Des survivants en plein doute 
Une nuit, une voiture circule sur une route sans éclairage. A l’arrière, la petite Niloufar joue avec son doudou et réclame qu’on augmente le son de la radio parce qu’elle a envie de danser… A l’avant, la mère, enceinte, demande au père de lui faire ce plaisir. Soudain, un choc fait sauter la voiture. Dans la nuit, le père sort, tourne autour de l’auto, cherchant à voir ce qui a provoqué le choc. Probablement un chien errant. « Tu l’as tué ? » interroge la gamine. Quelques minutes, le véhicule a repris sa route. Plus loin, le conducteur avise un entrepôt et va demander de l’aide. Un employé se charge de voir ce qu’il en est… Pendant ce temps, depuis l’étage, Vahid, le responsable de l’entrepôt, jette un œil à cet automobiliste qui va et vient dans les lieux. N’en croyant pas ses yeux et ses oreilles, il est quasiment pris de malaise. Ce type qui clopine, ce grincement d’une prothèse, ça ne peut être qu’Eghbal que l’on surnommait «l’éclopé» dans la prison où Vahid a été détenu et maltraité pendant des semaines et des mois…
A Cannes, au mois de mai dernier, Jafar Panahi était de retour dans la compétition officielle, lui qui avait déjà montré, sur la Croisette, Le ballon blanc (1995) qui décrocha la Caméra d’or, Sang et or (2003), prix du jury à Un Certain regard, Ceci n’est pas un film (2011), Trois visages (2018), prix du scénario. Avec Un simple accident, le cinéaste iranien a décroché la récompense cannoise suprême. On aurait pu penser que cette Palme d’or était une manière de soutenir un artiste malmené par le régime des mollahs. De fait, Un simple accident est un excellent film qui n’a pas volé sa récompense. Ensuite, le débat sera toujours ouvert sur la question de savoir si tel film de la compétition mérite plus la Palme que tel autre… En son temps, Woody Allen avait dit qu’il viendrait en compétition, le jour où tous les cinéastes conviés traiteraient du même sujet. Mais ceci est une autre histoire.
Un simple accident est né au sortir du second emprisonnement, de juillet 2022 à février 2023, de Jafar Panahi. « Depuis le début, dit-il, mes films concernent ce qui se passe dans la société, dans l’environnement dans lequel je vis. Donc évidemment, quand on m’enferme durant sept mois dans ce milieu très particulier qu’est la prison, cela va se retrouver dans le cinéma que je ferai. »
Lors de la première arrestation, en 2010, du metteur en scène, aujourd’hui âgé de 65 ans, on l’interrogeait, en détention, sur le pourquoi de ses films et il répondait qu’il faisait des films en fonction de ce qu’il vivait. Ce premier passage en prison donna ainsi naissance à Taxi Téhéran (2015). A cause de sa seconde expérience de prison, Panahi s’est senti obligé, en sortant de geôle, de faire un film aussi pour ceux qu’ils avaient rencontrés en cellule. « Pour le scénario, dit le réalisateur, l’idée de départ est venue très vite. Je me suis demandé ce qui se passerait si l’un de ceux qui m’entouraient en prison, une fois sorti, mettait la main sur quelqu’un qui lui avait fait subir tortures et humiliations…. »
Et, c’est bien ce qui arrive au malheureux Vahid. Très vite convaincu de tenir son bourreau et ayant repris ses esprits, il décide d’en finir. Dans un coin désertique, il creuse une fosse, y allonge Eghbal, qui jure qu’il est innocent, et entreprend de le recouvrir de terre. Jusqu’au moment où le doute le saisit. D’autant que son prisonnier lui demande d’enlever sa prothèse pour constater que ses cicatrices sont récentes…
Commence alors une cavalcade rocambolesque qui serait purement cocasse si elle n’était pas tragique. Vahid va consulter Salar, un ami libraire qui secoue la tête : « On n’est pas comme eux. Laisse tomber ! » Devant l’insistance de Vahid (« Je ferai ce que j’ai à faire »), Salar lui donne l’adresse de Shiva, une photographe de mariage. Lorsque Vahid débarque chez elle, elle ne veut rien entendre. Toutes ces histoires sont derrière elle mais soudain, l’odeur d’Eghbal lui donne la nausée : « Il pue la sueur comme lui ! » Et voilà que Goli, la mariée en robe blanche dont Shiva tirait le portrait, s’emporte : « Il est où, ce salopard ? » En l’occurrence, dans un coffre caché dans la camionnette de Vahid ! Comme Shiva, Goli a aussi été martyrisée par celui que la prison surnommait « la guibole ». Hamid, un ex de Shiva, appelé à la rescousse, pète carrément les plombs et veut expédier le salaud ad patres. Passent encore par là, deux types en uniforme qui s’enquièrent de la camionnette de Vahid et en profite pour racketter toute la troupe. Et lorsque le téléphone sonne dans la poche du prisonnier endormi avec des sédatifs, les choses tournent complètement à l’aventure ubuesque. Car c’est la petite Nilofar qui réclame son père…
Jafar Panahi n’ayant pas demandé d’autorisation de tournage (qu’il n’aurait de toute façon pas obtenue), il a été contraint de maintenir les mêmes méthodes clandestines que pour ses précédents films. Cependant, on constate que, dans certaines scènes de rue, un certain nombre de femmes, dont Shiva et Goli, apparaissent sans foulard. Le cinéaste note ainsi que, depuis la mort de Mahsa Amini et le mouvement Femme-Vie-Liberté, le rejet du régime s’est généralisé. Souvent sans savoir par quoi le remplacer. « Cette désobéissance de masse, dit-il, était totalement inimaginable il y a encore quelques années, mais les scènes du film tournées en pleine rue avec les actrices sans foulard correspondent à l’état des choses aujourd’hui. Les femmes iraniennes ont imposé cette transformation. »
Les personnages d’Un simple accident sont des survivants (« Je suis un mort-vivant » dit Vahid) soudain confrontés à la vengeance. Goli raconte, ainsi, longuement, comment on l’a menacé de pendaison pour la faire parler puis de viol pour l’envoyer directement en enfer. Alors Vahid et ses amis rêvent d’en finir avec ceux qui ont fait main basse sur leur pays. « Ceux qui devaient nous libérer, tuent des gens en récitant des prières… » fait dire Panahi à l’un de ses personnages.
Voici un thriller iranien, qui a parfois des accents absurdes comme chez Bunuel ou des trouvailles loufoques comme chez Tati. Mais, aucune raison, ici, de rire ou de sourire, tant le crissement de la prothèse d’Eghbal continue à faire froid dans le dos.
UN SIMPLE ACCIDENT Drame (Iran – 1h42) de Jafar Panahi avec Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi, Hadis Pakbaten, Majid Panahi, Mohalas Ali Elyasmehr, Georges Hashemzadeh, Delmaz Najafi, Afssaneh Najmabadi. Dans les salles le 1er octobre.
Dans un monde post-7 octobre… 
FABLE.- Aux accents de Be my lover, Y. anime une soirée aussi luxueuse que déjantée où se mêlent les ultra-riches de Tel Aviv et des militaires de l’état-major de Tsahal en uniforme. L’alcool coule à flots, la drogue circule et Y., musicien de jazz, fait le pitre jusqu’à finir le nez dans un bassin. Où on le laisserait bien se noyer, si son épouse Jasmine ne venait pas le repêcher. Le couple finira sa nuit dans une magnifique villa, largement décorée d’oeuvres d’art contemporain, à sucer, de concert, les oreilles d’une femme âgée… Le lendemain, Y. et Jasmine, danseuse et professeur de danse hip-hop, sont de retour dans leur petit appartement où ils vivent modestement avec leur jeune fils. Tous les deux n’en sont pas plus fiers que cela mais leur lutte pour une survie pure et simple passent par la vente de leur art, de leur âme et de leur corps à l’élite de Tel Aviv. Avec leurs spectacles de danse lors de soirées privées, ils se disent qu’ils apportent un peu de joie et de réconfort à une nation abattue après l’attaque du Hamas contre Israël du 7 octobre 2023. Ce faisant, ils acceptent n’importe quel spectacle pour s’en sortir. Ils ne peuvent tout simplement pas dire « non ». Bientôt, Y. se fait blondir les cheveux et se voit confier une mission de la plus haute importance, la mise en musique d’un nouvel hymne national aux paroles belliqueuses. Il est payé par un oligarque russe qui attend un éloge de Tsahal et des barbaries commises au cours des 18 derniers mois dans une bande de Gaza promise à la destruction.
Ecrit en trois chapitres (La belle vie, Le chemin et La nuit), Oui (Israël – 2h30. Dans les salles le 17 septembre) n’est assurément pas une œuvre de tout repos. Dans un pays traumatisé, les personnages imaginés par Nadav Lapid s’agitent comme des insectes déroutés qui se tapent la tête contre des portes fermées et se disent que la soumission est la seule vérité du temps. D’ailleurs, Y. le dit bien à son fils : « Résigne-toi le plus vite possible. La soumission, c’est le bonheur. » Jusque là, les personnages des films du cinéaste israélien de 50 ans, installé à Paris depuis 2021, s’aventuraient dans le champ de la rage, de la contestation, de la révolte.
Remarqué à Cannes 2021 pour Le genou d’Ahed, récompensé du prix du jury, Lapid, voix discondante du cinéma israélien, montre aujourd’hui « quelqu’un qui choisit de ramper pour arriver à se faufiler dans l’ouverture de la porte avant qu’elle ne se ferme. Je pense que cela en dit davantage sur la vérité du monde, la vérité de l’artiste dans ce moment. » Et pour un cinéaste israélien (qui, dit-il, ne peut pas s’échapper de l’état ou de la politique de son pays) il y a probablement une ironie amère à mettre en scène un musicien dont l’acte guerrier envers Gaza se résume à la composition d’une mélodie. En compagnie de Leah, son ex-petite amie (Naama Preis, Madame Lapid à la ville), Y. fait le chemin vers la frontière. Au loin, dans le sourd grondement des armes, une épaisse fumée noire s’élève au-dessus de Gaza. A bord de la voiture, Leah égrène l’effrayante litanie des hommes, des femmes, des enfants assassinés du 7 octobre. Les anciens amoureux ont beau évoquer leur jeunesse, leurs émotions, ils sont totalement dévorés par la situation actuelle. « S’embrasser face à Gaza qui brûle, dit le cinéaste, c’est à la fois être israélien mais aussi citoyen du monde. »
Tragédie musicale et fable bordélique (dont le tournage a été très compliqué), Oui ne fait pas dans la nuance, ni dans la mesure. Y. (Ariel Bronz) et Jasmine (Efrat Dor) sont emportés dans un tourbillon sur lequel semble régner ce Russe, homme le plus riche du monde, capable de faire pousser un gratte-ciel dans le désert en quelques secondes, mais en servant d’une… télécommande pourrie !
