avoir été un adolescent brimé et frappé par son père, le Brian Wilson du présent est un personnage détruit qui constate: « J’ai perdu le contrôle de ma vie ».  Mais lorsqu’il entre dans une concession Cadillac et s’installe au volant d’une Fleetwood, son existence va changer. C’est là, en effet, qu’il rencontre Melinda Ledbetter, ancien mannequin et accorte vendeuse, qui va tomber sous son charme. Il faudra que Melinda se batte longtemps pour arracher finalement Brian à l’emprise néfaste de Landy. On ne sait si c’est là, la réalité mais l’aventure amoureuse entre  Melinda (Elizabeth Banks) et Brian est plutôt touchante…

 

Elizabeth Banks incarne Melinda Ledbetter.

Elizabeth Banks incarne Melinda Ledbetter.

Love & Mercy (l’un des titres fameux du groupe) permet de retrouver des chansons des Beach Boys, band triomphante des années soixante et seuls Américains capables de rivaliser avec les stars britanniques de l’époque qu’étaient les Beatles, les Stones ou Pink Floyd. On entend ainsi Surfin’ USA, God Only Knows, Good Vibrations mais le film est avant tout un intéressant portrait intime de Brian Wilson. Interprète de plus de 70 films, notamment devant la caméra de Woody Allen, Clint Eastwood, Stephen Frears, Lee Daniels ou David Cronenberg, John Cusack est souvent un peu cabot. Mais, ici, il est excellent en artiste halluciné rattrapé par ses démons et tentant de leur échapper grâce à Melinda.

Aujourd’hui, comme le montre des images au générique de fin, Brian Wilson va plutôt bien et il chante toujours…

 

LOVE & MERCY, LA VERITABLE HISTOIRE DE BRIAN WILSON DES BEACH BOYS Comédie dramatique (USA – 2h02) de Bill Pohlad avec Paul Dano, John Cusack, Elisabeth Banks, Paul Giamatti, Jake Abel, Graham Rogers, Brett Davern, Dee Wallace. Dans les salles le 1er juillet.

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