A FULLER LIFE

Samuel FullerBertrand Tavernier disait de lui qu’il était un visionnaire, un poète, « un artiste que la passion emporte, dont rien ne peut freiner l’élan », un cinéaste qui refuse les conventions et qui, du haut de sa caméra, tonne, hurle, vocifère, se calme pour réussir une prodigieuse scène de tendresse, puis repart, n’hésitant pas à briser le rythme traditionnel… C’est ce sacré réalisateur que l’on retrouve avec un vrai bonheur dans le chaleureux et affectueux A Fuller Life sous-titré Récit d’un authentique franc-tireur américain.
C’est, ici, Samantha, la propre fille de Fuller, qui est à la manoeuvre pour rendre un vibrant hommage à l’homme, au père et à l’artiste qui se cache derrière ce Samuel Fuller que les cinéphiles du monde entier connaissaient bien.
Pour conter le récit d’une existence hors normes, Samantha Fuller a fait appel à quinze artistes qui ont, de près ou de loin, côtoyé son père. C’est ainsi qu’au fil de lectures des écrits de Sam Fuller, James Franco, Jennifer Beals, Bill Duke, James Toback, Kelly Ward, Perry Lang, Robert Carradine, Mark Hamill, Joe Dante, Tim Roth, Wim Wenders, Monte Hellman, Buck Henry, Constance Towers et William Friedkin vont tourner les pages des tumultueux chapitres qui constituent une véritable existence de journaliste, romancier, scénariste, reporter de guerre, combattant et enfin cinéaste reconnu et célébré…
Tout commence en août 1912 par une naissance à Worcester dans le Massachusetts dans une famille d’immigrants juifs qui va bientôt déménager à New York. C’est là que le jeune Sam commence à travailler à 12 ans dans un journal. A 14 ans, il est copy boy au New York Journal et même copy boy personnel d’Arthur Brisbane, le rédacteur en chef du journal qui lui dit: « Ecrire, c’est facile. Il suffit de fixer une page blanche jusqu’à ce que tu sues des gouttes de sang ». Fuller retiendra la leçon et deviendra, à 17 ans, le plus jeune reporter criminel du pays…Du journalisme, il passera à l’écriture de récits de fiction, de romans qui s’appuient encore sur des faits-divers comme l’histoire de la première femme condamnée à mort aux USA alors qu’elle est enceinte…. Bientôt Fuller écrira des scénarios pour Hollywood avant que la Seconde Guerre mondiale fasse de lui un soldat et un reporter de guerre. Il combattra en Sicile et en Afrique du Nord, reviendra en Angleterre pour débarquer le 6 juin 1944 sur la plage d’Omaha Beach dans les rangs du fameux Big Red One… Le documentaire présente d’ailleurs d’inestimables images inédites tournées par Fuller avec une Bell et Howell 16 mm sur le terrain, notamment lors de la libération du camp de concentration de Falkenau en Tchécoslovaquie.
Revenu de guerre, Fuller reprend son activité de scénariste mais la reconnaissance tarde à venir… Elle finira par arriver avec  le succès, en 1950, de J’ai vécu l’enfer de Corée. Viendront ensuite le remarquable Park Row (1951) que le cinéaste nourrit de son expérience dans le journalisme,  Le jugement des flèches (1956) ou Underword USA (1960) qui feront beaucoup pour la reconnaissance de Fuller en Europe. C’est d’ailleurs à cette époque que Jean-Luc Godard, dans A bout de souffle, lui offre un beau caméo dans lequel le cinéaste, derrière ses lunettes noires, évoque, lors d’une soirée, le cinéma « comme un champ de bataille avec de l’amour, de la haine, de l’action, de la violence, de la mort. En un mot, de l’émotion ».
Pour Fuller (1912-1997), chaque réalisation est le prélude à un prochain défi. A Hollywood, la rupture s’opère avec Shock Corridor et The Naked Kiss. Fuller voyage alors beaucoup. A Paris, il rencontre Christa, sa jeune épouse qui fera de lui un père (heureux) de 63 ans. Dans ces années soixante difficiles, on pensait sa carrière finie. Mais Fuller va rebondir avec un projet qui lui tenait à coeur depuis les années de guerre. En 1980, il peut enfin raconter, dans Au-delà de la gloire, l’histoire qu’il a vécue au sein de Première division d’infanterie américaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Le film est un succès et Fuller est à nouveau bienvenu à Hollywood où l’homme à l’éternel cigare cultive toujours un statut d’outsider volontiers provocateur et insolent qui privilégie, plus que tout, le goût de l’indépendance et de la liberté… Un très beau portrait!

(Carlotta)

En 1981, Sam Fuller est de passage à Mulhouse... DR

En 1981, Sam Fuller est de passage
à Mulhouse… DR

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