UN BRIN DE NOSTALGIE OLYMPIQUE ET LE JARDINIER AMOUREUX  

JO_Paris_1924JEUX OLYMPIQUES PARIS 1924
Ce vendredi 26 juillet, Paris accueille les Jeux de la 33e Olympiade. Et c’est une immense fête sportive qui est attendue… malgré un « JO bashing » qui a été assez lourd. Ce sera la troisième fois que la capitale accueillera les Jeux après l’édition de 1900 et celle de 1924. Cette dernière est en majesté dans un document exceptionnel et complètement inédit disponible pour la première fois chez Carlotta en Blu-ray et en DVD dans une restauration 2K. Si la France de 1924 était à bien des égards différente de celle d’aujourd’hui, ces JO ont soulevé des problématiques communes à celles de 2024 sur le financement, les transports, les équipements ou la sécurité. C’est le Français Jean de Rovera qui couvre cet événement majeur en tournant des images en noir et blanc de tous les principaux sports à l’affiche. Cent ans après, on découvre donc avec une certaine nostalgie, ce film officiel des JO de Paris 1924 qui témoigne de la ferveur mondiale pour l’olympisme et met en lumière les exploits de grands sportifs. Le documentaire muet et avec accompagnement musical (174 mn) s’ouvre longuement, dans le cadre du stade de Colombes, sur la cérémonie d’ouverture de la VIIIe Olympiade placée sous la présidence de Gaston Doumergue avec son défilé des délégations et au cours de laquelle l’ancien athlète et rugbyman Géo André prêta le serment olympique devant une foule imposante et enthousiaste. En 1924, la participation atteint un nouveau record: 44 nations (dont 27 pays européens) et 3088 athlètes (mais seulement une grosse centaines de femmes) pour un total de 126 épreuves. Devant des juges en canotier, chapeau ou casquette, le Finlandais Paavo Nurmi va devenir une star des Jeux de Paris en s’imposant sur les épreuves de fond et de demi-fond. Un certain Barnes deviendra champion olympique à la perche en passant 3,95m tandis que les sprinters creusent, sur la ligne de départ, des trous dans la cendrée pour avoir de meilleurs appuis et piaffent « comme des lévriers tirant sur leur laisse » ! Des champions comme les Britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell écrivent des pages épiques qui leur vaudront d’être immortalisés par le cinéma dans Les chariots de feu (1981). Un autre champion va connaître la gloire à Paris 1924, c’est l’Américain Johnny Weissmuller qui s’impose en natation avant de connaître la gloire hollywoodienne en incarnant Tarzan en 1932. Les Français se font remarquer en water-polo tandis que les « Mousquetaires » Borotra, Lacoste, Brugnon et Cochet s’imposent en tennis. Le documentaire distille encore des images de lutte libre (dans le cadre du Vel d’Hiv), d’escrime, d’aviron, de voile, d’équitation, de marathon, de polo, de cyclisme, de rugby à 15, de boxe ou de football. En 1924, la France finira troisième au tableau des médailles avec 38 breloques dont 13 en or. Dans les suppléments, Les Jeux Olympiques de Chamonix 1924 (37mn). Organisée à Chamonix du 25 janvier au 4 février 1924, la Semaine Internationale des sports d’hiver a précédé de quelques mois les Jeux Olympiques de Paris 1924. Mêlant patinage artistique, course de ski et bobsleigh (entre autres épreuves), cette compétition sera rétrospectivement considérée comme la première édition des Jeux Olympiques d’hiver. (Carlotta)
Homme ArgileL’HOMME D’ARGILE
C’est une vie de grande routine que celle de Raphaël, le gardien du domaine campagnard dans lequel se trouve la demeure décatie mais pleine de charme de la famille Chaptel. Il passe ses journées à chasser les taupes à l’explosif, effectue divers travaux de jardin avant de rentrer chez Lucienne, sa vieille mère avec laquelle il se chamaille volontiers. Raphaël s’évade dans la pratique de la cornemuse dont il joue au sein d’un groupe local de musique traditionnelle. Le costaud taiseux et borgne s’offre aussi des escapades érotiques avec Samia, la factrice du bourg qui aime l’entraîner dans des jeux coquins. Pourtant, une nuit de gros orage, l’existence de Raphaël va basculer. Débarquant sans bagages d’une grosse limousine, Garance Chaptel demande qu’on lui ouvre le manoir familial. Tandis qu’en hâte, Raphaël retire les draps qui couvrent meubles et fauteuils, Garance s’installe et demande qu’on la laisse en paix. L’héritière Chaptel n’est pas du genre commode mais c’est aussi une artiste-plasticienne qui s’est taillée une réputation grâce à des performances remarquées. Si on ignore ce que Garance vient faire sur les lieux de son enfance, on a d’emblée la certitude que Raphaël est tombé fou amoureux d’elle. Tandis que Raphaël tourne comme un ours en cage, refusant désormais les invitations de Samia à la gaudriole et se demandant encore ce que Garance, la bourgeoise froide et cassante, recherche, cette dernière va lui faire une proposition inattendue. Elle lui demande de poser pour elle. « Nu ? » demande Raphaël qui s’y refuse d’abord… Fille des comédiens et réalisateurs Karl Zéro et Daisy d’Errata, Anaïs Tellenne signe, ici, à 36 ans, son premier long-métrage et réussit d’emblée une belle et surprenante histoire de passion amoureuse qui explore aussi le thème de la création artistique. Un homme simple, d’apparence frustre, est bouleversé par l’amour et va devenir, face à Garance, une sorte de muse au masculin. Pour Raphaël, emporté dans un univers aussi inconnu que fascinant, cette femme-artiste représente tout ce dont il est exclu, en l’occurrence le monde de l’art, la société des riches, l’esthétisme… En s’appuyant sur une belle image, une lumière très travaillée, une musique captivante, la cinéaste construit, ici, une fable contemporaine touchante, drôle et sensible sur la manière dont le regard de l’autre nous façonne et nous transforme. Surtout, elle réunit deux comédiens magnifiques. Emmanuelle Devos (qu’on a vu récemment dans Boléro et qui est actuellement au cinéma à l’affiche de Pourquoi tu souris?) incarne parfaitement une artiste en plein questionnement. Quant au gardien, il est incarné par le brillant Raphaël Thiéry et on finit par ne plus voir que lui tant son Raphaël est merveilleux. (Blaq Out)
Hors SaisonHORS SAISON
La belle cinquantaine grisonnante, Mathieu est un acteur de cinéma qui tourne beaucoup et que le public apprécie. Mais le comédien a le bourdon. Le voilà débarquant d’un taxi dans un hôtel breton et immaculé pour un séjour de thalasso. On lui attribue une suite prestige Océan spirit et va pour le peignoir blanc, les bains à remous, les soins et les massages. Stéphane Brizé plante un décor à la Tati dans lequel Mathieu a l’air bien emprunté. Tout cela serait d’ailleurs assez burlesque si le comédien n’éclatait pas en sanglots en entendant le metteur en scène de la pièce de théâtre qu’il a laissé en plan à un mois de la générale, le traiter de « petit mec… » L’aventure bascule avec un message déposé à la réception et envoyé par Alice. Elle a dépassé la quarantaine, est mariée et a une fille adolescente. Elle donne des leçons de piano non loin de la thalasso. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps a passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Remarqué avec sa trilogie sociale (La loi du marché, En guerre et Un autre monde), le cinéaste signe, ici, une authentique chronique sentimentale autour du sentiment de désillusion. Sans jamais perdre de vue Alice et Mathieu. Guillaume Canet incarne cet acteur en plein doute face à cette Alice (excellente Alba Rohrwacher) qui a masqué son désarroi derrière un sourire poli. Une femme qui a renoncé à ce qui l’habite profondément pour se réfugier dans une vie avec un homme aimant qui ne lui fera jamais de mal. Depuis quinze ans, elle s’est protégée en se réfugiant dans une existence rangée. Mais le pansement commence aujourd’hui à se décoller. Alice se révèle une femme audacieuse qui décide de se mettre en danger. C’est elle qui pose tendrement sa main sur la nuque de Mathieu pour une brève rencontre de quelques jours. On croit entendre alors les paroles de la chanson (signée Delerue/Colpi en 1961) qu’Alice fait chanter aux pensionnaires de l’Ehpad où elle intervient : Trois petites notes de musique – Ont plié boutique – Au creux du souvenir – C’en est fini de leur tapage – Elles tournent la page – Et vont s’endormir. (Gaumont)
Madame SevigneMADAME DE SEVIGNE
« Où est la marquise de Sévigné qui m’enchantait ? » Françoise de Grignan se désole. Elles sont loin, les heures indolentes et ensoleillées où, sur les bords d’un fleuve, la mère promettait : « Je vous veux heureuse, indépendante et maîtresse de votre destinée. » Une destinée qui passe par la fréquentation de la Cour et la perspective d’un beau parti. Las, par une nuit de fête et sous les éclats des feux d’artifice, le roi croise la jeune Françoise et la bouscule dans un fourré. Marie de Sévigné, en réussissant à arracher sa fille aux ardeurs royales, signe aussi une forme de disgrâce. La ravissante Françoise devient difficile à marier. En 1669, Françoise épouse le comte de Grignan, déjà veuf deux fois et nettement plus âgé qu’elle. Dans ce mariage, elle apporte l’argent, lui le nom… Pour son second long-métrage de fiction, Isabelle Brocard, dans une mise en scène fluide qui privilégie l’intime, orchestre le duo mère-fille le plus célèbre de la littérature française mais montre surtout les tourments d’une relation fusionnelle et finalement dévastatrice. Car, en ce milieu du 17e siècle, la marquise veut faire de sa fille une femme brillante et libre, à son image. Plus elle tente d’avoir une emprise sur le destin de la jeune femme, plus celle-ci se rebelle… Avec deux belles comédiennes (Sara Giraudeau et Karin Viard), la cinéaste décrit une relation emplie de déception, de provocations entre les deux femmes. Françoise pourrait tout à fait se séparer de sa mère : elle préfère adopter une posture de victime permanente. Madame de Sévigné pourrait prendre ses distances et cesser d’empiéter sur la vie de sa fille… Mais l’une et l’autre en sont incapables. (Ad Vitam)
Comme Un FilsCOMME UN FILS
Pour Jacques Romand, l’enseignement, c’est terminé. Naguère, le prof a été une « vedette » des réseaux sociaux pour s’être retrouvé au coeur d’une bagarre entre deux lycéens qu’il tentait de séparer. Un soir alors qu’il fait ses courses, Jacques est témoin d’un vol commis par trois individus. Deux réussissent à s’enfuir mais Jacques ceinture le troisième, un adolescent de 14 ans, sans papiers et sans adresse. Plus tard, Jacques est victime d’un cambriolage. Dans une chambre, il trouve son jeune voleur endormi. Jacques va alors complètement s’investir dans le « sauvetage » de Victor. Nicolas Boukhrief brosse le portrait d’un enseignant qui a perdu sa vocation et s’attache donc à l’un de ces « piliers de la République » dans sa vie quotidienne. Une existence évidemment bouleversée par un jeune Rom sauvage et soupçonneux qui va, petit à petit, passer de la survie dans la rue à une approche, d’abord timide puis prometteuse, de cette éducation qui permet d’être dans la société et non pas à côté. Dans un rôle écrit pour lui, le monstre sacré Vincent Lindon se glisse, avec son habituelle aisance, dans la peau d’un héros du quotidien confronté aux silences et aux non-dits d’un Victor qui explique qu’il vole pour éviter de se faire battre par son oncle. Victor (Stefan Virgil Stoica) devient la première préoccupation de l’ancien prof. Cependant, alors que Victor et les siens disparaissent de leur campement, l’histoire se met un peu à tourner à vide. Jacques devient bénévole dans une association d’aide à l’enfance en danger. Et on voit sans peine se pointer une romance entre Jacques et la responsable de l’association… Mais l’hommage à l’éducation reste évidemment bienvenu. (Le Pacte)
Son Nom Venise Calcutta désertSON NOM DE VENISE DANS CALCUTTA DESERT
Le cinéma a toujours occupé une place de choix dans le parcours de Marguerite Duras. Du scénario d’Hiroshima mon amour (pour Resnais) à ses adaptations de ses propres écrits au grand écran (La Musica, Détruire, dit-elle) en passant par ses réalisation originales comme Nathalie Granger, La femme du Gange ou Baxter, Véra Baxter, l’écriture en images a volontiers captivé la romancière. En 1975, elle porte à l’écran India Song, adapté de sa pièce de théâtre éponyme de 1973. Duras filme magnifiquement Delphine Seyrig dans l’emblématique personnage d’Anne-Marie Stretter, autrefois épouse de l’ambassadeur… Un soir, lors d’une réception à l’ambassade et dans la torpeur estivale de la mousson, le vice-consul de France (Michael Lonsdale) à Lahore avait crié son amour à Anne-Marie au beau milieu de la réception… Pour India Song, Duras pratique la désynchronisation de ce qu’elle nomme « le film des voix » et « le film des images ». L’année suivante, avec Bruno Nuytten à la photographie et Carlos d’Alessio pour la sublime musique, la cinéaste retrouve les voix de Delphine Seyrig et Michael Lonsdale et ira plus loin encore avec Son nom de Venise dans Calcutta désert, œuvre hypnotique et extrême qui s’applique à briser complètement la représentation au cinéma. Radical, étrange, âpre (dans son long cri d’amour), provocant évidemment dans sa permanente voix off, cette quête vagabonde et mortifère d’un amour (le mystère Anne-Marie Stretter) et cette réflexion sur la mémoire, traversée par des fantômes et des lieux vides et hantés, est un fameux moment de cinéma. Déroutant mais étourdissant. (Gaumont)
Bis RepetitaBIS REPETITA
« Si on la ferme, on peut avoir 19 ! » Propos d’élève de la minuscule classe de latin d’un lycée public d’Angers. C’est là que Delphine est professeur. Elle a en charge une section de classe d’une demi-douzaine d’élèves auxquels elle a tout bonnement renoncé à enseigner. Cependant la prof accorde à sa petite bande de très bonnes notes (19/20) et a donc acquis une excellente réputation pédagogique. Et voilà donc que, patatras, sa classe est sélectionnée pour participer à un concours académique international en Italie. Pas question de faire faux bond. Contrainte par des raisons administratives, la proviseure du bahut lui ordonne de se rendre à cette compétition. Mieux, Delphine devra se rendre en Italie en compagnie de Rodolphe, un doctorant en lettres classiques qui se trouve être le neveu très zélé de la proviseure. Voilà, notre bande de cancres, leur prof désabusée et un accompagnateur lunaire en route pour le championnat du monde de latin, à Naples. Pour sauver l’option latin, et surtout sa situation confortable, Delphine ne voit qu’une solution : tricher ! Après avoir travaillé sur différentes séries télé comme HP, Parlement, Les sept vies de Léa ou Loulou, Emilie Noblet est passée au grand écran avec cette comédie dans l’univers du lycée. Bien sûr, ce n’est pas la première fois que le cinéma choisit ce cadre, de préférence avec des adolescents bien nazes ou complètement amorphes. Mais jusqu’à présent, on n’était pas encore entré dans une classe de latinistes. Quant à la prof, même si elle a de « mauvaises idées » pour réussir son championnat, elle parvient cependant à embarquer ses élèves dans une belle aventure. Et puis, comme c’est souvent le cas pour que ce genre de production, il faut un duo d’acteurs qui tiennent la route. Ici, c’est Louise Bourgoin et Xavier Lacaille (vu en assistant parlementaire novice dans la série Parlement de France Télévisions) qui s’y collent. Et ça marche agréablement. (Le Pacte)
Robot DreamsROBOT DREAMS
Chien solitaire, Dog vit à Manhattan. Un jour, il décide de se construire un copain robot. Leur amitié grandit, jusqu’à devenir inséparables, au rythme du New York des années 1980. Une nuit de fin d’été, après avoir nagé à Ocean Beach, Robot commence à rouiller au point d’être immobilisé. La saison se terminant et la plage ne rouvrant qu’à partir du début juin de l’année suivante, Dog est contraint de l’abandonner sur la plage car le poids trop important l’empêche de le déplacer. Les saisons passent, Dog essaye de vivre sa vie tout en espérant revenir réparer son ami lors de la réouverture, et Robot continue de rêver de son côté. Tous deux continuent de garder l’espoir de se retrouver un jour. Tombé rapidement sous le charme de l’émouvante histoire d’amour contée par le roman graphique américain éponyme de Sara Varon, le cinéaste espagnol Pablo Berger (remarqué en 2012 pour Blancanieves, une libre adaptation de Blanche-Neige dans l’Andalousie des années 20) a décidé de l’adapter en film d’animation en mettant fortement l’accent sur les thématiques de la solitude mais surtout de l’importance et de la fragilité de l’amitié. Berger réussit un film efficace, qui avec une animation de belle qualité, parvient à contourner les clichés et à procurer, sans mots, une émotion véritable. Récompensé dans divers festivals dont celui d’Annecy et nommé à l’Oscar du Meilleur film d’animation, ce film est un petit bijou d’animation sensible. (Wild Side)
 Pas Ombre DesertIL N’Y A PAS D’OMBRE DANS LE DESERT
Ecrivaine française, Anna se rend à Tel Aviv pour assister au procès d’un ancien nazi. Son père doit venir la rejoindre pour témoigner au procès. Dans la salle d’audience, Anna est observée par Ori, un homme dont la mère doit également témoigner. Ils ont en commun d’avoir des parents victimes de l’extermination des Juifs par les nazis mais surtout Ori affirme qu’ils se sont connus et aimés vingt ans plus tôt à Turin. Anna n’en a aucun souvenir. Et pourtant, elle propose de ramener Ori et sa mère chez eux en voiture quand Ori victime de crises d’angoisse devient incapable de conduire. Puis Anna accepte de se faire accompagner à l’aéroport par Ori tout en ne cessant de lui répéter qu’il l’importune… Mais, peut-être qu’au milieu du désert, les choses deviendront plus claires… Car, sur la route de l’aéroport, Ori (Yona Rozenkier) décide d’entraîner Anna dans les sables… « On était écrasés par une souffrance qui n’était pas la nôtre ». Alors que la génération des survivants de la Shoah disparaît peu à peu, le poids du traumatisme historique et de la culpabilité pèse toujours sur leurs familles. À travers l’intrigue mystérieuse et romantique entre deux descendants de survivants, Il n’y a pas d’ombre dans le désert mêle habilement les thèmes de mémoire collective et de souvenirs intimes. Entre quête d’identité, film de procès, road-movie désertique et histoire d’amour, le second film de l’Israélien Yossi Aviram s’avère aussi inclassable qu’original. Drame profond et mélancolique, superbement photographié dans le désert israélien, sur les souvenirs incertains d’une relation passionnelle, le film doit beaucoup à Valerie Bruni-Tedeschi dans un personnage de femme entre force et fragilité. (Blaq Out)
Le SuccesseurLE SUCCESSEUR
Nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de haute couture française, Ellias Barnès, heureux et accompli, peut voir la vie en rose. Quand il apprend que son père, avec lequel il n’entretient plus de relation depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. En vidant la demeure paternelle, le « prince de la mode » va découvrir une horrible vérité enfouie. Le jeune créateur, aussi réputé que torturé, va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du coeur fragile de son père. Largement fêté par la critique qui célèbre son intensité et sa maîtrise, Xavier Legrand avait frappé un grand coup en 2017 avec Jusqu’à la garde, un premier film sur les violences conjugales qui lui valut pas moins de quatre César dont celui du meilleur film et celui du meilleur scénario original. Autant dire qu’on attendait de découvrir le second « long » du cinéaste… Avec l’envie de parler de « la violence des hommes et de montrer comment le patriarcat peut écraser les femmes, les enfants mais aussi les hommes », Legrand se lance franchement, ici, dans le cinéma de genre en entraînant le spectateur dans les profondeurs très noires d’un thriller familial traversé par la question de l’hérédite. Car la découverte que va faire Ellias dans la cave de la maison de son père, va l’emporter dans une histoire vertigineuse. Le fils, sans alerter la police, va tenter de gérer lui-même une tragédie qui va forcément l’éclabousser au moment même où il arrive sur le devant de la scène lumineuse et immaculée de la mode internationale dont il pourrait devenir l’un des maîtres… Librement inspiré de L’ascendant, le roman d’Alexandre Postel, publié en 2015 chez Gallimard, Le successeur a, cette fois, divisé la critique. Les uns vantant une ambiance asphyxiante, une mise en scène précise et flamboyante, les autres pointant un scénario invraisemblable et l’absence de toute idée de mise en scène un peu maline. Mais la critique s’accord à saluer les belles interprétations des comédiens québécois Marc-André Grondin (dans le rôle d’Ellias) et d’Yves Jacques. (Blaq Out)
Dans Peau Blanche HouellebecqDANS LA PEAU DE BLANCHE HOUELLEBECQ
Michel Houellebecq a accepté d’honorer de sa présence un concours de sosies de lui organisé en Guadeloupe. Une compétition dont le jury est présidé par Blanche Gardin, une artiste aux opinions politiques assez éloignées des siennes. Assez réticent à s’y rendre, le romancier accepte cependant et part, accompagné de Luc, son assistant et garde du corps. Ce dernier profite de ce voyage pour régler une obscure et mystérieuse affaire avec des amis qu’il avait sur place. S’en suivent de burlesques et rocambolesques épisodes qui verront Michel témoin d’un meurtre, attaché par des menottes à Blanche Gardin après avoir échappé à la police, ou sous l’emprise de champignons hallucinogènes. À cela s’ajoute un climat de revendications indépendantistes sur l’île qui va perturber le concours… Connu pour ses films noirs (Une affaire privée, Cette femme-là, La Clef), Guillaume Nicloux s’est ensuite diversifié, adaptant notamment La religieuse de Denis Diderot. Le cinéaste a aussi fait tourner à plusieurs reprises Michel Houellebecq dans son propre rôle, au cinéma dans L’enlèvement de Michel Houellebecq (2013), Thalasso (2019) et donc désormais dans ce nouvel opus. Réalisateur prolifique et surprenant, Nicloux signe, ici, une fantaisie loufoque dans laquelle on sent clairement que le cinéaste s’amuse à expérimenter, incluant notamment dans sa mise en scène, les imprévus du tournage. Nicloux, qui aligne une série de caméos (Françoise Lebrun, Gaspar Noé, Jean-Pascal Zadi) laisse aussi la bride sur le cou à son duo-vedette… Houellebecq a toujours l’air « décalé » et décati tandis que Blanche Gardin se régale, s’offrant même quelques écarts pipi-caca… Irrévérencieux, caustique, absurde, politiquement incorrect. (Blaq Out)
KaraokéKARAOKE
« Chanter, c’est ma passion ! » Mais voilà, Fatou ne chante pas juste. Ce que Bénédicte traduit par un « Vous avez une voix un peu difficile… » La première est femme de chambre dans un hôtel de luxe. La second est une diva de la scène qui vit, depuis toujours, dans le dit hôtel. Deux femmes que rien, évidemment, ne devait amener à se rencontrer. Sauf qu’après une soirée pleine d’excès, la célèbre chanteuse d’opéra, voit sa carrière s’écrouler. Fatou, passionnée de karaoké, est la seule à lui tendre la main. Mais la pétulante femme de chambre a une idée derrière la tête : convaincre Bénédicte de participer au grand concours national de karaoké. La parfaite maîtrise vocale de l’une et la ténacité de l’autre pourraient bien faire des étincelles et les amener très loin. Scénariste et réalisateur, Stephane Ben Lahcene utilise un ressort classique de la comédie de cinéma, en l’occurrence les tensions puis la rencontre amicale, enfin l’énergie partagée d’un tandem dépareillée. D’un côté, la coincée déconnectée du vrai monde et surtout de la culture populaire, de l’autre une femme de la réalité qui doit se bagarrer avec des problèmes abondants. Mais, entre les deux, quelque chose va se jouer. Autour du… karaoké et d’un (improbable) concours qui va les entraîner jusqu’au Japon. Le cinéaste peut, ici, s’appuyer sur un duo qui fonctionne bien avec Michèle Laroque en diva reconvertie et Claudia Tagbo, l’humoriste franco-ivorienne, en passionnée de karaoké. Bien complices, ces deux-là réussissent à entraîner le spectateur dans une sympathique comédie musicale. (UGC)