Un film hystérique et « malade » mais audacieux et saisissant qui scrute l’effroi du monde post-7 octobre. Et dont on sort étourdi et épuisé…
IMMERSION.- Dans le service de pédiatrie d’un hôpital public, une blouse blanche s’applique à retirer, le plus délicatement possible, une sonde gastrique à un enfant de quatre ans. Rebecca, sa mère, est à ses côtés mais elle ne peut pas rester. En effet, une ordonnance d’un magistrat ne l’autorise qu’à venir deux fois par jour auprès de son fils, le temps de lui donner à manger. Car il faut qu’Adam se nourrisse au risque de voir son état de santé sérieusement se dégrader.
La blouse blanche, c’est Lucie, l’infirmière en chef du service. Elle apaise Adam et s’occupe autant de Rebecca qui dit et répète qu’elle veut rester auprès de son fils, passer la nuit auprès de lui. Autour de Lucie, on estime que Rebecca doit quitter les lieux mais Lucie tente de calmer le jeu. Dans l’intérêt d’Adam. Elle soupire : « Pas facile pour une mère d’admettre qu’elle met son gamin en danger… » Lorsque Rebecca décide d’enlever Adam et de s’enfuir, dans la nuit avec lui, les choses tournent mal. C’est encore Lucie qui les poursuit sur le parking de l’hôpital. Mais Rebecca et Adam vont chuter dans un escalier… Quitte à défier sa hiérarchie, Lucie est bien décidée à aider la mère et l’enfant.
On avait remarqué la réalisatrice bruxellloise Laura Wandel en 2021 à Cannes avec Un monde, son premier long-métrage, qui se penchait sur le harcèlement scolaire à travers le parcours de deux enfants. Avec Dans l’intérêt d’Adam (France – 1h18. Dans les salles le 17 septembre), elle immerge cette fois e spectateur dans l’univers hospitalier à travers l’existence d’une infirmière qui s’implique, sans doute au-delà de la normale, dans le « sauvetage » d’un gamin. En cela, Lucie va se heurter à sa hiérarchie. Tout bonnement parce qu’elle ne supporte pas de voir la détresse autant d’un gamin dénutri que d’une mère à la fois inquiétante et vulnérable, persuadée qu’on va lui retirer la garde de son petit Adam.
Durant quelques heures, on reste au plus près du quotidien de cette infirmière qui voit passer dans son service une fratrie de quatre gamins sous le coup d’une ordonnance de placement ou encore une grande adolescente voilée qui a avorté. « On va dire, note Lucie, qu’elle est entrée pour une appendicite… » Et qui revient toujours au chevet d’Adam qui murmure à sa mère : « Je veux rester avec toi mais je ne veux pas être mort ».
Avec une caméra portée, tout en mouvement, le film donne remarquablement à voir le rythme effréné du personnel soignant. Ainsi, on suit les déambulations incessantes d’une Lucie, presque en apnée, superbement incarnée par Léa Drucker dont le visage fatiguée impressionne. A ses côtés, Anamaria Vartolomei, découverte dans L’événement (2021), est Rebecca, une jeune mère à la dérive.
MONDES.- La petite quarantaine, Hélène vit à Paris et s’investit pleinement dans la société de conseil en restructurations gérée par un ami. Pourtant cette battante est au bout du rouleau. Le burn-out menace clairement. Pour Hélène, ses Vosges natales, c’était le passé. C’est pourtant là qu’elle va revenir pour tenter de se reconstruire. Avec sa famille, elle s’installe à Epinal d’où elle était partie, sans doute pour échapper aussi à un milieu modeste. Epinal, c’est une manière de retrouver une autre qualité de vie. Un soir, sur le parking d’un restaurant, elle aperçoit un visage connu. C’est Christophe Marchal, le bel hockeyeur de ses années lycée. Probablement aussi un lointain objet de désir… De ses retrouvailles inopinées, va naître une liaison qu’Hélène n’avait pas vue venir…
Sensible à l’oeuvre de Nicolas Mathieu depuis la parution de Leurs enfants après eux, Alex Lutz pensait adapter ce roman au cinéma. Mais les droits étant pris, l’acteur et cinéaste strasbourgeois attendit la parution suivante de l’écrivain pour porter à l’écran ce Connemara (France – 1h55. Dans les salles la 10 septembre). De Mathieu, Lutz salue ainsi l’« incroyable acuité, sa manière de décrire comment le grand corps social infuse la vie de ses personnages, dans leurs attitudes, leurs gestes… De plus, il parle de la France, d’une certaine France, sans que ce soit un texte politique : il trace une subtile cartographie sociologique, mais aussi sensorielle, des êtres, sans une once de pédagogie de comptoir. » Plongeant dans une France bien éloignée des agitations parisiennes, Hélène se lance, presqu’à corps perdu, dans une aventure physique et sentimentale. Leurs étreintes, ce sont deux France, deux mondes désormais étrangers qui rêvent de s’aimer. Mais est-ce possible ?
Pour son quatrième long-métrage pour le cinéma, Lutz donne un mélodrame nostalgique et mélancolique qui s’attache au plus près aux personnages d’Hélène et de Christophe sans négliger toutefois le personnage de Gérard, le père de Christophe (Jacques Gamblin) qui glisse lentement vers la sénilité. Dans une écriture à hauteur d’homme qui mêle le présent avec des flash-backs fragmentés et tandis que s’élèvent les accents émouvants des Pêcheurs de perles de Bizet, le film conte les tourments d’Hélène qui se dit qu’elle a quitté Épinal pour devenir une femme efficace et concernée et que vingt années d’efforts n’ont servi à rien. Christophe, ex-vedette de l’équipe spinalienne, lui, n’a pas bougé, sinon un an à Mulhouse, traînant avec ses copains, tentant de gérer sa vie avec son gamin et son ex-épouse. « T’as jamais eu envie de partir d’ici ? » demande Hélène. « Tu trouves ma vie trop simple pour toi? » répond Christophe. Cette réflexion sur les classes sociales est portée par deux excellents comédiens, Mélanie Thierry énergique et vulnérable et Bastien Bouillon, costaud fragile. On entend enfin la chanson de Sardou qui donne son titre au film lors d’un mariage où Hélène rit pour cacher ses larmes…
ARGENT.- Avocat à Paris, Philippe Trousselard possède une superbe demeure dans le midi de la France. C’est là, au bord de la piscine ou dans son jardin, qu’il passe l’été. C’est aussi là que débarque Mehdi, avocat en devenir et petit ami de Garance Trousselard, la fille unique et gâtée de ses parents. Mais l’été ne va pas être de tout repos. Car l’évier de la luxueuse cuisine des Trousselard est bouché. Philippe fait donc appel à Tony Azizi qui assure, avec sa femme Nadine, le gardiennage de la villa. Et qu’importe si Tony, Nadine et leur fille Marylou sont en train de fêter e vingtième anniversaire de cette dernière. Quand Philippe demande, on s’exécute. Las, Tony a beau dire à tout le monde de ne pas faire couler dans l’évier pendant qu’il tente de réparer, Laurence Trousselard, la vaporeuse épouse de Philippe, n’a pas entendu. En trois minutes, Tony est recouvert, de la tête aux pieds, d’un liquide sombre et collant qui n’est assurément pas de l’eau. C’est la goutte de… qui fait déborder le vase. Les Azizi décident de rendre leur tablier. Et de réclamer leurs indemnités de départ. Mais Philippe les a toujours payé au black… Tout va rapidement s’envenimer…
La communication aidant, on a eu vite fait de dire que Classe moyenne (France – 1h35. Dans les salles le 24 septembre) était le pendant français du très applaudi Parasite (2019) du Coréen Bong Joon-ho qui valut à son réalisateur la Palme d’or à Cannes. C’est certainement aller très vite en besogne ! Même si, dans le film d’Antony Cordier aussi, il en va de riches et de pauvres. Qui vont s’affronter dans un duel de moins en moins feutré. Parce qu’avec de grosses sommes en jeu, les patrons comme les employés sont décidés à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Mehdi, « l’ancien pauvre » va bien tenter de mener la négociation à bien mais…
En s’appuyant sur des comédiens efficaces et semant son récit de bonnes notations sur le pouvoir de l’argent, le réalisateur offre une belle satire avec d’un côté des nantis odieux ou à côté de leurs pompes, de l’autre, des gens modestes qui se révèlent féroces. Au départ, tant Philippe Trousselard apparaît comme un solide abruti, on est en empathie avec les Azizi. Mais, force sera de constater qu’ils na valent guère mieux. Comme Laurent Laffite (Philippe), Elodie Bouchez (Laurence), Ramzy Bedia (Tony), Laure Calamy (Nadine), Sami Outalbali (Medhi), Noée Abita (Garance) et Mahia Zrouki (Marylou) sont savoureux, on passe un « bon » moment en… famille.
De fragiles naufragés dans le désert 
Quelque part, dans de superbes paysages ocres, des roadies installent un mur d’enceintes. Le son monte, dans un rythme de drum and bass qui prend vite aux tripes. En plongée, la caméra montre un large rassemblement de raveurs qui se balancent sans fin dans une transe quasiment mystique ou une hébétude sereine. Et puis la caméra descend vers eux, présentant Stef et Jade, Josh, Tonin et Bigui…
C’est dans ce rassemblement au coeur d’un coin perdu du Maroc que débarque le camping-car de Luis, un homme de la cinquantaine, accompagné de son jeune fils Esteban. Autour d’eux, père et fils distribuent des papiers sur lesquels sont imprimés la tête de Mar. Fille de Luis et sœur d’Esteban, Mar a disparu depuis cinq mois sans plus donner de nouvelles. Luis croit savoir qu’elle avait prévu de rejoindre une rave-party. Mais personne ne semble reconnaître le visage de la jeune femme. « Peut-être, dit quelqu’un, qu’elle est allée à une rave organisée plus au sud… » Luis est déterminé à retrouver sa fille. Lorsque les forces de police interviennent pour disperser les raveurs, Stef, Jade et leurs amis montent à bord de leurs deux camions et filent à travers le désert. Luis n’hésite qu’un instant. Il lance son petit camping-car plutôt vieillot à leur suite. Commence alors une expédition des plus périlleuses…
Né en 1982 à Paris, Oliver Lax est le fils d’émigrés espagnols. Quand il a 6 ans, sa famille retourne vivre en Galice. Après des études de communication audiovisuelle, il s’installe à Tanger, au Maroc, où il réalise et auto-produit le film Vous êtes tous des capitaines, qui reçoit le Prix Fipresci à la Quinzaine des cinéastes en 2010. En 2016, il obtient le Grand prix de la Semaine de la critique pour Mimosas, tourné dans les montagnes de l’Atlas. De retour en Galice, il réalise Viendra le feu, qui se voit décerner le Prix du jury Un Certain regard en 2019. Sirāt, son quatrième long métrage, tourné dans le désert marocain, est présenté en compétition au festival de Cannes 2025 et y décroche le prix du jury.
