La victoire à tout prix

Et une victoire de plus pour Lance Armstrong (Ben Foster). DR

Et une victoire de plus
pour Lance Armstrong (Ben Foster). DR

Le ciel et la montagne, une route qui grimpe… On entend d’abord la répétition d’un souffle, un coeur qui palpite régulièrement tandis qu’un hélicoptère brasse l’air… Au loin, une figure sombre sur laquelle la caméra avance à vive allure. Courbé sur son vélo, le n°181 dévore l’asphalte… Une image (de fiction) du Tour de France, le plus grand barnum sportif au monde! Une épreuve cycliste sur laquelle un certain Lance Armstrong a posé, sinon son empreinte, du moins sa lourde marque…

Même ceux qui ne portent qu’une attention très moyenne aux choses de la petite reine, connaissent celui qui passa longtemps pour un héros américain. Une légende du vélo que Stephen Frears démonte soigneusement dans The Program, biopic qui s’appuie sur le travail journalistique de l’Irlandais David Walsh, reporter sportif au Sunday Times de Londres qui publia Seven Deadly Sins: My Pursuit of Lance Armstrong, un ouvrage qui, justement, plonge au coeur du système imaginé, élaboré, institutionnalisé même par le coureur américain…

De 1993, année où Lance Armstrong décrocha, à Oslo, le titre de champion du monde sur route jusqu’à 2013 où le champion déchu avoua sa « faute » dans la fameuse émission télévisée d’Ophrah Winfrey, The Program détaille un parcours qui impressionne d’abord par son organisation. Au début de sa carrière, Lance Armstrong est un coureur talentueux mais pas plus que les autres sportifs auxquels il se confronte… Pas plus talentueux à ce moment-là mais animé d’une ambition peu courante, un sportif dévoré par le désir et la rage d’être le premier… Plus encore, un sportif de haut niveau qui sait trouver les mots qui feront des titres dans les gazettes. Ainsi lorsqu’il affirme courir avec le coeur, pas avec le corps… Et d’ailleurs, comme la quasi-totalité de ses confrères reporters sportifs, David Walsh est d’abord sous le charme d’un champion qui n’a que la victoire en tête…

David Walsh (Chris O'Dowd) mène son enquête.

David Walsh (Chris O’Dowd) mène son enquête.

Stephen Frears, réalisateur de films aussi enlevés que The Snapper, Tamara Drewe, The Queen ou Philomena, choisit, ici, une manière « documentaire » pour traiter du cas Armstrong. Il filme Ben Foster incarnant Armstrong dans des étapes du Tour de France, y mixe de réelles images d’archives, fait des arrêts sur image sur des visages pour les légender… Mais surtout, comme Frears est un homme de métier, il réussit à nous maintenir en haleine avec une sinistre saga dont on connaît déjà l’épilogue.

On croise ainsi « Il dottore », le tristement fameux médecin italien Michele Ferrari (Guillaume Canet méconnaissable) qui affirme, froidement, que l’EPO n’a rien de dangereux… Sous la coupe de Ferrari, véritable pivot du dopage dans le cyclisme de ces années-là, Lance Armstrong va basculer dans ce qui devient rapidement un véritable programme de dopage. Ses coéquipiers sont priés d’aller faire des razzias d »erythropoïetine dans les pharmacies suisses où on leur fournit, sans sourciller, le produit dopant!

Guillaume Canet dans la peau du docteur Ferrari.

Guillaume Canet dans la peau du docteur Ferrari.

Et puis survient le drame: en 1996, les médecins diagnostiquent un cancer des testicules, mâtiné de métastases, qui va faire d’Armstrong un homme détruit, à deux pas de la mort… Mais le champion écrira sur son lit d’hôpital, une légende qui fera de lui une véritable icône américaine. Car Armstrong parviendra à vaincre la maladie et à remonter sur le vélo… Quitte à inventer des situations que les malades, leurs proches mais aussi les communicants et les sponsors veulent entendre. Il raconte ainsi comment, au bout du rouleau, dans un couloir d’hôpital, il a voulu rester debout alors que le personnel lui proposait une chaise roulante. Des propos démentis par Frears dont les images montrent l’inverse…

De retour à la compétition, Armstrong emportera ses équipes successives dans un dopage parfaitement et strictement organisé… « Nous avons appris à voler! » dira l’un de ses équipiers tandis que les victoires s’alignent méthodiquement et que les performances deviennent de plus en plus extraordinaires. Observant des images au ralenti, un journaliste constate que Armstrong et ses hommes freinent… dans les montées! Quant à David Walsh, il sera pris par le doute et osera écrire que la fête est un peu trop belle, devenant ainsi tricard dans un microcosme qui se moque du dopage tant que le spectacle et les gains sont au rendez-vous…

Des maillots jaunes... "non attribués".

Des maillots jaunes… « non attribués ».

En brossant le portrait d’un champion qui s’abrite derrière une phrase « Je n’ai jamais été contrôlé positif » (on le voit, à plusieurs reprises, travailler cette phrase comme un comédien) mais qui se conduit aussi comme un chef mafieux pour faire respecter l’omerta du peloton, The Program s’impose comme l’un des rares films qui parlent bien du sport. Même si Lance Armstrong a totalement dévoyé le cyclisme. Dans l’histoire du Tour de France, de 1999 à 2005 inclus, le palmarès indique quand même « non attribué ». Alors Lance Armstrong peut toujours dire: « C’est dommage de refuser de rêver! »

THE PROGRAM Drame (Grande-Bretagne – 1h43) de Stephen Frears avec Ben Foster, Chris O’Dowd, Guillaume Canet, Jesse Plemons, Lee Pace, Denis Menochet, Edward Hogg, Dustin Hoffman, Elaine Cassidy. Dans les salles le 16 septembre.

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