L’HORREUR NAZI HORS-CHAMP ET AYA LA BELLE CONTEMPLATIVE  

Zone InteretLA ZONE D’INTERET
Des azalées et des roses, des phlox et des dahlias ! Dans le joli jardin de la famille Höss, il y a de quoi réaliser de ravissants bouquets pour embellir une grande maison propre et claire. Et, dans le potager, poussent des tomates et des choux-rave, du fenouil, du romarin, des citrouilles et des haricots qui feront d’excellents repas pour papa Rudolf, maman Hedwig et leurs petits Johann, Hans, Inge-Brigit, Annagret et Heideraut… Mais ces images parfaitement bucoliques avec fleuve tranquille, abords ombragés, verdure et forêt alentour ne trompent pas longtemps. Nous sommes en Pologne, là où, durant la guerre, le Reich hitlérien étend son espace vital. L’Obersturmbannführer Rudolf Höss n’est autre que le commandant du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz. Mari tranquille et attentionné, il veille au bien-être des siens et laisse à son épouse Hedwig le soin d’élever sa petite troupe. Pourtant cette observation de la paisible vie quotidienne de la famille Höss se heurte constamment à un haut mur, à des barbelés, à des bâtiments surmontés de cheminées qui crachent nuit et jour des fumées rougeoyantes. De ce côté-ci du mur gris, Hedwig Höss et ses amies prennent le café et du strudel, de l’autre, on assassine de manière industrielle. Avec un regard implacable autant qu’impassible, Jonathan Glazer orchestre la coexistence de deux extrêmes. Celui des Höss se déroule devant nos yeux. L’autre est dans un hors-champ d’autant plus terrifiant qu’il se résume à des sons. Optant pour une forme audacieuse d’inversion, le cinéaste britannique conserve une horreur fugitive sans que son importance soit banalisée, ni sa capacité à déranger diluée. Car un bourdonnement ininterrompu traversé d’éclats brutaux, de coups de feu, de hurlements glace le sang. Peut-on, hors le documentaire, filmer l’Holocauste ? Le cinéma s’est régulièrement posé la question. Glazer demeure aux portes de l’enfer mais c’est pour mieux bousculer le spectateur confronté à l’innommable à travers les allers et venues de la famille Höss. Bonne mère de famille allemande dévouée à son époux, à ses enfants et à la cause national-socialiste, Hedwig vaque aux tâches du foyer. Lorsque sa mère lui demande si les domestiques sont juifs, elle lance, joyeusement, « Les Juifs sont de l’autre côté du mur ». Hors de vue, hors de l’esprit. A côté d’un Christian Friedel impressionnant dans la peau d’un Rudolf Höss, calme fonctionnaire de la banalité du Mal, on retrouve Sandra Hüller, déjà applaudie naguère dans Anatomie d’une chute. La comédienne, qui se refusait jusque là à incarner un personnage de nazi, est une véritable bobonne allemande, qui rit, en racontant, que son Rudi la surnomme « la reine d’Auschwitz ». Elle est effroyable de calme quand elle dit, à une domestique polonaise : « Si je voulais, mon mari pourrait répandre tes cendres à Babice… » « Nous parlons ici, dit Glazer, de probablement l’une des pires périodes de l’histoire de l’humanité, mais nous ne pouvons pas dire ‘mettons-la au placard’ ou ‘il ne s’agit pas de nous, nous sommes à l’abri de tout ça, c’était il y a 80 ans’. Nous ne pouvons pas nous dire que cela ne nous concerne plus. Clairement, cela nous concerne, et c’est troublant de le constater, mais cela sera peut-être toujours le cas. Donc je voulais porter un regard moderne sur le sujet. » Grand prix du festival de Cannes 2023, La zone d’intérêt est à bien des égards, un film majeur et exceptionnel. Y compris par sa manière, aussi étrange que saisissante, de nous rappeler qu’il importe de ne jamais oublier l’Histoire. Au risque de la revivre. (Blaq Out)
Black TeaBLACK TEA
Dans une mairie en Côte d’Ivoire, des couples attendent de convoler. L’ambiance est à la joie. La seule qui ne sourit pas sous son voile blanc, c’est Aya. Son promis vient de dire: « Oui, je consens ! ». La jeune femme tarde. A une parente, elle a glissé : « Je ne veux pas vivre mon futur dans le mensonge. » Alors, dignement, Aya se lève et, devant l’assistance médusée, s’éloigne… On la retrouve dans les rues de Canton où elle a trouvé un travail dans la boutique de thé du taiseux Cai, un Chinois de la quarantaine… Largement célébré à Cannes 2014 pour l’impressionnant Timbuktu, le cinéaste Abderrahmane Sissako signe, cette fois, une déambulation grave et poétique, entre la Côte d’Ivoire, la Chine et le Cap-Vert, au coeur de laquelle Aya va tenter de trouver ses marques. Pratiquant bien le mandarin, elle est aussi à l’aise dans la boutique de thé que parmi la communauté d’expatriés africains. Mais Aya (Nina Mélo) s’interroge sur sa liaison avec Cai et se demande si elle pourra survivre autant aux préjugés qu’aux tumultes de leurs passés. Les deux personnages centraux du film incarnent la rencontre sociale, politique et économique entre l’Afrique et la Chine. De fait, Aya et Cai se retrouvent surtout dans l’envie d’une vie harmonieuse à travers une entente et une compréhension des autres. Refusant le folklore, Sissako met en scène une œuvre contemplative traversée par des émotions, des sentiments, des sensations mais aussi par une douceur charnelle, ainsi les séquences dans l’arrière-boutique où Cai initie Aya aux gestes immuables et précis de la cérémonie du thé. Et ces gestes semblent appartenir aussi à un rituel amoureux. On songe parfois au In the Mood for Love de Wong Kar-wai. Impression renforcée par la musique avec les accents très saudade de la morna cap-verdienne ou encore à la reprise du Feeling Good de Nina Simone par Fatoumata Diawara. Une œuvre singulière et belle, grave et gracieuse. (Gaumont)
BoleroBOLERO – LE MYSTERE RAVEL
Comme le rappelle le générique de fin, il ne se passe pas un quart d’heure sans qu’une interprétation du Boléro ne se fasse quelque part dans le monde ! A son tour, Anne Fontaine s’est donc penché sur cette pièce qui sera, en 1928, l’instrument de la consécration internationale de Maurice Ravel (1875-1937) même si le compositeur ne la considère que comme une expérimentation d’orchestration. Le film s’ouvre sur la visite de Ravel et de la célèbre danseuse et chorégraphe Ida Rubinstein dans une usine. Ravel veut lui faire entendre « les sons d’une symphonie mécanique », ceux de la marche du temps qui avance. Ida Rubinstein veut que le musicien écrive la musique de son prochain ballet. Avec une exigence : qu’il soit à la fois « charnel, envoûtant et érotique ». Las, Ravel n’arrive pas « à faire surgir l’idée tapie dans un coin… » Cinéaste éclectique, Anne Fontaine propose une belle variation autour du biopic, l’abordant sous l’angle -franchement romantique- de Ravel et les femmes et emportant le spectateur dans les pas d’un homme à la frêle stature, compositeur aussi exigeant que talentueux et personnage cerné par les femmes. Ainsi, tournent autour de lui, sa mère persuadée que le monde reconnaîtra l’excellence de son fils, Ida Rubinstein, Marguerite Long, Madame Revelot, la fidèle gouvernante ou la séduisante Misia Sert, surnommée « la reine de Paris », amie et muse amoureuse, toujours présente et qui lui glisse : « Ce que vous demandez à la musique, je le demande à l’amour… » Entouré d’Anne Alvaro, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Sophie Guillemin, Mélodie Adda et Doria Tillier, Raphaël Personnaz incarne un artiste taraudé par les doutes qui, parlant de son Boléro, dira : « Je lui en veux un peu d’avoir mieux réussi que moi ». (M6)
Moonlight ExpressMOONLIGHT EXPRESS
Après la mort tragique de Tatsuya, son fiancé disparu dans un accident de voiture, Hitomi décide de partir pour Hong Kong où le couple avait prévu de s’installer. Là-bas, la Japonaise croise la route de Karbo, un policier local infiltré qui ressemble trait pour trait à son amour perdu. À mesure que les deux jeunes gens apprennent à se connaître, l’attirance qu’ils ressentent l’un pour l’autre se fait plus forte. Et lorsque Karbo, trahi par ses pairs, voit sa mission échouer, Hitomi choisit de fuir avec lui… Connu pour ses films d’action rythmés ou des films de super héros (Black Mask, A Fighters’s Blues, La quatorzième lame), le réalisateur hongkongais Daniel Lee surprend, en 1999, en changeant de registre et en mêlant le thriller, façon Infernal Affairs , à une romance tendre et touchante. De fait, parce que la mise en scène soignée peut s’appuyer sur une photographie de qualité, une belle histoire (sans qu’elle ne soit très originale) portée par de charmantes plages musicales et surtout sur des comédiens en verve, tout cela fonctionne bien agréablement. Daniel Lee donne en effet le double personnage de Tatsuya/Karbo à un Leslie Cheung aussi bon que dans des films qui l’avait mis dans la lumière, ainsi, en 1993, le magnifique Adieu ma concubine de Chen Kaige ou, en 1997, Happy Together de Wong Kar Wai. L’alchimie fonctionne entre Cheung et la jeune comédienne japonaise Takako Tokiwa. Sans oublier une apparition de la grande Michelle Yeoh. Du beau travail à découvrir pour la première fois en Blu-ray dans sa version restaurée 2K. (Carlotta)
Inchallah Un FilsINCHALLAH UN FILS
En Jordanie, de nos jours. Nawal et son mari vivent dans la capitale Amann. Ils ont une fille et essaient d’avoir un deuxième enfant. Bien que jeune, le mari de Nawal meurt dans son sommeil. Désormais, Nawal, 30 ans, va devoir se battre pour sa part d’héritage, afin de sauver sa fille et sa maison, dans une société où avoir un fils changerait la donne. Le temps des condoléances passé où chacun affirme évidemment à Nawal qu’il est là pour elle en cas de besoin, la jeune femme va se retrouver face au système injuste d’une société encore patriarcale où, en l’absence d’héritier mâle, le patrimoine du couple revient… à la famille du défunt ! En 2023, le réalisateur Amjad Al Rasheed, considéré comme l’un des talents montants du jeune cinéma jordanien, évoque le parcours complexe et difficile d’une jeune veuve qui tente de préserver ses biens et la garde de sa fille, face aux cadres juridique, religieux et culturel qui étouffent ses initiatives et sa liberté. C’est bien entendu l’absurde injustice administrative qui impressionne dans cette chronique marquée par la profonde solitude de Nawal. Au-delà même du droit, il lui faut faire aussi avec son beau-frère qui réclame une dette impayée. Nawal sait bien ce que dernier peut également en cas de défaillance devenir le tuteur de sa nièce et l’enlever à la garde de sa mère… Luttant à la fois pour son indépendance et même, plus que cela, pour sa survie, Nawal va tenter de faire valoir ses droits -d’autant qu’elle travaille comme aide-soignante mais sans contrat de travail. Elle explique aussi qu’elle a apporté des biens et de l’argent en dot au moment du mariage, rien n’y fait. D’ailleurs, aucun document officiel ne confirme ses affirmations. Et se dire que si elle avait un fils, tous les ennuis disparaitraient comme par enchantement. Avec pour cadre, la capitale jordanienne qui est aussi un personnage marquant d’Inchallah, un fils, Amjad Al Rasheed, pour son premier long-métrage, réussit à nous embarquer, sans céder au mélo lourdingue, dans le récit réaliste et bouleversant du combat d’une femme marquée par le deuil et qui, cependant, ne veut pas baisser les bras, ni rentrer dans le rang. Vue dans Je danserai si je veux (2016) de Maysaloun Hamoud et dans la série Fauda (2015-2022), la comédienne israélienne Mouna Hawa est une superbe Nawal digne et courageuse, austère et sensuelle, qui, à cause de la camionnette de son mari, entrevoit un brin d’espoir. (Pyramide)
Bullets Over SummerBULLETS OVER SUMMER
Alors qu’un gang tue des flics, des gardes et des invités lors d’un mariage, deux flics en civil sont désignés pour faire l’enquête sur ce bain de sang. Ils vont chercher un appartement en face de celui d’un des suspects, un revendeur d’armes, que leur informateur leur a indiqué. Il se trouve que l’appartement qu’ils choisissent est celui d’une dame âgée quelque peu excentrique. Sénile, elle les prend pour des membres de sa famille et les appelle Mike et Brian. Les jours passent et les deux hommes commencent à s’attacher à leur colocataire et à tisser des liens avec les gens du quartier. « Brian » drague une écolière un peu punk sur les bords et « Mike », orphelin, essaie de trouver le confort d’une famille avec une femme enceinte, propriétaire d’une laverie. Mais il se rend vite compte qu’il est atteint du syndrome de Huntington, une maladie héréditaire et rare qui se traduit par une dégénérescence neurologique provoquant d’importants troubles moteurs, cognitifs et psychiatriques… Mais le gangster et ses sbires font leur grand retour… Imprévisible de bout en bout, le septième long-métrage du prolifique cinéaste hongkongais Wilson Yip (Juliet in Love, SPL) impressionne par la richesse de sa mise en scène et d’un récit, tout en ruptures de ton et de genre. Croisant le film d’action ultra-violent au polar pur et dur, passant du buddy cop movie à la chronique familiale réaliste, Bullets Over Summer, réalisé en 1999, offre un remarquable exemple du savoir-faire inimitable du Nouveau Cinéma hongkongais, formidablement interprété par le duo Francis Ng et Louis Koo. Le film, qui sort pour la première fois en Blu-ray dans sa version restaurée 2K, est accompagné, dans les suppléments, d’une présentation par Jean-Pierre Dionnet. (Carlotta)
14 jours Pour Aller Mieux14 JOURS POUR ALLER MIEUX
Cadre ambitieux et cartésien, Maxime ne pense qu’à sa carrière et à son futur mariage avec Nadège, la fille de son patron. Au bord du burn-out, seul à ne pas s’en rendre compte, il se retrouve embarqué par son futur beau-frère Romain au beau milieu de son pire cauchemar… Un stage de bien-être encadré par Clara et Luc, un couple de « clairvoyants », avec des stagiaires plus lunaires les uns que les autres. Deux semaines pour aller mieux, au cours desquels ses principes et préjugés vont être soumis au régime zénitude et bienveillance ! C’est en travaillant sur les spectacles de Kev Adams qu’Edouard Pluvieux, le réalisateur de 14 jours… a découvert Maxime Gasteuil. Il le trouve sympathique et décide d’aller voir son one-man-show intitulé Maxime Gasteuil arrive en ville. Ensemble, ils collaboreront au second long-métrage du cinéaste avec l’idée centrale de voir comment le le personnage de Max, un type avec une grande gueule enfarinée, allait évoluer dans un stage de bien-être. Plutôt qu’un enchaînement de sketches, Edouard Pluvieux a mis en scène une vraie comédie, agréablement barrée et qui fait la part belle, outre Maxime Gasteuil dans le rôle principal, à des comédiens comme Zabou Breitman et Lionel Abelanski (le couple de gourous) ou encore Chantal Lauby, Michel Boujenah, Romain Lancry ou Bernard Farcy… (Wild Side)
True Detective S4TRUE DETECTIVE – SAISON 4
Dans la ville reculée d’Ennis, en Alaska, les huit scientifiques travaillant à la Station de Recherche Tsalal disparaissent. Sur les lieux du drame, on découvre la langue coupée d’une femme dont les enquêteurs pensent qu’elle serait une autochtone. Cette femme pourrait être Annie Kowtok, une Inuit poignardée à mort et la langue coupée après avoir protesté contre la construction d’une mine locale… Des photographies attestent d’une relation entre Annie et l’un des chercheurs disparus. Bientôt les policiers sont invités à se rendre à proximité d’un lac gelé. On y a découvert les corps nus des chercheurs, figés dans une masse solide, avec leurs vêtements soigneusement pliés sur la neige. True Detective: Night Country, le quatrième volet de la série anthologique primée de HBO se déroule en six épisodes captivants. Ce sont à nouveau les détectives Liz Danvers (Jodie Foster) et Evangeline Navarro (Kali Reis) qui sont sur le coup et qui devront affronter les ténèbres qu’elles portent en elles et creuser les vérités hantées qui se trouvent enfouies sous la glace éternelle. Après la Louisiane (saison 1), la Californie (saison 2) et les monts Ozarks dans l’Arkansas (saison 3), la quatrième saison a, pour décor, une station de recherche arctique du côté de North Slope en Alaska, où il fait nuit en permanence durant plusieurs semaines en hiver. Dans les bonus: A la rencontre des “True Detectives”, Exploration de la culture Inuit, Test de Rorschach, le décor et un récapitulatif des épisodes. (Warner)
2001 Odyssee2001 : L’ODYSSEE DE L’ESPACE
Cet été, la collection The Film Vault propose différents titres fameux dans des éditions steelbooks collectors tirées des dessins originaux de Matt Ferguson et Florey de Vice Press. Ainsi, plus de cinquante années après sa sortie, on peut revoir 2001: L’odyssée de l’Espace, le chef-d’œuvre oscarisé de Stanley Kubrick. Une œuvre-culte réalisée en 1968 et qui présente une vision poignante de l’homme contre la machine sur un mélange stupéfiant de musique et d’action. Kubrick, (qui a co-écrit le scénario avec Arthur C. Clarke), rend d’abord visite à nos ancêtres préhistoriques, puis effectue un bond de plusieurs milliers d’années, grâce à un fondu enchaîné magistral, vers l’espace colonisé. Enfin, il envoie l’astronaute Bowman (Keir Dullea) vers les régions inconnues de l’espace, sur la route de l’immortalité. Resté célèbre pour sa précision scientifique, ses effets spéciaux révolutionnaires pour l’époque, ses scènes ambiguës, son usage d’œuvres musicales au lieu d’une narration traditionnelle, et pour le rôle secondaire qu’occupent les dialogues dans l’intrigue, le film est mémorable aussi pour sa bande-son (avec Le beau Danube bleu ou Ainsi parlait Zarathoustra) conçue par Kubrick lui-même, afin d’épouser au mieux les scènes du film. « Hal, ouvre la porte s’il te plait. » Que l’extraordinaire voyage commence. Un film qui demeure toujours comme une référence à n’importe qui voulant représenter l’espace. (Warner)
ImaginaryIMAGINARY
Autrice et illustratrice de livres pour enfants, Jessica est en panne d’inspiration. Et sa vie personnelle ne va pas beaucoup mieux que sa vie professionnelle. En couple avec Max, Rebecca est désormais la belle-mère de Taylor, qui la déteste, et d’Alice, qui, au moins, l’aime bien. À cela s’ajoute un père hospitalisé et catatonique. Lorsque cette famille recomposée emménage dans la maison où Rebecca a vécu durant son enfance, la petite Alice devient tout accaparée par un mystérieux ourson en peluche qu’elle a trouvé dans le sous-sol et prénommé Chauncey. Tout commence par des jeux innocents, mais le comportement d’Alice devient de plus en plus inquiétant. Tandis qu’elle tente de recoller les fragments oubliés de son enfance, Jessica comprend alors que Chauncey est bien plus qu’un simple jouet et qu’Alice court un réel danger. Passé dans la cour des grands à Hollywood en dirigeant Aaron Taylor Johnson, Chloe Grace Moretz et Jim Carrey dans Kick-Ass 2 (2008), Jeff Wadlow joue avec la figure inoffensive de l’ami imaginaire et donne un film d’horreur autour du sous-genre du jouet maléfique. Normalement rassurant pour son jeune propriétaire, ce jouet va se révéler spécialement mortifère. Tout cela alors que les adultes alentour semblent bien inconscients des machinations du monstre. Même si elle paraît dépassée, Rebecca (l’Américaine DeWanda Wise, vue en Nola Darling dans la version série télé du She’s Gotta Have It de Spike Lee) va quand même se battre… Efficace ! (Metropolitan)

 

L’AMOUR FOU ET LA MEMOIRE DE NICKY  

Empire SensL’EMPIRE DES SENS
Dans les quartiers bourgeois de Tokyo en 1936, Sada Abe, ancienne prostituée devenue domestique, aime épier les ébats amoureux de ses maîtres et soulager de temps à autre les vieillards vicieux. Attiré par elle, Kichizo, son patron, bien que marié, va l’entraîner dans une escalade érotique sans bornes. Partagé entre ses deux maisons, celle qu’il partage avec son épouse et celle qu’il partage avec Sada, Kichizo va avoir de plus en plus de mal à se passer de Sada et celle-ci va de moins en moins tolérer l’idée qu’il puisse y avoir une autre femme dans la vie de son compagnon. Kichizo demande finalement à Sada, pendant un de leurs rapports sexuels, de l’étrangler sans s’arrêter, quitte à le tuer. Sada accepte, l’étrangle jusqu’à ce qu’il meure, avant de l’émasculer dans un ultime geste. Elle écrit ensuite sur la poitrine de Kichizo, avec le sang de ce dernier : « Sada et Kichi, maintenant unis ». A son producteur français Anatole Dauman, le réalisateur japonais Nagisa Oshima dira : « Notre film doit devenir une arme bien efficace pour la lutte contre la censure franco-japonaise, contre la censure de nos deux pays. » De fait, lorsqu’il réalise L’Empire des sens en 1976, le cinéaste japonais Nagisa Oshima, enfant terrible de la Nouvelle vague nippone, brise tous les tabous en filmant la passion amoureuse à l’état pur et de manière frontale. Cet hymne à l’amour et au sexe reste aujourd’hui l’une des œuvres les plus insolentes sur l’obsession érotique et sa pulsion de mort. Autour de ce film d’une scandaleuse beauté, Carlotta a fait ce remarquable travail éditorial dont on sait qu’il a le secret. Voici en effet un beau double coffret ultra collector dans une restauration 4K et dans une édition limitée et numérotée à 3000 exemplaires. On y trouve L’empire des sens accompagné de suppléments comme l’histoire du film (41 mn) ou un documentaire (54 mn) de David Thompson et Serge July qui mêlant documents d’archives et entretiens réalisés en 2010, retrace l’histoire et la postérité du film et celle de son réalisateur. On y trouve aussi L’empire de la passion réalisé en 1978 par Oshima et La véritable histoire d’Abe Sada (1975) de Noboru Tanaka. Enfin le coffret (avec un visuel exclusif d’Adam Juresko) propose La Révolte de la chair, un livre de 160 pages (avec 45 photos d’archives) dans lequel Stéphane du Mesnildot relate le combat engagé par Oshima pour la liberté d’expression. Après avoir retracé le destin hors norme de la véritable Abe Sada, Stéphane du Mesnildot revient sur le scandale provoqué par le film comme par sa suite « à rebours », L’empire de la passion. L’ouvrage propose également le dossier de presse français de L’Empire des sens enrichi d’un texte inédit de Nagisa Oshima sur le montage de son film à Paris… (Carlotta)
Une VieUNE VIE
Fin septembre 1938, Hitler, en champion du principe des nationalités, décide de « libérer les Allemands des Sudètes » de l’« oppression » tchécoslovaque, promettant à l’Europe, « une paix pour mille ans ». Du côté de Prague, nul, pourtant, n’est dupe des visées du Führer. Et les familles juives peuvent craindre la solution finale… Pourtant, en 1938, entre Londres et Prague, un courtier britannique décide de tout mettre en œuvre pour sauver le plus d’enfants tchécoslovaques. Cet homme, Nicholas Winton, on le retrouve, dans l’Angleterre de 1987. Même âgé, Winton ne cesse de penser aux autres en militant dans des associations caritatives. Son épouse, elle, se désole de voir s’accumuler partout des cartons de documents, d’autant que leur fille, récemment maman, doit les rejoindre. Alors Nicholas décide de tout brûler. Mais pas question de faire disparaître une mallette en cuir. Elle contient le précieux « livre de Prague » avec des coupures de presse, des courriers, des listes avec des milliers de noms et surtout les photos des visages tristes des enfants tchèques… Avec son premier long-métrage, l’Anglais James Hawes signe un bon biopic qui réussit d’une part à rendre hommage à Nicholas Winton dont l’action, durant la dernière guerre, n’était guère connue et d’autre part à provoquer l’émotion, notamment grâce au jeu sensible de cet immense comédien qu’est Anthony Hopkins. Il incarne le vieil homme qui se retourne sur ses souvenirs, hanté par les noms et les photos des enfants qu’il n’a pu arracher à l’ignominie nazie. Un homme qui, dans la tourmente guerrière, s’est dit : « Je dois le faire ! » Et qui entendra un rabbin praguois qu’il doit convaincre de lui donner une liste d’enfants juifs à emmener vers l’Angleterre, lui enjoindre : « Si tu commences, tu achèves ! » Avec fougue et peut-être même un peu d’ingénuité, Nicholas Winton sauvera 669 enfants juifs. Une vie revient aussi sur l’événement qui a conduit à faire connaître cet Oskar Schindler britannique du grand public. En 1988, l’émission That’s Life de la BBC consacre une partie de son programme à Winton et à son « livre de Prague ». A cette occasion, Winton (disparu en 2015 à l’âge de 106 ans) retrouvera des enfants, désormais adultes, qui ont survécu grâce à lui. Alors, on peut entendre la litanie des noms des « enfants de Nicky » : Elsie, Petr, Jan, Marta, Esther, Vera, Hanus… (M6)
DaaaaaliDAAAAALI !
Quentin Dupieux est un ovni dans le cinéma français ! Il réalise des films à la chaîne et conjugue le mot fantaisie à tous les modes. Sa rencontre avec l’univers de Salvador Dali était une évidence. Avec le premier plan du film sur un piano-fontaine, Dupieux, d’entrée, ramène le spectateur à l’oeuvre du peintre de Cadaquès et donne les règles du jeu. « On entre dans un monde où les pianos sont des fontaines infinies, où poussent des arbres, sur fond de paysage doré ». Voici donc un 12e long-métrage complètement foutraque, carrément délirant, positivement barré ! Mais sans jamais verser dans le n’importe quoi. Comment en aurait-il pu être autrement puisque le cinéaste confie : « Pour écrire et réaliser cet hommage, je suis entré en connexion avec la conscience cosmique de Salvador Dali et je me suis laissé guider, les yeux fermés. » Jeune journaliste, Judith Rochant semble tenir le bon bout puisqu’elle a l’inestimable chance de pouvoir interviewer l’immense Salvador. Voilà pour un semblant de trame car Daaaaaali ! s’embarque joyeusement sur ces brisées loufoques qui font le sel (et l’ordinaire!) des œuvres de Quentin Dupieux. Il faut bien cela pour cerner un personnage « excentrique et concentrique, à la fois anarchiste et monarchiste ». Un évêque sur un âne, une pluie de chiens morts, un repas qui prend une étrange tournure… Luis Bunuel est convoqué aussi… Enfin, on ignore si c’est le maître qui a soufflé à Queeeeeentin, l’idée de convoquer cinq comédiens pour interpréter son personnage, évidemment trop complexe pour un seul homme… Gilles Lellouche, Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Didier Flamand et Edouard Baer s’emparent de Dali avec une joie manifeste. Quant à Quentin Dupieux, il s’amuse comme un fou à changer, d’un plan à un autre, d’interprète pour son singulier artiste. Anaïs Demoustier, dans le rôle de Judith, participe avec grâce au généreux vent de folie qui traverse Daaaaaali ! Dali le disait lui-même, sa personnalité était probablement son plus grand chef d’oeuvre. Avec drôlerie et déférence, mais oui, Dupieux nous le raconte ! On monte à bord de cette aventure surréaliste avec ravissement. (Diaphana)
Green BorderGREEN BORDER
Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède. A la frontière entre le Belarus et la Pologne, synonyme d’entrée dans l’Europe, ils se retrouvent embourbés avec des dizaines d’autres familles, dans une zone marécageuse, à la merci de militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent peu à peu qu’ils sont les otages malgré eux d’une situation qui les dépasse, où chacun -garde-frontières, activistes humanitaires, population locale- tente de jouer sa partition… C’est un sacré parcours que celui d’Agnieska Holland ! La cinéaste polonaise, aujourd’hui âgée de 75 ans, est remarquée dès 1988 avec Le complot sur l’assassinat du prêtre Jerzy Popiełuszko, membre de Solidarność, par la police secrète communiste. En 1990, elle signe Europa Europa, drame de guerre sur l’odyssée de Sally Perel. Dès le début des années 90, elle va travailler pour la télévision et réalise des épisodes des séries The Wire, Cold Case, The Affair ou House of Cards. Avec Green Border, entièrement tourné en Pologne, la cinéaste revient à des temps de guerre au coeur de l’Europe en nous amenant à voir à la fois des familles syriennes fuyant leur pays comme des Polonais qui ont décidé d’assister ces personnes maltraitées par l’armée de leur pays. « Ce ne sont pas des gens ! Ce sont des balles vivantes ! » dit un officier. Car les armées polonaise et biélorusse considèrent les migrants comme des ballots trimballés de part et d’autre des barbelés, sans aucune considération pour la vie humaine, et notamment les enfants qui composent ces groupes traqués dans un jeu inhumain. Agnieska Holland s’intéresse particulièrement à une psychologue qui décide d’aider un collectif oeuvrant dans la région : « On ne laissera plus jamais personne dans les bois… » mais aussi à un militaire qui excite ses hommes contre ces intrus présentés comme des combattants planifiant une invasion de la Pologne ! Agnieszka Holland qui a réalisé son film dans « un état d’urgence et de colère », a obtenu le prix spécial du jury à la Mostra de Venise tandis qu’Amnesty international lui décernait un coup de cœur. En Pologne, par contre, la cinéaste a fait l’objet d’attaques haineuses et antisémites. Le ministre polonais de la justice a comparé le film à de la propagande nazie, comme du temps où « les Allemands, durant le IIIe Reich, produisaient des films de propagande montrant les Polonais comme des bandits et des meurtriers ». (Condor)
VivantsVIVANTS
Ancienne guide de haute-montagne, Gabrielle, 30 ans, intègre une prestigieuse émission de reportages. Elle doit très vite trouver sa place au sein d’une équipe de grands reporters. Malgré l’engagement de Vincent, leur rédacteur en chef, ils sont confrontés au quotidien d’un métier qui change, avec des moyens toujours plus réduits, face aux nouveaux canaux de l’information. Habités par leur passion pour la recherche de la vérité, leur sens de l’humour et de la solidarité, ils vont tout tenter pour retrouver la foi de leurs débuts et se réinventer. Après avoir fait ses débuts comme journaliste-caméraman à l’agence Capa, Alix Delaporte s’est tournée vers le cinéma. Elle débute dans le « long » avec le touchant Angèle et Tony (2011) qui vaudra les César du meilleur espoir à Clotilde Hesme et Gregory Gadebois. Deux comédiens qu’elle retrouvera, en 2014, pour Le dernier coup de marteau. Avec Vivants, la cinéaste aborde un genre dans lequel le cinéma hollywoodien, de Bas les masques (1952) à Spotlight (2015) en passant par Les hommes du président (1976), excelle, en l’occurrence le film de journalisme. La cinéaste choisit de montrer la fin d’un monde, celui des grands reportages à l’international qui ont fait les belles heures de la télévision. Aujourd’hui les audiences sont en baisse et les responsables des chaînes sont de plus en plus tenus à des objectifs de rentabilité. « Petit à petit, dit-elle, les jeunes journalistes finissent eux-mêmes par s’autocensurer. C’est dommage, mais ça ne me rend pas pessimiste. » Ainsi elle met en scène le personnage de Vincent qui annonce l’arrêt d’une émission et s’adresse aux plus jeunes en leur demandant s’ils veulent vraiment s’accrocher à un programme qui a plus de quinze ans. « Inventez vos trucs », dit-il… Si Alix Delaporte a situé l’action dans une agence de presse, c’est pour pouvoir jouer aussi la carte du film choral, de chercher à montrer la vérité de personnages incarnés par d’excellents comédiens : Alice Isaaz, Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Pascale Arbillot. Un film qui célèbre la beauté du journalisme ! Auquel on reprochera sans doute d’être hagiographique. (Pyramide)
Tsiganes Montent CielLES TSIGANES MONTENT AU CIEL
Dans la Ruthénie subcarpathique au 19e siècle, profitant que les soldats austro-hongrois passent joyeusement la soirée au quartier, le tzigane Loïko Sobar et trois comparses s’emparent de leurs chevaux pour les vendre à un maquignon qui leur verse un acompte et promet de verser le solde à Pâques. En chemin, ils sont interceptés par des gendarmes qui tentent de les capturer, font feu et tuent les trois compagnons de Sobar. Blessé, Sobar s’échappe, mais finit par tomber inanimé dans des broussailles. Quand il revient à lui, une belle jeune fille le soigne avec de la « poussière de lune » puis disparaît. Désormais l’image de la jeune fille tzigane ne le quitte plus…. Alors que ses proches affirment que la jeune fille, prénommée Rada, est une sorcière, la tête de Sobar est mise à prix. La gendarmerie austro-hongroise vient saccager le campement des Roms et menace de tuer tous les chevaux. Menacé de ruine, le père de Sobar promet de leur montrer où son fils se trouve. En rentrant au campement Sobar découvre le désastre… En s’inspirant de récits de l’écrivain russe Maxime Gorki, le cinéaste russo-moldave Emil Loteanu (1936-2003) a imaginé cette aventure d’un voleur de chevaux au tournant du 20e siècle dans les steppes de la frontière ukraino-roumaine. Le cinéaste propose son projet aux studios Moldova-Film mais ce sont les studios russes de Mosfilm qui, en 1976, donneront naissance à cette fresque qui tient à la fois du western, de la romance shakespearienne et du musical façon Broadway ! Loteanu insuffle à son film un beau souffle lyrique dans une série de tableaux visuellement superbes qui s’intéressent aux visages de cette tribu joyeuse et tragique. Du beau cinéma ! (Potemkine)
BoulevardBOULEVARD
Abandonné par son cafetier de père qui a refait sa vie avec une mégère abusive, Jojo habite seul dans une mansarde donnant sur la place Pigalle. Par orgueil vis-à-vis de ses voisins et notamment les parents italiens de la jeune Mariette, il s’efforce de ne pas avoir l’air seul, joue au dur et tombe amoureux de Jenny, une danseuse de cabaret, maîtresse de Dicky, un boxeur de seconde zone. Commence alors pour cet adolescent, la découverte d’un monde aux mœurs et activités déroutantes. En s’appuyant sur un roman de Robert Sabatier et un scénario de René Barjavel, Julien Duvivier, le merveilleux cinéaste de La belle équipe, Pépé le Moko ou Panique, réalise, en 1960, son 66e film (présenté dans une resauration 4K) sur une carrière qui en comptera 71, témoignant d’une véritable poésie de la jeunesse et de ses amours enfantins, exaltés par le parfum authentique du Paris des années soixante. Au moment où la Nouvelle vague s’apprête à bousculer les règles du 7e art, Duvivier engage, pour tenir le rôle de Jojo, l’épatant Jean-Pierre Léaud, tout juste sorti des 400 coups de Truffaut. Cette aventure qui fleure bon le Paris populaire de la place Clichy lui donne l’occasion de camper un presque gamin découvrant les règles impitoyables du monde des adultes. Un monde dont Jojo s’échappe en montant sur les toits pour observer combien c’est beau, une ville la nuit. Autour de Léaud, Duvivier  réunit une jolie galerie de personnages défendus par Magali Noël, Pierre Mondy, Robert Dalban ou Jacques Duby. (Pathé)
Les CoupablesLES COUPABLES
Sur une plage, dans les années 1900, des enfants font une macabre découverte, ce qui oblige le juge d’instruction Spiccaci à se rendre dans un petit village au sud de Naples pour mener une enquête. Les indices sur les auteurs du double crime mènent vers la Camorra, mais la peur et la corruption freinent l’enquête. Jeune et courageux, le magistrat travaille à partir d’indices fortuits et tente de reconstituer la dynamique du délit. Beaucoup de gens sont interrogés, même ceux qui sont apparemment au-dessus de tout soupçon. Décidé à aller au fond de la question, Spicacci met tous les suspects en état d’arrestation, ce qui provoque une réaction hostile de l’opinion publique. Face à la résistance passive générale, même de ses propres collègues, le juge découragé est sur le point d’abandonner l’enquête, mais un élément nouveau apparaît. Remotivé, le juge (Amedeo Nazzari) est prêt à « mettre toute la ville en résidence surveillée ». Souvent considéré, à ses débuts, comme un tenant du néo-réalisme rose, en raison d’un mariage entre des éléments mélodramatiques et des aspects de comédie de mœurs, colorée d’ironie grinçante, Luigi Zampa (1905-1991) signe, en 1952, Processo alla città (titre original), l’une de ses réalisations les marquantes, coécrite avec Francesco Rosi, et l’une des premières interprétations courageuses des phénomènes sociologiques liés à l’activité de la Camorra, la mafia napolitaine, notamment l’emprise sur les populations, et la figure de l’enquêteur incorruptible (ici un juge) qui continue à accomplir sa tâche, parfois au péril de sa vie… (Gaumont)
Bob Marley One LoveBOB MARLEY ONE LOVE
En 1976, la Jamaïque est en proie à un violent conflit armé entre le parti travailliste et le parti national du peuple. Dans ce contexte tendu, Bob Marley annonce que lui et son groupe The Wailers vont participer au concert Smile Jamaica organisé à Kingston pour promouvoir la paix. Peu de temps avant l’événement, Bob Marley, sa femme Rita et certains musiciens sont victimes d’une tentative d’assassinat à leur domicile. Rita et Bob sont hospitalisés mais remis à temps pour le concert alors que Don Taylor est le plus touché après avoir reçu plusieurs balles… Après avoir mis en scène La méthode Williams (2021), biopic sur Richard Williams et sur la façon dont il a entrainé ses filles Venus et Serena à la pratique du tennis, le réalisateur américain Reinaldo Marcus Green s’attaque à une icône musicale avec Bob Marley considéré comme l’un des artistes les plus prolifiques de l’histoire et largement célébré pour avoir fait connaître le reggae au cours de ses presque vingt ans de carrière avant de disparaître en 1981, emporté par le cancer. Au même titre que Walk the Line (2005) sur Johnny Cash ou Bohemian Rhapsody (2018) sur Freddy Mercury et Queen, Bob Marley One Love se range parmi les bons biopics que le cinéma a offert à la musique. D’autant que le metteur en scène ne se contente pas de passer en revue les étapes de la vie de Marley mais propose notamment un point de vue sur l’engagement du chanteur en faveur de la paix tout en mettant en lumière la spiritualité et la philosophie de vie Rastafari. Le britannique Kingsley Ben-Adir (vu dans Barbie) se glisse avec aisance dans la peau du musicien jamaïcain et porte un film riche en séquences musicales et qui évoque la fameuse tournée en Europe ou encore la création de l’album Exodus. C’est parti pour Get Up, Stand Up ! ou No Woman No Cry qui vont nous traîner dans l’oreille pour un moment. (Paramount)
Chateau Amants MauditsLE CHATEAU DES AMANTS MAUDITS
En 1598, au château de La Petulla à Rome, le riche seigneur Francesco Cenci règne en cruel despote sur tous les siens. Ce patricien violent, dissolu et avide de jouissance, vient de faire assassiner son fils aîné. Sa seconde femme, de l’âge de ses fils, est devenue la maîtresse de son fils Giacomo… Lorsque Francesco meurt assassiné, l’enquête diligentée pour retrouver son meurtrier s’arrête sur son fils Giacomo, l’amant de sa belle-mère Lucrezia. Pour le défendre, Lucrezia accuse Olimpio Calvetti, l’intendant de Francesco, qui avait aidé Béatrice Cenci, la fille de Francesco. Soumise à la torture, Béatrice accuse également Olimpio, mais elle est condamnée à mort et décapitée au château Saint-Ange. Le personnage de Beatrice Cenci (1577-1599), la noble Italienne surnommée la belle parricide a inspiré les auteurs, de théâtre, de littérature (Stendhal, notamment), de musique et de cinéma. Dès 1908, Albert Capellani signe un film sur elle, suivi en 1909 par Mario Caserini. Le dernier film en date est celui de Lucio Fulci en 1969 intitulé, en français, Liens d’amour et de sang. Mais avant Fulci, c’est Riccardo Freda qui avec le superbe mais méconnu Château des Amants maudits, s’emparait librement de l’histoire de Béatrice (Mireille Granelli) en jouant sur l’atmosphère torve d’un mélodrame historique. Maître du cinéma populaire italien et de la série B, Freda (1909-1999) donne une touche gothique et colorée à cette aventure intime où il fait de Béatrice une jeune innocente broyée par une sale machination familiale. (Gaumont)
Rose de la MerLA ROSE DE LA MER
Jérôme Jardehu et son oncle Romain possèdent, ensemble, un bateau, La Rose de la Mer. A bord de ce vieux cargo, ils naviguent avec une bande de forbans. Mais Jérôme comprend que son oncle, capitaine du bateau, et son équipage de malfrats ont décidé de couler le cargo pour toucher la prime d’assurance. Sur le point d’intervenir, il découvre à bord une passagère clandestine qui vient d’accoucher et meurt en lui confiant son enfant. Pour sauver le bébé, Jérôme tue un homme, parvient à ramener le cargo au port, et se rend à la justice. Peu connu du grand public, souvent injustement oublié, Jacques de Baroncelli (1881-1951) n’en reste pas moins un cinéaste prolifique. Lui qui débuta sa carrière en 1915, alors que le cinéma n’était pas encore parlant, a réalisé plus de 80 films. Tourné en 1946, La Rose de la mer est l’une de ses dernières œuvres cinématographique du cinéaste. En 1948, il tournera encore un Rocambole avec Pierre Brasseur dans le rôle-titre puis sa suite, La revanche de Baccarat. Passionné de littérature et ayant regretté toute sa vie de n’avoir eu une carrière d’écrivain, De Baroncelli adapte, ici, un roman de Paul Vialar, prix Fémina 1939, et plonge dans l’univers très masculin de la marine. Cette fois, il dirige Roger Pigaut (Sortilèges de Christian-Jaque, Antoine et Antoinette de Becker) dans le rôle d’un marin touché par la bonté face à Fernand Ledoux (Goupi mains rouges de Becker, La bête humaine de Renoir) en cruelle crapule. Un huis clos haletant (restauré à partir des négatifs originaux nitrate) qui cache en creux un touchant récit d’espoir et de rédemption. (Pathé)
Les ChevresLES CHEVRES !
Saviez-vous qu’au 17e siècle, les animaux pouvaient être jugés pour avoir commis un crime ? A Paris, en l’an 1691, un homme âgé raconte aux spectateurs l’histoire d’un procès, auquel il assista quarante ans plutôt en compagnie de son oncle, Maître Pompignac, qui a accepté de défendre sans le savoir une chèvre accusée d’avoir tuer Grégoire Hubert de Colombe, un Maréchal de France. Ce dernier marchait un matin le long d’une rivière où on le retrouva à moitié immergé dans le courant avec une blessure profonde dans la fesse et la chèvre à côté du corps sans vie. Maître Pompignac, risée du barreau, pense avoir trouvé l’affaire de sa vie. Mais c’était sans compter sur son adversaire, le redoutable et réputé Maître Valvert et surtout sur Josette ! Après un long procès où la défense et l’accusation rivalisent de spectacle pour gagner le public, il s’avère que la chèvre est innocente. En effet, Maître Pompignac démontre comment le vieux Maréchal s’est tué tout seul par accident. Après Le Jeu (2018) et Radin ! (2016), Fred Cavayé est de retour avec un film désopilant renouant avec la tradition des grandes comédies d’époque ! Le scénario est bien ficelé, les dialogues enlevés et tant Dany Boon (Pompignac) que Jérôme Commandeur (Valvert) s’ingénient, en cabotinant volontiers, à camper deux avocats hauts en couleur, qui se livrent un combat aussi féroce qu’hilarant. Le film s’achève avec l’homme du début et l’on comprend qu’il s’agit de Jean de La Fontaine, dont la carrière littéraire a démarré grâce aux nombreux procès que son oncle remporta en défendant systématiquement des animaux… (Pathé)
Inspecteur SunINSPECTEUR SUN ET LA MALEDICTION DE LA VEUVE NOIRE
Célébrissime araignée détective, Inspecteur Sun embarque dans un hydravion pour San Francisco après avoir enfin capturé son ennemi juré, le Criquet Rouge. Pendant le vol, le meurtre du Docteur Bugsy Epinestone l’entraîne dans une nouvelle enquête au cœur d’un complot qui menace à la fois le monde des humains et celui des insectes… Pur produit du cinéma d’animation espagnol, le film de Julio Soto Gurpide repose sur une histoire qui plaira autant aux jeunes spectateurs qu’à leurs parents. En effet, voici un flic renommé qui doit trouver l’auteur d’un crime, qui s’est déroulé en vase clos, au sein d’un avion reliant Shanghai à San Francisco, dans les années 1930. Un peu contre son gré, il est flanqué d’une jeune groupie qui voudrait qu’il lui apprenne les ficelles du métier. Les adultes pourront s’amuser des références au polar, à Agatha Christie et même aux femmes fatales, personnages classiques du film noir. Les plus jeunes s’amuseront de ces personnages aux corps d’insecte ou d’araignée. Bien sûr, question moyens, le cinéma d’animation ibérique ne peut rivaliser avec Hollywood mais il a, pour lui, un sens avéré du rythme, un design joliment coloré et un scénario digne de ce nom. (Blaq Out)