Dans l’islam, le terme Sirāt désigne un pont qui relie l’enfer et le paradis. Un pont fin comme un cheveu et affûté comme une lame. « Un chemin à deux dimensions, dit le cinéaste, l’une physique, l’autre métaphysique ou spirituelle. Sirāt pourrait être ce chemin intérieur qui te pousse à mourir avant de mourir, comme c’est le cas pour Luis, le personnage principal de ce film. »
Imaginant une quête métaphysique qui emporte une poignée d’êtres brisés vers des extrémités angoissantes, Oliver Laxe voulait aussi emprunter au cinéma de genre ou au cinéma populaire ce qu’il a de meilleur, en l’occurrence la magie de l’aventure. De fait, à travers de multiples péripéties qu’on se gardera de révéler ici, Sirāt est tout à la fois un road-trip spectaculaire et aventureux (pour échapper à leurs poursuivants, Stef, Luis et les autres s’engagent sur de très dangereuses routes de montagne) et une épreuve radicale propre à secouer, à érafler intimement le spectateur.
Même si le soleil brûle, même si un vent chaud souffle sur le sable, c’est un voyage vers les ténèbres que raconte le cinéaste. Alors que la radio rapporte que la guerre a commencé, que le chaos règne, des êtres fragiles, des naufragés démunis, conscients de leur petitesse dans un monde traversé par plus grand qu’eux, vont prendre soin les uns des autres, montrant, sans jugement, leurs failles et leurs fêlures, quitte in fine à regarder la mort droit dans les yeux.

Luis et ses amis de rencontre, Stef (Stefania Gadda), Josh (Joshua Liam Henderson)
et Bigui (Richard Bellamy). DR
Sirāt est aussi un film rare dans son travail sur la musique. Le musicien Kangding Ray signe, une partition minimaliste mais très envoûtante en forme de voyage sonore. Partant d’une techno brute, viscérale, presque mentale, on va vers une ambient épurée, presque immatérielle, pour atteindre l’endroit où le son se désagrège. « Je voulais, dit encore Oliver Lax, que le récit, que toute mélodie possible, se dissolve dans une pure texture sonore. Que le grain du 16mm entre en vibration avec celui de la musique, avec sa distorsion. Nous avons cherché à amplifier la matérialité sonore de l’image, à aller jusqu’au point où l’on puisse voir la musique et entendre l’image. » Avec pour résultat, de faire entrer le spectateur dans un paysage sonore en symbiose avec un désert à l’apparence spectrale.
Dans les pas de Luis (remarquable Sergi Lopez) et de ses amis d’in(fortune), Sirāt raconte une éprouvante errance crépusculaire… baignée de lumière. Le monde décrit par le réalisateur oblige le spectateur, à l’instar des personnages du film, à regarder en eux. Une sorte de geste fondamental, un mouvement intérieur pour partager une lumière née de l’obscurité.
Dans le monde de la distribution cinématographique lorsque l’on tient une sorte d’ovni cinématographique, on suggère qu’il s’agit d’une « proposition ». C’est certainement le cas, ici, même si le prix du jury à Cannes a fait entrer Sirāt (produit notamment par les frères Almodovar) dans une catégorie plus bankable.
Proposition donc mais surtout une expérience à la fois humaniste, visuelle et sensorielle qu’on doit assurément partager.
SIRAT Drame (Espagne/France – 1h 55) d’Oliver Laxe avec Sergi Lopez, Bruno Nunez, Stefania Gadda, Joshua Liam Henderson, Tonin Janvier, Jade Oukid, Richard Bellamy. Dans les salles le 10 septembre.
Pathétiques hommes politiques et crises en tous genres 

« Fils de. »: Nino (Jean Chevalier),
Lionel Perrin (François Cluzet)
et Francine (Emilie Gravos Kahn). DR
MASSACRE.- Dans le salon privé d’un restaurant parisien, au mitan des années 70, deux hommes politiques, l’un veule, l’autre matois, s’apprêtent à déguster des ortolans sous le regard d’un adolescent. Sur la table, une mallette contient une forte somme d’argent, probablement sale. Soudain, deux terroristes, la tête couverte de masques d’apiculteur, font irruption. Les deux notables se retrouvent quasiment nus, couverts de plumes, pris en photos qui feront la une de la presse…
Bien des années plus tard, une semaine après l’élection présidentielle, la France se cherche toujours son Premier ministre. Jeune attaché parlementaire ambitieux, Nino est missionné pour convaincre son père, Lionel Perrin, sénateur de longue date, d’accepter le poste. Mais cet éternel perdant a coupé les ponts avec la politique comme avec… son fils. Nino se retrouve embarqué dans une course effrénée où tous les coups sont permis. Il a 24 heures pour sauver sa carrière, sa relation avec une jeune journaliste politique de France Info, renouer, quand même, les liens avec son géniteur et, si possible, ne pas compromettre l’avenir de la France !
Premier long-métrage du jeune réalisateur Carlos Abascal Peiró, Fils de. (France – 1h45. Dans les salles le 3 septembre) est, au-delà d’une tragédie filiale, une virevoltante satire politique qui, à aucun moment, ne retient ses coups. Bien sûr, la politique française a déjà donné lieu à des films, qu’il s’agisse de La conquête (2011) sur l’ascension de Nicolas Sarkozy, de l’excellent L’exercice de l’État (2011) ou de comédies dramatiques comme Bernadette (2023), la bio (non autorisée) de Mme Chirac ou encore l’hilarant Présidents (2021) dans lequel Sarkozy et Hollande se tapent gravement sur les nerfs. A son tour, Fils de. développe une aventure ubuesque mais le cinéaste note, pourtant, que la moquerie devient politiquement utile lorsqu’elle vise nos convictions.
Il n’en reste pas moins que le petit univers politique français que décrit Fils de. ressemble à un remarquable ramassis d’authentiques canailles, de vraies crapules, de parfaites ordures, de fumiers satisfaits, de considérables pétasses, de pauvres crétins, de misérables sagouins, de purs vauriens et de gougnafiers saitisfaits. Dans les sombres et feutrées allées du pouvoir, toutes les saloperies sont de mise. Tout est possible pour obtenir un poste, savonner la planche du concurrent, mettre des peaux de banane, colporter des ragots, manipuler les médias, déterrer des secrets financiers ou sexuels. Paraphrasant Bismarck, un conseiller note d’ailleurs que « la politique, c’est comme les saucisses. Il vaut mieux ne pas savoir comment ça se concocte. »
On craint le pire si, dans la salle, s’installe le spectateur convaincu que tous les hommes politiques sont à enterrer vivants. On attend l’expertise d’un vrai homme politique…
« Le fait, dit le cinéaste, de tourner un film de fiction où il est question de politique est aussi pour moi une manière de rappeler que cette classe nous appartient et qu’on doit l’investir. Je crois aux institutions, à la force du geste électoral. » On adhère bien volontiers à ce point de vue.
Né en Espagne, Carlos Abascal Peiró a travaillé pour plusieurs journaux espagnols avant de rejoindre l’équipe de correspondants de l’Agence de Presse Espagnole à Paris. A 23 ans, il a intégré la Fémis dans le parcours réalisation. « Lorsque j’écrivais le scénario, dit-il, j’avais le sentiment que nous souffrions d’un déficit d’incarnation dans la façon d’exister au monde idéologiquement alors que les combats n’ont pas beaucoup changé. Nino, qui appartient à la génération LinkedIn, traverse cette crise. C’est dit dans les dialogues : on peut avoir des idées aujourd’hui, mais les vivre devient (parfois) difficile. Cela dit, peut-être de moins en moins, vu l’actualité récente… »
Pour servir, avec une mise en scène agile et virevoltante, son impitoyable mais drolatique jeu de massacre, le cinéaste peut s’appuyer sur d’excellents comédiens avec, en fils de, Jean Chevalier, de la Comédie française, un Nino volontiers effaré. Autour de lui, François Cluzet, Karin Viard, Alex Lutz (épatant en conseiller Schuffenecker, Alsacien d’origine et consommateur de kiwis), Emilie Gavois Kahn, Olivier Broche, Nathalie Richard s’amusent clairement de caractères outranciers (ou pas?). Quant à Sawsan Abès, elle incarne une reporter dont le personnage a été nourri par les années de journalisme du cinéaste. Et, disons-le, cette demoiselle aux dents longues n’est pas parfaite, non plus.
Abraham Lincoln observait : « Un homme d’État est celui qui pense aux générations futures, et un homme politique est celui qui pense aux prochaines élections. » Démonstration faite, ici. De brillante (et évidemment excessive) manière.
REGARDS.- Jeune femme plutôt mystérieuse, Laura accepte d’accompagner son compagnon et des amis pour une excursion. Mais, à l’heure de partir, Laura se dédit. Son compagnon accepte de la ramener à Berlin. Mais, sur une étroite route de campagne, la voiture fait une embardée et se retourne dans les champs. Le chauffeur est tué sur le coup. Laura sort, presque miraculeusement, indemne de l’accident. Transportée dans une maison voisine, la jeune femme, très secouée, demande à y rester. Betty, qui avait vu passer la voiture, devant chez elle, juste avant le drame, accepte. Fragile, affaiblie, abattue, Laura passe son temps entre le lit et la fenêtre de son refuge sous le regard d’une Betty qui lui apporte soutien et réconfort. Petit à petit, une cohabitation s’installe. Mais Laura découvre bientôt de sombres secrets et doit se rendre à l’évidence : quelque chose ne va pas dans la famille. Les raisons qui les poussent à s’occuper d’elle ne sont pas aussi honorables qu’il n’y paraît.
