TUEZ CHARLEY VARRICK!

Tuez Charley VarrickSi Walther Matthau est étonnant dans Tuez Charley Varrick!, ce n’était pourtant pas le premier comédien auquel Donald Siegel avait pensé pour tenir le rôle de ce braqueur mutique et mal embouché. Le cinéaste avait songé à Donald Sutherland et, avant lui, à Clint Eastwood, son comédien de Sierra torride (1970), des Proies (1971) et évidemment de l’emblématique Inspecteur Harry (1971). Mais le grand Clint refusa, ne voyant « aucune qualité rédemptrice » dans le personnage… Universal songe alors à Matthau, acteur très populaire (ses duos avec Jack Lemmon sont mémorables), mais celui-ci tenta vite de se défiler. L’astucieux Donald Siegel -qui devait connaître le goût de Matthau pour le jeu et les paris- lui aurait dit: « Walter, je vois que tu as l’air d’un très bon joueur de ping-pong. Faisons une partie! Si tu me bats, tu n’auras pas besoin de faire le film et je te paierai quand même ton salaire. » Matthau qui savait jouer au ping-pong, se sentait sûr de gagner. Il ignorait que Siegel était un champion de tennis de table capable de jouer des compétitions de haut niveau. Le score (21-2) fut sans appel et Matthau dut se résigner à être Charley Varrick. Bien lui en a d’ailleurs pris car sa composition, pour une fois très noire, est remarquable.
Avec sa jeune femme et deux complices, Charley Varrick braque une petite banque perdue du Nouveau-Mexique. Le coup presque banal tourne pourtant à la déroute. La jeune femme est mortellement blessée et un complice est abattu. Surtout, en mesurant l’importance du magot, Varrick comprend qu’il a touché à l’argent que la mafia planquait dans cette banque. Encombré de son dernier complice, un gamin buveur qui n’entend pas faire profil bas le temps nécessaire, Charley Varrick va se retrouver à la fois avec la police mais aussi la mafia aux trousses. Et il faudra à cet ancien pilote d’avion, beaucoup de malice et d’astuce pour déjouer l’entreprise du tueur à gages sadique (Joe Don Baker) chargé de l’éliminer.
Moins connu que des films comme L’invasion des profanateurs de sépultures (1956), A bout portant (1964), Le dernier des géants (1976) ou Le prisonnier d’Alcatraz (1979), Tuez Charley Varrick ! (1973) est un solide polar, qui fait référence dans le genre, reposant sur une mise en scène tendue et construite avec la précision d’une bombe à retardement. Walther Matthau incarne un truand fatigué surnommé « le dernier des indépendants ». Un type qui ne fait confiance qu’à lui-même et qui s’oppose autant à l’ordre établi qu’aux règles du crime organisé. Un personnage qui ressemble singulièrement, côté 7e art, à un Don Siegel qui occupa une place à part dans le cinéma américain. Comme le rapporte Doug Headline, dans l’ouvrage (180 pages et des photos d’archives rares) intitulé Le premier des indépendants qui accompagne le coffret DVD, Don Siegel sut toujours composer avec le système hollywoodien, voguant d’un studio à l’autre tout en demeurant un véritable individualiste soucieux de sa liberté d’action. Un bijou du polar des années 70 qui est aussi un pur plaisir de spectateur!

(Wild Side)

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