 

LES FANTOMES DE LUCIA ET LE COMBAT D’UN COUPLE YEMENITE  

Portier NuitPORTIER DE NUIT
Dans la Vienne de 1957, venu pour diriger une représentation de La flûte enchantée, le chef d’orchestre anglo-saxon Atherton pose ses valises à l’hôtel Zum Oper… A ses côtés, sa jeune épouse, la rayonnante Lucia. La jeune femme croise, par hasard, le regard de Max, le portier de nuit. Lucia est soudain bouleversée. Cet homme a hanté les nuits de Lucia, déportée naguère dans une camp de concentration. Impeccable dans son uniforme sombre, Max ne laisse rien paraître mais l’échange de regards entre la victime et le bourreau annonce d’emblée un fascinant vertige et une terrible relation qui va reproduire celle, totalement sadomasochiste, imposée par Max, alors officier de la SS, à la jeune femme dans les camps. Alors que les anciens camarades nazis de Max Aldorfer mettent tout en œuvre pour éliminer les témoins de leurs exactions, Lucia, restée seule à l’hôtel, cède à son attirance pour le portier. En 1973, la cinéaste italienne Liliana Cavani signe son cinquième long-métrage avec Portier de nuit dont l’idée lui est venue après avoir réalisé, pour la RAI, un documentaire sur le troisième Reich et après avoir visionné les nombreuses images tournées par les Alliés à la libération des camps de concentration. Dans une capitale autrichienne froide et vide magnifiquement photographiée par Alfio Contini, la réalisatrice orchestre, en alternant des séquences contemporaines avec des flash-back fantasmatiques dans les camps, une « love-story dans des conditions extrêmes sur fond de honte nazie », selon les mots de Charlotte Rampling. Pour cela, elle peut s’appuyer sur l’extraordinaire Dirk Bogarde dont le magnétisme n’a jamais été aussi impressionnant. Pour incarner Lucia, Cavani songeait à Mia Farrow mais le personnage revint à Charlotte Rampling, 27 ans, qui imposa avec brio cette femme irrémédiablement torturée par son désir et enfermée, au propre comme au figuré, dans un drame sans issue. Dès sa sortie, entre fascination et répulsion, Portier de nuit (qui sort dans une nouvelle restauration 4K inédite en Blu-ray) a provoqué des polémiques avant de devenir un film-culte. On reprocha à Cavani de brouiller la vision traditionnelle de la victime et du bourreau en illustrant à sa manière le syndrome de Stockholm. Il en va notamment de la scène où, entre érotisme, sadisme et nazisme, Lucia, coiffée d’une casquette de SS, pantalon à bretelles et seins nus, chante devant un parterre d’officiers nazis. Dans les suppléments, on trouve une interview de Liliana Cavani qui explique la genèse du film et les difficultés de production (le tournage a été interrompu par manque d’argent avant de reprendre) et une rencontre avec Charlotte Rampling qui évoque notamment son énorme admiration pour Dirk Bogarde. (Carlotta)
Lueurs AdenLES LUEURS D’ADEN
Isra’a vit avec son mari Ahmed et leurs trois enfants dans la ville d’Aden, au sud du Yémen, en 2019. Bien que leur vie quotidienne soit rythmée par les effets de la guerre civile, Isra’a et Ahmed mettent tout en œuvre pour tenter d’offrir une vie normale et une éducation à leurs trois jeunes enfants. La guerre civile qui fait rage a bouleversé économiquement le pays, et conduit au chômage de nombreux fonctionnaires, faute d’être payés, et a contraint Ahmed à devenir provisoirement chauffeur de taxi. Mais l’inflation pèse trop lourd sur les dépenses. Isra’a et Ahmed réalisent qu’ils ne pourront pas envoyer leurs enfants dans une école privée. Ils se résignent à chercher un autre appartement plus petit pour pouvoir payer le loyer. Quand Isra’a apprend qu’elle est enceinte, c’est le début d’une course contre la montre pour trouver une solution à ce nouveau problème, car le couple sait que la famille ne pourra pas survivre avec une bouche en plus à nourrir. Mais l’avortement est encore tabou dans ce pays très religieux… Première oeuvre du Yémen à être diffusée en France, issue d’un pays sans industrie cinématographique, Les lueurs d’Aden est un film riche, rare et précieux, une véritable curiosité. D’autant plus qu’il s’agit d’un film poignant, avec un scénario de qualité et un jeu d’acteurs authentique. Du Yémen, on ne sait que peu de choses, si ce n’est que c’est un pays ravagé par la guerre civile depuis des années. Avec Les lueurs…, le réalisateur yéménite Amr Gamal offre une occasion rare, celle de nous plonger dans le quotidien de sa ville. Alors qu’il nous fait parcourir les rues d’Aden, vieille capitale portuaire, chaque petit détail étonne et passionne, nous montrant l’héritage, la culture, mais aussi la déliquescence du pays. Mais au-delà de ce portrait saisissant du Yémen, le film s’empare d’un sujet tabou en terre d’Islam : l’avortement. Inspiré d’une histoire vécue par un couple d’amis, le cinéaste raconte ainsi le parcours du combattant pour avorter dans un pays où la chose est strictement interdite, confrontant les convictions politiques et religieuses de chacun, ainsi que les multiples interprétations du Coran. Si le sujet de l’avortement n’est pas neuf au cinéma, l’originalité ici est de voir ce combat pour la liberté de choix mené en couple. En supplément, un entretien avec le réalisateur Amr Gamal. (Blaq Out)
American SniperAMERICAN SNIPER
Durant son enfance, le jeune Chris Kyle a appris, par la voix de son père et à coups de ceinturon si nécessaire, que trois catégories composent le monde : les agneaux, les loups et les chiens de berger. Devenu adulte et ex-cavalier de rodéo, Kyle a choisi le camp des chiens de berger en participant à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s’imposant ainsi comme l’incarnation vivante de la philosophie des Navy SEAL : « Ne jamais abandonner un camarade ». La mission de Chris Kyle était de protéger ses frères d’armes en endossant le rôle de cible privilégiée des insurgés. Mais en rentrant au pays, auprès de sa femme Taya Renae et de ses enfants, Chris prend conscience qu’il ne parvient pas à laisser la guerre derrière lui. En s’inspirant de l’histoire vraie de ce soldat américain qui décide de s’engager dans les forces américaines après les attentats de Nairobi en 1998, Clint Eastwood (qui reprend le projet abandonné par Steven Spielberg) orchestre un puissant film d’action et de guerre dans la pure tradition du cinéma hollywoodien. En s’appuyant sur un excellent Bradley Cooper, le cinéaste brosse le portrait d’un tireur d’élite envoyé en Irak dès le début de la deuxième guerre du Golfe, en mai 2003. Au fil de ses quatre missions en Irak, Kyle va éliminer nombre d’adversaires. Sa précision et son adresse au tir (le Pentagone confirme 160 cibles abattues) sauvent de nombreux soldats américains, qui le surnomment très vite « La Légende ». De ce fait, Kyle, cible privilégiée des snipers irakiens, verra sa tête mise à prix. De retour au pays, rongé par le stress post-traumatique, Chris Kyle tentera de se remettre sur pied en s’occupant de vétérans. C’est l’un d’eux, un ancien Marine, qui l’abattra en février 2013… American Sniper, l’un des plus gros succès commerciaux de la carrière d’Eastwood (le film a réuni plus de trois millions de spectateurs en France), a aussi été l’objet de vastes polémiques autour d’un propos fascisto-patriotique du réalisateur mais aussi sur une apologie de la guerre et sur les moyens choquants pour la gagner… American Sniper sort dans une édition collector UHD-Blu-ray présentée dans un Steelbook qui comprend les disques 4K et Blu-ray du film, un poster double face, cinq cartes postales et un livret (32 pages) avec des notes de production. (Warner)
Brigade SecreteBRIGADE SECRETE
Un interne en médecine est assassiné au sein de l’hôpital Bellevue de New York. L’affaire semble compliquée et le chef de la police décide de placer l’inspecteur Fred Rowan, qui a officié comme infirmier dans l’armée, sous couverture dans l’établissement. Sa plongée en immersion lui fait courir de nombreux dangers… En 1950, George Sherman (1908-1991) tourne le dos à son genre favori, le western, pour proposer un bon film noir qui se distingue par son analyse d’un univers hospitalier pourri par la corruption. Le prolifique cinéaste dont la carrière hollywoodienne s’étend sur quatre décennies confie à Richard Conte, un comédien très à l’aise dans le genre du film noir (Appelez Nord 777 de Hathaway ou La femme au gardénia de Lang) le personnage de Rowan, un flic possédant quelques notions de médecine. Ce détective sensible et plein de (bonnes) intuitions va ainsi s’infiltrer dans l’établissement new-yorkais. Son oeil exercé lui permet alors de découvrir le meurtrier d’un jeune médecin et, en même temps, de démasquer un important réseau de trafiquants de drogue. L’atmosphère de l’hôpital est bien rendue et le suspense fonctionne bien. The Sleeping City (en v.o.) propose enfin une étude réaliste des moyens qu’emploient les toxicomanes pour satisfaire leur addiction. (Universal)
CocoricoCOCORICO
Chez les Bouvier-Sauvage, aristocrates viticoles fortunés, on est français de père en fils comme en atteste la galerie des ancêtres que Frédéric Bouvier-Sauvage aime à présenter aux visiteurs de son domaine. Les prochains visiteurs, ce sont Gérard et Nicole Martin. Eux ne sont ni aristocrates, ni spécialement fortunés. Mais il se trouve que leur fils François est amoureux d’Alice Bouvier-Sauvage. La première rencontre entre les deux familles, repoussée plusieurs fois par les Bouvier-Sauvage, va être plus que tendue. Frédéric, le père d’Alice, manque de s’étrangler en entendant sa fille annoncer son prochain mariage avec le fils d’un concessionnaire automobile. Pire, pour célébrer leur union et le mélange des deux familles, Alice, qui travaille dans un laboratoire produisant des tests ADN, en offre à ses parents et à ses futurs beaux-parents. Les révélations des tests ADN et des origines de chacun vont complètement bouleverser le destin des deux familles, et mettre en péril le mariage prévu… Scénariste des Tuche 2, 3 et 4, Julien Hervé signe une comédie qui ne fait pas dans la dentelle. D’ailleurs Christian Clavier (Bouvier-Sauvage) et Didier Bourbon (Martin) sont lâchés en liberté et ne se privent pas de mettre le paquet dans les colères pour l’un, les grosses vannes sur les Allemands pour le second. A leurs côtés, les épouses (Marianne Denicourt et Sylvie Testud) semblent presque dans la nuance. Enfin presque… Mais Cocorico appartient à ce cinéma dont les salles obscures ont besoin pour pouvoir vivre et satisfaire un public avide de pure détente. Et d’ailleurs le film frôle les deux millions de spectateurs dans les salles. Un petit côté Au théâtre ce soir sur un thème d’actualité puisqu’on parle de la possibilité de permettre la vente en France (où elle est interdite) de tests génétiques récréatifs. (M6)
Homme Voulait SavoirL’HOMME QUI VOULAIT SAVOIR
Sur la route des vacances en France, Rex et Saskia, un couple de Néerlandais, s’arrêtent sur une aire d’autoroute. Alors que Saskia se rend dans la boutique pour acheter une boisson, Rex l’attend à côté de la voiture. Ne voyant pas Saskia revenir, il part la chercher mais ne la retrouve pas. Trois ans plus tard, Rex est toujours obsédé par la disparition de sa compagne, mais il ne dispose d’aucune piste. Plusieurs fois, il reçoit une lettre lui donnant un rendez-vous en France dans un café, dont l’auteur prétend connaître la vérité sur la disparition. Bien qu’il se rende au rendez-vous, l’auteur ne se manifeste pas. Jusqu’à un jour où Raymond, le ravisseur (Bernard-Pierre Donnadieu), vient l’aborder. Il lui propose de lui expliquer ce qu’est devenue Saskia (Johanna Ter Steege). Rex décide d’accepter… En 1988, le réalisateur néerlandais George Sluizer donne, avec Spoorloos (titre original), un sympathique petit thriller hollandais qui fonctionne essentiellement sur le principe de la fausse piste. Dans une France où un couple d’étrangers a du mal à trouver ses marques, se joue un drame qui va connaître un rebondissement lorsque le psychopathe, qui s’ingénie à tirer toutes les ficelles, instaure un vrai face-à-face avec Rex (Gene Bervoets) dans une machination perverse et bien menée. En supplément, la présentation du film par Samuel Blumenfeld, journaliste au Monde et un livre écrit par Olivier Père, responsable du cinéma à Arte. (Sidonis Calysta)
Race GloryRACE FOR GLORY : AUDI VS. LANCIA
En 1983, Audi et Lancia participent au championnat du monde des rallyes, discipline attirant les constructeurs automobiles en raison de son impact commercial. L’écurie allemande, dirigée par l’ingénieur Roland Gumpert, est la grande favorite avec l’Audi Quattro, jugée révolutionnaire grâce à ses quatre roues motrices. Cesare Fiorio, superviseur chez Lancia, a la pression de la victoire car ses patrons commencent à s’impatienter. Lancia et le groupe Fiat veulent absolument remporter le titre constructeurs, malgré des moyens bien plus faibles qu’Audi. Pour rivaliser avec la marque allemande, Fiorio veut confier le volant d’une des voitures au pilote allemand Walter Röhrl, sacré champion du monde la saison précédente… Le cinéaste italien Stefano Mordini revient, avec ce biopic automobile, sur la rivalité entre les constructeurs automobiles Audi et Lancia lors du championnat du monde des rallyes 1983. Dans une forme très classique, le film oppose la maîtrise à la fougue, la rigueur germanique au tempérament latin et aussi la petite écurie à la grosse machine à priori intouchable. Tout cela en mettant en lumière le travail des directeurs d’écuries autant que celui des pilotes. Cette évocation des temps bénis des rallyes, du Monte-Carlo au San Remo en passant par la Suède. Comme avec Rush (2013) sur la rivalité entre Nicki Lauda et James Hunt ou Le Mans 66 (2019) sur la bataille entre Ford et Ferrari, les amateurs de voitures trouveront, ici, leur compte. Les autres pourront néanmoins se satisfaire d’un spectacle… rapide porté par l’Allemand Daniel Brühl (vu dans Inglourious Basterds de Tarantino) dans le rôle de l’ingénieur Gumpert et l’Italien Riccardo Scamarcio (vu dans Romanzo Criminale) dans celui de Cesare Fiorio. (Metropolitan)
FerrariFERRARI
A la fin des années cinquante, l’ancien pilote automobile Enzo Ferrari va mal. La faillite menace l’entreprise qu’il a construite, avec sa femme Laura, à partir de rien, dix ans plus tôt. Son mariage tangue aussi en raison de sa double vie aux côtés de Lina Lardi avec laquelle Enzo a eu un fils, Piero. Enzo est aussi marqué par la disparition de deux amis morts 20 ans plus tôt et surtout celui de son fils Dino, 24 ans, mort voilà un an. Dans la course aux records contre Maserati, Enzo Ferrari va mettre en danger ses pilotes d’essai, comme Eugenio Castellotti, qui se tue sous ses yeux. Après la mort de Castellotti, il engage un jeune pilote prometteur, Alfonso de Portago. Alors que la pression est colossale sur l’entreprise, Enzo Ferrari (1898-1988) décide de tout miser sur une seule course : l’emblématique Mille Miglia et ses 1000 miles à travers la péninsule. Réalisateur de films comme Heat (1995), Révélations (1999) ou Collateral (2004), l’Américain Michael Mann envisageait de monter depuis des années un biopic sur le fameux Commendatore, fondateur de Ferrari, la célèbre marque de voitures sportives italiennes. Ici, l’action se concentre sur les trois mois de l’été 1957. « Enzo Ferrari, dit le cinéaste, est un personnage romantique qui a voulu s’extraire de sa classe sociale (…) En 1957, la course automobile en est à ses débuts, ça reste un sport très meurtrier. En trois mois, la moitié des pilotes de l’écurie Ferrari a été décimée. Enzo voit son entreprise menacée de banqueroute. En parallèle, se joue l’avenir de sa famille car il mène une double vie. Il a une femme et des enfants cachés, il a perdu son fils, Dino. Amour, sexe, lutte de pouvoir, argent… La vie des Ferrari à ce moment-là, c’est un peu La traviata de Verdi ! » Mann a confié à Adam Driver le rôle d’Enzo Ferrari et à Penelope Cruz celui de Laura. (Cinebox)
The BeastTHE BEAST
Deux détectives en conflit doivent faire équipe pour résoudre un meurtre horrible. Après la découverte du corps mutilé d’une jeune fille sur l’estran d’Incheon, Han-soo et Min-tae, rivaux depuis des années, sont désormais chargés de trouver le coupable. L’affaire semble trouver une solution rapide avec un suspect en garde à vue, mais les choses prennent une tournure sombre lorsque Han-soo rencontre un informateur qui insiste sur le fait qu’il sait qui est le meurtrier. Alors que des dissimulations et des accords secrets s’ensuivent, la tension monte entre les deux détectives tandis que la pression pour résoudre le crime secoue la péninsule coréenne. Pour son premier long-métrage, le cinéaste sud-coréen Lee Jung-ho réalise, ici, un remake de 36, quai des Orfèvres (2004), le film français d’Olivier Marchal avec Daniel Auteuil et Gérard Depardieu en tête d’affiche. Dans The Beast, les attaques de transports de fonds à l’arme de guerre ont cédé la place à la traque d’un tueur en série spécialement sadique. Même si on a parfois du mal à suivre l’intrigue, il demeure que ce thriller installe une atmosphère oppressante alors qu’on observe deux flics, très peu exemplaires, se retrouver dans des situations dont ils ne sortiront pas indemnes. (Gaumont)
Fruits AmersLES FRUITS AMERS
Jeune révolutionnaire, Soledad est membre d’un groupe dissident d’un petit état dictatorial d’Amérique du Sud. Quand elle est arrêtée, soumise à un rude interrogatoire et emprisonnée, sa sœur Dita obtient sa libération en s’offrant à Alfonso, le directeur de la police, qui est amoureux d’elle et accepte donc le marché. Lorsque Soledad apprend que ses compagnons la soupçonnent d’avoir été libérée au prix d’une trahison, elle assassine le chef de la police pour être innocentée. Jacqueline Audry (1908-1977) est l’une des rares cinéastes françaises de la première partie du 20e siècle, à l’instar d’Alice Guy ou de Germaine Dulac. Elle fut ainsi la première réalisatrice à faire partie du jury du festival de Cannes, en 1963. En 1966, avec sa sœur aînée, la romancière Colette Audry, elle met en scène, avec une rigueur toute classique, ce drame de la passion et de l’honneur. La mise en scène est soignée et ménage la tension et les moments dramatiques. Si l’ensemble reste quelque peu théâtral, l’interprétation (avec Emmanuelle Riva dans le rôle de Soledad et Laurent Terzieff dans celui d’Alfonso), elle, est homogène et de belle qualité. Enfin les deux cinéastes ont su habilement utiliser des extérieurs tournés en Yougoslavie pour suggérer un contexte sud-américain. (Gaumont)
Aux Portes AuDelaAUX PORTES DE L’AU-DELA
A partir des travaux du docteur Edward Pretorius, une sommité en matière de paranormal, son assistant, Crawford Tillinghast, met au point un appareil censé stimuler la glande pinéale, un organe peu connu situé dans le cerveau, dans le but de permettre à l’être humain de percevoir l’existence d’autres réalités dimensionnelles imbriquées dans la nôtre. Lors de la première expérimentation du résonateur, d’étranges formes apparaissent, flottant dans les airs. Celles-ci attaquent les deux scientifiques et seul Crawford s’en sort indemne. Celui-ci est interné après avoir voulu raconter son histoire. Une jeune psychiatre décide de s’occuper de lui et lui demande de retourner dans la maison du docteur Pretorius afin de reconduire l’expérience. Mais Pretorius (Ted Sorel) a survécu à l’insu de Crawford (Jeffrey Combs), et est désormais transformé en une monstrueuse créature polymorphe, déterminée à soumettre l’humanité… Connu pour le cultissime Re-Animator (1985), l’Américain Stuart Gordon enchaîne, dès l’année suivante avec From Beyond (titre original) où il adapte, à nouveau pour le grand écran, une nouvelle de H.P. Lovecraft, l’un des grands maîtres du récit d’horreur volontiers abstrait et obscur. Ici, Gordon, bien que respectueux de Lovecraft et de ses inquiétants mondes parallèles, injecte, malgré des moyens modestes en effets spéciaux, pas mal de fantaisie de l’humour et une pointe d’érotisme. (Sidonis Calysta)
Iron ClawIRON CLAW
Dès les années 1960, Fritz Von Erich tente de faire vivre les siens en pratiquant le catch lors de petits évènements au Texas. Sa femme Doris le suit partout mais n’aime pas trop voir les combats. Quelques années plus tard, la famille Von Erich s’est agrandie et installée à Denton, toujours au Texas. Kevin, l’un des fils, devient champion poids lourds en 1979 tandis que son père, propriétaire de la Ligue mondiale de lutte, veut aussi mettre en avant l’un de ses autres fils, David. Le plus jeune, Mike, préfère quant à lui faire de la musique. De son côté, Kevin rencontre la jolie Pam et commence à sortir avec elle. Il lui fait comprendre que sa famille est très soudée et que c’est très important pour lui. La jeune femme, qui plait beaucoup à Fritz, commence à s’intégrer… Primé au festival de Sundance pour son premier film Martha Marcy, May Marlène (2011), le cinéaste américain Sean Durkin met, ici, en scène un film biographique sur la famille Van Erich qui va devenir une dynastie de célèbres catcheurs en popularisant notamment la prise nommé Iron Claw. Le cinéaste s’appuie sur un casting dans lequel on remarque, en tête d’affiche, Zac Efron dans le rôle de Kevin. Même si on ne s’intéresse que de (très) loin aux choses du catch, les multiples aventures, voire les drames de cette parentèle de sportifs, sont attachantes et reposent sur la fraternité et des valeurs familiales. Depuis 2009, la famille Von Erich figure dans le Hall Of Fame de la World Wrestling Entertainment. (Metropolitan)
Melchior ApothicaireMELCHIOR L’APOTHICAIRE
Une série de morts étranges secoue l’ancienne Tallinn. Un veilleur de nuit prétend avoir vu le spectre de Dorothea, la fille d’un riche marchand qui s’est noyée dans un puits plusieurs années auparavant. Le lendemain, il est retrouvé mort, tombé d’une haute tour. Peu de temps après, le cadavre d’une fille de joie est découvert près du puits, non loin de la boutique de Melchior. Alors que ces événements affolent toutes les superstitions, l’apothicaire est mandaté pour résoudre cette nouvelle énigme. Son enquête va le mener dans les bas-fonds de la ville pour démêler les fils du passé et mettre fin à cette série de meurtres mystérieux. En adaptant Le spectre de la rue du Puits, un livre de la série Melchior l’apothicaire de son compatriote, l’écrivain Indrek Hargla, le cinéaste estonien Elmo Nüganen donne, ici, un polar médiéval qui n’est pas sans faire songer au fameux Nom de la rose (1986) de Jean-Jacques Annaud. Ici, le projet est moins ambitieux et les comédiens beaucoup moins connus aussi. Mais les péripéties sont abondantes, les meurtres et les énigmes se multiplient, sans oublier une histoire d’amour. Une bonne aventure historique. (Condor)
Chien ChatCHIEN ET CHAT
Maîtresse de la chatte star d’internet Diva, Monica croise à l’aéroport Jack, un voleur, accompagné du chien qui vient d’avaler le butin de son dernier casse : un rubis. Les humains sont forcés par la compagnie aérienne de mettre leurs précieux animaux en soute. Alors qu’ils sont dans l’avion, ils voient par le hublot leurs animaux s’échapper de leur cage et du chariot à bagages vers une destination inconnue. Les deux duos que tout oppose s’embarquent dans un road trip contre la montre entre Montréal et New York. D’un côté, les humains qui ont perdu la trace de leurs animaux et, de l’autre, les animaux livrés à eux même pour retrouver leurs maîtres… sans savoir qu’à leur trousse, le policier Brandt est prêt à tout pour récupérer le rubis. Remarquée en 2013 avec Paris à tout prix, son premier long-métrage comme réalisatrice, Reem Kherici est l’heureuse propriétaire de Diva, une chatte de race Maine coon (déjà apparue dans Paris à tout prix). La jolie bête apparaît, ici, sous forme virtuelle doublée par l’humoriste Inès Reg, au côté de Franck Dubosc, Philippe Lacheau et Reem Kherici. Une agréable comédie familiale. (Gaumont)
Un Coup De DésUN COUP DE DES
Mathieu doit tout à son ami Vincent : sa maison, son travail et même de lui avoir sauvé la vie, il y a dix ans. Ils forment avec leurs compagnes Juliette et Delphine un quatuor inséparable et vivent une vie sans nuages sur la Côte d’Azur où les deux compères ont développé leurs activités dans l’immobilier. Mais la loyauté de Mathieu, mari fidèle, est mise à l’épreuve lorsqu’il découvre que Vincent trompe sa femme. Quand la maîtresse de Vincent est retrouvée morte, la suspicion s’installe au coeur des deux couples, accompagnée de son cortège de lâchetés, de mensonges et de culpabilité. Yvan Attal qui avait signé en 2023 Les choses humaines d’après le roman de Karine Tuil, adapte cette fois, pour sa huitième réalisation, Ball-trap d’Eric Assous. Mais ce thriller, qui fait songer d’entrée, à l’univers de Simenon, tourne peu à peu au vinaigre. Devant l’invraisemblance des situations, on décroche vite. Pourtant le cinéaste dispose, ici, d’un beau casting avec Guillaume Canet, Marie-Josée Croze, Maïwenn et lui-même dans le rôle de Mathieu. Mais les comédiens n’arrivent pas à inverser la tendance. Ce thriller sans mystère nous laisse clairement sur notre faim. (M6)