On a remarqué le cinéaste allemand Christian Petzold avec des films comme Barbara (2012), Phoenix (2014), Transit (2018) ou le récent Le ciel rouge dans lequel on trouvait déjà l’excellente Paula Beer qui occupe, ici, le rôle principal de cette Laura, pianiste ambitieuse, qui a l’impression que la musique et sa vie lui échappent.
Miroirs n°3 (Allemagne – 1h26. Dans les salles le 27 août), dont le titre fait référence à la pièce pour piano éponyme de Maurice Ravel, s’applique à distiller une atmosphère presqu’inquiétante entre Laura et Betty tandis que Richard, le mari et Max, le fils de Betty, tous deux travaillant dans un garage situé dans un hameau proche, se tiennent présents à quelque distance. Dans cette maison perdue en pleine campagne, Laura va devenir une sorte d’enjeu qui pourrait permettre à Betty et aux siens de reprendre goût à l’existence.
Si, in fine, la raison qui pousse Betty à accueillir Laura, apparaît assez banale, c’est bien le sentiment que la jeune femme est séparée du monde, qui intéresse le cinéaste. « Laura n’est pas vraiment présente dans ce monde », dit-il. Dans la voiture fatale, elle passe devant une maison et le regard d’une parfaite inconnue, une femme vêtue de noir qui peint une clôture, la fixe. « Elle ne fixe pas les autres, seulement elle. Un contact s’établit. Elle est en quelque sorte choisie, comme dans les contes. Cette femme avec son pinceau à la main s’offre une princesse pour sa maison de sorcière. » Sous la férule d’une Betty omniprésente, Laura refait en quelques jours tout un parcours biographique, mais qui n’a rien à voir avec sa vie antérieure. Comme si elle prenait un nouveau départ absolu. En saisissant avec finesse des échanges de regards qui alternent des points de vue objectif et subjectif, Petzold montre comment, dans le comportement de Betty (remarquable Barbara Auer) puis des deux hommes, Laura devient l’objet de la famille… Avant de pouvoir, probablement, revenir littéralement à la vie.
CAUCHEMARIAGE.- Talentueux architecte, Théo Rose assiste à une réunion au sommet mais il craque devant les arguments fallacieux des dirigeants de son cabinet. Pour reprendre ses esprits, il se réfugie dans la cuisine attenante. Où officie Ivy. Les deux se regardent. Quelque chose se produit. Les mains se frôlent. Tout commence furieusement dans la chambre froide. Quelques années plus tard, Théo et Ivy Rose vivent, heureux, avec leurs deux enfants dans une demeure sous le soleil de Californie. Théo est à l’aise dans son travail et envisage de belles constructions. Ivy, encore un peu hésitante malgré ses réels talents de cheffe, va finir par ouvrir un petit restaurant en bord de mer. Si les affaires démarrent mollement, bientôt Ivy et ses plats exquis vont connaître une imposante notoriété. C’est alors que Théo va vivre le crash de sa vie. Le superbe bâtiment qu’il a imaginé pour recevoir un musée, est totalement anéanti par un ouragan. Le couple Rose va prendre un très gros coup, lui aussi.
En 1989, Danny DeVito signait La guerre des Rose, comédie très noire dans laquelle s’affrontaient Michael Douglas et Kathleen Turner. Ici, c’est Jay Roach qui adapte à son tour The War of the Roses, le roman de Warren Adler paru en 1981. Le réalisateur, révélé par le gros succès d’Austin Powers (1997), donna aussi, en 2015, un intéressant biopic sur l’aventure de Dalton Trumbo, le scénariste mis au ban d’Hollywood, à l’heure de la Guerre froide, par la funeste Commission des activités anti-américaines.
Avec sa Guerre des Rose (USA – 1h35. Dans les salles le 27 août), Roach ne peut pas jouer la carte de la surprise. Nombre de spectateurs se souviennent encore du brutal affrontement des Rose dans la première version. Dans cette histoire de couple qui, par habitude et fatigue, bat singulièrement de l’aile (le film s’ouvre dans le cabinet d’une psy ou les époux listent leurs griefs), le cinéaste s’en remet à l’abattage de ses comédiens, tous deux britanniques. On connaît Benedict Cumberbatch comme acteur du théâtre shakespearien et pour ses rôles dans La taupe (2011), Twelve Years a Slave (2013), Imitation Game (2014) ou encore la série télé Sherlock dans laquelle il est le locataire du 221B Baker Street. Olivia Colman, elle, a décroché l’Oscar de la meilleure actrice pour La favorite (2018) et s’est imposée avec brio dans des personnages très variés.
On peut donc faire confiance à ces deux-là pour tenir la barre d’une comédie évidemment prévisible. Peut-être moins noire que dans le premier film, cette guerre domestique repose sur une suite de saillies drôles ou vachardes, également portées par de bons seconds rôles. On suit donc cette histoire… d’amour (après tout, les Rose sont profondément épris l’un de l’autre) d’un œil gentiment amusé tout en comptant les coups. Concession à l’air du temps, c’est l’IA qui précipitera la chute des Rose.
Dans la maison de famille… 
C’est une grande bâtisse quelque part du côté d’Oslo. Pas vraiment à la campagne mais quand même au milieu de plantes, d’herbes, de nature. Une maison dont les arêtes de la construction sont peintes de rouge et dont une paisible voix off raconte les aventures. Celles de ceux qui y vécurent, de ce « bruit » qui désignait les disputes des parents mais aussi de ce silence que la demeure abhorrait.
Après cette ouverture qui indique clairement que la maison est un personnage central et essentiel de Valeur sentimentale, Joachim Trier nous introduit dans les coulisses d’un grand théâtre, à quelques instants du lever de rideau. Enfermée dans sa loge, Nora Borg craque. Elle refuse d’entrer en scène. Sa longue robe noire l’étouffe. Elle veut que la couturière lui donne de l’air. Le directeur du théâtre parlemente mais Nora est dévorée par le trac. Totalement angoissée, elle tente de quitter les lieux. On la rattrape. Derrière le rideau, alors que la salle est comble, elle se jette dans les bras de son amant qui est aussi un responsable de la troupe et lui demande de la gifler. Enfin, Nora est dans la lumière. Le spectacle est lancé. Au terme de la représentation, Nora, radieuse, reçoit des ovations…
Et voilà, pour l’autre pendant d’Affeksjonsverdi (titre norvégien qui signifie valeur affective) puisque l’art, la quête artistique, les artistes et leurs états d’âme, leurs faiblesses, leurs lâchetés sont au coeur, également du sixième long-métrage de Joachim Trier. Le réalisateur dano-norvégien de 51 ans est venu dans la lumière en 2011 avec Oslo, 31 août présenté à Cannes dans la section Un certain regard et tiré du Feu follet, le roman de Pierre Drieu la Rochelle. Dans Oslo, 31 août, le rôle principal était tenu par Anders Danielsen, également présent ici. On apercevait aussi, dans un petit rôle, Renate Reinsve qui allait, en 2021, dans Julie (en 12 chapitres) également de Trier, obtenir le prix d’interprétation cannois.
« Je me suis d’abord demandé ce que mes parents et grands-parents avaient traversé dans leur vie, mais j’ai ensuite commencé à envisager les choses du point de vue d’un jeune, du regard d’un enfant, sur la maison dans laquelle il a grandi, explique le cinéaste. Un foyer est un concept hautement subjectif, et cette maison est devenue un autre point de départ pour aborder un récit plus complexe : une réflexion sur la vie et nos attentes. » De fait, la propriété des Borg est quasiment une créature vivante qui observe en silence, d’une époque à l’autre, le comportement des êtres humains qui y habitent ou qui y gravitent.
Alors que les amis sont réunis autour de Nora et Agnès, à l’heure où leur mère vient de mourir, c’est bien Gustav Borg qui pousse la porte. Les deux sœurs ne le remarquent pas avant de se retrouver face à ce père, disparu depuis très longtemps. Agnès, la plus jeune des deux, serait plutôt heureuse de ce retour. Quant à Nora, elle est excédée par la présence de ce père toujours absent. Les deux sœurs ont pris des chemins de vie différents tout en restant proches l’une de l’autre. Nora a fait passer sa carrière d’actrice de théâtre avant tout le reste. La cadette, même si elle tint, enfant, un rôle dans l’un des films de son père, a opté pour un emploi plus sûr dans le milieu universitaire et a construit une vie de famille avec son mari et Erik, son jeune fils.
Si Gustav Borg est de retour, c’est parce que ce cinéaste autrefois réputé mais aujourd’hui quasiment oublié, voudrait bien revenir sur le devant de la scène en tournant un nouveau film. Le scénario est écrit et Borg est décidé à obtenir de Nora qu’elle tienne le premier rôle dans cette production très personnelle mais celle-ci refuse frontalement et catégoriquement.
Lors d’une rétrospective de ses films en France, Gustav Borg fait la connaissance, sur la plage de Deauville, de l’actrice hollywoodienne Rachel Kemp et lui propose le rôle initialement destiné à Nora. Lorsque le tournage commence dans son pays natal, la Norvège, le cinéaste saisit l’occasion de se rapprocher de ses filles et de nouer des liens avec Erik, son petit-fils.
Dans des décors scandinaves qui font immanquablement songer à l’univers de l’incontournable Ingmar Bergman et avec une mise en scène fluide qui aurait probablement séduit le maître de Faro (auquel il est clairement rendu hommage avec un plan « superposé » directement sorti de Persona), Joachim Trier construit une histoire où la demeure familiale est un microcosme pour observer le travail du temps, le pardon qu’on accorde ou pas, le legs affectif qu’on reçoit ou non de ses parents. D’une manière intense autant que limpide, Trier raconte comment la douleur et le chagrin se transmettent de génération en génération. Ainsi Gustav se retrouve confronté à ce qu’il a transmis à ses enfants, involontairement ou inconsciemment. Et, dans les confrontations entre le père et ses filles autant qu’entre Nora et Agnès, affleurent, comme de secrètes et douloureuses blessures, des expériences de vie. L’émotion est alors pleinement au rendez-vous même si, par moments, Valeur sentimentale semble s’étirer un peu trop en longueur.
