Rudes journées pour le sans papier Samba

Pouvait-il en être autrement? Samba mesuré à l’aune d’Intouchables, cela a-t-il cependant un sens? Forcément si l’on observe que les deux films sont des mêmes auteurs. Evidemment non si l’on considère que le film -hormis quelques franchises anglo-saxonnes- est un objet culturel unique et qu’il est fort peu probable de répéter un succès, devenu phénomène de société, comme le fut, en 2011, Intouchables et ses 19,3 millions de spectateurs en France. Du côté des salles de cinéma, on se dit bien sûr qu’un succès de Samba façon Intouchables mettrait de jolies couleurs à la fin de l’année cinématographique. Sans jouer les gourous, on peut penser que la réussite de Samba devrait être (plus) modeste, eu égard toujours au score très impressionnant d’Intouchables.

Si Samba est le cinquième long-métrage du tandem Toledano-Nakache, force est de remarquer que c’est leur Intouchables qui les a mis largement dans la lumière et que Samba donne le sentiment de lorgner du côté du « grand frère » à travers la rencontre de deux extrêmes. Après le petit gars de banlieue et le puissant homme d’affaires lourdement handicapé, voici donc un travailleur sénégalais sans papiers et une business woman qui se remet lentement d’un solide burn out. La musique se charge, elle, d’amplifier encore la parenté entre les deux films…

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Omar Sy. DR

Samba Cissé vit depuis dix années en France. Il fait la plonge dans des restaurants et espère un jour monter en grade dans la cuisine. Sans papiers, il vit chez son oncle et s’applique à envoyer régulièrement de l’argent au pays. Et puis, un jour, Samba est arrêté, placé dans un centre de rétention et promis à un retour rapide au Sénégal. C’est dans ce ce centre qu’il rencontre Alice qui tente de se reconstruire, de retrouver des sensations en faisant du bénévolat dans une association d’aide aux migrants. Alors que sa collègue Manu lui conseille de toujours garder la distance sous peine de souffrir, Alice va tomber sous le charme de Samba. Commence alors une histoire « un peu spéciale »

Imaginé avant la mise en chantier d’Intouchables, Samba, qui s’appuie sur Samba pour la France, le livre (Ed. Seuil/Points) de Delphine Coulin (également co-scénariste) invite d’abord le spectateur à se glisser alternativement dans l’univers de ces invisibles que sont les travailleurs sans papier et dans le monde bruissant des associations d’aide… Et puis, plus tard, Samba prendra la direction de la rencontre amoureuse sur fond de bonheur à inventer.

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Charlotte Gainsbourg. DR

Lorsqu’il évoque les rapports au travail du haut et du bas de l’échelle, la place des sans papiers dans la société française ou encore le rôle des associations, le film réussit des notations tour à tour graves et drôles. C’est le cas lorsque Samba quitte le centre de rétention et qu’on lui dit qu’il a 72 heures pour quitter le territoire français tout en le laissant libre de plonger immédiatement dans la clandestinité. Ca l’est encore avec ces entreprises qui viennent recruter au petit matin des ouvriers pour leurs chantiers. On sourit aussi en écoutant un migrant russe se fâcher à propos d’un « papier rouge et puis plus rien » ou encore lorsque on s’étonne de voir Alice oeuvrer dans l’association: « Vous n’êtes pourtant pas étudiante en droit, nous n’avez pas de piercing et vous avez moins de 85 ans… »

Sur les pas de Samba, on mesure aussi l’enfer administratif du sans papier obligé de se fondre dans la masse, d’éviter les gares et les grosses stations de métro ou encore, après 18h, à privilégier le bus. Un Samba qui, assez pathétique, affirme: « Je ne sais plus comment je m’appelle. Je risque d’oublier qui je suis… »

Pour défendre les personnages, Toledano/Nakache peuvent compter sur un Omar Sy (présent dans tous leurs longs-métrages) tel qu’en lui-même, autrement dit faisant le job avec un mélange de force contenue et de lueur amusée dans l’oeil. Quant à Charlotte Gainsbourg, nouvelle venue ici, elle n’a guère de mal à endosser un personnage de femme décavée et fragile après un gros pétage de plomb. Et elle parvient à donner des touches émouvantes à ses duos avec Omar Sy. Autour d’eux, le joyeux Tahar Rahim ou la pétulante Izïa Higelin (dont le personnage disparaît assez vite) assurent en Algérien converti en Brésilien ou en bénévole rock’n roll.

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Izïa Higelin. DR

Pourquoi alors reste-t-on sur sa faim avec ce Samba? Parce que d’abord le film est trop long. Parce qu’ensuite, il ne parvient pas à trouver le tempo de la comédie sociale qu’il voudrait être. Toledano/Nakache affirment que leurs modèles sont les cinéastes anglais et les grands de la comédie à l’italienne des années 60-70. Scola ou Risi ont en effet chroniqué de petites gens se débattant dans un monde hostile ou inaccessible. Mais leur verve se teintait d’une réelle cruauté lorsqu’ils braquaient leur caméra sur la société italienne de l’époque. Cette férocité-là fait défaut dans Samba. Reste un gentil film qui se regarde gentiment mais qui ne marque pas.

SAMBA Comédie dramatique (France – 1h58) d’Olivier Nakache et Eric Toledano avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izïa Higelin, Issaka Sawadogo, Hélène Vincent, Youngar Fall. Au cinéma le 15 octobre.

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