BELLA, DIEYI, XIAOLOU, PIERRE, MARTHE ET LEURS PUISSANTS DESIRS  

Pauvres CreaturesPAUVRES CREATURES
Travelling avant sur une grande jeune femme vêtue d’une longue robe bleue. Vue de dos, elle enjambe le parapet d’un pont et disparaît dans l’eau noire… Mais la jeune femme -enceinte- n’est pas morte. Elle a été ramenée à la vie par le brillant mais très peu orthodoxe docteur Godwin Baxter. Enfermée dans la vaste demeure du médecin, Bella, dont la démarche bien chaotique intrigue, tente de trouver ses marques. Force est de constater que la ravissante jeune femme n’est qu’une enfant. Au sens premier du terme. Elle mange avec ses doigts et crache la nourriture qu’elle n’aime pas, gifle ceux qui s’approchent trop près d’elle et fait pipi sous elle au milieu des salons. Mais Bella des excuses. Tel le docteur Frankenstein, le bienveillant Godwin Baxter a « réveillé » cette ravissante morte en lui greffant le cerveau du bébé qu’elle portait. Venue de nulle part, cette orpheline qui n’a aucun frein quand elle se donne du plaisir, a surtout une inextinguible soif de partir à la découverte du monde. Au côté de Duncan Wedderburn, sémillant séducteur et bellâtre débauché, commence alors une odyssée étourdissante à travers les continents. Imperméable aux préjugés de son temps, Bella est résolue à ne rien céder sur rien et surtout pas sur la variété et l’ampleur de ses désirs… On sait que le Grec Yorgos Lanthimos est un cinéaste qui sort de l’ordinaire, s’ingéniant, non sans malice, ni talent, à ne fournir de clés à ceux qui tentent de décrypter ses films. Avec ce Poor Things, il met les petits plats dans les grands en maîtrisant avec aisance la démesure de ce conte de fées mâtiné de fantastique, de science-fiction et d’horreur. Des ruelles lisboètes à une place parisienne enneigée en passant par une croisière et une visite à Alexandrie, Bella mène le bal au rythme effrené de furieuses culbutes. Le cinéaste a bénéficié de solides moyens pour cette satire joyeusement colorée dont les hommes ne sortent pas la tête haute alors que Bella, qui explore sans aucune culpabilité sa sexualité, s’émancipe d’une société masculine répressive sans honte, ni traumatisme. Au casting de ce film qui a obtenu le Lion d’or à Venise, on trouve Willem Dafoe, Mark Ruffalo et évidemment Emma Stone que Lanthinos mit en scène dans La favorite. Regard sombre, parfois halluciné, elle incarne avec une grâce sauvage une Bella qui bataille contre ses pulsions et s’impose comme une femme libre et moderne… (Searchlight)
Adieu Ma ConcubineADIEU MA CONCUBINE
Enfants, Douzi et Xiaolou se sont liés d’une amitié particulière à l’école de l’opéra de Pékin. Ils ne se sont jamais quittés, jouant ensemble Adieu ma concubine, célèbre pièce de théâtre et grand classique de la culture chinoise évoquant les adieux du prince Xiang Yu et de sa concubine Yu Ji et le suicide de celle-ci avant que son bien-aimé ne soit défait et tué par Liu Bang, le futur empereur Gaozu qui fonda la dynastie Han. Leur performance les mènera à la gloire. Dieyi, dont le nom de théâtre est Douzi, éprouve des sentiments pour son partenaire de théâtre Xiaolou, en vain, car ce dernier a épousé Juxian, une ancienne prostituée. Désespéré, Dieyi se jette dans les bras d’un mécène, maître Yuan, et sombre dans la drogue. Mais l’amitié et la scène réunissent malgré tout Dieyi (Leslie Cheung) et Xiaolou (Zhang Fengyi) en dépit des aléas de l’histoire. Le coup le plus dur leur viendra du jeune Xiao Si, qu’ils ont adopté et auquel ils ont enseigné leur art. À cause de lui et de la révolution culturelle, ils finissent par s’entre-déchirer. Vaste (172 mn) épopée au long cours qui entrecroise la beauté à la violence, Adieu ma concubine explore la relation fusionnelle qui unit deux grands comédiens de l’Opéra de Pékin à travers les soubresauts de l’histoire chinoise du XXe siècle. Dans un panorama de la Chine sur plus d’un demi-siècle, de 1924 à 1979 et dans une reconstitution historique virtuose transcendée par un trio d’acteurs exceptionnels, le réalisateur chinois Chen Kaige dépeint avec panache, cette période mouvementée qui emporte les trois héros dans la tourmente d’une histoire de séduction et de trahison, selon le cinéaste. Trente ans après son coup d’éclat au Festival de Cannes 1993 où il obtiendra la Palme d’or (ex-æquo avec La Leçon de piano de Jane Campion), Adieu ma concubine est désormais disponible pour la première fois en 4K Ultra HD et en Blu-ray dans une nouvelle restauration 4K. Cette sortie s’accompagne de bons suppléments dont La cinquième génération (24 mn) et un entretien avec Hubert Niogret sur cette révolution dans le cinéma chinois où, pour la première fois, le cinéaste était considéré comme un artiste ayant un pouvoir créateur et non plus seulement comme l’exécutant des ordres du gouvernement. Dans le making-of (24 mn), Chen Kaige et ses trois comédiens principaux reviennent sur l’aventure du film. Un film obsédant et envoûtant ! (Carlotta)
Bonnard Pierre MartheBONNARD, PIERRE ET MARTHE
Dans le Paris de 1893, le crayon de Pierre Bonnard dessine, dans un trait léger, le contour d’un visage… « Ca vous arrive souvent de ramasser des filles dans la rue ? » lui lance son modèle. « Vos seins, s’il vous plaît ! » Marthe de Méligny est surprise. Bonnard tente de l’embrasser. Elle le gifle avant de tomber dans ses bras pour une vive étreinte physique. Entre Pierre et Marthe, c’est désormais à la vie à la mort… Cette femme va appartenir, de toute éternité, à l’oeuvre magistrale de Bonnard. C’est la petite nièce de Marthe Bonnard qui, persuadée qu’on ne mesurait pas assez le rôle fondamental qu’elle a tenu pour Bonnard, parla d’elle à Martin Provost alors qu’il venait de montrer Séraphine (2008). Mais le cinéaste laissa passer du temps avant de lancer dans cette œuvre qui fait la part belle à la lumière, à la couleur et à la nature. Provost sonde, ici, le mystère Bonnard, quasiment une quête, du moins un chemin intérieur, qui s’incarne dans la représentation obsessionnelle du corps de Marthe, dans le lien indissociable qui les unit. Si le film peut se voir comme un biopic sur le peintre, c’est bien l’omniprésence de Marthe qui fascine. Offerte, énigmatique, lumineuse, impudique, puis peu à peu, alors qu’elle devient folle, repliée sur elle-même, le plus souvent dans sa baignoire, éternellement jeune, et éternellement fuyante. Pour cette histoire envoûtante par la puissance du désir créatif et charnel, le metteur en scène a trouvé deux comédiens en verve. Magistralement, Vincent Macaigne s’est métamorphosé en Bonnard. Quant à Cécile de France, elle est touchée par la grâce et donne une interprétation, parfois franchement bouleversante lorsqu’elle souffre d’être cantonnée au rôle de muse ou d’égérie, d’une Marthe qui partage pour toujours l’éternité de Bonnard… (Orange Studio)
Perfect DaysPERFECT DAYS
Hirayama travaille comme agent d’entretien dans les toilettes publiques high tech de Tokyo. Il s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Cet homme paisible qui aime à scruter le ciel, entretient une passion pour la musique (il écoute Patti Smith et Otis Redding), les livres, les bonzais et les arbres qu’il aime photographier. Son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues. Une réflexion émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans le quotidien…Avec ce merveilleux voyage émotionnel, touchant et apaisant, Wim Wenders, loin des réseaux sociaux et de la surconsommation qui poussent à toujours vouloir plus, offre une véritable bouffée d’air frais. Tout en douceur et délicatesse, le réalisateur de Paris Texas invite le spectateur à se recentrer sur l’essentiel, en montrant que même dans un Tokyo bruyant, on peut s’émerveiller des choses simples du quotidien : le soleil dans les arbres, la musique, le regard d’un enfant, la lecture d’un livre… À travers un film brillant, d’une grâce, d’une poésie et d’une tendresse infinie, Wim Wenders nous rappelle ainsi que chaque jour est précieux et qu’il faut savourer le moment présent. Véritable ode à la simplicité, Perfect Days dresse de plus un tableau somptueux et fascinant de l’immense mégapole japonaise. La bande originale, très présente et composée de classiques du rock des années 60-70, est excellente. L’acteur principal Koji Yakusho offre une performance magistrale dans le rôle de cet humble nettoyeur de toilettes et son prix d’interprétation à Cannes 2023 est amplement mérité. Un vrai feel-good movie contemplatif dans lequel Wenders souhaite montrer « l’essence d’une culture japonaise accueillante dans laquelle les toilettes jouent un rôle tout à fait différent de notre propre vision occidentale de l’assainissement. » (Blaq Out)
Un SilenceUN SILENCE
Silencieuse depuis 25 ans, Astrid Schaar, la femme d’un célèbre avocat, voit son équilibre familial s’effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice. Si le proverbe affirme que le silence est d’or, il peut pourtant aussi avoir des conséquences dévastatrices…. Cinéaste belge qui a souvent su explorer au plus près l’intimité des familles, Joachim Lafosse signe ici un thriller psychologique intense et dérangeant puisque quelque chose de malsain s’est instillé au cœur d’une famille bourgeoise, à travers un terrible secret. Un père manipulateur, une mère complice, impuissante, honteuse et lâche : le secret est bien tenu, mais le poids du silence et des non-dits ronge petit à petit cette famille à l’aspect tranquille. En s’inspirant d’un fait divers qui a défrayé la chronique en Belgique, le réalisateur de A perdre la raison (2012) et des Intranquilles (2021) distille une mise en scène sobre faite de longs plans serrés sur des visages fermés pour amener le spectateur au coeur d’un drame familial glacial et poignant, dans un silence plombant et assourdissant, qui bouscule nos préjugés en exposant combien il peut être difficile de faire les bons choix quand cela signifie remettre en cause tout notre équilibre familial. D’autant que, dans ce contexte de violences sexuelles et de pédocriminalité, le silence n’est pas celui de la victime mais bien celui de l’entourage, ceux qui savent et ne disent rien. Œuvre la plus sombre et la plus anxiogène de Lafosse quant à la nature humaine, Un silence est superbement porté par son casting. Après avoir été ensemble à l’affiche de L’adversaire (2002) de Nicole Garcia, Daniel Auteuil, dans un personnage détestable, refusé par plusieurs autres comédiens, retrouve Emmanuelle Devos qui incarne une Astrid toute en douloureuse intensité. Dans les bonus, un entretien avec le cinéaste qui commente aussi des séquences de son film. (Blaq Out)
Les ColonsLES COLONS
Terre de Feu, République du Chili, 1901. Un territoire immense, fertile, que l’aristocratie blanche cherche à « civiliser ». Trois cavaliers sont engagés par un riche propriétaire terrien, José Menendez, pour déposséder les populations autochtones de leurs terres et ouvrir une route vers l’Atlantique. Sous les ordres du lieutenant britannique MacLennan et d’un mercenaire américain, Segundo, un jeune métis chilien, découvre le prix de la construction d’une jeune nation, celui du sang et du mensonge. Si l’extermination des Indiens liée à la colonisation de l’Amérique du Nord est un fait bien connu et très largement traité dans le western américain, le sort des autochtones d’Amérique du Sud l’est beaucoup moins. Avec Les colons (présenté à Cannes dans la section Un certain regard et en lice pour la Caméra d’or), le cinéaste chilien Felipe Gàlvez signe un premier long-métrage puissant, dur et marquant sur une page méconnue de l’histoire du Chili : le génocide des Indiens Selknam. Sans concession, le film plonge, à travers une épopée sanglante, dans une évocation d’une rare violence de la barbarie de colons prêts à tout pour anéantir les indigènes et construire le pays. Tragédie crépusculaire à la fois poétique et cruelle, Los Colonos bénéficie d’une mise en scène âpre et sans fioritures. Les décors naturels de la Terre de Feu, grandioses et d’une beauté sidérante, offrent un contraste saisissant avec la violence et la sauvagerie de l’homme, mû par l’appât du gain. Avec ses trois personnages principaux, Les Colons retranscrit parfaitement le climat de haine et de méfiance qui régnait au début du siècle. L’immensité de son propos fait des Colons un premier long métrage remarquable, qui donne un éclairage indispensable sur des évènements tragiques, gardés sous silence par le gouvernement chilien. Dans les suppléments, un entretien avec le réalisateur et Antonia Girardi, la scénariste du film. Une plongée suffocante dans le passé génocidaire du Chili ! (Blaq Out)
Sois Belle Et TaisToiSOIS BELLE ET TAIS-TOI
Pour la troisième fois, Virginie Dumayet, 20 ans, est parvenue à s’échapper d’une maison de redressement mais elle est poursuivie par la police. Une nuit, une bijouterie de la place Vendôme est cambriolée. Jean, jeune inspecteur de police, recherche les cambrioleurs et rencontre Virginie qu’il prend pour une complice de la bande, elle-même le prenant pour un caïd du milieu. Elle en tombe amoureuse. Apprenant la vérité, et bien que furieuse de s’être trompée, elle accepte Jean en mariage. Mais le passé de Virginie resurgit. Elle retrouve ses copains Loulou et Pierrot qui font du trafic d’appareils photo pour le compte de Raphaël, qui opère également dans le cambriolage des bijouteries. Elle va les aider à passer la frontière. À l’insu des jeunes gens, Raphaël a caché des bijoux dans l’un des appareils photo. Jean découvre la magouille et croit que sa femme est au courant du trafic de bijoux. Il lui tend un piège, mais, de justesse, la vérité éclate et les véritables cambrioleurs sont arrêtés avec l’aide des deux compères de Virginie… En 1958, Marc Allégret signe un sympathique petit film qui fleure bon son époque, notamment avec Mylène Demongeot et Henri Vidal en vedettes. Mais surtout on s’amuse beaucoup de la présence d’Alain Delon et Jean-Paul Belmondo (le duo Loulou-Pierrot) mais aussi de Roger Hanin, Robert Dalban, Darry Cowl ou encore Jean Lefèvre. A ne pas confondre avec le documentaire du même titre signé Delphine Seyrig et qui fit date dans l’histoire du féminisme. (Coin de mire Cinéma)
Dream ScenarioDREAM SCENARIO
Professeur de biologie de l’évolution, Paul Matthews est un type normal, presque banal, marié et père de deux filles, qui voit sa vie bouleversée lorsqu’il commence à apparaître dans les rêves de millions de personnes. Ces personnes inconnues lui disent qu’elles l’ont vu dans leurs rêves et qu’il s’agit parfois de rêves agréables ou de cauchemars, à la fois sexuellement et brutalement. Très rapidement, Paul va devenir une célébrité sur internet et les réseaux sociaux et apparaître comme une sorte de phénomène médiatique mondial, Las, sa toute nouvelle célébrité va rapidement prendre une tournure inattendue… Mis en scène par le metteur en scène norvégien Kristoffer Borgli, voici une comédie dramatique, bien mâtinée de fantastique mais aussi de thriller et d’horreur, sur un personnage d’enseignant soudain stupéfait lorsque les regards du monde entier s’accumulent sur lui. Des yeux curieux qui le flattent dans un premier temps avant de mesurer l’étrangeté d’être au centre de tous les songes collectifs. Naïvement, il imagine pouvoir être reconnu dans un univers viral, voire même apporter secrètement sa contribution à la science. C’est le « marché » qui va s’intéresser à lui dans un marketing du futur. Mais ce prof tranquille va basculer dans le chaos. Voilà un petit moment que Nicolas Cage, le brillant comédien d’Arizona Junior, Sailor et Lula ou Leaving Las Vegas (qui lui valut l’Oscar du meilleur acteur 1996) semblait être en roue libre, multipliant les films sans intérêt ou carrément de solides navets. Ici, il trouve enfin un beau personnage (sévèrement tourmenté) et un vrai film à défendre. (Metropolitan)
Comme Un PrinceCOMME UN PRINCE
Champion de boxe amateur en pleine préparation des Jeux olympiques avec l’équipe de France, le talentueux Souleyman, 27 ans, voit son avenir s’écrouler lorsqu’il se fissure les os de la main, suite à une bagarre dans un bar. Immédiatement viré de son équipe, il est envoyé au Château de Chambord, où il doit effectuer une peine de 400 heures de travaux d’intérêt général, en l’occurrence ramasser les déchets dans les jardins : « Le TIG, c’est pas des vacances ! » lui lance un personnage. D’abord insensible au lieu, Souleyman finit par s’intéresser au château, à ceux qui y travaillent, et notamment à Eddy (Julia Piaton), la responsable événementiel, qui va l’embarquer dans un autre univers. Mais sa rencontre avec Mélissa, une jeune ado au talent exceptionnel pour la boxe, va remettre en question ses projets… Pour son premier long-métrage comme réalisateur, Ali Marhyar, acteur et scénariste (il a notamment co-créé les trois saisons de la série Casting(s) avec Pierre Niney et Igor Gotesman) a écrit un scénario (avec Julien Guetta) sur un thème qui le touche, lui qui est grand fan de boxe et de films sur ce sport. D’ailleurs, au départ du projet, il voulait incarner le personnage de Souleyman avant de le confier à Ahmed Sylla. Voici donc une petite comédie dont on devine évidemment assez vite où elle veut nous emmener mais qui se regarde agréablement. Souleyman va tenter de donner un autre sens à sa vie dans les espaces verts mais surtout en prenant sous son aile une adolescente de 14 ans (la tonique Mallory Wanecque, déjà vue dans Les pires en 2022) née sans amour ni aide… (Orange Studio)
Il Etait Une Fois ObjetsIL ETAIT UNE FOIS, CES DROLES D’OBJETS
Quel est le point commun entre l’ours en peluche, le ballon de foot, le vélo, la tablette de chocolat et la carte de paiement ? On retrouve tous ces objets dans Il était une fois, ces drôles d’objets, une série dans laquelle, depuis plus de quarante-cinq ans, Maestro, grand sage à la barbe abondante, fait voyager les petits et les grands dans l’Histoire. Il dévoile, désormais, les histoires passionnantes qui se cachent derrière les objets du quotidien, pour apprendre en s’amusant ! Série d’animation déjà mythique sur Arte, réservée aux 6-96 ans, Il était une fois… mélange, avec richesse et justesse, l’information scientifique avec le ton humoristique caractéristique qui a participé à la pérennité des programmes d’origine. La série s’adapte à notre époque en évoquant l’environnement, le respect des autres, la place de la femme, l’inclusion pour sensibiliser les enfants aux valeurs humanistes et écologistes. Chaque épisode (volumes 1 et 2) de la nouvelle série Il était une fois… Ces drôles d’objets est consacré à un objet du quotidien, de ceux qui existent depuis des centaines d’années aux plus récents. Tous les thèmes abordés, la technologie, la maison, l’école, le sport, les moyens de transport… sont prétexte à éveiller la curiosité des enfants et des parents ! Plus jamais vous ne regarderez votre jean ou votre brosse à dents de la même manière… En bonus du volume 1, on trouve le making of (28 mn) de la série. (Arte Editions)
FloFLO
« J’arrive de Paris et je suis venue voir la mer ! » C’est la jeune Florence Arthaud qui parle. Et la mer va devenir très tôt la compagne de celle qui fut la première à mettre le mot marin au féminin et la première Française à remporter, en 1990, la prestigieuse Route du Rhum. Pour sa première réalisation, la comédienne Géraldine Danon, en s’inspirant de La mer et au-delà, le livre de Yann Queffélec paru en 2020, donne un film biographique sur cette navigatrice connue comme « la petite fiancée de l’Atlantique ». Au-delà de ses exploits, Flo met en scène l’incroyable destin d’une femme farouchement libre qui -après un accident de la route ayant failli lui coûter la vie- décide de rejeter son milieu bourgeois et la vie qui lui avait été tracée, pour vivre pleinement ses rêves dans un milieu qui ne l’attendait pas, ainsi ce marin qui affirme : « Il n’y aura jamais de gonzesses à bord ! » Pourtant Florence Arthaud va devenir un grand marin qui, au-delà de son palmarès exceptionnel, imposa sa rage de vivre et surtout une irrépressible passion pour les immensités marines et les challenges qu’elles imposent. La cinéaste (qui s’offre la liberté de la fiction un rien people par rapport à la vie de la navigatrice) peut ainsi raconter la jeunesse, les choix, les combats, les frasques, les aventures en mer et les échecs en dressant le portrait d’une femme libre. Pour incarner Florence Arthaud, la réalisatrice a choisi la comédienne Stéphane Caillard qui apporte une belle fraîcheur au personnage qui lui valu d’être nommée parmi les révélations des César 2024. (Metropolitan)
Amelia's ChildrenAMELIA’S CHILDREN
Orphelin depuis sa naissance, Edward, résident américain de 31 ans, découvre à l’âge adulte et à la suite d’un test ADN, qu’il a un jumeau (qui vit au Portugal) et une mère qu’il ne connait pas. Avec sa petite amie Ryley, il traverse l’Atlantique et part les rencontrer dans leur magnifique demeure gothique isolée au cœur d’une région recluse. Les retrouvailles passées, le jeune couple se rend compte que les apparences sont trompeuses. Ryley se rend rapidement compte que quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille. Andrew semble ensorcelé après avoir rencontré son frère et sa mère. Ryley a le sentiment d’être devenue invisible aux yeux d’Andrew, phagocyté par son frère et par sa mère qui, trente ans après, est monstrueuse. De fait, la famille d’Edward cache un monstrueux secret. L’ambiance devient lourde et inquiétante et les songes comme les pressentiments de plus en plus terribles de Ryley sont autant d’avertissements pour sa sécurité. La consanguinité règne dans cette demeure où les enfants d’Amelia sont les géniteurs de ses enfants à venir et ce, depuis des siècles… Remarqué à Cannes 2018 avec Diamantino (grand prix de la semaine de la critique), le cinéaste portugais Gabriel Abrantes donne un film d’horreur servi par une réalisation efficace et une bonne bande originale. Un film qui lorgne du côté de Goya (le tableau Saturne dévorant ses enfants) comme de Dorian Gray… (Le Pacte)

