L’énigmatique Barbara et ses hommes

Barbara (Barbara Lennie) instable et dangereuse. DR

Barbara (Barbara Lennie) instable et dangereuse. DR

 

Quand Pedro Almodovar constate que La nina de fuego est « la grande révélation du cinéma espagnol de ce siècle », on a forcément envie de voir… Force est de constater d’emblée que la structure  narrative, pour être plutôt brillante, n’est pas de celles qui se livrent aisément au spectateur. Construite en trois chapitres d’inégale longueur – Monde, Démon, Chair- cette histoire est celle de la belle et énigmatique Barbara autour de laquelle gravitent trois hommes.

Qui est Barbara? Une épouse sous la coupe de son psychiatre de mari? Une femme adultère que l’on fait chanter? L’ancienne écolière de Damian, prof de maths qui a, sans doute, passé dix années en prison à cause d’elle? Pour le savoir -et encore!- il faut accepter de se glisser dans l’univers sophistiqué et froid qu’installe Carlos Vermut tout au long d’une oeuvre de plus de deux heures.

Luis (Luis Bermejo), un père à la dérive.

Luis (Luis Bermejo), un père à la dérive.

Pour son second long-métrage, le cinéaste espagnol a imaginé deux parcours qui vont se croiser autour de la vénéneuse Barbara. Il y a d’abord Luis, un professeur de littérature au chômage. Elevant seul sa fille Alicia, il apprend que celle-ci, 12 ans, souffre d’une leucémie. La sachant passionnée de mangas, il a va tout mettre en oeuvre pour lui offrir la très rare robe Magical Girl. Mais cette création japonaise coûte la bagatelle de 7000 euros sur internet. Dans l’incapacité de réunir cette somme, Luis s’apprête à fracasser une vitrine de bijoutier. A l’instant précis où il va lancer une grosse pierre, il est sali par un vomissement venu de nulle part. C’est Barbara qui a bu trop d’alcool et qui s’est penchée à son balcon…

Poursuivant Luis, Barbara va faire le monter chez elle, lui propose une douche, lui lave ses vêtements et se donne à lui… Au petit matin, Luis pense avoir trouvé le moyen d’offrir le beau cadeau souhaité par Alicia. Il suffira de faire chanter Barbara en la menaçant de révéler leurs ébats enregistrés sur son téléphone portable.

Ailleurs, Damian va pouvoir quitter la prison après dix années d’incarcération. Passionné de puzzles, Damian confie à la psychologue pénitentiaire qu’il ne veut pas quitter les hauts murs. Parce qu’il a peur de revoir Barbara.

Barbara Lennie.

Barbara Lennie.

Dans le très atypique Nina de fuego, Carlos Vermut évoque le goût ibérique pour la corrida et constate que cela vient du fait que l’Espagne n’a pas réglé son conflit profond entre émotion et raison. Le film, lui, est né de cette obsession pour une lutte qui, a des degrés divers, est sous-jacente chez tous les êtres humains. « Je voulais réaliser, dit Vermut, un film s’appuyant sur une idée simple, des rebondissements haletants et un style visuel sophistiqué… » De fait, l’intrigue de La nina… est plutôt simple alors que les personnages, eux, sont complexes. Au premier chef évidemment, cette Barbara clairement instable qui accepte à contre-coeur de prendre le bébé d’une amie dans les bras et rit en disant: « J’imagine la tête que tu ferais si je lançais le bébé par la fenêtre… »

En s’appuyant sur des éléments traditionnels du film noir comme le chantage, La nina de fuego (référence à une chanson de Manolo Caracol que l’on entend à deux reprises dans le film) peut parler d’amour et d’obsession destructrice, de perversité et de désir, de vengeance et de meurtres, d’impostures et de mensonges, enfin de la part d’ombre de l’être humain.

Opérant avec une lumière souvent blême, un dépouillement clinique des lieux, une austérité dans la mise en scène comme dans le jeu des acteurs, Carlos Vermut déroute surtout parce qu’il fait volontairement l’impasse sur des pans entiers de son récit. Pourquoi Damian s’est-il retrouvé dix années derrière les barreaux? Qu’en est-il aussi de cette villa où Barbara vient « gagner » les fortes sommes réclamées par son maître chanteur? Quel enfer se cache dans l’antre du lézard noir? A l’imaginaire du spectateur de faire son oeuvre…

LA NINA DE FUEGO Drame (Espagne – 2h07) de Carlos Vermut avec Barbara Lennie, José Sacristan, Luis Bermejo, Israel Elejalde, Lucia Pollan, Elisabet Gelabert, Miquel Insua, Teresa Soria Ruano. Dans les salles le 12 août.

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