La maison familiale, lieu d’ancrage et constant miroir tendu au spectateur, incarne les personnages eux-mêmes et se fait l’écho, à travers un beau travail sur la lumière, les atmosphères et les ombres, de leurs relations tourmentées.
Joachim Trier excelle à filmer ses acteurs. Renate Reinsve est une Nora déchirée, chaotique et fragile, tour à tour belle et fatiguée, longtemps dans le déni et qui finira par aller vers ce père que Stellan Skarsgard habite avec une fièvre volontiers égoïste. Au passage, le cinéaste peut évoquer, à travers ce double créateur, les difficultés du métier. Inga Ibsdotter Lilleaas, dont les yeux clairs contrastent avec la chevelure sombre, est la silencieuse Agnès, la diplomate de la famille et son ciment. Quant à la comédienne américaine Elle Fanning, vue dans Maléfique ou The Neon Demon, elle peut se glisser avec aisance dans la peau d’une actrice hollywoodienne qui semble s’égarer dans l’univers d’un Borg pour laquelle elle n’était probablement qu’un pis-aller. La scène où le cinéaste et la comédienne conviennent de ne pas travailler ensemble, est superbe d’émotion contenue.
A Cannes, en mai dernier, Valeur sentimentale a connu une massive standing ovation de 20 minutes. Le Grand prix vint couronner le film. Une récompense pleinement méritée.
VALEUR SENTIMENTALE Comédie dramatique (Norvège/Suède/Danemark – 2h13) de Joachim Trier avec Renate Reinsve, Stellan Skarsgard, Inga Ibsdotter Lilleaas, Elle Fanning, Anders Danielsen, Jesper Christensen, Cory Michael Smith, Catherine Cohen, Oyvinf Hesjedal Loven. Dans les salles le 20 août.
Des neiges d’Iran au sable de l’Arizona 
MERE.- A Hambourg, un homme achète trois valises. C’est un voyage important qui l’attend avec son jeune fils Alborz et Dena, sa grande adolescente. Si le gamin est enthousiaste de partir, c’est qu’il s’agit de retrouver une mère qu’il n’a plus vu depuis six ans. Dena qui refuse de partir, est en colère contre cette mère qui semble ne guère se préoccuper d’eux.
A Téhéran, dans un quartier discret, loin des regards et des médias, Maryam sort d’une voiture banalisée. Mais c’est clairement un policier qui la confie à son frère en lui disant qu’il le tient pour responsable. La mère de Dena et Alborz, en sortant, retire son châle et libère son ample chevelure brune et bouclée. Tout en lançant un regard de défi à la suppléante policière vêtue de noir des pieds aux yeux… Militante des droits humains et figure de l’opposition en Iran, Maryam est détenue depuis longtemps dans la sinistre prison d’Evin. Le régime islamique lui a octroyé une permission de sortir de sept jours. Grâce à différents passeurs, elle va pouvoir rejoindre, à travers des montagnes inhospitalières, sa famille venue s’installer dans une maison quelque part en Turquie, non loin de la frontière iranienne.
7 jours (Allemagne – 1h56. Dans les salles le 6 août), c’est donc le temps de liberté imparti à Maryam. Un espace qui sera aussi celui d’un véritable déchirement pour cette femme qui ne conçoit pas son existence hors du combat qu’elle mène au sein de son pays. Mais qui, cependant, se sent tout à fait légitime face à son mari qui la soutient tout en souffrant de son absence mais surtout en mère face à ses deux enfants.
L’idée du film est née d’une conversation entre le réalisateur Ali Samadi Ahadi et son confrère Mohammad Rasoulof, connu notamment pour avoir signé Les graines du figuier sauvage (2024). Celui-ci lui a envoyé un scénario, inspiré de Narges Mohammadi, figure emblématique de la lutte pour les droits humains en Iran et prix Nobel de la paix 2023. « On retrouve dans le film, dit le cinéaste, certains éléments tirés de sa vie : son mari, ses enfants qui vivent à l’étranger, les multiples séjours en prison, sa santé fragile…. » Cependant c’est la fiction qui l’emporte puisque le film explore une question morale : que se passerait-il si une femme comme Maryam avait la possibilité de quitter l’Iran pour retrouver ses enfants ? Accepterait-elle ce choix ? Ou déciderait-elle de poursuivre la lutte, au prix de tout le reste ?
En occultant complètement -sinon à travers un passeur qui lui glisse : « L’Iran est fière de vous »- la dimension politique et militante du parcours de Maryam (Narges Mohammadi a été libérée à plusieurs reprises pour raisons médicales mais a toujours fait le choix de rester en Iran), Ahadi mêle un thriller intérieur sur l’exil et une chronique familiale intimiste, intense et constamment sous tension. Ainsi cette scène bouleversante où Maryam aperçoit ses enfants jouant dans la neige. Elle les regarde de loin, mais décide de ne pas s’approcher. Le simple fait d’aller vers eux, elle le sait, pourra bouleverser sa vie.
Fasciné, dit-il, par la force des femmes d’Iran et par le fait qu’elles sont discriminées à tous les niveaux de la société, le cinéaste, à travers le portrait de cette Myriam qui dit « La peur et la fuite ne sont pas des solutions », leur rend un bel et émouvant hommage. Pour incarner Maryam, Ali Samadi Ahadi a trouvé, en Vishka Asayesh, une interprète exceptionnelle.
Vishka Asayesh est une immense actrice en Iran. Elle est connue depuis l’âge de 18 ans et a joué dans les plus grandes productions. Tout a changé en 2021, après la mort de Mahsa Jina Amini. Elle prend alors une décision radicale en refusant de continueréà porter le hijab à l’écran. Elle a été bannie du jour au lendemain. 7 jours est son premier film sans voile. Et c’est poignant.
VAMPIRE.- Au 15e siècle, dans une région reculée des Balkans, Vlad, prince de Valachie, est un seigneur redouté pour ses qualités de combattant. Une fois de plus, pour défendre son territoire, il est amené à combattre un ennemi qu’il met en déroute. Hélas, Vlad ne peut rien contre la perte d’Elisabeta, la femme de sa vie, tuée sous ses yeux par des soldats. Il implore un ecclésiastique de demander à Dieu de ramener celle qu’il aime à la vie. Mais le prêtre répond que c’est impossible et Vlad le transperce avec sa crosse… Il est alors frappé d’une malédiction. Le voilà condamné à errer à travers les siècles. Il devient le prince Dracul, un vampire qui n’a qu’un seul but dans l’existence : retrouver son amour perdu. Dans son château de Roumanie, le comte reçoit Jonathan Harker, un clerc de notaire, qui vient lui proposer une demeure à Paris. Jonathan porte autour du cou un collier avec une médaille qui contient la photo de Mina, sa fiancée. En voyant l’image, Vlad est bouleversé. Et si cette Mina n’était autre que la femme de sa vie !
400 ans plus tard, dans Paris où vient de s’élever la tour Eiffel, le prince Vlad va croiser la douce et fragile Mina qui ressemble, effectivement, à sa chère Elisabeta…
Le bon vieux vampire cher à Bram Stocker en aura eu des adaptations cinématographiques. En conservant son nom de Dracula ou… pas, comme ce fut le cas pour le célébrissime Nosferatu (1922) de Murnau qui ne voulait pas (ou ne pouvait pas) payer les droits d’auteur à la famille Stocker.
Après Tod Browning, Terence Fisher, Francis Ford Coppola ou encore Robert Eggers qui signa, l’an dernier, un nouveau Nosferatu, c’est donc Luc Besson qui s’y colle !
L’idée de son Dracula (France/Grande Bretagne – 2h09. Interdit aux moins de 12 ans. Dans les salles le 30 juillet) est née, semble-t-il d’une discussion avec le comédien américain Caleb Landry Jones, qui tint en 2023 le rôle principal du DogMan de Besson. Le cinéaste et l’acteur évoquaient les potentiels rôles qui pouvaient convenir à Landry Jones. Et voilà comment le nom de Dracula apparut et comment Luc Besson se mit à écrire un scénario d’après Bram Stocker.
Avec un budget de 45 millions d’euros, Dracula est le film français le plus cher de 2025 même si on est loin des 197 millions d’euros du blockbuster de Luc Besson Valerian et la Cité des mille planètes (2017). Mais, de fait, l’argent, incontestablement, est sur l’écran ! Le réalisateur du Grand bleu n’a pas lésiné sur les costumes, les perruques, les maquillages, les décors, les effets visuels et il peut même proposer une b.o. écrite, dans une première collaboration entre les deux artistes, par Danny Elfman, le compositeur fétiche de Tim Burton… Besson n’hésite pas non plus à en mettre plein la vue avec cette aventure aussi gothique que kitsch. Mais Besson a toujours été un baroque et son objectif, c’est de faire du spectacle. Donc, sur un fond de drame romantique amoureux, le cinéaste distille (un peu trop longuement à notre goût) sa propre vision vampirique fortement saturée. Avec son faux air de Willem Dafoe, Caleb Landry Jones est un Dracula qui vaut bien ses prédécesseurs face à Christoph Waltz en prêtre exorciste sûr de son fait et convaincu que la gousse d’ail ne fonctionne pas contre les suceurs de sang. Tape-à-l’oeil mais pourquoi pas.
VOLANT.- Inutile de se raconter des histoires, la carrière de Sonny Hayes est derrière lui. Dans les années 90, oui, il était un prodige de la F1. Mais un terrible accident de course a rebattu les cartes. Alors, si le sourire craquant est toujours là, Sonny se promène dans son vieux camping-car en affectant de ne pas s’en faire. Accro aux jeux d’argent, marié plusieurs fois, il tente de satisfaire son ancienne passion (et ses besoins d’argent) dans des courses de moindre envergure. Alors qu’il pilote à Daytona, Sonny voit débarquer son vieil ami Ruben Cervantès. Propriétaire d’écurie aux abois, Ruben réussit à convaincre Sonny de revenir dans le circuit, en sauvant la team (fictive) Apex GP et en prouvant au monde automobile qu’il est toujours le meilleur.
Ruben (Javier Bardem) entend faire de Sonny le n°2 de l’écurie au côté de Joshua Pearce, un surdoué à dégrossir mais prêt à devenir une star du volant. Sûr de lui, le gamin n’a cependant aucune envie de se faire marcher sur les pieds par ce has-been, persuadé qu’il n’a strictement rien à apprendre d’un vrai loser. Quant à Sonny, il réalise immédiatement qu’en F1, son coéquipier est aussi son plus grand rival, que le danger est partout et qu’il risque de tout perdre.