SOPHIA, MARCELLO, UN DÉPUTÉ EN PÉRIL ET LE POLYAMOUR  

Hier_0ggi_DomaniHIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN
Quand on songe à Marcello Mastroianni (dont on célèbre, cette année, le centenaire de la naissance), on entend, dans La dolce vita, Anita Ekberg, avançant, l’eau à mi-cuisses, dans la fontaine de Trevi, et lançant : « Marcello, Marcello, come here ! » C’est en compagnie d’une autre légende du cinéma transalpin, Sophia Loren, que l’on retrouve Mastroianni dans Hier, aujourd’hui et demain, superbe fleuron de cette tradition italienne qu’est le « film à sketches » dont le sommet, qualitatif comme quantitatif, est à situer incontestablement au cœur de la période 1953-76, à l’apogée de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « la comédie à l’italienne ». Forme aujourd’hui négligée, voire dévalorisée, le film à sketches avait alors représenté un moyen idéal pour exprimer la grande diversité culturelle, géographique, sociologique d’un pays en pleine reconstruction. C’est en 1962, un an avant Mariage à l’italienne, que Vittorio de Sica tourne ce Ieri, oggi et domani à l’invitation de l’un des plus grands producteurs de l’époque. Carlo Ponti lui demande de mettre en scène un film à épisodes réunissant deux des plus grandes vedettes de l’époque, la Loren étant aussi l’épouse de Ponti. Le film regroupe trois sketches qui portent les prénoms d’Adelina, Anna et Mara. A Naples, hier : poursuivie par la police pour contrebande de cigarettes, Adelina Sbaratti cherche un moyen d’éviter la prison. Découvrant que la loi italienne interdit à une femme enceinte d’être incarcérée, elle demande donc à son mari Carmine de lui faire enfant sur enfant. Jusqu’à l’épuisement de celui-ci… A Milan, aujourd’hui : l’épouse d’un riche industriel napolitain s’offre une virée en voiture avec son amant… A Rome, dans un bel appartement surplombant la Piazza Navona, demain : une splendide prostituée séduit malgré elle son jeune voisin, pourtant aspirant prêtre. A la demande de la grand-mère de celui-ci, et avec l’aide de l’un de ses habitués, elle va tenter de remettre le jeune homme sur la voie du Seigneur… Le succès sera au rendez-vous avec un triomphe public dans les salles italiennes et un Oscar du meilleur film étranger à Hollwyood 1965. Trois villes, trois récits sur le couple, la sexualité et le pouvoir pour naviguer subtilement entre humour, drame et dérision afin de mieux saisir la société italienne des années soixante. En les réunissant pour la première fois dans des rôles principaux, Vittorio de Sica consacre le couple légendaire Marcello Mastroianni – Sophia Loren. Pour la première fois en blu-ray dans une nouvelle restauration 4K. Simplement réjouissant ! (Carlotta)
Le DeputéLE DÉPUTÉ
Roberto Orbea est député dans un parti de gauche. Homosexuel, il a épousé une camarade du parti, en espérant rester fidèle. Mais il est emprisonné pour ses activités politiques. En détention, il devient l’amant de Nes, un prostitué. À sa sortie de prison, Orbea va mener une politique contre le terrorisme. Un groupe terroriste tardofranquiste paie Nes pour qu’il piège Orbea, afin de le faire tomber politiquement. Mis en place pour compromettre l’éminent politicien, le prostitué adolescent se découvre passionnément amoureux de l’homme qu’il doit trahir. Connu comme l’un des représentants du cinéma quinqui, un genre cinématographique populaire (en vogue à la fin des années 70 et début des années 80) qui retrace les aventures de délinquants juvéniles, le réalisateur espagnol Eloy de la Iglesia (1944-2006) signe, en 1978, une œuvre âpre et impressionnante où le sexe et la politique entrent en collision sur fond d’amour interdit, de chantage et de meurtre. Dans l’Espagne de 1977, un an et demi après la mort de Franco, le gouvernement espagnol légalise le Parti communiste, qui vivait caché depuis la fin de la guerre civile. Pour Orbea (José Sacristan), c’est un moment de liesse. Mais, dans cette transition espagnole exemplaire, Franco est toujours présent et l’extrême droite tente d’empêcher l’ouverture vers la démocratie par l’extorsion et la violence. Un contexte politique et social très compliqué pour Orbea parce qu’il cache son homosexualité. Dans un cinéma fortement engagé, De la Iglesia souligne que la démocratie ne va pas de soi et qu’il faut parvenir à pouvoir penser, dire et ressentir sans subir de représailles. Au-delà du portrait de l’homosexualité à travers le personnage ambigu d’Orbea, Le député fustige l’hypocrisie d’une société qui regarde ailleurs lorsqu’il s’agit d’aider les marginalisés. Une œuvre courageuse et rageuse. (Artus Films)
AAAAmoursFinlandaiseAMOURS A LA FINLANDAISE
Lorsque Julia découvre que son mari a une liaison, elle décide de prendre les choses en main pour sauver leur mariage. Elle lui propose d’expérimenter le polyamour tout en inventant les nouvelles règles de leur vie conjugale. Un champ des possibles amoureux s’ouvre alors à eux… Sommes-nous vraiment fait pour vivre en couple ? Peut-on aimer sincèrement deux personnes à la fois ? Et si le polyamour était en fait la meilleure façon d’aimer ? Avec Amours à la finlandaise, un titre qui sonne un peu comme celui d’une comédie romantique, la cinéaste finlandaise Selma Vilhunen remet en question avec délicatesse et intelligence la monogamie, une norme sociétale imposée depuis des siècles. La réalisatrice propose une réflexion sérieuse sur notre perception de l’amour et étudie la complexité des relations. Triolisme, échangisme, couple libre, polyamour : tout est possible. L’amour au pluriel vient alors balayer toutes les croyances, loin des images habituelles de la polygamie. Voici donc une chronique nordique d’amours compliqués qui joue la carte d’une comédie dramatique originale et sincère, dénuée de tout jugement moral. En nous entraînant loin du conformisme avec l’histoire de ce couple qui se cherche à tâtons, la réalisatrice porte un regard rafraîchissant sur l’amour. Elle explore subtilement le thème de l’émancipation amoureuse, sur fond de culpabilité et de peur de l’abandon. A travers des dialogues lucides et touchants, drôles et sensibles, elle signe un film lumineux, rempli de tolérance. Sur l’affiche, on lit « Scènes de la vie extraconjugale… », allusion claire à Bergman mais le film, ici, n’est pas un sombre drame mais bien une œuvre lumineuse et pleine de tolérance qui repose sur des dialogues lucides et touchants et sur des comédiens épatants parmi lesquels on reconnaît, dans le rôle de Julia, l’épouse trompée, Alma Pöysti découverte naguère dans Les feuilles mortes du maître finlandais Aki Kaurismaki. (Blaq Out)
Door_1_2DOOR 1 & 2
Membre de la Directors Company, célèbre défricheuse de talents dans les années 1980 avec des réalisateurs comme Kiyoshi Kurosawa ou Shinji Somai, le cinéaste nippon Banmei Takahashi explore avec Door et Door 2 la face sombre de son pays. En puisant à la fois dans les codes du giallo italien, du thriller psychologique dans le style de Brian De Palma, comme du pinku eiga national, Takahashi révolutionne le cinéma d’exploitation japonais. Inédits en France (Door a été présenté dans la section Retromania du Festival du film fantastique de Gérardmer 2024), les deux premiers opus de la série des Door sont à découvrir en version restaurée HD et en version originale sous-titrée français. Dans Door, réalisé en 1988, on suit Yasuko Honda , une femme au foyer qui vit avec son mari et son fils dans un grand immeuble d’un quartier résidentiel. Régulièrement harcelée par les démarcheurs et les canulars téléphoniques, la jeune femme, excédée, finit par claquer la porte sur les doigts d’un vendeur. Choqué, celui-ci refuse d’en rester là. Sa vengeance se mue bientôt en véritable obsession… Réalisé en 1991, Door 2 raconte les aventures d’Ai, une call-girl de 20 ans. La jeune femme parcourt Tokyo au gré de ses rendez-vous, ne sachant jamais sur quel client elle va tomber. Malgré les risques qu’elle encourt quotidiennement, Ai aime la liberté et l’indépendance que lui procure son métier. Sa rencontre avec le peintre Mamiya va la pousser plus loin dans l’exploration de sa sexualité… Dans les suppléments, on trouve un entretien (25 mn) avec Banmei Takahashi. Après avoir évoqué son arrivée à la Directors Company, le cinéaste japonais revient en détail sur Door : sa collaboration avec sa femme, l’actrice Keiko Takahashi, les prouesses techniques du film et sa découverte récente à l’international. (Carlotta)
PriscillaPRISCILLA
Dans l’Allemagne de 1959, Priscilla, collégienne de 14 ans et fille d’un officier américain en poste sur une base militaire, s’ennuie ferme. Elle a suivi sa mère et son père Paul Beaulieu, officier de l’US Air Force, d’origine franco-canadienne, sur une base militaire américaine de la Hesse. Un jour, dans une party, elle va croiser Elvis Presley qui fait alors son service dans la 3e division blindée basée à Friedberg. En s’appuyant sur les mémoires de Priscilla Presley, Sofia Coppola signe son huitième long-métrage pour s’intéresser au rêve éveillé d’une gamine qui devient réalité. A Elvis qui lui demande ce qu’écoutent les jeunes de son âge, elle sourit : « Bobby Darin, Fabian et… toi ! » Bouleversé par la mort récente de sa mère bien-aimée, Presley va immédiatement s’intéresser à cette timide adolescente qui lui avoue que sa chanson préférée est Heartbreak Hotel dont le King fit, en 1956, un tube planétaire… C’est de l’intérieur que la cinéaste choisit de montrer la vie de Priscilla. Comme un conte vécu sur fond de souvenirs, d’abord enfantins, quasiment idéalisés avant que l’horizon ne s’élargisse tandis que « Cilla » mesure, peu à peu, combien son univers est à la fois tentateur mais surtout étouffant. Priscilla va devenir adulte en expérimentant à la fois une immense célébrité et une profonde solitude. La figure zombiesque d’Elvis occupe une position extérieure au parcours de Priscilla. Grâce à la forte interprétation de Cailee Spaeny, Priscilla apparaît comme un vrai personnage de chair et de sang qui va s’inscrire pleinement, au côté d’Elvis, dans l’histoire culturelle américaine. Le film s’achève sur la jeune femme quittant Graceland au volant de sa voiture tandis que s’élève la voix de Dolly Parton chantant le célèbre I Will Always Love you dans un mélange de chagrin et d’excitation. Priscilla vient de quitter Elvis et de renoncer au rêve que représente Graceland pour aller mener sa propre vie. (ARP)
Festin NuLE FESTIN NU
« Nothing is true, everything is permitted » (Rien n’est vrai. Tout est permis) est la citation qui introduit le film et abolit d’emblée tout souci de vraisemblance. Au milieu des années cinquante, William « Bill » Lee, junkie récemment désintoxiqué, travaille dans une société new-yorkaise d’extermination de cafards. Il découvre que sa femme lui dérobe de l’insecticide pour se l’injecter en intraveineuse comme usage récréatif. Elle lui suggère de tenter la chose. L’addiction est immédiate, à tel point que William consulte un médecin qui lui prescrit un traitement de substitution apparemment efficace. Mais William (Peter Weller dans l’un de ses meilleurs rôles avec… Robocop) est placé en garde à vue pour détention de substances psychotropes. Privé de son traitement, il est victime d’hallucinations. Il part se réfugier dans l’Interzone, lieu fantasmé et localisé au Maghreb cristallisant toutes ses obsessions. Là-bas, aux prises avec une réalité incertaine et fluctuante, il est persuadé d’être un agent secret au centre d’une gigantesque machination. Lee commence alors à rédiger des rapports pour le compte d’une mystérieuse corporation internationale. En 1991, David Cronenberg (qui a déjà à son actif des bijoux comme Videodrome, La mouche ou Faux-semblants) tente l’adaptation de Naked Lunch , un roman, réputé inadaptable, de William S. Burroughs, publié en 1959 en France et interdit de 1962 à 1966 dans certains états des Etats-Unis (pour obscénité). Ce roman d’une forme délibérément incohérente, situé aux frontières de la science-fiction et du surréalisme, traduit les errances, sous l’emprise de diverses substances hallucinogènes, de l’esprit de l’auteur emblématique de la Beat Generation, qui s’est adonné à un dérèglement systématique des sens. Pari risqué pour Cronenberg qui reçoit des critiques bienveillantes alors que le film est un flop considérable, ne rapportant, pour un budget de quelque 18 millions de dollars, qu’environ 2,6 millions. Mais Le festin nu va remporter de nombreux prix et vite devenir un film culte, acclamé pour ses éléments visuels et thématiques surréalistes. La musique composée par Howard Shore, incluant des pièces du jazzman Ornette Coleman, a contribué aussi à la réputation du film. Etrangement, Le festin nu, conte macabre et vertigineuse descente aux enfers, est peut-être le film le plus poétique de Cronenberg. (Metropolitan)
Kokomo CityKOKOMO CITY
Daniella, Dominique, Koko et Liyah se livrent sans tabou, avec humour et lucidité sur le travail du sexe, la communauté noire-américaine, la transidentité, les rapports femmes/hommes et l’amour. Elle même concernée par ces enjeux, la réalisatrice D.Smith offre un regard cru, nerveux et rare sur la vie de femmes hors du commun. Loin de tout misérabilisme ou d’une forme de culpabilisation, ce documentaire construit de façon thématique, avec un caméra en mouvement et tourné dans un beau noir et blanc travaillé, donne la parole à ses quatre protagonistes qui évoquent, sans jugement, le travail du sexe mais aussi le regard des hommes sur elles ou encore leurs difficultés en tant que personnes trans dans la communauté noire. Partageant le vécu de ses « personnages », D. Smith signe un film sincère qui donne une autre image que celle souvent à l’oeuvre dans l’imaginaire collectif. Parfois très près des visages, la cinéaste valorise ces quatre femmes, leurs corps et leurs histoires. Les vécus sont souvent tristes et violents mais leur authenticité est réelle. En traitant également de l’homosexualité et de l’homophobie, D. Smith parle aussi du rapport à la virilité des hommes qui fréquentent Daniella, Dominique, Koko et Lyah. Loin des tabous, Kokomo City, primé dans différents festivals, est un documentaire original, coup de poing, surprenant et éclairant. En supplément, un entretien (17 mn) avec la réalisatrice. (Pyramide)
Vie Revee Miss FranLA VIE REVEE DE MISS FRAN
Employée de bureau dans une petite entreprise portuaire d’Astoria sur la côte du Pacifique dans l’État de l’Oregon, Fran passe la plupart de son temps isolée et s’abandonne dans d’étranges rêveries à imaginer… sa propre mort. La vie bien rangée et organisée de cette jeune femme à la timidité maladive, va soudain être bouleversée par l’arrivée de Robert, un nouveau collègue… La cinéaste Rachel Lambert filme avec une grâce infinie et une tendresse omniprésente cette célibataire à l’existence millimétrée. Dans le décor plutôt tristounet d’Astoria, cité portuaire aux rues rectilignes, Fran cultive sa dépression. Et le film l’observe avec attention autant dans le vide de sa vie privée que dans son travail au bureau. Pour Fran, tout est de l’ordre du rituel. Passer une porte, retirer sa parka, la poser sur un un fauteuil, allumer sa lampe de bureau avant de mettre son ordinateur en marche. Autour d’elle, se déroule le ballet habituel de la vie de bureau avec ses réunions, ses blagues foireuses, ses fêtes d’anniversaire ou un départ à la retraite. Au milieu de tout cela, Fran est quasiment invisible à tous. Mais pas vraiment au fantasque et sympathique Robert qui semble s’intéresser à elle au point de l’inviter à aller au cinéma, à gouter une pâtisserie et même à échanger un baiser. Alors La vie rêvée de Miss Fran montre comment cette jeune femme, à l’allure triste, à la morne coiffure, sans âge et sans joie, va doucement sortir de sa coquille pour permettre, lentement, à ses sentiments de monter à la surface. La comédienne britannique Daisy Ridley a accédé à la célébrité internationale en 2015 avec son premier rôle majeur, celui de Rey dans Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force. Elle se glisse avec ce qu’il faut de raideur presque douloureuse dans la peau de la fantomatique Fran et apporte à ce personnage un état d’être humain à part entière. Il faudra une soirée entre amis au cours de laquelle est organisée une murder party pour que Fran se lâche franchement, montrant un réel talent pour simuler… l’agonie ! Une étrange, déroutante mais savoureuse (fausse) comédie romantique. (Condor)
Visages VictoireLES VISAGES DE LA VICTOIRE
Elles s’appellent Chérifa, Aziza, Jimiaa, Mimouna… Des femmes dont on n’entend quasiment jamais la parole. Les femmes des immigrés des fameuses Trente glorieuses, la période de forte croissance économique entre 1945 et 1975. Elles ont dû renoncer à leurs désirs de jeunesse, pour suivre des hommes qu’elles ont rarement choisis, et se résigner à leur sort, afin d’élever leurs enfants du mieux qu’elles ont pu. Leur victoire, c’est leur résilience et leur volonté d’émancipation, qui leur donnent au visage un sourire de jeune fille, comme retourné au fond du coeur. Réalisateur, acteur et dialoguiste, Lyèce Boukhitine a été remarqué pour ses courts-métrages primés dans différents festivals avant de signer un premier long-métrage, La maîtresse en maillot de bain (2002). Avec ce second « long », le cinéaste interroge la domination masculine vue à partir des témoignages d’épouses de travailleurs immigrés venues du Maghreb en France. Ce documentaire plein d’émotion est une belle leçon de vie offerte par des femmes d’une magnifique dignité filmées dans ce qu’elles ont de plus intime… Le cinéaste pose sur l’émigration un regard certes bienveillant mais dépouillé de toute complaisance pour raconter la réalité d’être femme, mère et/ou grand-mère maghrébines. C’est beau car Les visages d’une victoire renvoit à leurs études ceux qui pensent l’intégration impossible. Dans les suppléments, on trouve Les volets (2006, 12 mn), le court-métrage de Boukhitine nominé aux Césars du court-métrage 2007. (Pyramide)
Moi CapitaineMOI, CAPITAINE
Seydou et Moussa, deux jeunes Sénégalais de 16 ans, décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe. Mais, sur leur chemin, les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont très vite anéantis par les dangers de ce périple. Leur seule arme dans cette odyssée restera leur humanité… Seydou et son cousin Moussa n’étaient pas franchement malheureux dans leur pays natal. Ils ne souffraient pas de faim et la guerre était absente de leur univers. Pourtant, il y avait l’horizon d’une Europe idéale qui ne manquera pas de leur offrir, autour de leur passion pour la musique, la gloire et l’argent. Se refusant à écouter toutes les histoires qu’on raconte, Seydou va mentir à sa mère pour rejoindre tous ceux qui composent la longue et souvent tragique cohorte des migrants économiques. Commence alors, pour deux quasi-gamins toujours craintifs, une fuite en avant dans un Sahara superbe mais dangereux mais encore moins que les trafics et la violence des mafias de Libye. Les deux garçons, face à l’horreur, tentent encore de s’accrocher à la vie en montant sur un bateau où s’accumule une immense détresse… Lauréat du Lion d’Argent à la Mostra de Venise 2023, Io Capitano (en v.o.) marque le retour de l’Italien Matteo Garonne, réalisateur en 2008 du puissant Gomorra ou plus près de nous de Dogman (2018). Cette fois, le cinéaste romain compose un récit subtil, bouleversant et nécessaire, à l’approche oscillant tour à tour entre le documentaire et l’onirique, alliant la cruauté de l’existence des migrants aux rêves qui les traversent. Enfin Garrone peut compter sur deux interprètes magnifiques : Moustapha Fall et Seydou Sarr, récompensé du Prix du Meilleur Espoir à Venise. Une odyssée poignante ! (Pathé)
AquamanAQUAMAN ET LE ROYAUME PERDU
Quatre ans après les événements d’Aquaman (2018), Arthur Curry alias Aquaman est devenu le roi de l’Atlantide après avoir réussi à empêcher son demi-frère Orm de détruire le monde des humains. Orm emprisonné, Arthur est monté sur le trône. Il tente tant bien que mal de concilier sa vie de super-héros avec sa nouvelle vie de roi et de père de famille auprès de sa femme Mera et leur bébé, Arthur Jr.. Cependant, son règne est perturbé par un haut conseil qui lui impose de rester caché des « Surfaciens », les Terriens vivants à la surface. De plus, David Kane alias Black Manta est toujours en quête de vengeance depuis la mort de son père. Il a mis la main sur un Trident Noir lui conférant de nouveaux pouvoirs. Il utilise une ancienne technologie atlante qui provoque un imposant réchauffement climatique, qui touche aussi bien la terre que les océans. Aquaman va tout faire pour l’arrêter. Pour y parvenir, il devra demander l’aide d’un allié improbable, son frère Orm, toujours détenu pour ses crimes. Orm paraît être le seul à pouvoir les guider jusqu’à Kane. Aquaman part alors le libérer en douce, histoire d’éviter un incident diplomatique, accompagné d’un poulpe de communication dénommé Tobo… Après le film de 2018, le cinéaste australien James Wan est également à la manœuvre pour ce nouvel opus, quinzième et dernier film de l’univers cinématographique DC. Il apporte à son film un côté divertissement pop-corn qui se laisse déguster alors même que la narration est compliquée et que l’histoire est pourtant plutôt mince. Les effets spéciaux nous laissent un peu sur notre faim mais on peut se raccrocher au tandem des frères (pas si) ennemis incarnés par Jason Momoa (Aquaman) et Patrick Wilson (Orm) qui donnent au film une dimension buddy-movie… (Warner)
Wish Asha BonneEtoileWISH, ASHA ET LA BONNE ETOILE
Dans le royaume de Rosas, situé au large de la péninsule ibérique en Méditerranée et dirigé par le tyrannique roi Magnifico et la reine Amaya, Asha, une jeune fille de dix-sept ans se prépare à passer un entretien pour devenir l’assistante du Roi Magnifico. Ce dernier cherche quelqu’un pour l’aider à accomplir sa mission : exaucer les souhaits de son peuple. Mais la réalité qu’elle va découvrir est assez différente de la légende que cette tête couronnée entretient. Dans un moment de désespoir, Asha adresse un vœu à une force cosmique. Star, une petite boule d’énergie, répond à son appel. Ensemble, elles vont affronter le plus redoutable des ennemis et prouver que le souhait d’une personne déterminée peut faire des miracles. Disney a soufflé sa centième bougie pour les fêtes de Noël 2023 avec le 62e « classique d’animation » de ses studios. Combinant animation par ordinateur et animation traditionnelle à l’aquarelle, le film reprend un thème majeur de nombreux films Disney, à savoir la concrétisation des souhaits en jouant sur des clins d’œil à ses classiques. Les cinéastes Fawn Veerasunthorn et Chris Buck livrant en effet une lettre d’amour à plusieurs classiques de l’animation. La thématique du vœu est au cœur de la démarche et il n’est pas surprenant d’entendre, au post-générique, Quand on prie la bonne étoile…, la chanson qui sert d’identité sonore à Disney depuis des décennies. Wish, Asha… n’a pas reçu un accueil critique très favorable. On a parlé d’intrigue souffreteuse ou de scénario faiblard mais la magie opère néanmoins et le film prend alors, notamment avec une jolie héroïne aux amusantes mimiques, les atours d’un divertissement tout à fait respectable et convaincant. (Disney)
TentaculesTENTACULES
Ocean Beach est une station balnéaire américaine, tranquille et familiale. Tout bascule lorsqu’un bébé et un marin disparaissent. Quelques heures plus tard, leurs corps sont retrouvés atrocement mutilés. L’enquête mettra à jour l’existence d’une créature gigantesque et monstrueuse, cachée au fond de l’océan. Au milieu des années 1970, le cinéma américain vit le choc Jaws. Le film de Steven Spielberg va connaître un succès au retentissement mondial. Les dents de la mer va donner naissance à de multiples avatars… En 1977, avec Tentacules, le réalisateur gréco-italien Ovidio G. Assonitis décide en effet de surfer sur cette vague de succès et de faire son propre film de monstre marin. Mais quel autre animal des profondeurs pourrait s’avérer aussi terrifiant qu’un requin ? Son choix se porte alors sur une pieuvre géante, créature effrayante et repoussante avec toutes ses tentacules à ventouses… Film de catastrophe sous-marine, Tentacules reprend évidemment des clichés du genre. Les scènes d’attaques sont cependant très diversifiées et assez spectaculaires, certaines scènes étant même d’une grande cruauté. Mais il y a peu de gore à l’écran et les agressions suggérées laissent la place à l’angoisse lorsqu’on aperçoit l’ombre menaçante de la créature avant qu’elle ne passe à l’attaque. Après la mort de l’énorme véritable pieuvre qui devait apparaître dans la plupart des plans, le réalisateur a été contraint de faire preuve d’inventivité pour ses effets spéciaux. Il rassemble aussi un casting « deluxe » puisqu’on croise ici John Huston, Bob Hoskins, Shelley Winters ou Henry Fonda. Ce cauchemar des profondeurs sort en combo blu-ray + DVD accompagné d’un livret (24 pages) signé Marc Toullec. (Rimini Éditions)
TransgressionsTRANSGRESSIONS
Assurément, Tinto Brass est un personnage du cinéma italien. Oh, pas celui de l’art et essai mais bien celui, plus particulier de l’érotisme. Entre 1963 et 2005, le cinéaste milanais, aujourd’hui âgé de 91 ans, a tourné plus d’une vingtaine de longs-métrages dont les plus connus sont Caligula (1979) même s’il n’est crédité qu’en tant que chef-opérateur ou La clé (1983) dans lequel Stefania Sandrelli livra une composition charnelle spectaculaire. En 2000, il met en scène dans Tra(sgre)dire (en v.o.) les aventures de Carla, une jolie Vénitienne de 20 ans, à la recherche d’un appartement à Londres, pour s’installer avec Matteo, un étudiant dont elle est très amoureuse. Mais le couple propriétaire de l’agence immobilière cultive des mœurs très libres. Ils vont entraîner une Carla très en demande dans une course folle à travers le Londres érotique… Comme Matteo a décidé de la rejoindre, Carla retarde le plus possible son arrivée… Du Tinto Brass pur jus qui confie, une fois de plus, à une ravissante jeune femme le soin de « divertir » le spectateur en lui dévoilant, abondamment, les charmes de son anatomie. Ici, c’est la ravissante actrice ukrainienne Yuliya Mayarchuk qui se charge de faire voleter ses (légers) vêtements. On a compris rapidement que le scénario pas plus que la mise en scène ne nous révélera d’inoubliables instants. Mais, on s’en doute, ce n’est pas le souci du bon Tinto qui se contente d’un vaudeville hard, inédit en blu-ray, qui vient enrichir la collection Tinto Brass de l’éditeur… (Sidonis Calysta)
FalloFALLO !
Pour l’heure, Fallo ! (qui peut se traduire en français par Fais-le!) est l’avant-dernier film de Tinto Brass, réalisé en 2003. Dans la bonne tradition du cinéma transalpin (voir plus haut), il compose son film en six sketches qui montrent des couples qui vont mal au milieu d’un monde de connivence, de trahison et de mensonges. Dans Alibi, Cinzia fête son septième anniversaire de mariage avec son mari à Casablanca et ce dernier lui offre un beau serveur marocain. Avec Double trouble, l’épouse d’un directeur d’une chaîne de télévision renoue avec son mari qui vient de la tromper. Dans Deux coeurs, Katarina serveuse dans une pension du Tyrol du sud, poussée par son petit ami Ciro, cède aux avanaces de Bertha, une grosse dominatrice allemande. Avec Jolly Bangs, l’innocente et perverse Raffaela fait croire à Ugo, son mari, que ses aventures extra-conjugales sont salutaires à leur vie de couple. Dans Honni soit qui mal y pense, la sensuelle Anna se lance à corps perdu dans l’ambiance échangiste du Cap d’Agde… Enfin, dans Call me Pig… I like it, la frivole Rosy, professeur à Venise, lors de son voyage de noces à Londres, s’offre à son mari inexpérimenté sous les regards avides d’un voyeur anglais… Autant d’épisodes qui permettent à Sara Cosmi, Silvia Rossi, Federica Tommasi, Raffaella Ponzo, Virginia Barrett, Angela Ferlaino, Maruska Albertazzi ou Federica Palmer d’exhiber largement leurs charmes et à Brass de les filmer goulument. Inédit en blu-ray. (Sidonis Calysta)

