DROLATIQUES COULISSES D’UN CHAOS

Making_of

 

 

 

 

A Ferrand, le réalisateur de La nuit américaine (1973) qu’il incarne lui-même, François Truffaut fait dire: « Un tournage de film, ça ressemble à un trajet en diligence au Far-West. D’abord, on espère faire un beau voyage. Et puis, très vite, on en vient à se demander si on arrivera à destination… » Paul Corso, le héros de Making of, le nouveau roman de Xavier Durringer, pourrait en dire autant. Et même un peu plus… Réalisateur français reconnu, Corso est en plein tournage, quelque part en Corse, d’un thriller. Le problème, c’est que son producteur lui a collé dans les pattes, un certain Joseph Monterey, sorti naguère de prison après quinze années derrière les hauts murs. Pour le producteur, Monterey est très « crédible » dans le rôle de du truand Black Jack. Pour Corso, c’est une catastrophe parce que l’ex-taulard et néo-comédien n’est pas capable de dire une ligne de son texte…

Dramaturge, romancier, metteur en scène de théâtre et de télévision, Xavier Durringer a réalisé, pour le grand écran, La nage indienne (1993), J’irai au paradis car l’enfer est ici (1997), un excellent polar très melvillien, Chok-Dee (2005) et La conquête (2011), premier film sur un président en exercice, on a nommé Nicolas Sarkozy… Actuellement, le cinéaste achève le montage de Paradise Beach, un nouveau thriller qui devrait être sur les écrans français pour le mois de mai prochain…

Avec Making of, Durringer invite l’amateur de cinéma à se glisser dans les coulisses d’un tournage. Si les équipes de cinéma confient généralement, la main sur le coeur, aux journalistes que le tournage de leur dernier film fut un pur moment de bonheur, force est de constater, ici, que l’aventure relève du pur chaos. Mais, comme le dit Corso, « Ce qui se passe en cuisine ne regarde personne, la seule chose qui compte, c’est le résultat et toucher le spectateur en lui servant une belle assiette, ça doit être bon, propre, épicé, inconnu, coloré, honnête et sincère. Et surtout lui servir ce qui l’a fait saliver sur la carte… »

Avec un vrai sens du récit, Durringer, qui s’est inspiré des réelles difficultés qu’il a connues sur le tournage de La nage indienne, embarque facilement le lecteur dans la galère (créatrice!) que connaît ce Corso qui lui ressemble évidemment comme un double. Les portraits que brosse le cinéaste sont tout à fait savoureux. Voici Sherman, le directeur de la photographie, habillé comme un vétéran du Vietnam, ciseleur de sources lumineuses, l’assistant plutôt souffre-douleur, l’ingénieur du son qui fait observer (citant Godard) que dans audiovisuel, il y a d’abord audio et ensuite visuel… Que dire du personnage de Ritchie, célèbre comédien qui vient dépanner Corso? Durringer ne le dit pas mais il s’est inspiré d’un comédien bien réel qui affirme qu’il ne peut pas jouer certaines choses (il est vrai, ici, une scène qui a marqué les esprits dans le Delivrance de Boorman) par égard pour son public féminin. Quel est ce comédien? Durringer botte en touche… Et puis on a gardé pour la bonne bouche, si on peut dire, Marie Alba, la jolie comédienne qui doit vivre une forte romance amoureuse avec Black Jack. Et là, Making of nous gratifie d’une impayable et désopilante journée de tournage d’une scène d’amour avec notamment l’acteur qui ne veut pas enlever son slip et aussi un morceau de papier toilette fiché au mauvais endroit…

Mais Making of, au-delà de tous les déboires, de toutes les angoisses de Paul Corso, est aussi un célébration du 7e art. « Le cinéma est l’art de montrer l’invisible. Comment montrer l’invisible? », s’interrogent ensemble Durringer et Corso. Une affaire d’image, évidemment. De magie, sûrement.

MAKING OF. Xavier Durringer. Le Passage. 296 pages. 18 €.

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