Co-produit notamment par Lewis Hamilton, le septuple champion du monde de Formule 1, F1 (USA – 2h35. Dans les salles le 25 juin) tombe à pic sur le marché hollywoodien. Le film réalisé par l’expérimenté Joseph Kosinski (Top Gun : Maverick en 2022 et plus de six millions de spectateurs en France) arrive en effet au moment où les Etats-Unis s’intéresse de près désormais à la F1 après le succès de Drive to Survive, la série documentaire Netflix dans un pays où c’était la NASCAR qui passionnait surtout les fans de gros bolides. Et la production a mis les petits plats dans les grands en offrant au sexagénaire Brad Pitt de se glisser dans la combinaison blanche de Sonny Hayes !
Disons-le clairement, malgré une durée de 155 minutes, F1 tient parfaitement la distance et le spectateur n’a pas le temps de souffler en suivant tout à la fois les relations difficiles entre Hayes et Pearce (Damson Idris), la romance qui s’amorce entre Sonny et Kate McKenna, la directrice technique d’Apex et évidemment les courses qui se succèdent à Silverstone, au Hungaroring, à Monza, Zandvoort, Suzuka, Spa-Francorchamps, Las Vegas ou Abu Dhabi. S’appuyant sur une bande son de Hans Zimmer, le film a été tourné pendant des week-ends de Grands Prix, les scènes étant mises en boîte entre les séances officielles. Pour renforcer encore le réalisme du film, des caméras miniatures ont été installées sur les voitures, permettant des prises de vue dynamiques et offrant une épatante expérience visuelle.
Alors que Kate (qui a élaboré une nouvelle pièce aérodynamique qui va booster les voitures) et les responsables de l’écurie tambourinent qu’une course de F1 est une affaire d’équipe, Sonny Hayes, lui, la joue solo. En piste, il connaît tous les trucs, y compris les plus limites, pour s’imposer. Et, on vous donne en mille, il va mener Apex à la victoire… Alors, tel les cow-boys de légende, il peut s’éloigner dans le soleil, laissant les siens désormais unis et confiants…
VIOLENCE.- Un couple s’enlace, amoureusement. Pourtant, dans le regard de la jeune femme, il y a comme une lassitude, une tristesse… Le tram arrive. Laura, la trentaine, s’en va. Sur son téléphone, des messages qui la font sourire. Cette jeune femme travaille comme sculptrice dans un atelier où viennent des enfants. Lou, la fille de Laura, voudrait bien aller à Pompeï en voyage scolaire et glisse que sa copine a « une mère sympa qui a de l’argent ». Laura craque. Putain de loyer et de voyage scolaire de merde avant de s’excuser : « Je fais ce que je peux ». Laura galère, élève seule sa petite fille et tente de se reconstruire après une relation tumultueuse avec Joachim. Elle mène une vie en apparence tranquille. En allant sur des sites de rencontres, elle confie qu’elle n’a fait l’amour qu’une seule fois en trois ans et admet que « le contact physique lui manque parfois ». Amusée, car il est l’exacte inverse des hommes avec lesquels elle a vécu jusque là, elle accepte la proposition de son collègue Lazare : « Je te fais le plat que tu veux ». Lorsque Laura croise Joachim, qui veut voir sa fille, très vite les choses se passent mal. Elles vont encore empirer lorsque Shirine, la nouvelle compagne de Joachim, est victime d’un accident qui fait aussi ressurgir le passé de Laura. Les deux femmes, en proie à la violence du même homme, vont peu à peu se soutenir…
Aux jours qui viennent (France – 1h40. Dans les salles le 23 juillet) est le premier long-métrage de Nathalie Najem, connue comme scénariste d’Edouard Delluc, Cédric Kahn, Anthony Cordier, Laurent Achard ou Laurence Ferreira-Barbosa. Elle donne, ici, une forte chronique sur l’expérience de l’emprise et de la violence. Dans le film, le drame n’est pas vécu par une seule femme mais par deux, ce qui ouvre la voie à l’après, après la violence, après la séparation.
En se confrontant à la difficulté des relations entre ex-conjoints, la cinéaste voulait aussi sortir des clichés qui entourent ces sujets, d’autant que l’actualité fait surgir régulièrement des histoires autour de ce thème.
Si Aux jours… dresse le portrait intéressant et nuancé de deux femmes qui, en se soutenant, font que la honte s’amenuise et que la solidarité puis la sororité prennent le dessus, en face d’elles, se dresse Joachim, un homme toxique qui exerce sur son entourage une emprise psychologique.
« C’est une violence de contrôle, dit la cinéaste. Il n’arrête pas de faire la leçon. À sa mère, à sa fille, à sa compagne, à son ex. Il leur dit tout le temps ce qu’il faut faire. À défaut de contrôler sa propre vie. »
Zita Hanrot, applaudie dans Fatima (2015) de Philippe Faucon, est une Laura qui passe par des phases sombres et solaires. Mais elle est debout, elle construit, elle avance alors que Joachim ne fait que s’accrocher à sa nouvelle femme. On découvre Alexia Chardard (apparue dans Mektoub, my Love : canto uno (2017) d’Abdellatif Kechiche) dans le rôle de Shirine, scientifique et jeune femme aussi amoureuse que troublée qui hésite longtemps à mettre la loi entre elle et Joachim. Ce dernier est incarné par Bastien Bouillon (vu récemment dans Partir un jour) qui apporte une douceur, une féminité même, un look de fils de bonne famille, à un type qui commet des actes vraiment détestables…
PLEIN.- Le soleil tape dur, la route est droite, poussiéreuse, vide, infiniment longue. Il ne manque que les gros buissons secs qui tourbillonnent dans le vent. Nous sommes quelque part dans un coin complètement perdu de l’Arizona. Au volant de sa petite voiture plus vraiment neuve, un représentant en couteaux de cuisine japonais constate qu’il n’est plus très loin de la panne d’essence. Là station-service tombe à pic. Las, Vernon, l’imposant pompiste noir, soupire : « Nous sommes à sec. On attend le camion de livraison d’un heure à l’autre… » Et, prévient-il, la prochain station est loin, très loin. « Si vous voulez, vous pouvez aller boire un café juste à côté… »
Déposée par son shérif de mari, Charlotte vient ouvrir son Diner. Après avoir attendu dans sa voiture, le représentant pousse la porte. Il est le premier client de Charlotte qui lui apporte du café. Ils auront le temps de discuter un peu, des couteaux japonais et de la petite fille du représentant qu’il va rejoindre à l’occasion de son anniversaire. Charlotte lui emballe un part de tarte à la rhubarbe pour la gamine… La clim’ du Diner ne fonctionne pas mais la radio annonce que deux malfrats ont braqué une banque d’une ville voisine. Et si c’était justement les deux types inquiétants qui viennent d’entrer dans l’établissement ?
Avec Last Stop : Yuma County (USA – 1h31. Dans les salles le 6 août), le réalisateur américain Francis Galluppi signe son premier long-métrage mais ce touche-à-tout qui écrit, réalise, produit, monte et compose la musique de tous ses films, a été remarqué avec un premier court-métrage Hugh Desert qui a remporté de nombreuses récompenses dont le Wes Craven Award au Festival International du Film de Catalina en 2019. Avec son court-métrage suivant, The Gemini Project, Galluppi a obtenu le prix du meilleur court-métrage, section Science-Fiction/Fantastique, au Festival International du Film de Burbank en 2020.
Last Stop… est une sorte de film néo-noir mâtiné des codes du western classique. Ici, une série de personnages qui n’auraient jamais dû se rencontrer, se retrouvent dans un Diner en attendant de pouvoir reprendre la route. Evidemment, les choses ne vont pas se passer normalement et le Diner (pour les connaisseurs de l’Arizona, le cinéaste s’est inspiré du Four Aces, une station- service/diner/motel de Lancaster) va carrément devenir un personnage central du récit. Très emblématique de l’univers américain, tant au cinéma que dans la peinture (on se souvient du Nighthawks, le fameux Diner peint par Edward Hopper en 1942), ce lieu va devenir le théâtre d’un brutal et inattendu déferlement de violence au fur et à mesure que les protagonistes poussent la porte. C’est ainsi que, sous le regard de Charlotte, la tenancière du Diner, le représentant de commerce anonyme et insignifiant va être rejoint par deux truands, l’un glacial, méticuleux et réfléchi, l’autre mal dégrossi, stupide et impulsif, par un couple de retraités texans, deux petits marlous dont une jolie rousse… Tous incarnés par des comédiens peu connus (à l’exception de Jim Cummings, le représentant) mais tous savoureux.
Histoire de plein qui s’achève sur un grand vide, Last Stop… se conclut en dehors du Diner mais, alors, le rythme du film chute un peu. C’est bien dans les lieux, entre le bar et les banquettes rouges, que cette histoire bien déjantée prend tout son sel. On songe aux frères Coen, à Tarantino, à Sam Peckinpah. Et c’est un compliment.
Le vent du chaos souffle dans Eddington 
Dans un paysage de désolation, tandis que la nuit est tombée et que le vent balaye de longues rues vides, un pauvre bougre en haillons traverse ces larges espaces en vociférant à l’envi des propos incompréhensibles mais qui pourraient bien être des menaces… Est-ce l’alcool, la drogue, la colère, le désespoir, la schizophrénie qui animent ce type ? En tout cas, dans Eddington, ses cris ne semblent pas surprendre plus que cela. Et si ce malheureux, outsider à la dérive, était emblématique de beaucoup de gens frustrés en Amérique ?
Quelque part, au coeur du Nouveau-Mexique, Eddington est un grand bled sans attrait particulier. On vit là sans doute parce qu’il faut bien vivre quelque part et d’ailleurs les habitants ne montrent guère le bout de leur nez. Pourtant cette localité va connaître une aventure de plus en plus chaotique lorsque le shériff local Joe Cross décide de s’opposer, dans la course à la mairie, au maire sortant Ted Garcia (Pedro Pascal). Le shériff semble manquer d’arguments politiques pour engager ce combat mais cela ne l’empêche en rien de relever le gant. D’ailleurs, il a déjà transformé son véhicule de police en… panneau électoral. Avec des arguments plutôt douteux.