UN GRAND POETE, UNE REDOUTABLE INTRIGANTE ET UN ESCROC DE HAUT VOL  

Coffre tJean EustacheCOFFRET JEAN EUSTACHE
Lorsque Jean Eustache tourne en 1973, La maman et la putain, il ne sait probablement pas qu’il est en train de signer un chef d’oeuvre de la modernité et aussi une manière de testament de la Nouvelle Vague. Cette vaste saga (3h40) de la parole portée par un extraordinaire trio de comédiens (Jean-Pierre Léaud en dilettante oisif, Bernadette Lafont et Françoise Lebrun) qui brasse les aspirations libertaires de mai 68 pourrait aussi être… l’arbre qui cache la forêt dans la filmographie du natif de Pessac (Dordogne) ! Mais la chose est clairement réparée avec le magnifique coffret (soit de six Blu-ray, soit de sept DVD) qui réunit pour la première fois, dans une splendide version restaurée, une œuvre inouïe et d’une sincérité à couper le souffle. Alternant documentaires et fictions courtes comme longues, l’authenticité acharnée de Jean Eustache, cinéaste du désir et de l’intime, resplendit dans chacun de ses films : de la jeunesse solaire et écorchée de Mes petites amoureuses jusqu’au vertige bataillien d’Une sale histoire. Sous l’intitulé Les mauvaises fréquentations, on trouve Du côté de Robinson (1963/1967, N&B, 39 mn) où Daniel et Jackson, deux dragueurs sans-le-sou, «  chassent la souris » dans les rues de Montmartre… et Le père Noël a les yeux bleus (1966, N&B, 47 mn) où le jeune Daniel, pour s’offrir un duffle-coat, accepte de poser pour un photographe dans les rues de Narbonne, déguisé en père Noël. Avec La rosière de Pessac (1968, N&B, 66 mn), Eustache, au printemps 1968, suit les préparatifs et le protocole de la cérémonie, dans sa ville natale, de la cérémonie de l’élection de la jeune fille la plus vertueuse qui deviendra la 72e rosière de Pessac. Pour La Rosière de Pessac 79 (1979, couleurs, 71 mn), Jean Eustache revient, au printemps 1979, à Pessac, onze ans après son premier documentaire, pour filmer de nouveau l’élection et la cérémonie de la rosière. La jeune fille choisie cette fois a poussé au pied d’une tour HLM. Les Trente Glorieuses s’achèvent, le chômage est dans tous les discours… Dans Numéro Zéro (1971, N&B, 112 mn), le cinéaste filme sa grand-mère, Odette Robert, 70 ans, qui raconte l’histoire de sa vie : son enfance heureuse, la mort de sa mère, la cohabitation douloureuse avec sa belle-mère, sa rencontre avec son mari, bien vite volage. Elle évoque les quatre enfants qu’elle a perdus, les maladies, les déménagements, la honte et les disputes. Elle confie aussi son inquiétude pour son petit-fils et pour son arrière-petit-fils qu’elle aimerait voir grandir encore quelques années… On découvre aussi Mes petites amoureuses (1974, couleurs, 124 mn), Une sale histoire (1977, couleurs, 49 mn) et trois courts-métrages : Le jardin des délices de Jérôme Bosch (1979, couleurs, 34 mn), Les photos d’Alix (1980, couleurs, 20 mn) et Offre d’emploi (1980, couleurs, 20 mn). Chaque film est accompagné de très nombreux suppléments. Parmi eux, on garde, pour la bonne bouche, la façon dont, à Cannes 73, Gilles Jacob et Jean-Louis Bory, alors critiques, s’attaque ou encense La maman et la putain. Enfin, mêlant entretiens-fleuves avec le cinéaste, essais critiques et projets de films, Jean Eustache, envers et contre tout. Dits et écrits (160 pages) est un livre indispensable pour mieux appréhender l’œuvre de ce grand poète contemporain du septième art. (Carlotta)
Trois Mousquetaires MiladyLES TROIS MOUSQUETAIRES – MILADY
Elle cumule noirceur, traîtrise, cruauté, rancune, méchanceté, vices. Comme aurait Audiard, cette Milady-là est une synthèse. Comme le titre du second volet des Mousquetaires le précise, Milady de Winter est au centre du film et au coeur de tous les sales coups qui pleuvent sur D’Artagnan et ses amis. Pire, alors que sa chère et tendre Constance Bonacieux a été enlevée sous ses yeux, le fier bretteur est contraint de s’allier à la mystérieuse intrigante. Celle-ci parvient quasiment à lui faire perdre pied ! Car c’est bien, ici, l’amour qui est le moteur de l’action. Et quand même un peu le complot contre Louis XIII. Pour sauver Constance, D’Artagnan est prêt à tout. Et c’est bien le dramatique souvenir d’une épouse aimée, marquée au fer rouge puis pendue qui ne cesse de tourmenter Athos. C’est à cause de l’amour qu’Aramis s’inquiète pour sa sœur enceinte et entrée au couvent mais, là, une issue heureuse semble se profiler puisque Porthos, dont le premier épisode nous avait révélé la bisexualité, se propose de convoler… Si l’on excepte la grande séquence -spectaculaire et bien enlevée- du siège de La Rochelle, ordonné par le roi et commandé par le cardinal de Richelieu, l’essentiel de ce Trois mousquetaires II tourne donc autour de la sulfureuse Milady de Winter. D’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis iront donc se battre à La Rochelle et le capitaine de Tréville pourra leur lancer un « Mousquetaires, vous êtes soldats pour mourir, je vous emmène là où on meurt » prononcé, dans la réalité historique, en 1884, pendant la guerre franco-chinoise par le général Oscar de Négrier qui, lui, parla de… légionnaires. Mais on n’en voudra pas à Martin Bourboulon et à ses scénaristes de prendre des accommodements avec l’histoire puisqu’Alexandre Dumas en faisait autant. Avec ce second volet, au ton plus tragique (le premier était, par comparaison, flamboyant) le cinéaste entre dans l’intimité des personnages et développe donc largement celui de Milady, femme bouleversée par un traumatisant évènement dans son histoire. Rongée de l’intérieur et fataliste, elle a choisi la part de l’ombre et, telle une guerrière, est capable de séduire et de porter un coup fatal dans le même mouvement… Avec une fière allure, Eva Green incarne une Milady ténébreuse et très caméléon. Derrière une dureté quasi-masculine, sa féminité, telle une arme, lui sert à manipuler ses interlocuteurs, à les séduire (D’Artagnan lutte pour ne pas succomber), les piéger, voire les tuer, parfois… Notamment, en ce qui concerne le sort (funeste?) de Milady, ce second épisode laisse, disons, la porte ouverte. Dans d’immenses écuries anglaises ravagées par les flammes d’un incendie allumé par Milady, cette dernière croise le fer avec D’Artagnan avant de disparaître dans la fournaise. (Pathé)
Messieurs SantéCES MESSIEURS DE LA SANTE
Après s’être évadé de la prison de la Santé, Jules Taffard, escroc notoire, décide de jeter son dévolu sur la famille Génissier. Sous un nom d’emprunt, il se fait embaucher comme homme à tout faire par la propriétaire d’un magasin de corsets. Une fois la confiance de toute la maisonnée gagnée, Taffard débute ses arnaques en compagnie de Zwerch, son nouvel acolyte. Amusé par ses combines et encouragé par la famille Génissier qui profite des bénéfices, l’astucieux financier multiplie les tours de passe-passe et construit un empire économique au point d’attirer l’attention des autorités. C’est un Raimu explosif et tonitruant qui domine de la tête et des épaules la distribution (Pauline Carton, Edwige Feuillère, Lucien Baroux) de cette satire sociale et… fantaisiste signée en 1934 par Pierre Colombier, un habitué des succès populaires. En 1931, Paul Armont et Léopold Marchand présentent au Théâtre de Paris une pièce de leur création, Ces Messieurs de la Santé. Cette satire féroce du monde de la finance connaît un beau succès sur scène. L’année précédente, avait éclaté en France un scandale politico-financier, l’affaire du banquier Albert Oustric impliquant un membre du gouvernement. Cet esclandre inspira considérablement les auteurs de la pièce mais lorsque Colombier l’adapte en 1934, le sujet est toujours d’actualité. Une nouvelle crise politico-économique vient en effet d’éclater en France avec la fameuse affaire Stavisky, plongeant le pays dans la crise d’un régime instable soupçonné de corruption et contribuant à la chute du gouvernement. Lorsqu’on découvre sur grand écran Gédéon, le financier malhonnête, la comparaison entre le personnage joué par Raimu et Serge Alexandre Stavisky, ne se fait pas attendre. Tous deux séducteurs et beaux parleurs, sont surtout des escrocs professionnels au sein d’une société gangrénée par la corruption et les magouilles. Sous la satire apparaît aussi la morosité de l’époque : une mauvaise conjoncture économique, la montée du chômage, l’amertume des anciens combattants qui voient les manifestations de leur victoire s’amoindrir de jour en jour. Témoignage d’un temps, Ces Messieurs de la Santé n’en reste pas moins une éclatante comédie. Il est vrai que Raimu (1883-1946) est au sommet de son talent. Il a déjà tourné Marius (1931) et Fanny (1932) et il retrouvera l’univers de Pagnol en 1936 pour César, le dernier volet de la trilogie. Orson Welles disait de lui qu’il était « le plus grand acteur du monde ». Avec son talent démesuré qui donne le véritable rythme du film, Raimu fait preuve d’un naturel et d’une puissance dramatique incroyables avec sa voix profonde, sa verve, son regard qui parle à lui seul, son cynisme aussi. Éblouissant à chaque plan, « dévorant » littéralement les autres comédiens, Raimu signe une création étincelante, maniant le compliment ou la menace avec brio. Du pur bonheur ! En supplément, À l’ère des grandes affaires : entretiens autour du film avec Jean Garrigues, Didier Griselain et Isabelle Nohain-Raimu (50 min) (Pathé)
Pendez Les Haut CourtPENDEZ-LES HAUT ET COURT
En 1889, dans l’Oklahoma, sauvé de justesse par le marshal Dave Bliss, après avoir été lynché par des habitants de Red Creek qui l’accusaient à tort d’avoir abattu un propriétaire de bétail pour le voler, Jed Cooper est reconnu innocent par le juge Fenton. Celui-ci le nomme marshal, notamment pour éviter que Jed ne se livre à une vengeance personnelle. Le juge le charge de ramener vivants les hommes responsables de son lynchage pour qu’ils soient jugés en bonne et due forme. Énergique et habile, Jed parcourt l’Oklahoma, territoire où la loi ne s’est pas encore imposée, et remplit ses fonctions avec une redoutable efficacité. En parallèle, Jed se laisse prendre aux charmes d’une jeune et séduisante veuve qui examine chaque prisonnier avec une insistance qui l’intrigue. Elle lui apprend qu’elle cherche le bandit qui a tué son mari… Après avoir été de la grande aventure du western spaghetti avec trois films de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars en 1964, Pour quelques dollars de plus en 1965 et évidemment Le bon, la brute et le truand en 1966), Clint Eastwood est de retour aux Etats-Unis. Avec un statut de star ! Devant la caméra de Ted Post, Eastwood va, en 1968, incarner Jed Cooper dans Pendez-les haut et court, un solide western riche en rebondissements qui illustre aussi la manière dont le comédien va construire avec intelligence sa carrière d’acteur mais aussi de réalisateur et de producteur. Hang’em High (en v.o.) s’attache à un des thèmes les plus violents du western et aussi de la société américaine, en l’occurrence le lynchage et Ted Post (qui avait dirigé l’acteur dans plusieurs épisodes de la série Rawhide et qui le retrouvera, en 1973 dans Magnum Force, deuxième aventure de l’inspecteur Harry) décline les différentes formes de pendaison, de celle, sommaire, qui se situe au début du film, à la pendaison officielle qui est l’occasion de réjouissances locales sans oublier le suicide par pendaison d’un des principaux personnages du film. Le scénario lui-même invite à s’interroger sur les rapports entre la loi, la justice et ses applications. En tête d’affiche, Clint Eastwood est entouré d’une belle brochettes de comédiens chevronnés comme Ed Begley, Pat Hingle, la belle Inger Stevens ou Charles McGraw mais aussi des débutants comme Dennis Hopper ou Bruce Dern. Le film sort dans une belle édition limitée et restaurée en digibook Blu-ray/DVD avec une présentation d’Olivier Père et Jean-François Giré. Pour sa part, Patrick Brion signe un livret (68 pages) sur la carrière exemplaire du grand Clint dans le western. (Sidonis Calysta)
L'InnocenceL’INNOCENCE
Dans une ville de province au Japon, un enfant se comporte de manière étrange. Au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, de l’enseignant et de l’enfant lui même, la vérité émerge progressivement. Ainsi, chaque personnage du film pourrait à un degré variable être marqué du sceau de la figure du monstre, qui apparaît dans le film comme un reflet des angoisses sociales contemporaines. Avec ce drame mâtiné de thriller dont le titre original Kaibutsu peut se traduire par « monstre », le réalisateur d’Une affaire de famille (Palme d’or à Cannes 2018) est de retour au pays. Ses deux précédents films (La vérité et Les bonnes étoiles) ayant été tournés respectivement en France et en Corée du Sud. Le film raconte l’histoire du jeune Minato, dont le comportement est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école qui affirme que tout va bien. Tout semble pourtant désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ. Kore-eda développe donc trois versions d’un même récit, commençant par le point de vue de Saori, la mère qui constate que quelque chose cloche chez son fils qui revient de classe avec des bleus ou de la terre dans sa gourde. Le second volet est centré sur le professeur que tout semble accuser. Mais, dans ce film qui a obtenu le prix du scénario l’an dernier à Cannes, les versions, évidemment, varient. Car l’enseignant pense que Minato s’en prend consciemment à un autre jeune garçon de la classe. Enfin, on trouve le point de vue de l’écolier… Kore-eda peut ainsi approfondir des thèmes aussi différents que la rumeur et le poids des réseaux sociaux mais aussi les rapports passablement compliqués en matière de pouvoir entre les parents et la communauté éducative ou encore le harcèlement scolaire. Dans cette histoire émouvante, le réalisateur de Nobody Knows (2004) ou Tel père, tel fils (2013) trouve le ton juste et une mise en scène pleine de sensibilité pour raconter le monde de l’enfant comme celui des adultes. Une histoire sur laquelle court la musique du grand Ryuichi Sakamoto, disparu en mars 2023. (Le Pacte)
Iris HommesIRIS ET LES HOMMES
Tandis qu’il la manipule vigoureusement, l’ostéopathe d’Iris l’interroge : «Comment ça va, la vie ?» Iris constate que tout va bien : un mari formidable, deux filles parfaites, un cabinet dentaire florissant. La question que l’ostéo ne pose pas : « Depuis quand n’avez-vous pas fait l’amour ? » Comme si elle lisait les pensées qui troublent Iris alors qu’elle attend son tour pour un rendez-vous parent/prof, une femme lui suggère : « Rien de plus simple que de prendre un amant ! » Deux clics sur une banale appli de rencontre et le tour est joué. C’est le bon coin du sexe sans prise de tête. Les messages bipent à tour de bras. Des hommes comme s’il en pleuvait ! La cinéaste Caroline Vignal retrouve Laure Calamy avec laquelle elle avait réussi le réjouissant Antoinette dans les Cévennes (2020). Ici, Iris part à la chasse aux hommes parce qu’elle est bien obligée de constater qu’elle s’ennuie dans son couple. Alors, elle décide de se reconnecter avec son désir. Jouer la carte du poly-amour, jouir enfin. Cette comédie de mœurs plutôt souriante permet à Caroline Vignal de concocter un rôle sur mesure pour Laure Calamy qui, à travers Iris, dévoile sa fragilité qui est aussi celle de beaucoup de femmes, à l’approche de la cinquantaine. D’une scène à l’autre, elle incarne une femme mûre, « rangée des voitures », qui aurait prématurément renoncé à l’amour, une toute jeune fille à fleur de peau, une femme adulte en pleine possession de ses moyens, de sa puissance sexuelle. Enfin et surtout, dans le regard des hommes, Iris est une femme magnifique, bouleversante, infiniment désirable. (Diaphana)
Une Affaire HonneurUNE AFFAIRE D’HONNEUR
Dans le Paris de 1887, seul le duel fait foi pour défendre son honneur. Clément Lacaze, charismatique maître d’armes, se retrouve happé dans une spirale de violence destructrice. Dans le cercle d’escrime tenu par Adolphe Tavernier, il va croiser Marie-Rose Astié de Valsayre, journaliste et militante féministe en avance sur son époque, et décide de lui enseigner l’art complexe du duel. En effet, la jeune femme a été humiliée publiquement par Ferdinand Massat. Le rédacteur en chef du Petit Journal s’est moqué de ses « vapeurs » et elle entend laver son honneur par les armes. Même si, comme le dit un bretteur, un homme ne se bat pas avec une femme. Clément et Marie-Rose vont faire face aux provocations et s’allier pour défendre leur honneur respectif. Par ailleurs, Clément Lacaze va tenter de dissuader -mais en vain- son neveu Adrien de se battre avec le colonel Berchère, un combattant très expérimenté… D’entrée de jeu, Vincent Perez (qui réalise là son quatrième long-métrage) s’installe dans un riche appartement parisien dans lequel s’affrontent deux escrimeurs dont le maître d’armes Lacaze réputé être le plus grand escrimeur de son temps… À la fin du 19e siècle à Paris, on compte un duel par jour et un mort tous les trente-cinq affrontements, sans compter les blessés. Dans l’atmosphère revanchiste à la suite de la défaite contre la Prusse en 1871 et dans la foulée de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la moitié des duellistes sont des militaires et l’autre vient du monde de la presse nouvellement démuselée et des arts et des lettres à l’honneur bafoué par cette dernière. En 1887, alors que l’histoire millénaire du duel subit ce dernier regain mortifère, les salles d’armes, véritables salles de gym de la Belle époque, pullulent, souvent attenantes des bureaux de rédaction… Vincent Perez et Michel Carliez, spécialiste des cascades, envisageaient depuis longtemps de monter un film autour du duel et de sa longue histoire. C’est donc chose faite avec Une affaire d’honneur. Un drame bien enlevé et centré sur le personnage de Clément Lacaze, bretteur sombre et taiseux hanté par les horreurs de la guerre de 1870. Roschdy Zem incarne avec justesse cet escrimeur entouré de bons comédiens comme Doria Tillier, Guillaume Gallienne, Damien Bonnard et Vincent Perez, lui, dans le rôle de Berchère, un officier qui ne supporte pas de perdre sa fiancée pour un homme plus jeune que lui. Entre un élite qui refuse la modernité et les premiers combats féministes, le cinéaste réussit une intéressante chronique d’un monde en train de complètement changer. (Gaumont)
WonkaWONKA
Aspirant magicien, inventeur et chocolatier, Willy Wonka arrive en Europe pour établir sa boutique de chocolat aux Galeries Gourmet. Ayant rapidement dépensé ses maigres économies, il est rabattu par Mr Bleacher chez Mme Scrubitt, et, malgré l’avertissement de l’orpheline et employée Noodle sur l’importance des petits caractères, il signe le contrat parce qu’il est analphabète. Pour payer les frais exigés par le contrat, Wonka présente aux Galeries Gourmet des « chocovols », des chocolats qui font voler les gens, faisant face à la moquerie des membres du cartel du chocolat : Gerald Prodnose, Félix Fickelgruber et et de son chef Arthur Slugworth. Ils appellent le chef de la police pour confisquer ses revenus pour avoir vendu du chocolat sans magasin. Le cartel du chocolat qui oeuvre en secret, exploite la faiblesse du chef en lui versant en pots-de-vin, leurs chocolats pour forcer Wonka à ne plus faire de chocolat et à quitter la ville ou carrément à le faire disparaître… On se souvient avec plaisir de Charlie et la chocolaterie que Tim Burton tira, en 2005, du roman éponyme de Roald Dahl. On y trouvait, sous les traits de Johnny Depp, le personnage de Willy Wonka. Cette fois, devant la caméra du Britannique Paul King, réalisateur, en 2014 et 2017, des deux Paddington, c’est Timothée Chalamet, vu dans le récent Dune, qui se glisse dans la peau du légendaire et extravagant confiseur dans une préquelle du film de Burton. Si l’idée d’une prequelle pouvait surprendre, le résultat est tout à fait plaisant. L’aventure gourmande et musicale est… savoureuse et Chalamet propose une composition brillante en maître chocolatier dont l’existence va prendre un tournant majeur le jour où il rencontre les fameux Oompa-Loompas, seules personnes (payées en fèves de cacao) que Willy Wonka autorise à travailler dans son usine en raison du risque d’espionnage industriel. L’un de ces Oompa-Loompas, surnommé Colosse, est incarné par Hugh Grant. En multipliant les rebondissements dans une mise en scène inventive, Paul King a concocté une belle recette sur fond de merveilleux, de bonne humeur et de générosité. Timothée Chalamet est entouré d’excellents comédiens britanniques comme Olivia Colman, Sally Hawkins ou Rowan Atkinson. Enfin la musique de Joby Talbot et les chansons de Neil Hannon sont très efficaces ! (Warner)
Batiment 5BATIMENT 5
Jeune femme très impliquée dans la vie de sa commune, Haby découvre le nouveau plan de réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi. Mené en catimini par Pierre Forges, un jeune pédiatre propulsé maire, il prévoit la démolition de l’immeuble où Haby a grandi. Avec les siens, elle se lance dans un bras de fer contre la municipalité et ses grandes ambitions pour empêcher la destruction du bâtiment 5. Le film de Ladj Ly fait clairement allusion à des situations réelles et le cinéaste remarque : « Je suis issu de Montfermeil, j’y ai grandi, ai été nourri par les histoires de ses habitants qui imprègnent forcément mes films mais dans ce cas, j’ai voulu élargir le cadre. Ce qui se passe dans les quartiers de Montfermeil se passe dans de nombreuses autres villes, en France comme ailleurs. En inventant une ville, je me suis dit que tout le monde pourrait s’y refléter. De même pour le principe d’un film choral, qui explore des histoires dans l’histoire, de la trajectoire de ce maire à celle d’une militante associative, de son ami ou du maire adjoint. Le tout lié par un constat sur le politique. » Bâtiment 5 est une manière de dire qu’il est temps de repenser les choses en cherchant, à travers une militante qui le symbolise, des pistes, des nouveaux moyens de faire. A la différence des Misérables qui évoquait la question du comportement policier et spécialement celui de la BAC, Bâtiment 5 aborde une autre problématique, celle du logement social. Et Ladj Ly, avec le personnage d’Haby, insuffle de l’espoir dans son propos. Ses personnages sont certes désabusés, ils n’y croient plus mais Haby (Anta Diaw) représente une possible clé d’ouverture en décidant de s’impliquer jusqu’à se présenter aux élections municipales. « Rien ne dit qu’elle sera élue, souligne le cinéaste, mais au moins, la démarche est là. » Enfin cette sortie s’accompagne aussi d’un coffret qui regroupe Bâtiment 5 et Les Misérables, le premier long-métrage de fiction du cinéaste sorti en 2019 et prix du jury à Cannes. Parmi les bonus, un entretien avec Ladj Ly, le film à Cannes et des scènes coupées. (Le Pacte)
First Slam DunkTHE FIRST SLAM DUNK
Meneur de jeu de Shohoku, Ryota Miyagi joue toujours intelligemment et à la vitesse de l’éclair, contournant ses adversaires tout en gardant son sang-froid. Né et élevé à Okinawa, Ryota avait un frère aîné de trois ans de plus. Sur les traces de ce dernier, joueur local célèbre dès son plus jeune âge, Ryota est également devenu accro au basket. En deuxième année de lycée, Ryota fait partie de l’équipe de basket-ball du lycée Shohoku, aux côtés de Sakuragi, Rukawa, Akagi et Mitsui, et participe au championnat national inter-lycées. Pour l’équipe de Ryota, l’heure est venue de se mesurer aux champions en titre, les joueurs du lycée Sannoh Kogyo. Voici la première adaptation au cinéma du manga culte Slam Dunk qui s’est vendu à plus de 160 millions d’exemplaires au Japon. Véritable phénomène à sa sortie dans les salles nippones, The First Slam Dunk a conservé la première place au box-office japonais pendant huit semaines consécutives, détrônant ainsi Avatar : la voie de l’eau. Le film devient aussi le cinquième film japonais le plus rentable de tous les temps. Lui-même auteur du manga originel, le réalisateur Takehiko Inoue signe le scénario et la mise en scène de The First Slam Dunk. Mais le cinéaste a souhaité ne pas reproduire à l’identique son œuvre initiale. Il se focalise donc sur un autre personnage : Ryota Miyagi et non Hanamichi Saku, le protagoniste du manga. Mêlant une animation 3D pour les scènes de matchs de basket et d’animation 2D dessinée à la main pour celles de la vie quotidienne, le film impressionne par le soin apporté au graphisme. Certaines séquences de matchs ont également été réalisées grâce à la capture de mouvement pour reproduire les actions des joueurs avec le plus de réalisme possible. En complément, on trouve une interview (28 minutes) de Takehiko Inoue. (Wild Side)
Pour Amour CielPOUR L’AMOUR DU CIEL
Alors qu’il vient de conclure un juteux marché avec des Américains, le riche industriel romain Carlo Bacchi est, le jour même de son anniversaire, mortellement renversé par un camion. Las, il se voit refuser l’entrée au paradis. Le juge céleste lui octroie alors douze heures pour racheter ses fautes en faisant, en particulier, le bonheur d’Amedeo Santini, un de ses ouvriers qui a tenté de se suicider. Il se relève donc indemne et rentre chez lui. Au grand dam de sa famille, Bacchi va commencer à régler ses affaires. Il se met à la recherche de Santini, convoque les délégués de son usine pour leur en donner les clés. Mais satisfaire Santini (Julien Carette) ne va pas être une mince affaire. En 1950, le cinéaste italien Luigi Zampa (1905-1991) porte à l’écran un scénario de Cesare Zavattini, souvent considéré comme le père du néoréalisme italien, et signe l’un des premiers films officiellement coproduit par la France et l’Italie dans une tentative commun de défier le cinéma hollywoodien. Etiquetté « film néoréaliste rose », Pour l’amour du ciel, avec des dialogues du grand Henri Jeanson, mêle la critique sociale et la comédie avec une touche de fantastique et une réflexion « chrétienne » sur les humains comme en atteste la dernière réplique : « Heureux ceux qui se perdent car ils seront sauvés ». En tête d’affiche, coproduction oblige, on trouve un « nouveau » Jean Gabin. Avant la guerre, il était un jeune premier romantique (Gueule d’amour de Grémillon) ou un ouvrier engagé (La belle équipe de Duvivier). La star française est revenu de la guerre, les cheveux blanchis. C’est un autre homme qui retourne au cinéma. Il a troqué la salopette pour le costume-cravate et son personnage porte le poids de ses erreurs passées. Gabin est toujours juste mais il lui faudra attendre 1954 et Touchez pas au grisbi de Jacques Becker pour revenir définitivement tout en haut de l’affiche… (Pathé)
Chasse GardéeCHASSE GARDEE
Charmant jeune couple parisien, Adelaïde et Simon ne supportent plus la vie dans leur capitale sauvage et surpeuplée. Avec leurs deux enfants, ils trouvent leur bonheur dans une vaste propriété, située dans la commune très rurale de Saint-Hubert. Mais ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils viennent de s’installer sur le terrain de chasse favori des habitants du village, bien décidés à perpétuer leur mode de vie… Antonin Fourlon et Frédéric Forestier n’innovent pas vraiment en confrontant l’existence urbaine à la vie rurale. D’un côté, l’enfer de la grande ville, de l’autre le charme (réel) de la campagne. De quoi alimenter, sans trop se casser la tête, le scénario d’une comédie française. Parce que vivre dans la capitale, c’est se prendre la tête avec les tenants de la trottinette électrique alors que les « ruraux » sont des gens agréables qui n’oublient pas de se dire bonjour quand ils se rencontrent. Mais il y a les… chasseurs. Et là, l’existence de la famille d’Adelaïde et de Simon devient moins idyllique. Le couple parisien (Hakim Jemili et Camille Lou) va tout tenter pour éloigner les chasseurs de leur propriété. Adelaïde fera même appel à son avocat de père (Thierry Lhermitte) pour arriver à ses fins. Mais les chasseurs, emmenés par Bernard (Didier Bourdon qui se souvient qu’il fut Dédé lorsque Les Inconnus chassaient la galinette cendrée) ne sont pas les viandards bas du front qu’on imagine… Où comment atteindre -peut-être- le vivre ensemble. (Seven 7)

 

UN COUPLE QUI S’INVENTE A DEUX ET UN TERRIFIANT AUTO-STOPPEUR  

Temps AimerLE TEMPS D’AIMER
Un gamin sur la plage… Belle image de vacances bretonnes. Mais le petit Daniel s’approche de la mer. Sa mère crie mais il n’entend pas. Un homme qui passe, attrape le bambin et le ramène… Entre François et Madeleine, quelque chose se passe. Silencieusement. Nous sommes en 1947. Serveuse au Beaurivage, un grand restaurant donnant sur la grève, Madeleine est une taiseuse qui élève Daniel mais sans l’aimer. Avec François Delambre, l’étudiant parisien dont la famille possède une belle maison là-haut sur les rochers dominant la mer, Madeleine se dit qu’elle pourrait enfin laisser derrière elle un traumatisant passé. La séquence d’ouverture du Temps d’aimer est sans équivoque. Des images d’archives déroulent l’un des temps les plus sinistres de la Libération, celui des femmes tondues pour cause de « collaboration horizontale » avec l’occupant nazi. Parce qu’elle fut humiliée et traitée comme une « poule à boches », Madeleine, aussi, fut tondue. Sur son ventre déjà, elle tente d’effacer les traces, non de sa future maternité, mais de l’offense faite par la soldatesque. Katell Quillévéré (révélée en 2013 par l’émouvant Suzanne) a puisé son film dans l’histoire de sa grand-mère qui a toujours fait sentir qu’elle avait un secret. Elle explique : « Pendant l’Occupation, elle a eu une relation avec un soldat allemand dont elle est tombée enceinte. Elle s’est retrouvée mère célibataire à 17 ans. » Le scénario du Temps d’aimer intègre également la suite de l’existence de cette grand-mère. Puisqu’elle rencontra son mari, quatre ans plus tard, sur une plage de Bretagne. C’était un homme d’un milieu beaucoup plus aisé que le sien et il l’épousa contre l’avis de sa famille et adopta son enfant. Au-delà de ce point de départ très personnel, la fiction et l’imagination se chargent de la suite de cette chronique intime placée sous le sceau du silence et des non-dits et centrée sur un couple qui décide de s’inventer à deux et qui va devenir le récit romanesque des jours et des heures d’un couple que tout oppose et qui s’unit, alors que la menace constante d’une catastrophe est là… Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste composent brillamment un couple qui souffre silencieusement d’une durable frustration et qui ne s’épanouit que dans le sexe. François tombe éperdument amoureux de Madeleine tout en aimant les hommes. Et Madeleine, dans une remarquable séquence de sexe très chorégraphiée et érotiquement forte, va prendre le risque de sublimer leur complicité dans une rencontre charnelle partagée avec un GI’s américain… Sans que Le temps d’aimer soit réellement un mélodrame, la cinéaste fait cependant référence au grand Douglas Sirk, maître américain du mélodrame flamboyant, et notamment à son film de 1958, A Time to Love and a Time to Die. Il y est aussi question de guerre, d’amour, de mariage, de maternité… (Gaumont)
HitcherTHE HITCHER
Alors que la nuit tombe et qu’une pluie torrentielle s’abat sur une autoroute déserte du Texas, Jim Halsey roule en direction de la Californie… Le jeune homme prend en stop un voyageur solitaire et sourit : « Ma mère m’interdit de faire ça ! » Et sa mère avait bien raison car le nommé John Ryder s’avère être un véritable psychopathe doublé d’un tueur. Promenant son couteau sur le visage de Jim, Ryder l’oblige à dire : « Je veux mourir ». Terrorisé, Halsey parvient pourtant d’un brutal coup de volant, à projeter le tueur hors du véhicule. Ravi d’avoir échappé à une mort certaine, Halsey poursuit sa route. Mais lorsqu’il s’apprête à dépasser la voiture d’une famille en vacances, il aperçoit Ryder installé à l’arrière en compagnie de la fillette du couple. Pour Halsey, c’est le début d’un long voyage vers l’horreur, constamment traqué par le tueur . Car Ryder réapparaît régulièrement pour assassiner des policiers tandis que les responsables de la police sont désormais convaincus que Halsey est responsable des meurtres commis par Ryder. Le jeune homme n’a d’autres issue que de suivre les traces sanglantes que le tueur sème derrière lui et d’essayer de l’empêcher de nuire. En 1986, avec The Hitcher, le premier long-métrage d’une carrière qui n’en comptera que cinq, Robert Harmon est rapidement remarqué et il obtiendra d’ailleurs le Grand prix du jury et le prix de la critique au Festival du film policier de Cognac. Il est vrai que The Hitcher s’impose comme un film-culte et aussi comme un sommet du thriller flippant. Au point de départ du film, se trouve le scénariste Eric Red qui, un jour, sur une route du Texas, prend dans sa voiture un auto-stoppeur à l’air un peu louche. Il tient alors le début du scénario du film… Dans The Hitcher ou l’apprentissage de la violence, le livre d’Olivier Père qui accompagne le film, l’auteur note : « Même s’il se déroule entièrement dans le désert texan et n’est pas avare en fusillades, duels et poursuites, The Hitcher est moins un western moderne qu’un film fantastique mâtiné d’horreur et d’action. » Et ce fantastique mâtiné de gore doit quasiment tout au personnage de Ryder dont le grand Rutger Hauer (dans son meilleur film américain avec Blade Runner) fait une lancinante incarnation du Mal. Le blond comédien hollandais aux yeux bleus est bien entouré par C.Thomas Howell (qui avait débuté, en 1982, dans le rôle de Tyler de l’E.T. de Spielberg) en jeune homme très traumatisé par ce cauchemar en plein jour et aussi Jennifer Jason-Leigh dans le rôle de Nash. Rutger Hauer qui venait de tourner avec Jennifer Jason-Leigh dans La chair et le sang, lui inflige ici un sort encore plus violent que dans le film de Paul Verhoeven. Un bijou terrifiant ! (Sidonis Calysta)
Amour FouL’AMOUR FOU – VA SAVOIRVa Savoir
De L’amour fou, qu’il tourna en 1969, Jacques Rivette disait qu’il s’agit d’un film « sur la jalousie » tout en ajoutant que cela ne permet pas d’en donner une idée tout à fait exacte… Autour de la dissolution du mariage entre Claire, une actrice (Bulle Ogier), et Sébastien, son metteur en scène (Jean-Pierre Kalfon), Rivette construit un parallèle entre la jalousie d’Hermione dans Andromaque de Racine, et la jalousie de Claire, toutes deux suscitées par l’infidélité d’un homme aimé. Le film alterne en effet des scènes de répétition de l’Andromaque, filmées par une équipe de télévision, et des scènes de la vie de couple de Sébastien et Claire, à l’extérieur du théâtre. Avec cette œuvre-fleuve (4h12), l’un des fondateurs de la Nouvelle vague donne l’une des meilleures variations autour du théâtre qu’ait pu proposer le 7e art. Autour de la complexité et de l’instabilité des rapports d’un couple, Jacques Rivette se souvient : « On l’a tourné en cinq semaines, dans des conditions très serrées. Le film était marqué par ce que je découvrais à l’époque au théâtre, notamment les spectacles de Marc’O, et ses comédiens… Jean Eustache avait fait le montage des Idoles, mais aussi du documentaire Jean Renoir le patron, que je réalisais en 67 pour la série Cinéastes de notre temps. Je me souviens de longues discussions que nous avions sur la question du vrai et du faux. Il soutenait que le principe de base du cinéma devait être la réalité, et plus encore, la vérité. Ce à quoi je lui opposais qu’il n’y avait pas d’autre vérité que la fiction. D’une certaine façon, L’amour fou est un film de fiction par rapport auquel il a proposé le film de vérité : La maman et la putain. Le film est une autobiographie directe, tous les personnages à l’écran étaient littéralement des personnes que je connaissais à l’époque… » Si L’amour fou est une œuvre majeure sur le théâtre au cinéma, on peut ajouter dans cette liste, une autre œuvre de Jacques Rivette, Va savoir qu’il tourne en 2001 avec, en tête d’affiche, Jeanne Balibar et Sergio Castellitto. A travers les représentations de Comme tu me veux de Luigi Pirandello, en italien, et les correspondances entre théâtre et réalité, le film se décompose en une série d’histoires tendres et drôles. Les retrouvailles improbables de deux amants séparés, la quête d’un manuscrit perdu de Goldoni, une thèse sur les fibules croise le destin d’êtres aux limites des amours incestueuses ou de comportements délictueux… (Potemkine)
Hiruko GoblinHIRUKO THE GOBLIN
Un professeur de lycée et son élève disparaissent mystérieusement pendant les vacances d’été. Avant de s’évaporer dans la nature, M. Yabe avait contacté Reijiro Hieda, archéologue aux méthodes excentriques, pour lui faire part d’une étrange découverte qu’il venait de faire. Le scientifique débarque alors dans le village et part à la recherche de son ami aux côtés du jeune Masao, le fils du professeur. Ensemble, l’improbable duo va découvrir que le lycée se trouve au-dessus d’un ancien tumulus qui pourrait bien être une porte souterraine de l’enfer… Deux ans après la bombe cyberpunk Tetsuo, le cinéaste japonais Shinya Tsukamoto est de retour, en 1991, avec ce deuxième film adapté de l’œuvre du mangaka Daijiro Morohoshi. Relecture singulière et ludique du cinéma de fantômes japonais, Hiruko the Goblin mêle, quelque part entre Les Goonies et Evil Dead, terreur gore et humour surréaliste à grand renfort d’effets spéciaux inventifs. Le réalisateur dépeint ici une nature magnifiée, presque contemplative, à la manière d’une épouvante pastorale. Un film à découvrir pour la première fois en Blu-ray dans sa version restaurée et dont son auteur a dit : « J’ai voulu entraîner les spectateurs sur des montagnes russes. » De nombreux suppléments complètent cette sortie. On y trouve une présentation du film par Jean-Pierre Dionnet, deux entretiens avec le cinéaste qui parle, d’une part, de son expérience avec les studios et évoque, d’autre part, cette œuvre à part dans sa filmographie, influencée par les séries shonen de sa jeunesse. Responsable des effets spéciaux et du maquillage, Takashi Oda discute de sa collaboration avec Shinya Tsukamoto et de la fabrication des robots. Enfin, on voit Takashi Oda à l’œuvre sur les créatures Hiruko-qui-marche et Hiruko-poisson. (Carlotta)
Alberto ExpressALBERTO EXPRESS
Alors que son épouse Juliette est sur le point d’accoucher, Alberto Capuano, Parisien originaire d’Italie, se souvient subitement qu’il a l’obligation d’éponger une dette colossale, contractée auprès de son père le jour de ses 15 ans. Suivant la tradition familiale, le jeune homme doit impérativement rembourser son géniteur de tout l’argent dépensé pour lui depuis sa naissance, sous peine de courir un grand danger. Contraint par l’arrivée imminente du bébé, Alberto saute dans le dernier train en partance pour Rome. Commence alors une course contre la montre… Après l’ambitieuse aventure de Harem (1985), son premier long-métrage avec Nastassja Kinski et Ben Kingsley, le réalisateur français Arthur Joffé se lance, pour sa seconde mise en scène, dans une exaltante relecture de la comédie à l’italienne. Avec une fougue délirante, le comédien italien Sergio Castellitto se lance à vive allure, entre Paris et Rome, sur la voie de son destin, comme pour contrer une malédiction insaisissable. Mélange rare d’audace et de fantaisie, à mi-chemin du réalisme et de l’absurde, Alberto Express est une fable onirique, dont la logique folle rappelle à la fois celle des cartoons et l’univers magique d’un Fellini sans oublier Charlie Chaplin auquel, au détour d’un plan, une affiche rend hommage. Un film à découvrir pour la première fois en Blu-ray dans une splendide restauration 4K. Avec une belle liberté et même une joyeuse immoralité, Sergio Castellitto mène cette farandole absurde et drôle, entouré de Nino Manfredi, Marie Trintignant, Jeanne Moreau, Michel Aumont, Dominique Pinon et Thomas Langmann en Alberto adolescent. Le film est accompagné, dans les suppléments, de deux courts-métrages restaurés 4K d’Arthur Joffé : La découverte (1980, 17 mn) qui met en scène un peintre en bâtiment qui se lance à la poursuite d’une immense photo de New York à travers tout Paris et Merlin ou le cours de l’or (1982, 18 mn. Palme d’or du court-métrage à Cannes 1982 ) qui raconte l’histoire de deux passions qui cohabitent et s’opposent. Celle que nourrit une vieille dame pour Merlin, un enchanteur à la queue noire, et celle que nourrit un petit bonhomme pour le précieux métal… (Carlotta)
Classe Tous RisquesCLASSE TOUS RISQUES
Condamné à mort par contumace et recherché par la police, le gangster Abel Davos s’est réfugié en Italie avec sa femme Thérèse et leurs deux enfants. Il réussit, avec son complice Raymond, un hold-up à Milan mais les deux compères sont vite pourchassés, et décident de rentrer clandestinement en France. Le petit groupe débarque sur une plage déserte de Menton, mais deux douaniers les surprennent. S’ensuit une fusillade, au cours de laquelle Thérèse et Raymond sont tués. Resté seul avec ses enfants, Abel fait appel à ses amis de Paris, Riton et Fargier, et leur demande de venir les chercher à Nice. Ceux-ci ne pouvant venir eux-mêmes, lui envoient un homme sûr, Éric Stark, au volant d’une ambulance. Davos se lie d’amitié avec Éric qui le cache dans une chambre de bonne dans son immeuble. En 1960, Claude Sautet réalise, avec l’adaptation du roman éponyme de José Giovanni, son premier long-métrage qui s’inspire des dernières années de la cavale d’Abel Danos, devenu Abel Davos dans le film. Né en 1904, Abel Danos, gangster et membre du Milieu parisien, fut l’un des plus sauvages tortionnaires de la Carlingue, la Gestapo française pendant la dernière guerre. Classe tous risques est né de la rencontre entre Lino Ventura et Claude Sautet. En 1955, Sautet a tourné Bonjour sourire mais il ne le considère pas comme son premier film personnel. Il retourne alors à son travail d’assistant réalisateur tout en oeuvrant comme script doctor. Il travaille sur Le fauve est lâché de Maurice Labro. De fréquents désaccords entre le cinéaste et Lino Ventura pousse Labro à quitter le tournage. Sautet, qui s’est rapproché de Ventura, achèvera le film. Jacques Becker qui a signé Touchez pas au grisbi (1954) dans lequel débute Ventura, conseille à l’acteur de poursuivre sa collaboration avec Sautet. Lino Ventura fera du gangster traqué qui tient à rester un bon père de famille, un beau personnage tragique. A ses côtés, dans le rôle du sympathique et généreux Eric Stark, apparaît un quasi-débutant : Jean-Paul Belmondo. (Coin de mire Cinéma)
Dumb MoneyDUMB MONEY
Créée en 1991, la chaîne de magasins américains GameStop est en grande difficulté à la fin des années 2010. En raison d’importantes pertes financières, de nombreux points de vente ferment. L’année 2020 marque un tournant et l’entreprise fonce vers la faillite. Les fonds d’investissements prévoient alors une banqueroute de l’enseigne. Wall Street panique. Les banques tremblent. L’élite de la finance a des sueurs froides. Alors qu’il est annoncé par des experts boursiers que l’action GameStop va chuter à 20 dollars, de nombreux jeunes opérateurs de marché décident de soutenir GameStop et de contrer cette chute. Via le forum WallStreetBets, ils s’unissent et lancent une liquidation forcée des positions courtes. Connu pour avoir réalisé, en 2017, Moi, Tonya, faux documentaire sur l’histoire vraie de l’affaire Harding-Kerrigan qui a opposé deux patineuses artistiques américaines en 1994, Craig Gillepsie raconte, ici, une histoire vraie qui a affolé Wall Street, faisant s’arracher les cheveux aux dirigeants des Hedge Funds qui voyaient leurs milliards fondre comme neige au soleil. Tout cela parce que de petits actionnaires, emmenés par un geek surnommé Roaring Kitty, ont misé sur des magasins de jeux vidéo en chute libre. Avec un rythme soutenu et un ton volontiers grinçant, ce « thriller » boursier se présente comme une manière d’affrontement entre David et Goliath dans l’univers de la grande finance. Robin des Bois à Wall Street ! (Metropolitan)
Peur PrimalePEUR PRIMALE
Ancien procureur de Chicago, Martin Vail est devenu un avocat très médiatisé. Pour assurer la défense de ses clients, l’avocat vedette du barreau de la ville est aidé par son assistante Naomi Chance et par le détective Tommy Goodman, un ancien policier. Après une grosse affaire où il a travaillé pour le criminel Joey Pinero, il décide de prendre gratuitement la défense d’Aaron Stampler. Ce jeune homme venu du Kentucky est accusé d’avoir sauvagement assassiné à coups de couteau l’archevêque Rushman, une éminente personnalité de la ville. Stampler l’aurait tué après lui avoir tranché la main et écorché les paupières. Arrêté par la police après avoir fui le lieu du crime, Stampler explique à Vail qu’il a de fréquentes « absences » et ne se souvient que de s’être trouvé auprès du cadavre, le couteau ensanglanté à la main, et d’avoir aperçu un homme prendre la fuite. Sous la présidence de la juge Miriam Shoat, le procès débute, et l’avocat affronte la procureure Janet Venable, qui fut autrefois son assistante et sa petite amie… Producteur de séries TV comme New York police blues ou Hill street blues, Gregory Hoblit démarre sa carrière sur le grand écran en réalisant ce Primal Fear, très efficace thriller qui s’appuie sur un best-seller de l’ancien journaliste William Diehl qui ouvre la trilogie Martin Vail. Entouré de Richard Gere (Martin Vail), Laura Linney (Janet Venable), Frances McDormand (la psychiatre Molly Arrington), Edward Norton, déjà acteur confirmé au théâtre, fait ses grands débuts au cinéma avec un jeune schizophrène bègue atteint du trouble de la personnalité multiple… (Paramount)
Pistolet RingoUN PISTOLET POUR RINGO
Dans la ville de Quemado, après avoir cambriolé une banque, des hors-la-loi mexicains, commandés par le sinistre Sancho, se réfugient dans une hacienda. Les notables de la ville font appel à Ringo, tueur d’élite sans scrupules, pour régler le problème. Ringo parvient à gagner la confiance des bandits, et à s’introduire dans leur repaire où ils tiennent en otage, le major Clyde et sa fille Ruby. Par mille ruses, Ringo viendra à bout de sa mission. Après quelques timides films espagnols ou allemands, Sergio Leone lance le phénomène du western européen en 1964. Les meilleurs artisans du cinéma bis, dont, ici, l’Italien Duccio Tessari, puisent alors dans leur mythologie, l’héritage du baroque ou de l’opéra pour réaliser pas moins de 700 films du genre avec des pistoleros pouilleux, des péons révolutionnaires, des justiciers idéalistes et des belles de l’Ouest… Avec Un pistolet pour Ringo -que Quentin Tarantino a classé 12e dans sa liste des vingt meilleurs westerns spaghetti- Tessari (1926-1994) mêle un brin de comédie au western et donne le rôle de Ringo à Giuliano Gemma qui venait d’incarner le bandit Calembredaine dans Angélique, marquise des anges. Enfin, c’est Ennio Morricone qui signe la musique. La même année 1965, le cinéaste génois donnera une suite à son film avec Le retour de Ringo. Dans les bonus, on trouve un entretien avec Giuliano Gemma et Lorella De Luca, l’interprète de Ruby et épouse du réalisateur à la ville… (Artus Films)
Saints SinnersSAINTS & SINNERS
L’Irlande de 1974 est un pays embourbé dans une guerre civile aux conséquences funestes. Bien loin de ce conflit sanglant dans un village côtier isolé du nord, Finbar Murphy, un tueur à gages tout juste retraité, se voit pourchassé par un trio de terroristes en quête de vengeance. Commence un redoutable jeu du chat et de la souris au cours duquel Murphy va devoir faire face à ces démons pour pouvoir enfin tourner la page sur ce chapitre de sa vie. Après une carrière marquée par une suite de films d’action et d’aventures, le Britannique Liam Neeson atteint son sommet en incarnant Oskar Schindler devant la caméra de Steven Spielberg dans La liste de Schindler (1993). On le voit ensuite aussi bien dans Michael Collins que dans Gangs of New York de Scorsese, dans Stars Wars, épisode 1 : La menace fantôme ou encore dans la comédie sentimentale Love Actually. C’est avec Taken (2008) que Neeson s’engage dans la voie du type revenu de tout qui, en quête de rédemption, fait sévèrement le ménage chez les pires malfrats. Revenu sur sa terre natale (il est né en 1952 à Ballymena en Irlande du Nord) , Liam Neeson se glisse à nouveau dans la peau d’un ancien tueur qui s’est forgé une nouvelle identité et s’occupe paisiblement de son pub. Dans les superbes décors champêtres de l’Irlande, Neeson se sort sans peine d’affaire, entouré d’excellents comédiens irlandais comme Ciarán Hinds, Jack Gleeson, Colm Meaney ou Kerry Condon en terroriste froide et violente. (Metropolitan)
Rats AttaquentLES RATS ATTAQUENT
A Toronto, après avoir mangé du maïs contaminé, des rats se transforment en prédateurs féroces et se mettent à attaquer les humains, tout d’abord des personnes isolées, puis les spectateurs d’une salle de cinéma et les passagers d’une rame de métro. Kelly Leonard, inspectrice au département de la santé, et Paul Harris, professeur, vont tenter d’arrêter cette invasion sans précédent. Dans l’imaginaire collectif, les rats ont toujours fait peur parce que ces mal-aimés sont vécus comme vecteurs de dangereuses maladies, nuisibles, envahissants… On peut imaginer alors la panique si ces rongeurs prenaient la taille de petits chiens et se mettaient à attaquer tous les humains sur leur passage ? Suite à l’immense succès des Dents de la mer en 1975, les films d’agressions animales vont proliférer sur les écrans des années 80. Ainsi, en 1981, Robert Clouse (réalisateur d’Opération Dragon, l’inoubliable chef-d’œuvre d’arts martiaux avec Bruce Lee) met en scène, en adaptant le best-seller de James Herbert et sur un scénario de Chales Eglee, futur scénariste et producteur de la série The Walking Dead, des rats géants boostés aux stéroïdes. Film gore à souhait, avec une belle créativité dans les trucages et les effets et n’hésitant pas à aller dans le politiquement incorrect (les bestioles s’en prennent à un bébé), Les rats attaquent alterne aussi les scènes de romance et les scènes de terreur avec ses mutants dévoreurs de chair fraîche. Présenté dans un combo Blu-ray + dvd, le film est accompagné du livret (24 pages) Dents dures et poings serrés conçu par Marc Toullec. (Rimini éditions)

