Juste une image…
En voyage touristique à Porto Rico à la fin des années vingt, Astrée Sternjhelm, une jeune Suédoise, est enchantée par la magie des lieux. Une mélodie populaire La Habanera l’ensorcelle. Elle fait la connaissance de Don Pedro de Avila, l’homme le plus influent de l’île. Celui-ci a organisé une corrida au cours de laquelle il sauve un toréador blessé. Cet acte de bravoure achève de séduire Astrée qui finit par épouser Don Pedro. Neuf années plus tard, le Dr Nagel de Stockholm, autrefois amant d’Astrée, se rend à Porto Rico afin d’étudier une fièvre qui provoque la mort des habitants de l’île. Le médecin espère aussi secrètement ramener Astrée en Suède. Les relations entre les deux époux se sont, par ailleurs, considérablement détériorées. Les illusions d’Astrée se sont évanouies et son existence est devenue, à présent, un enfer…
Lorsqu’il tourne La Habanera, en 1937 dans les studios berlinois de l’UFA mais aussi en extérieurs à Tenerife, Detlef Sierck réalise son dernier film allemand. Quelques jours après la première du film, le cinéaste choisit l’exil. Après de brèves escales dans différents pays européens, Sierck va rejoindre les Etats-Unis. Dans les studios de Los Angeles, sous le nom de Douglas Sirk, il s’imposera comme l’un des grands maîtres du mélodrame flamboyant hollywoodien avec des films comme Le secret magnifique (1954), Tout ce que le ciel permet (1955), Ecrit sur du vent (1955), Le mirage de la vie (1959).
La Habanera est un film fait quasiment « sur mesure » pour Zarah Leander, l’actrice et chanteuse suédoise qui incarne, alors dans le cinéma allemand, le personnage qu’avait refusé Marlène Dietrich, celui de la femme sensuelle et fatale. L’Astrée de La Habanera entre pleinement dans cette définition…
Une première fois, Sierck avait fait tourner la comédienne dans Paramatta, bagne de femmes (1937) et il confiait à un historien du cinéma : « Paramatta, bagne de femmes a connu un grand succès, et Zarah Leander est montée au firmament des stars. Elle est devenue du jour au lendemain l’actrice la plus populaire d’Allemagne. »
Anticipant ses mélodrames américains, Sierck donne à la musique et aux chansons une signification capitale. Avec sa voix de contralto lyrique, la grande et sculpturale Zarah Leander chante des mélodies, notamment le fameux « Der Wind hat mir ein Lied erzählt », l’adaptation allemande de La Paloma, qui exprime la fascination des personnages pour un lieu, une atmosphère, ou bien la déchéance de ces mêmes personnages, leur nostalgie, leurs regrets, parfois toutes les illusions qu’ils se faisaient sur eux-mêmes ou sur autrui.
Si elle fut la star du cinéma de la période national-socialiste, Zarah Leander (1907-1981) s’appliqua à toujours garder ses distances avec le régime nazi. N’ayant jamais adhéré au parti national-socialiste ni pris part aux manifestations officielles du régime, ayant également refusé la citoyenneté allemande, elle expliquait que son but exclusif avoué était de servir le public.
Son départ précipité pour son pays natal en 1943 (sa villa berlinoise avait été partiellement détruite par les premiers bombardements alliés) alimenta une polémique qui ne la quittera pas : certains la soupçonnent d’être une espionne à la solde de l’URSS.
En fuyant l’Allemagne, elle ne s’embarque cependant pas sans un viatique, ayant eu la prévoyance de se faire payer plus de la moitié de ses (imposants) cachets, non en Reischmarks (dévalués à 100% après 1945), mais en couronnes suédoises, un arrangement que Goebbels, qui contrôlait la production cinématographique, devenait de plus en plus rétif à honorer. Cependant après son départ, ses films ne furent pas retirés de l’affiche : ils représentaient un capital trop précieux, à la fois en terme financiers mais aussi pour le moral des populations allemandes en raison de l’immense popularité de l’actrice.
La Habanera, le mardi 11 février à 19h30 au Palace, avenue de Colmar à Mulhouse. La séance est présentée et animée par Pierre-Louis Cereja.
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