Nous sommes en mai 2020, la pandémie de Covid-19 bat son plein et bientôt Eddington va se transformer en véritable poudrière. Le maire porte le masque, le shérif n’en a que faire. Une raison de plus d’aller à l’affrontement. D’autant qu’avec son charisme décontracté et son aisance désabusée, Garcia, à la fois entrepreneur et patron du bar de la ville, a tout pour agacer Cross par sa complaisance teintée d’hypocrisie.
Eddington est le quatrième long-métrage de l’Américain Ari Aster après deux films d’horreur psychologique (Hérédité en 2018 et Midsommar en 2019) qui ont frappé les amateurs du genre par un sens du choc visuel dérangeant mâtiné d’un humour plutôt tordu. Mais le cinéaste caressait depuis fort longtemps, probablement depuis ses études à l’American Film Institute, le désir de réaliser un western contemporain. Mais, avant de passer à l’acte avec Eddington, Aster tourna encore Beau is Afraid (2023), un récit surréaliste et bien barré qui lui permit de rencontrer Joaquin Phoenix qui se glisse, ici, dans l’uniforme du shériff Cross.
Si le western a longtemps obéi à des codes et des stéréotypes précis, le genre a aussi permis aux cinéastes d’aborder frontalement les traumatismes et les mythes fondateurs de l’Amérique que sont le pouvoir, le territoire, la justice et l’identité. À partir du conflit entre le shérif et le maire, le nouveau film d’Aster apparaît comme une relecture contemporaine du genre, miroir d’un combat plus large pour l’âme du pays. Le film troque les lassos et les hors-la- loi pour les armes symboliques de l’époque actuelle. D’ailleurs, Eddington s’achève sur un vaste plan aérien du data center qui fait la fierté des nouveaux édiles de la ville mais qui se présente pourtant comme une forteresse menaçante et fascinante. Pour le cinéaste, son film parle, au bout du compte, des périls que fait courir à la société le progrès technologique quand il est hors de contrôle.
Eddington entraîne le spectateur dans un maelstrom cauchemardesque sous la forme d’une comédie grinçante et audacieuse jusqu’à susciter le malaise. D’ailleurs Lodge, le pauvre hère du début, le parfait laissé-pour-compte, finira la face dans la sciure du saloon local…
Si le film impressionne, c’est parce qu’au-delà de sa violence grandissante, il décrit l’Amérique profonde avec des gens ordinaires, faillibles, qui croient sincèrement défendre le bien commun. Si Joe Cross est très « westernien » dans sa manière de prendre les armes et de faire le ménage sans ménagement, c’est sans doute le personnage de Louise, l’épouse (très) perturbée du shérif, qui procure le malaise le plus fort.
Encore traumatisée par une enfance douloureuse, cette femme terne (Emma Stone) s’est réfugiée dans la fabrication de poupées et dans les théories du complot en ligne. Manipulée par des groupes répandant des idées conspirationnistes qui ont prospéré au plus fort de la pandémie, elle a sombré dans un univers proche de l’idéologie Qanon. Et ses anciennes blessures conjuguées aux messages qu’elle lit sur le web l’ont fait basculer dans un abîme très sombre. D’autant que Dawn, sa mère, est gagnée aussi par toutes sortes de théories complotistes glanées en ligne. La présence de Dawn crispe encore plus les rapports déjà tendus entre la mère et la fille et aussi au sein du couple.
Tandis que Joe Cross (Joaquin Phoenix, habité comme à son habitude) se débat avec les injonctions fédérales, peine à faire décoller sa campagne électorale et bataille avec les jeunes tenants du mouvement Black Lives Matter, Louise et Dawn versent dans une vénération pour Vernon Jefferson Peak, un gourou qui affirme avoir été exploité sexuellement et propose à ses disciples une mise en scène mêlant réconfort et rédemption. Marquée par sa propre histoire, Louise, proie facile, est fascinée par cet enchanteur maléfique qui parle à cœur ouvert des blessures qu’il prétend avoir subies.
« À mes yeux, explique Ari Aster, l’ennemi commun dans le film, c’est la ‘distraction’. On vit dans un système en déliquescence, où les combats politiques nous hypnotisent pendant que la tech et le capital resserrent leur emprise. Le résultat, accéléré par le Covid, c’est que les gens sont impuissants dans ce système et qu’ils ont été privés de tout levier d’action réel sur le monde. Le contrôle de l’information et des données est devenu un privilège réservé à une élite, et le système fonctionne d’autant mieux si les soupçons et la colère des gens sont dirigés vers leurs voisins. La vieille croyance selon laquelle la démocratie est un contre-pouvoir face à une autorité débridée a disparu. La pandémie a coupé le dernier lien. Pourtant, un pouvoir – un pouvoir immense – s’exerce sur la société et on n’a pas encore trouvé le moyen d’y faire face. Mais il va falloir qu’on y arrive. »
En cherchant à affronter ce pouvoir, justement, les personnages d’Eddington basculent dans une forme de folie. Et le tableau donne singulièrement le frisson.
EDDINGTON Western contemporain (USA – 2h27) d’Ari Aster avec Joaquin Phoenix, Pedro Pascal, Emma Stone, Austin Butler, Luke Grimes, Deirdre O’Connell, Micheal Ward, Clifton Collins Jr., William Belleau, Amélie Hoeferle, Cameron Mann, Matt Gomez Hidaka. Interdit aux moins de 12 ans. Dans les salles le 16 juillet.
Les dinosaures, l’influenceuse et les vacances en famille 
GENETIQUE.- Il faut se rendre à l’évidence, les dinosaures n’intéressent plus grand-monde. D’ailleurs le florissant Jurassic Park a (tristement?) fermé ses portes. Pire, notre planète s’est révélée de plus en plus inhospitalière pour ces grosses bêtes. Les dinosaures -et parmi eux les bêtes les plus dangereuses- qui subsistent vivent désormais isolés dans des environnements réduits aux confins de l’Equateur dont les climats sont proches de ceux dans lesquels ils s’épanouissaient autrefois. Ces zones-là sont strictement interdites à tous les humains. Mais il se trouve qu’un grand groupe de recherches médicales et pharmaceutiques ambitionnent de créer un médicament-miracle qui permettrait de lutter contre les maladies coronariennes de la planète et même de carrément sauver l’humanité. Mais, pour cela, il faut prélever du sang sur trois spécimens différents parmi les créatures les plus monstrueuses de cette biosphère tropicale… Mandaté par son groupe, Martin Krebs constitue une équipe pour mener à bien cette mission ultra-confidentielle de prélèvements génétiques. On y trouve Zora Bennett, une ex des forces spéciales reconvertie dans les opérations secrètes et rentables, son bras droit Ducan Kincaid ou encore le docteur Henry Loomis, un spécialiste de paléontologie… Lorsque ces derniers arrivent sur site, en l’occurrence en pleine mer, ils tombent sur une famille de civils naufragés dont l’embarcation a été renversée par des dinosaures aquatiques en maraude. Tous vont être bloqués sur une île non répertoriée qui abritait autrefois un centre de recherche secret…
Il est déjà loin le temps -c’était en 1993- où Steven Spielberg ouvrait les portes de Jurassic Park. Le même Spielberg enchaîna, en 1997, avec Le monde perdu : Jurassic Park avant de passer la main à des collègues moins connus tout en demeurant producteur délégué. Réalisé par Gareth Edwards, Jurassic World : Renaissance (USA – 2h13. Dans les salles le 4 juillet) est ainsi le septième opus d’une saga à succès. Autant dire qu’on est en pays de connaissance. Les dinosaures ne nous surprennent plus vraiment même si le premier qui entre en piste dans l’océan semble faire un petit clin d’oeil à une autre star spielbergienne, le fameux requin des Dents de la mer. Bref, on suit tout cela du coin de l’oeil, en appréciant paisiblement les scènes d’action (avec Scarlett Johansson en baroudeuse malicieuse) et en devinant, de manière un peu cynique, quels personnages vont passer à la casserole. Pour Martin Krebs, aucun doute. Il va y rester. Comme il se doit pour le « méchant » du film. Dernier clin d’oeil, parmi les dinosaures mutants qui peuplent l’île perdue, on a remarqué une (grosse et sale) bestiole qui ressemble étrangement au monstre imaginé par le Zurichois H.R. Giger pour le premier Alien (1979). Vérification faite, Spielberg n’est pas dans le coup d’Alien. C’est donc un pur hommage à un grand film de terreur!
INTERNET.- Magalie Moreau est née le 12 mars 1989, le jour où Internet était mis à la disposition du grand public. Autant dire qu’elle était, d’une certaine manière, marquée par la prédestination. Mais c’est surtout une maladie rare qui a fait basculer la vie de cette étrange adolescente. En effet, Magalie est absolument insensible à la douleur. Alors, parce que son père regarde beaucoup de vidéos, la gamine se lance. Elle décide de se filmer en… action. « Salut c’est Magaloche et je teste pour vous… » Les « tests » porteront sur une batterie de voiture qui l’électrocute, sur un marteau qui écrase sa main, une machine à coudre qui lui pique les doigts ou encore une batte de baseball lancée à vive allure par une voiture de course qui lui cogne la tête… Le bras dans le plâtre et avec un appareil dentaire qu’elle ne peut retirer, Magalie, accompagnée de Patrick, son assistant personnel, rentre dans un superbe chalet de montagne qu’elle vient d’acheter. Elle se retire là parce qu’un tournage est parti en vrille. En effet la dernière expérience prévue était la chute contrôlée d’un piano, suspendu par une grue. Pour que cela soit plus impressionnant, Magalie demande avec insistance au grutier de monter le piano encore plus haut, alors que la sécurité ne peut plus être garantie. Le piano tombe sans contrôle, et la coiffeuse personnelle de Magalie est tuée. De graves embrouilles se profilent…
L’accident de piano (France – 1h28. Dans les salles le 2 juillet) est le quatorzième long-métrage de Quentin Dupieux, un réalisateur qui a notamment établi sa réputation en tournant des films quasiment à jet continu, avec des budgets modestes et en accueillant de plus en plus de vedettes reconnues dans ses productions. Si le cinéaste a, lui-même, souligné que ses budgets n’étaient plus aussi modestes qu’avant, il reste que ses films portent une signature très reconnaissable placée sous le signe du délire décalé. Or c’est, ici, ce qui manque un peu. Certes, Magalie, avec ses « expériences », s’inscrit dans cette veine mais Quentin Dupieux s’attache surtout à dresser le portrait d’une « star » (richissime) des réseaux sociaux pour décrire l’imbécilité et l’inanité de ces derniers. Et, de fait, on se lasse de cette pauvresse inculte et odieuse qui se sait une « merde humaine de compétition ».