DE RARES OZU, UNE ROMANCE POLITIQUE ET LE MALAISE DE TARA  

Coffret OzuOZU – 6 FILMS RARES OU INEDITS
Cinéaste de la famille et du temps qui passe (Gilles Deleuze note que le réalisateur « réussit à rendre visibles et sonores le temps et la pensée »), Yasujiro Ozu raconta le vingtième siècle de manière à la fois minimaliste et spectaculaire, apportant sa contribution au septième art pour l’éternité. L’œuvre d’Ozu reste cependant inconnue en France jusqu’en 1978, soit quinze ans après sa mort. Trois films sortent alors sur les écrans français : Voyage à Tokyo, Le Goût du saké et Fin d’automne. À l’occasion des 120 ans de sa naissance et des 60 ans de sa disparition, six films rares ou inédits sont présentés pour la première fois dans un coffret de quatre Blu-ray dans leur nouvelle restauration 4K. Trois de ces films sont incarnés par la grande actrice, et bientôt réalisatrice, Kinuyo Tanaka dont on a pu découvrir l’oeuvre, l’an dernier, dans un beau coffret, déjà chez Carlotta. Du polar muet à la comédie nostalgique en passant par le drame conjugal, voici six œuvres qui permettent de comprendre la portée universelle du cinéaste japonais le plus intemporel. Femmes et voyous (1933) raconte la double vie de Tokiko, dactylographe le jour, qui traîne avec une bande de gangsters le soir. Il était un père (1942) met en scène les tourments du professeur Horikawa dont l’un des étudiants s’est noyé lors d’un voyage de classe. Récit d’un propriétaire (1947) suit un jeune sans-logis dans le Tokyo de l’immédiat après-guerre, Il sera confié à une veuve acariâtre qui n’a jamais aimé les enfants… Dans Une femme dans le vent (1948), Tokiko vit seule avec son jeune fils en attendant le retour de son mari sous les drapeaux. Elle survit tant bien que mal. Mais son enfant tombe gravement malade, elle est contrainte de se prostituer… Les sœurs Munakata (1950) gravite autour de la famille tiraillée entre tradition et modernité à travers deux sœurs que tout sépare… Enfin, avec Dernier Caprice (1961), son avant-dernier film, Ozu suit Manbei Kohayagawa, patron d’une petite brasserie de saké au bord de la faillite. Le vieil homme vit entouré de ses trois filles. Manbei trouve du réconfort auprès de son ancienne maîtresse chez qui il se rend en cachette. Mais la santé du patriarche commence à décliner… Parmi les multiples suppléments, outre une livret (80 p.) rédigé par Pascal-Alex Vincent, on trouve Quand la cloche de la jeunesse a sonné (1963), un film TV inédit réalisé par Tsuneo Hatanaka et coscénarisé par Ton Satomi et Yasujiro Ozu. M. Yamaguchi et M. Ogawa apprécient beaucoup la compagnie de Chizuru, la fille de leur amour de jeunesse. Rétive à l’idée de se marier, la jeune femme décide de partir quelques jours à Tokyo en compagnie de ses deux pères de substitution… « Si l’œuvre du cinéaste japonais nous accompagne comme une présence familière, elle reste toujours à découvrir » écrivent Les Cahiers du cinéma. On ne saurait mieux dire. (Carlotta)
Fete ContinueET LA FETE CONTINUE !
« Il faut affirmer sans cesse que rien n’est fini. Que tout commence… » Ce sont les derniers mots du 23e et dernier film en date de Robert Guédiguian. Ces mots prononcés face à la mer, à Marseille, ce sont ceux de Rosa, infirmière à l’hôpital de la Timone et proche de la retraite. Une militante qui se démène pour regrouper les militants de gauche et écologistes pour les prochaines élections municipales. Tout en s’occupant sans cesse de sa tribu, en l’occurrence ses fils Sarkis et Minas, Tonio son frère, chauffeur de taxi communiste mais aussi d’Alice, le bel amour de Sarkis, une comédienne qui milite avec les personnes du quartier qui ont été touchées par l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne… De fait, le réalisateur de Marius et Jeannette a donné, pour toile de fond de son film, le drame de la rue d’Aubagne qui a vu, le 5 novembre 2018, deux immeubles vétustes et insalubres s’effondrer, tuant huit personnes et provoquant l’indignation, la honte, la colère et la rage de la population. A travers ce film choral porté par six personnages principaux dont deux de femmes militantes appartenant à deux générations, Guédiguian poursuit tout à la fois sa célébration de sa ville natale (en filmant d’autres lieux marseillais que l’emblématique Estaque) et sa glorification des valeurs de générosité et d’humanisme. Comme il le fit, notamment dans Le voyage en Arménie (2006), le cinéaste installe son récit dans le cadre de l’importante diaspora arménienne de la cité phocéenne. Ainsi Minas et Sarkis, profondément attachés à leurs racines, veulent soutenir l’Arménie en guerre contre l’Azerbaïdjan. Le second rêve d’ailleurs d’une famille nombreuse, qu’il voit comme une revanche sur le génocide arménien. Et la fête continue ! vogue, aux accents de Schubert, Mozart et du Emmenez-moi de Charles Aznavour, entre une réflexion politique avec l’investissement à gauche d’une Rosa qui pourrait se retrouver tête de liste aux élections municipales et une douce chronique amoureuse. Rosa tombe en effet follement amoureuse d’Henri, le père d’Alice, venu vivre au bord de la Méditerranée pour se rapprocher de sa fille. Evidemment, on retrouve ici toute la bande de Guédiguian avec, en tête, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan entourés de Robinson Stevenin, Lola Naymark ou Grégoire Leprince-Ringuet. (Diaphana)
How To Have SexHOW TO HAVE SEX
Afin de célébrer la fin de leurs années lycée, Tara, Skye et Em, trois amies anglaises, décident de s’offrir leur première escapade entre copines dans la station balnéaire prisée d’Heraklion en Grèce. Leur plan ? Enchaîner les fêtes, les soirées bien arrosées et les nuits blanches en compagnie de colocs anglais rencontrés dès leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur des premières fois, mais elle se retrouve rapidement dépassée. Confrontée à l’effervescence collective, elle se demande si elle est réellement libre d’accepter ou de refuser chaque nouvelle expérience qui se présente à elle… Pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice, la Britannique Molly Manning Walker, également directrice de la photographie, emporte le spectateur dans l’univers de ce que les Américains nomment le Spring Break (relâchement de printemps en v.f.), cette semaine de vacances accordée aux étudiants nord-américains qui la passent, souvent à Cancun au Mexique, à se mettre la tête à l’envers entre alcool à gogo, drogue et filles dénudées. De Nightmare Beach à Piranha 3D en passant par le trash Spring Breakers d’Harmony Korine, le cinéma a souvent tourné sa caméra sur ces débordements festifs. How to have Sex (primé à Un Certain regard à Cannes) semble s’inscrire aussi dans cette débauche étudiante sur fond de piscine bondée, de sable chaud la nuit sur la plage et de picole sans discontinuer, jusqu’à en vomir tripes et boyaux. Mais la cinéaste retourne habilement le propos. L’aventure des trois copines délurées prend, peu à peu, un tour plus glauque à l’image de ces plans larges et vides sur une cité balnéaire dévastée et jonchée de déchets. Car ce qui intéresse Molly Manning Walker, sous les faux airs de teen movie de son film, c’est ce que deviennent ses jeunes personnages et essentiellement Tara (Mia McKenna-Bruce) dans cet univers. Car Tara est bien venue en Grèce avec l’idée d’en finir avec sa virginité et ses copines ne se privent pas de la charrier là-dessus. Et si Badger, le voisin de chambre à l’hôtel, allait être celui-là. En fait, ce sera son copain Paddy qui entraînera Tara sur la plage. Mais voilà la jeune fille n’a pas envie de se mettre du sable partout. Qu’importe. Et Paddy récidivera le lendemain en se glissant dans le lit d’une Tara qui cuve plus son malaise que la vodka. Sous ses dehors colorés et sonores, How to have Sex est un regard grave sur la question du consentement. A Em qui lui demande comment c’était, Tara répondra, tristement, « J’étais endormie ». (Condor)
Tokyo-GaTOKYO-GA
Printemps 1983. Vingt ans après la disparition du grand réalisateur Yasujiro Ozu (1903-1963), Wim Wenders décide de partir à Tokyo sur les traces de son maître de cinéma. Alors que ce dernier a documenté à travers ses films les métamorphoses de la vie au Japon de la fin des années 1920 au début de la décennie 1960, reste-t-il encore dans la capitale des images de son univers cinématographique ? Quarante ans avant Perfect Days, sa nouvelle aventure tokyoïte, Wim Wenders déambule de jour comme de nuit à travers une ville frénétique, s’aventure dans des salles de pachinko, dans des stands d’entrainement de golf, dans une fabrique de faux aliments en cire, plus vrais que nature, dans des cimetières où les enfants jouent au base-ball ou dans des parcs où des adolescents dansent le rock. Sur son chemin, il croise aussi la route de deux fidèles de l’univers d’Ozu, l’acteur Chishu Ryu (il dit « J’étais devenu un couleur sur sa palette ») et le directeur de la photographie Yuharu Atsuta. Éclairé par les réflexions et impressions de son réalisateur, Tokyo-Ga, qui s’ouvre et s’achève sur un extrait de Voyage à Tokyo (1953), pose un regard nostalgique sur le caractère éphémère des choses et la beauté si fragile du cinéma. Dans ce «  journal filmé » aussi passionnant que sensible (pour la première fois en Blu-ray dans sa nouvelle restauration 2K), le réalisateur de Paris Texas s’intéresse aux traces d’Ozu dans le Japon du début des années 80 et constate que sa mémoire est partout. Dans les suppléments, on trouve un entretien avec Wenders (43 mn) dans lequel le réalisateur, après être revenu en détail sur le tournage de son documentaire sorti en 1985, raconte sa rencontre manquée avec l’actrice Setsuko Hara, son nouveau film Perfect Days et sa filiation avec Ozu, ainsi que le lien particulier qu’entretient le cinéma avec les lieux. (Carlotta)
Notre CorpsNOTRE CORPS
Comment une femme vit-elle une IVG, l’annonce d’un cancer du sein, le recours à la PMA ? Claire Simon plonge, ici, avec un regard intense dans le quotidien d’un service de gynécologie-obstétrique d’un hôpital parisien, où les destins de femmes se croisent. Premières consultations gynécologiques, interventions chirurgicales, soins palliatifs, transitions de genre, accouchements… La réalisatrice filme les patientes et leur intimité, et recueille leurs histoires, leurs espoirs, leurs désirs mais aussi leurs peurs. Avec pour objectif de filmer le corps des femmes, de mettre en avant ce qu’elles traversent tout au long de leur vie gynécologique et de montrer que leurs corps souffrent davantage que celui des hommes. « J’ai eu l’occasion, dit Claire Simon, de filmer à l’hôpital l’épopée des corps féminins, dans leur diversité, leur singularité, leur beauté tout au long des étapes sur le chemin de la vie. Un parcours de désirs, de peurs, de luttes et d’histoires uniques que chacune est seule à éprouver. Un jour j’ai dû passer devant la caméra. » En effet, ce documentaire intimiste plein d’empathie et de dignité devient d’autant plus émouvant lorsque la réalisatrice elle-même se retrouve soudainement propulsée dans son film : alors qu’elle est en plein tournage, Claire Simon apprend en effet qu’elle a un cancer du sein. De visiteuse, elle devient patiente et son combat victorieux contre la maladie ajoute un supplément d’âme à un film déjà bouleversant d’humanité. La cinéaste parle des femmes comme de « combattantes » et souligne combien ces pathologies gynécologiques pèsent sur les vies, les amours, les désirs, les espoirs… (Blaq Out)
Vincent Doit MourirVINCENT DOIT MOURIR
La vie tranquille de Vincent Borel bascule lorsqu’il devient la cible d’attaques meurtrières, sans motif apparent. Contraint de fuir et de réinventer sa vie à mesure que ces agressions s’intensifient, cet homme ordinaire est plongé dans une lutte pour sa survie. Présenté avec succès en séance spéciale à la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2023, le premier long-métrage de Stéphane Castang (coécrit avec Mathieu Naert) est un film qui frappe immédiatement par la force de son point de départ. Au spectateur, le cinéaste suggère la question : Que se passerait-il si vous étiez soudain victime de la violence la plus extrême ? Or le personnage de Vincent est justement victime de cette violence à la fois banale et inexplicable. Stéphane Castang, qui ne lésine pas sur les scènes d’action, donne un vrai film de genre, pas dépourvu de quelques scories propres au premier film, qui associe le thriller et le fantastique autour d’un parfait anti-héros auquel on peut sans peine s’identifier. C’est le toujours excellent Karim Leklou (vu dans BAC Nord, Goutte d’Or ou Pour la France) qui se glisse brillamment dans la peau de ce monsieur-tout-le-monde qui se met à déclencher bien malgré lui des crises de folie meurtrière chez les gens qu’il croise. Heureusement pour lui, il croisera bientôt la route de Margaux, interprétée par Vimala Pons, qui semble immunisée contre ce mal étrange. Sur un monde en proie à une violence folle, un film solide et efficace où tout est dans le regard… (Capricci)
Smith TaciturneSMITH LE TACITURNE
Employé par une puissante compagnie de chemin de fer, le détective Luke Smith poursuit les trois frères Barton, des pilleurs de train. Si ceux-ci lui échappent une première fois, il parvient à leur tendre un piège et à en abattre deux. Lui-même blessé, Smith bénéficie des soins de Murray Sinclair, un ami d’enfance marié à la douce Marian, la femme qu’il aima bien des années plus tôt. A peine s’est-il débarrassé du dernier des frères Barton, que Smith soupçonne Sinclair de tremper dans des affaires louches, probablement en lien avec Rebstock, le puissant protecteur des Barton et l’instigateur des attaques des convois ferroviaires… Le déraillement d’un train et l’éviction de Murray, accusé de pillage du fret, retardent son départ. Luke est une nouvelle fois habilité à résoudre le mystère du déraillement et, dans le même temps, va essayer de faire réintégrer son ami à son poste… Le Britannique Leslie Fenton (1902-1978) n’est sans doute pas le plus fameux réalisateur de westerns mais il mérite la reconnaissance, ne serait-ce que pour avoir réussi, en 1948, avec Whispering Smith, une vraie perle du genre portée par des extérieurs bien filmés, une solide interprétation (Robert Preston, Brenda Marshall, Donald Crisp) et une action rapidement menée. Et puis, il y a évidemment, dans le rôle de Luke Smith, le policier du rail, surnommé Whispering Smith pour la manière qu’il a de s’exprimer toujours calmement, le westernien Alan Ladd dans le rôle d’un homme droit tiraillé entre son devoir et son amitié pour Murray. A noter que le personnage du détective privé Luke Smith a réellement existé… Dans les suppléments, on trouve un documentaire sur Alan Ladd et une portrait de l’acteur par Jean-Claude Missiaen. (Sidonis Calysta)
La TresseLA TRESSE
Dans un village de l’Uttar Pradesh en Inde, Smita, une Intouchable, rêve de voir sa fille Lalita échapper à sa condition misérable et entrer à l’école. A Palerme, Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée. A Montréal, Sarah, avocate réputée et grande travailleuse, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est malade. Trois vies, trois femmes, trois continents. Trois combats à mener. Si elles ne se connaissent pas, Smita, Giulia et Sarah sont liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier. Comédienne, récemment, chez Cédric Kahn et Yvan Attal, Laetitia Colombani réalise, ici, son troisième long-métrage après A la folie… pas du tout (2002) et Mes stars et moi (2008) et adapte avec grand bonheur, son (premier) roman éponyme paru en 2017 chez Grasset et lu par plus de cinq millions de lecteurs. La cinéaste raconte tour à tour les parcours de ces trois femmes qui ne se rencontrent jamais tout en étant attentive à ce qui va pouvoir les relier. Si la mise en scène est dynamique, le ton est plutôt du côté du conte allégorique dans cette histoire de rapports humains traversés par la détresse, les combats, la solidarité et l’espérance. L’Américaine Kim Raver (pour l’épisode canadien), l’Italienne Fotini Peluso et l’Indienne Mia Maelzer participent de la réussite du film. (M6)
Comme Par MagieCOMME PAR MAGIE
Jeune magicien en pleine ascension, Victor, devenu père et veuf le même jour, élève, depuis, seul sa fille Lison. C’est sans compter Jacques, son fantasque beau-père, qui se mêle contre son avis de l’éducation de la petite. Un tandem improbable qui aura pour arbitre Nina, l’amie d’enfance de Victor, une jeune femme au caractère bien trempé. Mais Victor est décidé à ne pas laisser sa profession de magicien prendre le dessus sur son rôle de père qui l’emmène dans une tournée lointaine… En 2004, Christophe Barratier signe, avec Les choristes, son premier long-métrage et frappe très fort puisque le film réunit 8,5 millions de spectateurs dans les salles françaises. Autour des thèmes de la filiation et de l’éducation, déjà des ingrédients des Choristes, le cinéaste s’applique à mettre en scène de jolies émotions même si les ficelles du scénario sont un peu épaisses et les effets sonores trop appuyés. Si Kev Adams (Victor) fait le job, on note plus volontiers la prestation de Claire Chust (Nina) et, évidemment, Gérard Jugnot. Celui qui fut Clément, le surveillant passionné de chant choral dans Les choristes, est, ici, un grand-père aussi fantasque que touchant. (Orange Studio)
Nuits Blanches PetersbourgLES NUITS BLANCHES DE SAINT-PETERSBOURG
Au début du 20e siècle, à Saint-Pétersbourg, le haut fonctionnaire Borowsky recueille son ami Serge Pozdnycheff, jeune fêtard ruiné pour avoir mené une vie de débauche. Serge séduit Sonia, l’épouse de Borowsky, ce qui pousse ce dernier au suicide. Traumatisé par ce drame et pris de remords, Serge s’installe dans le domaine familial avec sa mère, à la campagne. Il fait la connaissance d’Hélène Voronine et l’épouse. Quelques années plus tard, le couple est installé à Saint-Pétersbourg avec Vassia, leur jeune fils. Par l’intermédiaire de Katia, sa jeune sœur, Hélène fréquente les salons mondains et rencontre ainsi le violoniste virtuose Toukatchewsky… En proie à une jalousie maladive, Serge tente d’assassiner sa femme et le musicien qu’il croit être l’amant d’Hélène. Il sera condamné mais sa femme, qui l’a toujours aimé, l’attendra à son retour de prison. En 1944, Jean Dréville fut récompensé du prestigieux prix Louis Delluc pour Les casse-pieds avec Noël-Noël. Juste avant la guerre, en 1938, il mettait en scène, dans les studios de Joinville, cette adaptation de La sonate à Kreutzer de Léon Tolstoï, considérée comme l’une des meilleures parmi la dizaine consacrée au roman de l’écrivain russe. Ce film, qui sort dans une bonne édition Blu-ray, est interprété par Pierre Renoir (Borowsky) mais surtout Jean Yonnel, sociétaire du Français, dans le rôle de Pozdnycheff et Gaby Morlay en Hélène Voronine. Celle qui fit, pendant l’Occupation, pleurer la France avec le dramatique Voile bleu (1942) est un peu mal à l’aise avec son personnage de jeune fille, elle qui a alors déjà 45 ans… (Gaumont)
Moi Hommes 40 ansMOI ET LES HOMMES DE QUARANTE ANS
Lassée des garçons de son âge, Caroline, une jeune et ravissante manucure décide de ne fréquenter que des hommes âgés de quarante ans. La charmante donzelle veut s’amuser, connaître d’autres choses qu’avec des garçons de son âge, qu’elle juge évidemment immatures… Mais, évidemment, les hommes qu’elle considère comme adultes, ont, eux, des idées peu catholiques derrière la tête… Bien sûr, Caroline renoncera à la frivolité et rentrera dans le rang. En 1965, Jack Pinoteau, connu pour avoir mis en scène Le triporteur (1957) d’après René Fallet et avec Darry Cowl, réalise son dernier film pour le grand écran avant de travailler pour la télévision. Il signe une comédie légère sur des dialogues de Philippe Bouvard et une musique de Claude Bolling dont la structure ressemble un peu à celle d’un film à sketches puisque la pétillante Caroline va rencontrer différents personnages masculins. En l’occurrence Paul Meurisse, Michel Galabru et Michel Serrault qui tournent autour de la blonde et souriante Dany Saval. Ce film qui sort dans une nouvelle présentation Blu-ray est léger à souhait dans sa manière de brocarder les relations hommes-femmes. On est alors au mitan des années soixante et MeToo est encore bien loin. (Gaumont)
Temps PaysansLE TEMPS DES PAYSANS
L’histoire de la paysannerie européenne débute dans les ruines de Rome. Avec la disparition de l’empire et des grandes villes, la majorité de la population se retrouve paysanne. Libérés de l’impôt, ces nouveaux paysans, plus autonomes qu’ils ne le seront jamais, ne produisent qu’à la mesure de leurs besoins. Mais à partir du IXe siècle, les élites guerrières imposent le retour de la domination, des taxes et des corvées, tandis que l’Église traque les anciens cultes ruraux. Voici venu le temps de la féodalité et de l’oppression. Privés de récits, les paysans européens, écrasés, déconsidérés, ont longtemps vécu dans le silence et l’obscurité, ne laissant, durant des siècles, aucun témoignage direct. Après Le temps des ouvriers (2020), le documentariste français Stan Neumann retrace, en quatre volets, l’histoire longue d’une catégorie méprisée et exploitée à l’heure où nous réalisons la fragilité de notre civilisation urbaine. Ce documentaire fleuve, narré par Catherine Ringer, s’appuie sur une myriade d’illustrations : iconographie religieuse, gravures, toiles, cartes postales, fables ancestrales, affiches politiques, chansons populaires, perles du cinéma en noir et blanc… Jouant avec les codes narratifs, Neumann opère, tout au long de ces quatre volets (Age d’or, âge de fer – Désastres et révoltes – Vers l’émancipation et Paysans, envers et contre tout) des allers-retours réguliers entre la grande histoire de la paysannerie et des interviews d’agriculteurs en activité, qu’ils soient bretons, italiens, roumains… Mêlant archives et séquences d’animation, ce voyage dans le temps et sur l’ensemble du continent offre aussi une plongée dans l’histoire politique, économique et coloniale de l’Europe. (Arte)
Maitre IlesLE MAITRE DES ILES
L’archipel d’Hawaï dans les années 1880. Descendant d’une riche famille américaine de planteurs, Whip Hoxworth hérite de terres après la mort de son père. Il va découvrir de l’eau et développer la culture de l’ananas. Avant de devenir le plus gros planteur d’Hawaï, Whip faisait du commerce avec des Chinois. Alors qu’il transportait, en tant que capitaine du cargo de commerce Le Carthaginois, de la main d’oeuvre chinoise jusqu’à Hawaï, cet aventurier avait découvert qu’une femme, Nyuk Tsin, voyageait clandestinement avec son mari et devait être vendue à une maison close d’Honolulu. Afin de les sauver, Hoxworth les engage comme domestiques dans sa demeure. Les années passant, Nyuk et son mari Mun deviennent parents de cinq enfants, tandis que leur patron développe, grâce au travail acharné de ses ouvriers chinois, un empire commercial. Descendante d’une famille noble de Hawaï, Purity, le femme de Whip, lui donne Noël, un fils qui sera élevé par Nyuk Tsin et Mun. Noël travaille au côté de son père et tombe amoureux de Mei Li, l’une des filles du couple chinois. Sachant son activité menacée par l’indépendance des îles, Hoxworth fomente une révolution de manière à ce que son territoire bénéficie du protectorat américain… En s’appuyant sur Hawaï, le roman de James Michener, l’Américain Tom Gries tourne, en 1970, cette aventure exotique dont le scénario se situe peu avant l’annexion pure et simple des îles Hawaï par les États-Unis. Charlton Heston qui venait d’être la vedette de La planète des singes (1968) et qui avait aussi été le héros du western Will Penny le solitaire du même Tom Gries, incarne ce parfait héros. Il est entouré par Géraldine Chaplin et John Phillip Law. Pour la première fois en dvd et Blu-ray. (Sidonis Calysta)
Chat CanariLE CHAT ET LE CANARI
À Glendiff, en Grande-Bretagne, le 27 septembre 1914, le riche et excentrique Cyrus West meurt dans son grand manoir. Vingt ans plus tard, Me Allison Crosby, notaire, est chargée de l’ouverture et de la divulgation du testament. Soudain une horloge se met à sonner. Miss Pleasant, la vieille gouvernante de West, s’inquiète. L’horloge était silencieuse depuis 20 ans… La notaire a donc convoqué les héritiers du défunt. Tout ce petit monde est réuni dans la grande salle à manger du château, à l’heure du dîner et Madame Crosby annonce que Cyrus West a laissé un message sous la forme d’un… film. Dans lequel le défunt salue une « bande de petites canailles ». Il s’avère que la jeune Annabelle, charmante créatrice de mode, est légataire universelle. Peu à peu, les invités disparaissent l’un après l’autre, froidement assassinés… Une atmosphère à la Agatha Christie, un petite touche de Cluedo pour cette histoire qui mêle le policier et le suspense. D’autant que l’inquiétant Hendricks les met en garde contre un malade qui se prend pour un chat. C’est Radley Metzger qui réalise en 1978 ce polar qui a, aujourd’hui, pris un petit coup de vieux mais qui se regarde encore avec le sourire. Metzger est connu pour être l’un des premiers réalisateurs de films de sexploitation puis de porno chic avec notamment, sous le pseudonyme d’Henry Paris, The Private Afternoon of Pamela Mann (1975) ou The Opening of Misty Beethoven (1976). Ici, c’est du cinéma classique qui fait la part belle à des comédiens anglo-saxons comme Edward Fox, Olivia Hussey, Peter McEnery, Wendy Hiller ou Honor Blackman qui fut, en 1964, la belle Pussy Galore dans Goldfinger ! (Rimini éditions)
Tiger CageTIGER CAGE – LA TRILOGIE
En quatre années, le cinéaste hongkongais Yen Woo-ping, spécialiste de la chorégraphie des scènes d’action au cinéma, notamment pour Matrix, Tigre et Dragon ou Kill Bill, mettait en scène trois Tiger Cage, désormais réunis dans un beau coffret. Une trilogie avec laquelle il introduit les arts martiaux dans le polar urbain. Dans Tiger Cage (La rançon des traitres – 1988), les policiers des Stups, sous la direction de l’inspecteur Hsiu, mettent sous les verrous un gang de de dealers. Mais leur chef Swatow réussit à s’échapper. Le lendemain, Hsiu est retrouvé mort. Ses collègues veulent le venger mais des flics sont également impliqués dans l’affaire… Dans Tiger Cage 2 (1990), l’inspecteur Dragon Yau, fraîchement divorcé, est blessé quand il tente de mettre fin à un hold-up. Accusé du crime avec Mandy Chang, l’avocate de son divorce, il se retrouve alors pourchassé par la police et les triades qui veulent mettre la main sur la main sur une mallette contenant des millions de dollars blanchis provenant du trafic de drogue. Enfin, avec Tiger Cage 3 (1991), on suit l’enquête de l’inspecteur James de la brigade financiière qui enquête sur Lee Siu-pong, soupçonné d’activités criminelles. Quand ce dernier se sent surveillé, il kidnappe Suki, la fiancée de James et tente d’assassiner le policier. Mais James survit et décide de se venger… Pas besoin de chercher midi à quatorze heures, voici du cinéma qui déménage avec du voyou à gogo, des flics à cran et du flingage à tous les coins de l’écran. Ce n’est pas du 7e art mais c’est bigrement efficace. (Metropolitan)

UN CAPITAINE AMOUREUX, UN PATRON DE PUB ET UN ATOMISTE PARANOIAQUE  

RemorquesREMORQUES
Capitaine du remorqueur Le Cyclone, André Laurent assiste avec son équipage à la noce d’un de ses marins, avant d’être appelé en urgence pour secourir les passagers d’un cargo en détresse. A bord, se trouve notamment Catherine, l’épouse du commandant. Alors que sa femme Yvonne lui dissimule sa maladie et le supplie de prendre sa retraite, André tombe follement amoureux de Catherine, avec laquelle il débute une liaison… Réalisateur de Remorques, Jean Grémillon est reconnu, par les historiens comme par la critique, comme l’un des maîtres du cinéma français entre le milieu des années 20 et les années soixante. Mis en chantier en juillet 1939, Remorques connut une production très accidentée. Le tournage commence en Bretagne pour une quinzaine de jours d’extérieurs. De retour à Paris, l’équipe reprend le travail en août 1939 aux studios de Billancourt pour des scènes d’intérieurs. Las, le 3 septembre 1939, tout s’arrête. La France entre en guerre. Grémillon est mobilisé. Tout comme Jean Gabin, l’interprète du capitaine Laurent. Le tournage reprendra brièvement en avril 1940 grâce à une permission exceptionnelle accordée au cinéaste et à l’acteur. A nouveau interrompu en juin 40, la dernière image de Remorques sera enregistrée début septembre 1941. Le film sort finalement fin septembre 1941 dans les salles françaises et connaît le succès ! Pourtant, malgré ces films et ces réussites, Grémillon fait figure de cinéaste « maudit », probablement victime de classifications hâtives et de malentendus tenaces. En fait, ce cinéaste contemporain de Jean Renoir, Marcel Carné ou Julien Duvivier, n’eut, entre 1937 et 1943, qu’une seule période faste où il réalisa cinq films : Gueule d’amour, Lumière d’été, Le ciel est à vous, L’étrange Monsieur Victor et évidemment Remorques que le cinéma français classa tout de même parmi ses chefs-d’œuvre. Dans un témoignage retrouvé par Bertrand Tavernier alors qu’il préparait son magnifique Voyage à travers le cinéma français, Charles Spaak, scénariste attitré et ami de Grémillon, disait : « Il était intelligent, cultivé, il savait écrire, peindre, composer de la musique. Il était beau, généreux, faisait très bien la cuisine, adorait la vie. Il avait tout pour réussir et il a eu une existence contrariée, sans arrêt marquée d’échecs. Cela venait un peu de son caractère : il aimait travailler avec les scénaristes, avec les acteurs, il était passionné par le montage. Malheureusement, il n’aimait pas les producteurs, et ils le lui ont toujours bien rendu ! » Avec Remorques, Grémillon donne une symphonie sur les thèmes du destin et de l’amour fou. Pour cela, il reforme le couple du Quai des brumes avec Jean Gabin (qui retrouve le réalisateur après Gueule d’amour) et Michèle Morgan, de nouveau amants tragiques. Et Grémillon excelle à mettre en scène avec la même intensité la violence des éléments naturels et celle des sentiments humains… (Carlotta)
The Old OakTHE OLD OAK
Sur la côte nord-est de l’Angleterre, des réfugiés syriens, notamment des femmes et des enfants, descendent d’un bus. Dans les rues de cette cité modeste où s’alignent les maisons de briques rouges, la présence de ces étrangers n’augure rien de bon… Un grand type aviné arrache un appareil photo des mains de Yara, l’une des réfugiées, qui le prenait en photo… L’appareil est brisé. C’est une catastrophe parce que Yara n’a pas les moyens de le faire réparer mais plus encore parce l’objet est lié à la mémoire de son père, emprisonné dans les geôles syriennes et dont elle n’a aucune nouvelle. Après Moi, Daniel Blake (2016) puis Sorry, we missed you (2019), Ken Loach, 87 ans, est revenu tourner dans le nord-est de l’Angleterre mais, après ces deux films qui se terminaient tragiquement, il montre des gens forts et généreux qui réagissaient avec courage et détermination face à l’adversité actuelle. Au coeur du village, The Old Oak, le pub tenu par Tommy Joe Ballantyne, dernier lieu public encore ouvert et menacé de fermeture, est seulement fréquenté par une dernière poignée d’habitués. Yara en pousse la porte. Le pub va devenir le lieu de tous les débats et même d’une forme de réconciliation… Chantre d’un cinéma du réalisme social, Ken Loach s’est souvent penché sur les situations difficiles de la classe ouvrière britannique, créant un immédiat lien d’empathie du spectateur pour ses personnages… Avec The Old Oak, on s’attend à voir « du Loach » et c’est bien « du Loach » qui se déroule sur l’écran. Notamment à cause de beaux personnages comme Yara (Ebla Mari dans ses débuts au cinéma) mais aussi de Dave Turner, le syndicaliste retraité, qui incarne TJ, un type au bout du rouleau. Par son enthousiasme douloureux, Yara lui donne un coup de pied aux fesses. Alors TJ pense qu’il peut y avoir de l’espoir. Un espoir que Loach réussit à faire partager au spectateur qui, à l’instar de Yara, peut aussi dire: « Choukrane, Mister Ballantyne »  (Le Pacte)
Inconnu ShandigorL’INCONNU DE SHANDIGOR
« Je n’aime pas l’humanité. Je l’aime dans un bocal d’arsenic ! » Herbert Von Krantz a inventé l’Annulator, un procédé révolutionnaire capable de désamorcer les armes nucléaires, ce qui ne manque pas de susciter la convoitise des services secrets de puissants États comme d’étranges groupuscules terroristes. Savant infirme et à demi fou, Von Krantz s’est enfermé dans sa demeure, véritable bunker protégé par un terrifiant système anti intrusion. Une maison bientôt cernée par des espions de tout poil. Sylvaine, la fille (probablement le seul être humain de l’aventure) du savant et son assistant Yvan sont enlevés pour servir de monnaies d’échange aux assaillants prêts à tout pour récupérer les plans du fantastique Annulator. Chaînon manquant entre Docteur Folamour, Alphaville et la saga James Bond, L’inconnu de Shandigor est le premier long-métrage de Jean-Louis Roy, cinéaste et membre du Groupe 5, l’équivalent suisse de la Nouvelle Vague, aux côtés de Claude Goretta, Michel Soutter ou Alain Tanner. Avec humour, Jean-Louis Roy (1938-2020) affirme ainsi qu’il n’a aucune envie de faire un cinéma suisse « avec des vaches et des petites fleurs ». C’est donc dans un film d’espionnage avant- gardiste, véritable ovni cinématographique mâtiné de science-fiction et de bande dessinée, qu’il se lance en 1967. En jouant allègrement sur les poncifs et les clichés du genre, Roy exploite à merveille et avec un sens aïgu de la parodie, un univers qui pourrait être celui, comme l’a dit un critique, de 007 revisité par Durrenmatt ! Dans cette mosaïque d’intrigues où se croisent des espions à chapeau mou et lunettes sombres, Jean-Louis Roy met en scène de bons comédiens comme l’admirable Daniel Emilfork, grand habitué des méchants fous (et qui sera, en 1995, le savant Krank dans La cité des enfants perdus de Jeunet) mais aussi Jacques Dufilho, Howard Vernon, Marie-France Boyer ou Serge Gainsbourg, qui composa et interpréta pour l’occasion la chanson Bye, Bye Mister Spy. Disponible pour la première fois en Blu-ray dans une belle restauration 4K, L’inconnu de Shandigor est accompagné, en supplément, d’un extrait de l’émission suisse Cinéma-Vif dans laquelle le cinéaste parle de la genèse de son film. (Carlotta)
OnibabaKuronekoKANETO SHINDO
D’abord assistant-décorateur à la compagnie Shochiku dans les années trente puis assistant de Mizoguchi pour lequel il écrit plusieurs scénarios parmi plus d’une centaine, Kaneto Shindõ (1912-2012) est également un théoricien du 7e art et surtout un cinéaste majeur. Il fut découvert en Occident au début des années soixante grâce à L’île nue, film sans dialogue qui raconte l’histoire d’un couple d’agriculteurs qui cultive difficilement sa petite île aride, contraint à de fastidieux voyages sur le continent pour chercher, en barque, de l’eau douce… Au fil d’une oeuvre indépendante, audacieuse et variée, on trouve aussi deux perles fantastiques, désormais réunies dans un beau coffret. Dans Onibaba (1964) et Kuroneko (1968), le fantastique se mêle à une humanité crue, le surréalisme s’ancre dans des décors sobres et uniques, tandis qu’une sublime photographie noir et blanc achève d’emporter le spectateur dans ces mondes hybrides. Avec Onibaba, Shindo plonge dans le 14e siècle japonais et une guerre entre samouraïs qui ruine le pays. Alors que les hommes ont été pris par la guerre, deux femmes, belle-mère et belle-fille, se terrent dans une petite hutte au milieu des hautes herbes. Elles survivent en traquant les samouraïs blessés pour les achever et vendre leurs effets au marché noir. Expertes dans ce jeu de massacre, elles jettent les dépouilles de leurs victimes dans un trou dont les toutes premières images du film nous disent qu’il est «profond et noir », véritable bouche de l’enfer cachée par les hautes herbes. Mais Hashi, un voisin, revient des batailles. Il fait des avances pressantes à la jeune femme qui, contre les avertissements de sa belle-mère, finit par lui céder. Chaque nuit, quand la vieille dort, la bru court à corps perdu dans les herbes retrouver son amant. Pour tenter de séparer les amants, la vieille se transforme en véritable démon… Dans Kuroneko (initialement sorti sous le titre Les vampires), Gnitoki, un samouraï engagé dans l’armée, découvre les corps de sa mère et de son épouse violées et assassinées. Il rencontre deux femmes qui leur ressemble étrangement. Il s’avère bientôt que ces deux créatures sont les fantômes des défuntes qui cherchent à se venger. Dans les suppléments du coffret, on trouve l’analyse des deux films par Stéphane du Mesnildot, spécialiste du cinéma japonais, un portrait du cinéaste par Clement Rauger et enfin un portrait par Pascal-Alex Vincent de la comédienne Nobuko Otowa, présente dans les deux films et muse de Shindo pour lequel elle tourne plus de quarante films. (Potemkine)
Dieu Noir Diable BlondLE DIEU NOIR ET LE DIABLE BLOND
Manuel et Rosa sont un couple qui vit dans la misère sur les plaines arides du Sertão. Désirant s’émanciper de leur situation accablante, Manuel tente de revendre deux vaches à son propriétaire, qui, profitant de la toute-puissance de sa condition, use de contraintes qui amènent le paysan à commettre un meurtre. Ils s’en remettent alors à deux personnages exaltés, violents et mystiques symbolisant la révolte : Sebastião, l’incarnation de Dieu, qui promet une île, terre de paradis où règnerait la justice lorsque « la terre et la mer se réuniront » et Corisco, un « cangaceiro », bandit, pilleur et violeur, celle du diable. Le Brésilien Glauber Rocha (1939-1981) devient, dès les années 1960, un pilier du mouvement Cinema Novo, qui puise son inspiration dans le néoréalisme italien et la Nouvelle Vague française. « Le cinéma novo existe, dit le réalisateur, il est une réponse créatrice, une pratique active dans un pays riche en possibilité et en équivoques. » En 1964, Le dieu noir et le diable blond, véritable date dans le cinéma brésilien, est projeté au Festival de Cannes alors qu’un coup d’état militaire instaure la dictature au Brésil. En novembre 2015, Deus e o Diabo na Terra do Sol figure à la secponde place de la liste établie par l’Association brésilienne des critiques de cinéma des cent meilleurs films brésiliens de tous les temps. Le film qui sort pour la première fois en Blu-ray, dans une version restaurée, est accompagné de différents suppléments dont des analyses par le réalisateur Jean-Pierre Thorn et l’écrivain et historienne Gabriela Trujillo ainsi qu’une rencontre avec Paloma Rocha, la fille aînée du réalisateur et le producteur Lino Meireles. (Capricci).
Smooth TalkSMOOTH TALK
Connie Wyatt, une jeune fille de quinze ans, passe l’été en Californie du nord dans la maison de campagne familiale avec ses parents, Katherine et Harry, et June, sa sœur. Horrifiée à l’idée de passer du temps en famille, la lycéenne en pleine crise d’adolescence passe son temps libre à traîner dans le centre commercial avec ses deux meilleures amies et à flirter avec les garçons. Elle finit par éveiller la curiosité d’Arnold Friend, jeune homme charismatique et enjôleur aux desseins ambigus qui a adopté le look et les manières de James Dean. Arnold se montre tour à tour séducteur et menaçant. Avant d’inspirer de nombreux cinéastes comme Laurent Cantet (Foxfire, confessions d’un gang de filles) ou Andrew Dominik (Blonde), l’univers singulièrement torturé de la romancière américaine Joyce Carol Oates avait déjà fait, en 1985, l’objet d’une remarquable adaptation par la réalisatrice américaine Joyce Chopra. Cette dernière ne tournera ensuite plus qu’un seul film pour le cinéma (The Lemon Sisters en 1989 avec Diane Keaton et Carol Kane) avant de se consacrer à la télévision. Dans cette chronique sensible sur l’adolescence qui passe du doux fantasme à la menace sourde, pour aboutir à un final troublant d’ambiguïté, on remarque dans le rôle de Connie la comédienne Laura Dern, âlors âgée de 18 ans et qui deviendra bientôt l’actrice fétiche de David Lynch avec Blue Velvet puis Sailor et Lula mais aussi le professeur Sattler dans la saga Jurassic Park. Arnold Friend est, lui, incarné par Treat Williams, disparu l’an dernier. L’acteur avait alors déjà son actif de beaux personnages dans Hair et 1941 en 1979 mais aussi le policier Daniel Ciello dans Le prince de New York (1981) de Sidney Lumet ou le syndicaliste O’Donnell dans Il était une fois en Amérique (1984) de Sergio Leone. Grand Prix du Jury au Festival de Sundance 1986, Smooth Talk est à découvrir pour la première fois en Blu-ray dans sa nouvelle restauration 4K. (Carlotta)
Cité MagiqueLA CITE MAGIQUE
Ancien joueur de baseball, Rip Smith dirige désormais un institut de sondage d’opinions. Au bord de la faillite, il doit en renflouer les caisses et en dynamiser la réputation en mettant ses méthodes de travail à l’épreuve du terrain. Pour y parvenir, il décide de sélectionner une ville dont l’opinion publique est en tout point conforme à celle du reste des États-Unis. Cet endroit, c’est Grandview, une petit localité tranquille. Dans le plus strict anonymat, il s’y installe avec son équipe. Mais, très vite, il va se heurter à Mary Peterman, la rédactrice en chef du journal local. Car celle-ci milite pour un Grandview autrement plus progressiste et moderne que l’image figée dans le temps que Rip Smith voudrait en donner… Célèbre pour Wings (Les ailes) qu’il réalise en 1927, William A. Wellman connut une carrière qui s’étendit sur quatre décennies. C’est en 1947 qu’il dirige James Stewart en sondeur dans une ville-test où il va affronter la pugnace Marie bien décidée à réveiller la cité assoupie. Le scénario est signé Robert Riskin, un collaborateur de longue date de Frank Capra et Stewart vient de tourne La vie est belle du même Capra. On ne peut donc s’empêcher de songer à l’univers de Capra mais Wellman, plus porté sur un cinéma sobre et réaliste, n’a pas la fantaisie caractéristique de l’auteur de New York Miami. Le film fut un échec commercial car, après guerre, l’optimisme d’un film comme M. Smith au Sénat avait fait place à un certain désenchantement. Il n’est reste pas moins que le duo (évidemment promis à une romance) entre Stewart et Jane Wyman (qui allait rejoindre Hitchcock pour Le grand alibi) fonctionne bien au coeur d’une comédie romantique nostalgique. Enfin le thème de la fiabilité des instituts de sondage demeure d’actualité. (Sidonis Calysta)
Linda PouletLINDA VEUT DU POULET
Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste ! Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ? De poulailler en camion de pastèques, de flicaille zélée en routier allergique, de mémé en inondation, Paulette et sa fille partiront en quête du poulet, entraînant toute la « bande à Linda » et finalement tout le quartier. Mais Linda ne sait pas que ce poulet, jadis si bien cuisiné par son père, est la clef de son souvenir perdu… Au fait, quelqu’un sait tuer un poulet ? « Ça a existé quand on ne se souvient pas ? » demande Linda, 8 ans, à sa maman. Récompensé du Cristal du long-métrage au Festival du film d’animation d’Annecy et désormais César 2024 du meilleur film d’animation, l’oeuvre de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach est joyeusement décalée, follement inventive avec un rythme effréné et une animation virevoltante. Ses graphismes atypiques, avec des dessins esquissés volontairement inachevés, intriguent au début puis laissent place à l’imagination grâce à leur fluidité. Chaque protagoniste a sa couleur, et tandis que Linda entraîne une pléiade de personnages attachants dans une folle farandole existentielle, c’est toute une joyeuse palette de couleurs acidulées qui s’anime. Belle pépite de l’animation française, Linda veut du poulet est une comédie tendre et loufoque sur le deuil, l’absence et le souvenir mais aussi une ode à la vie, à la liberté, au désordre et à l’entraide. En bonus : le making of et une interview des cinéastes ! (Blaq Out)
Eaux ProfondesEAUX PROFONDES
À Jersey, Mélanie et Vic forment un couple psingulier, même s’ils sont bien intégrés dans la population locale. Mélanie séduit d’autres hommes et Vic regarde son épouse dans les bras des autres, sans manifester extérieurement la moindre jalousie. Il s’arrange toutefois pour faire peur aux prétendants et les éloigner de sa femme. Un jour, celle-ci s’éprend du pianiste Carlo. Lors d’une soirée, Vic le tuera en faisant croire à une mort accidentelle dans une piscine. L’enquête conclut à l’accident, mais Mélanie accuse son mari. Arrive alors un Canadien, que Mélanie séduit à nouveau. Vic le tue également, faisant disparaître le corps. Mélanie accuse à nouveau son époux, mais l’enquête est close, faute de cadavre. Mélanie se remet alors à aimer son mari et ils forment à nouveau un couple idéal. Disparu l’an dernier à l’âge de 91 ans, Michel Deville distillait un cinéma mêlant la poésie et l’humour. Ici, en 1981, il donne au thriller psychologique avec une forme d’élégance sobre qui était sa marque de fabrique. Il permet aussi à Jean-Louis Trintignant (Vic) de construire un personnage impassible et grave en même temps qu’il est « diabolique ». Isabelle Huppert est une séductrice et une femme-enfant incapable de s’assumer. Une partie de cache-cache mortelle (adaptée de Patricia Highsmith) autour de la vérité et du mensonge où le cinéaste distille ses informations avec parcimonie pour créer le trouble. Une réussite. (Gaumont)
Passion Dodin BouffantLA PASSION DE DODIN BOUFFANT
Dans la France de 1885, Eugénie travaille depuis vingt ans comme cuisinière pour le célèbre gastronome Dodin. Elle est considérée comme excellente dans son domaine. Cela s’explique notamment par le temps qu’Eugénie a passé en cuisine avec Dodin, gastronome réputé dans la France du XIXe siècle. Au fil des années, une passion affectueuse s’est développée entre eux. De leur amour commun pour la gastronomie naissent des plats uniques, savoureux et délicats. Femme éprise de liberté, Eugénie n’a cependant jamais voulu épouser Dodin. Elle tombe malade. Il décide alors de cuisiner lui-même pour la première fois pour sa bien-aimée… Pour écrire le scénario de son septième long-métrage (parmi lesquels L’odeur de la papaye verte en 1993), le cinéaste Tran Anh Hung s’est inspiré du roman éponyme de l’auteur suisse Marcel Rouff, paru en 1924, et de l’écrivain français en gastrosophie Brillat-Savarin (1755-1826). Tourner un film sur la cuisine, les goûts et les saveurs est souvent l’occasion de séduire le spectateur en vantant la beauté des saveurs ou en chantant le bonheur des papilles. D’ailleurs, c’est un maître, le chef français Pierre Gagnaire (récompensé par quatorze étoiles au Michelin) qui a servi de conseiller technique pour les plats présentés dans le film… Entre casseroles et marmites, voici donc un beau voyage dans les gestes méthodiques et précis qui font le mystère de la grande table. Le cinéaste s’appuie, ici, sur un duo en verve : Juliette Binoche et Benoît Magimel, tous deux brillants et pudiques sur fond d’amour et de délices. Choisi par la France pour la représenter à l’Oscar du meilleur film étranger (pour lequel il n’a pas été retenu), le film a été l’objet de lazzis, beaucoup s’attendant à voir Anatomie d’une chute être en lice. (Gaumont)
Abbe PierreL’ABBE PIERRE : UNE VIE DE COMBATS
Élevé dans le catholicisme dans une famille bourgeoise, Henri Grouès, né en août 1912 à Lyon, est déterminé à devenir prêtre malgré son renvoi du couvent des Capucins de Crest. La Seconde Guerre mondiale va l’en empêcher. À la tête d’un régiment, il est longuement hospitalisé durant la guerre. Il entre ensuite dans la Résistance tout d’abord en aidant les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Il y fait la connaissance de Lucie Coutaz, qui lui donne le nom d’Abbé Pierre et qui fondera avec lui en 1949 le mouvement Emmaüs. Pendant la guerre, il voit l’horreur de la guerre et perd un ami au front. Jusqu’à sa mort en 2007, il va mener de nombreux combats, comme s’il avait de nombreuses vies. Grande figure de la lutte contre la pauvreté et les injustices, l’abbé Pierre est aussi un homme engagé dans de multiples combats, qu’il s’agisse de résister au nazis, de se battre, comme député, à l’Assemblée nationale, voire même se se battre avec sa santé fragile qui le fit échouer dans la vie contemplative des Capucins… Réalisateur de L’affaire SK1 (2014), Sauver ou périr (2018) et Goliath (2022), Frédéric Tellier s’attelle à un gros morceau avec ce biopic sur l’abbé Pierre tant la vie de cet homme de bien a été riche dans un cheminement autant spirituel que politique et social. Même si certains événements sont seulement esquissés, l’essentiel est de faire la part belle à tous les combats menés. Et le film contient des scènes fortes comme, bien sûr, le fameux appel sur Radio-Luxembourg en février 1954 lorsqu’il s’écrie sur les ondes : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… » Ceux qui connaissent mal l’abbé Pierre, le découvriront dans ce film honnête. Les autres se diront qu’il méritait bien ce portrait. Avec à ses côtés Emmanuelle Bercot dans le rôle de Lucie Coutaz, Benjamin Lavernhe offre une émouvante composition. (M6)
Theoreme MargueriteLE THEOREME DE MARGUERITE
Seule fille de sa promo parmi les garçons de Normale Sup’, Marguerite Hoffmann est une brillante matheuse dont l’avenir semble tout tracé. Elle termine une thèse sur la conjecture de Goldbach qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs lors d’un séminaire. Son directeur de thèse, Laurent Werner (Jean-Pierre Darroussin) l’informe alors qu’il vient d’accepter de superviser un autre doctorant, Lucas Savelli, brillant étudiant venu de l’université d’Oxford., Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer… Anna Novion, la réalisatrice dit : « Les gens qui ont une rapidité d’esprit hors du commun veulent être en permanence à la hauteur de leurs capacités ». Fascinée par les maths depuis sa plus tendre enfance, Marguerite est une forte personnalité peu à peu obsédée par ses recherches mathématiques qui menacent sa santé mentale. Il est nul besoin d’être doué en maths pour apprécier cette aventure intellectuelle mais aussi sensible puisque le film suit au plus une jeune femme qui va entièrement se remettre en cause. Elle s’installe en colocation avec Noa, très différente d’elle. Avec cette nouvelle complice, Marguerite va trouver, dans des parties clandestines de mahjong, l’occasion d’exercer son sens des chiffres et d’arrondir ses fins de mois. Et si le jeu chinois allait lui redonner l’envie de résoudre la conjecture de Goldbach, ce célèbre problème non résolu de la théorie des nombres et des mathématiques ? Belle interprète de Marguerite, la comédienne franco-suisse Ella Rumpf a obtenu récemment le César 2024 de la meilleure révélation féminine. Et c’est justice. (Pyramide)
ContagionCONTAGION
Peu après son retour d’un voyage d’affaires à Hongkong, Beth Emhoff (Gwyneth Paltrow) meurt subitement d’une forme inconnue de la grippe. Son jeune fils décède quelques jours plus tard. Mitch, leur mari et père (Matt Damon), semble immunisé contre cette maladie, qui a frappé les siens et semble se répandre à une vitesse effrayante. Pourtant, il faut plusieurs jours aux autorités sanitaires pour prendre la mesure de la gravité de la situation. C’est en 2011, donc bien après l’épidémie de SRAS et deux ans après celle du H1N1, que Steven Soderbergh met en scène Contagion dont l’écriture précise et sans lyrisme donne le sentiment de voir un documentaire avec l’émergence d’un virus mystérieux, le MEV-1 et la pandémie qui s’ensuit. A l’évidence, Contagion a été vu avec un regard neuf (et volontiers inquiet) lors du Covid-19 et le cinéaste américain a fait courir des frissons dans l’échine des spectateurs. On assiste en effet à la progression rapide d’un virus mortel qui tue les personnes contaminées en quelques jours. Dès les premières minutes, des gros plans sur des poignées de portes, des verres échangés, des boutons d’ascenseurs ou des cartes de crédit, suggèrent les supports de cette transmission. On mesure, par la mobilité des personnes, l’usage des transports publics, comment l’épidémie cesse d’être locale pour devenir pandémie. Et puis un complotiste (Jude Law) lance une campagne de désinformation à partir de la vidéo d’un homme s’effondrant dans le métro de Hongkong. Avec une intrigue qui ne laisse pas le spectateur le temps de souffler, un casting « deluxe » (Gwyneth Paltrow, Matt Damon, Jude Law, Kate Winslet, Laurence Fischburne, Marion Cotillard) voici un film-catastrophe terrifiant. (Warner)
Autre femmeL’AUTRE FEMME
Jeune décoratrice parisienne, Agnès Denis débarque sur une île espagnole à la suite d’une déception sentimentale. Sur le chemin qui mène du car à la villa de bord de mer prêtée par des amis, un inconnu l’aide à se protéger de l’orage et l’accompagne à sa demeure. Agnès voudrait savoir pourquoi tout le monde semble se défier de cet homme. Bientôt Agnès, obsédée par ce Daniel, n’aura de cesse de l’avoir revu. Autour de la Parisienne, gravitent différents comme Ricardo dont la femme, Léna, a disparu, assassinée par son mari disent les uns, conquise par une aventure amoureuse, disent les autres. Comme Daniel prétend que Léna est partie avec un autre homme, Agnès va mener son enquête. Elle connaîtra bien des rebondissements avant de la laisser, seule avec ses larmes, face à la mer. En 1964, François Villiers tourne son avant-dernier film et met en scène un drame que la critique de l’époque massacrera allègrement, parlant de film fade, sans vie, de scénario quelconque. Mais la presse note néanmoins que le film doit beaucoup à Annie Girardot, sa principale interprète, qui trouve, quatre ans après Rocco et ses frères de Visconti, un beau personnage fait d’amertume et de douceur. (Gaumont)
Monsieur Le MaireMONSIEUR LE MAIRE
Maire de Cordon, un petit village de montagne au pied du Mont-Blanc dans les Alpes, Paul Barral subit la désertification et le vieillissement de la population et doit se battre contre la fermeture des commerces et des salles de classe. Alors qu’il cherche désespérément comment attirer de nouveaux habitants, l’arrivée de mères célibataires en situation difficile constitue peut-être la clé pour ramener de la vie dans ce village peu habitué au changement et à l’agitation. Chanteuse au franc-parler, Joe-Lynn (Eye Haïdara), avec ses deux enfants, va vite faire des étincelles dans ce bourg paisible. Les réalisateurs Karine Blanc et Michel Tavares se sont inspirés de l’histoire vraie d’Arnaud Diaz, maire de L’Hospitalet-près-l’Andorre en Ariège, qui avait créé la Maison des Cimes, un centre d’accueil pour les familles monoparentales dont l’objectif est d’attirer de nouveaux habitants dans le village et de maintenir l’école locale en y scolarisant les enfants des familles. Avec Clovis Cornillac dans le rôle de Paul Barral, patron de scierie et maire surbooké, voici une comédie sympathique autour du thème de la désertification rurale. Et cela même si les non-natifs sont un peu caricaturaux. Mais, tout va bien se passer et tout finira bien. (UGC)
Pas Pitié CavesPAS DE PITIE POUR LES CAVES
À Montmartre, prostituées et proxénètes du quartier se retrouvent dans le bar de Victor. L’un d’eux, Charly, ancien musicien devenu un homme du milieu, s’éprend un jour de la belle Laurence, chanteuse de cabaret au Moulin de Montmartre. Mais Fernand, caïd revenant de Chicago pour mener ses activités de drogue et de traite des blanches, voit d’un mauvais œil son ancien acolyte quitter le milieu pour mener une vie honnête en compagnie de sa dulcinée, qu’il voudrait lui-même mettre sur le trottoir. Il exploite la jalousie de Jessy, maîtresse et gagne-pain de Charly, et place un revolver dans son sac. Cette dernière, piquée au vif, n’entend pas laisser sans lutter son homme prendre la tangente. Elle vient faire une scène chez Laurence et, folle de désespoir, finit par tirer sur Charly… Réalisateur de films comme Le collège en folie ou Pas de souris dans le bizness, Henri Lepage signe, en 1955, ce petit polar de série B en noir et blanc. Si tout cela ne vole pas bien haut, on a quand même le plaisir de retrouver des comédiens de ces années-là comme Dora Doll (Jessy), Colette Ripert (Laurence), Robert Berri (Fernand), Michel Ardan (Charly) ou encore Jean Tissier, Jacques Dynam, Max Amyl, Bernard Musson ou Sacha Briquet dont on connaît bien les têtes sans connaître leurs noms ! (Gaumont)