La journaliste qui réussit à décrocher la première interview de Magalie (contrainte par un chantage à l’accident de piano) lui demande : « Vous n’avez plus besoin d’argent, pourquoi continuez-vous ? » La réponse de Magalie est magnifique et interroge : « 20 000 secondes d’image en 15 ans, ce n’est pas tellement… » On le croit volontiers.
Comme on l’a dit, les comédiens aiment à venir tourner avec Quentin Dupieux. Ici, le cinéaste retrouve Adèle Exarchopoulos, déjà présente dans Mandibules (2020) et Fumer fait tousser (2022), qui s’est fait une tête improbable pour sa Magalie. Elle est entourée de Sandrine Kiberlain (la journaliste), Jérôme Commandeur (Patrick) et Karim Leklou, très drôle en fan bas du front. Pas le meilleur Dupieux mais se laisse quand même regarder.
SARDAIGNE.- « Ça y est, ça enregistre ! » Claudine empoigne son iPhone et capte l’histoire d’un voyage en Sardaigne… Qui commence dans une gare parisienne puis dans les couchettes d’un train et va se poursuivre dans une voiture à bord de laquelle on trouve Sophie, Jean-Phi son ami ainsi que Claudine, la jeune adolescente et Raoul, un petit bonhomme de trois ans. Qui va donner bien du fil à retordre à tous ceux qui l’entourent…
Avec L’aventura (France – 1h47. Dans les salles le 2 juillet), Sophie Letourneur tourne son sixième long-métrage et donne le second voyage d’une trilogie italienne entamée avec Voyages en Italie (2023) et dans lequel la cinéaste incarnait déjà Sophie, avec Philippe Katerine dans le rôle du lunaire Jean-Phi.
Sous ses allures de comédie ensoleillée, cette Aventura (clin d’oeil à la célèbre chanson de Stone et Charden de 1971 qu’on entend au générique de fin) est une sorte de « famille au bord de la crise de nerfs » pendant un périple transalpin. Entre « Merde, il est en train de faire caca sous la table », « Maman, j’ai envie de faire pipi », « Attention, le verre, il va tomber ça c’est sûr », « J’en peux plus de la chaleur », « Pourquoi j’ai un trou dans tous mes slips » ou « Je pense que les amortisseurs sont morts », Sophie Letourneur construit un kaléidoscope de moments, d’éclats, reliés non pas par une narration classique, mais par des liens plus souterrains.
« J’aime enregistrer, dit la réalisatrice, car je trouve trop beau ce qu’il se passe dans la vie. C’est pour prendre une empreinte de cette beauté, et tenter de la reconstituer et de la transmettre, de l’exprimer. »
Au fil de ce voyage inattendu et parfois franchement agaçant, Sophie Letourneur se penche sur des personnages pris dans les affres de leurs névroses, offrant aussi un portrait de chacun des rôles qu’on peut avoir au sein d’une famille, dans la fratrie, la parentalité, et aussi la place qu’on se donne à soi-même. Tous les personnages sont en transition. Claudine quitte l’enfance, mais est-elle déjà une ado ? Raoul devient un petit garçon qui va faire des phrases et gagner en autonomie. Bientôt la fin des couches et l’entrée à l’école, ce qui va permettre à Sophie d’avoir un petit peu moins de charge mentale, de récupérer un peu plus son corps et son espace qui sont accaparés pendant tout le film. Le couple va aussi pouvoir sortir la tête de l’eau pour décider ou pas de se quitter. Quand ils feront le point, ils diront : « C’était bien. Y’a rien à dire ? »
Moh Bida, un héros discret à Kaboul 
A l’ambassade de France de Kaboul, c’est le branle-bas de combat. Dans tous les bureaux, on s’affaire à récupérer du matériel sensible, à mettre en lieu sûr des disques durs comme des clés USB mais aussi à passer à la broyeuse des tas de documents officiels… Pas question de laisser tout cela tomber entre les mains des talibans qui ont pris le contrôle de l’Afghanistan et sont désormais entrés au coeur de la capitale Kaboul.
Le 15 août 2021, les troupes américaines s’apprêtent à quitter un pays où ils sont présents depuis vingt ans, achevant ainsi la plus longue guerre menée par les Etats-Unis. Dans la ville, les talibans font régner la terreur, abattant sans sourciller ceux qui font mine de s’opposer à eux ou qui, comme ce restaurateur, tente de mettre à l’abri son stock de bouteilles d’alcool. Au milieu du chaos, des milliers d’Afghans affluent, dans la Green Zone, vers le dernier lieu encore protégé: l’ambassade de France.
Au mépris du danger, le commandant Mohamed Bida, responsable de la sécurité, lui, a quitté, à bord d’un véhicule banalisé, l’ambassade français pour récupérer, en ville, son « frère » Sediqi, haut responsable des services secrets afghans, désormais pourchassé par les fondamentalistes islamistes.
Si Moh a réussi à ramener Sediqi à l’ambassade, il sait que sa tâche va être très rude, en l’occurrence organiser le départ des ressortissants français mais aussi de centaines d’Afghans terrorisés prêts à tout pour fuir leur pays. Une première opération, imaginée avec une navette d’hélicoptères, échoue. Désormais le convoi de la dernière chance sera une kyrielle de seize bus en route pour l’aéroport d’où ils pourront s’arracher à l’enfer de Kaboul.
Martin Bourboulon a fait ses premières armes de réalisateur dans le long-métrage avec la comédie Papa ou maman (2015) mais il s’est ensuite fait remarquer avec de grosses productions pour Pathé avec successivement Eiffel (2021) sur l’histoire d’amour (fictionnelle ?) entre l’ingénieur Gustave Eiffel et la jeune Adrienne Bourgès, durant laquelle va émerger l’idée de créer la tour Eiffel et surtout, en 2023, le diptyque Les trois mousquetaires : D’Artagnan et Les trois mousquetaires : Milady qui a réuni, sur les écrans français, près de six millions de spectateurs.
Pour Treize jours, treize nuits, le cinéaste retrouve Ardavan Safaee, le big boss de Pathé et le producteur Dimitri Rassam qui lui mettent en main 13 jours, 13 nuits : dans l’enfer de Kaboul, le livre du Commandant Mohamed Bida paru en 2022 chez Denoël. « La description très méticuleuse, dit le metteur en scène, dans le livre de l’opération d’exfiltration m’a fascinée. Mais c’est l’histoire de ces hommes et femmes forcés de fuir un pays qu’ils aiment qui m’a réellement bouleversé. Après mes précédents films, j’avais aussi envie de me confronter à un sujet plus contemporain avec une approche différente. »
Sur les pas du commandant Bida, Bourboulon a construit un solide thriller qui n’a rien à envier aux productions hollywoodiennes du même type. Le cinéaste a pris comme modèle le style très efficace (et violent) de Sicario (2015) de Denis Villeneuve sur la guerre, à la frontière entre les USA et le Mexique, entre la CIA et les narcotrafiquants. Mais on pourrait aussi bien évoquer le rythme de Zero Dark Thirty (2012) de Kathryn Bigelow qui retrace la longue traque d’Oussama ben Laden par la CIA.
Ici aussi, on s’inspire de faits réels puisque le film raconte l’aventure de Mohamed Bida, nommé attaché de sécurité intérieure de l’ambassade de France, après l’attentat (non revendiqué) du 31 mai 2017 dans le quartier des ambassades de Kaboul qui fit 150 morts et 463 blessés. Le commandant Bida est chargé de veiller sur le personnel de l’ambassade. En août 2021, il est l’un des principaux responsables de la sécurité de l’ambassade et, pendant « treize jours, treize nuits », il va assurer avec un petit groupe de policiers du RAID et en coordination avec l’ambassadeur David Martinon replié à l’aéroport, l’exfiltration de plusieurs centaines de personnes réfugiées à l’ambassade. « Bien au-delà de sa mission », il organise l’accueil et l’hébergement des employés afghans en possession d’un visa comme celui des ressortissants Français encore sur place.
Fils de harki, Bida connaît mieux que personne le sort qui serait réservé aux traducteurs et aux agents de sécurité, payant cher l’aide apportée aux Occidentaux, s’ils ne pouvaient quitter Kaboul. En trois jours, le nombre de retranchés dans l’ambassade de France grossit de 80 à 400 personnes… Moh et la petite dizaine de policiers vont s’occuper, seuls, de la logistique, de la nourriture, de l’hébergement et même de trouver des couches pour les bébés…
Martin Bourboulon s’attache à rendre palpable la tension permanente qui règne à Kaboul et plus précisément dans l’unique service diplomatique encore présent dans la Green Zone. Bida sait qu’il est embarqué dans une course contre la montre. Contraint de naviguer entre les ordres de ses patrons, les atermoiements du gouvernement à Paris mais aussi les réticences de ses collègues policiers, Bida va tout mettre en œuvre pour réussir ce qui a tout d’un coup de poker. Pris au piège, il décide de négocier avec les talibans pour organiser une dangereuse sortie de l’ambassade. Pour des négociations directes avec des responsables talibans forcément hostiles, il est bien obligé d’employer, comme traductrice, Eva, une jeune humanitaire franco-afghane. La scène de discussion où un petit chef taliban entraîne Moh et Eva à l’abri d’une guérite est troublante de violence prête à exploser… De même, les scènes de foule en panique sont impressionnantes tant on sent la peur d’un peuple qui veut fuir la terreur mais qui n’a pas envie de quitter son pays…
Comme on est au cinéma, Treize jours, treize nuits a besoin d’un héros. Il le trouve évidemment avec Moh Bida, un type humain en diable mais pleinement conscient de sa mission. Car le commandant Bida a tout bonnement un… job à accomplir. Et il ne peut se permettre de craquer même s’il retient sa main qui tremble ou ses larmes quand il apprend la mort de Nicole, la jeune GI américaine, tuée, le 26 août, dans un attentat perpétré par Daech à Abbey Gate, à proximité de l’aéroport de Kaboul. Face au chaos, Bida se montre courageux, déterminé et meneur d’hommes. Bourboulon a trouvé avec Roschdy Zem un interprète remarquable pour incarner un héros humain et humble. Autour de lui, gravitent une poignée de personnages forts, notamment deux femmes en l’occurrence Eva, la traductrice jouée par Lyna Khoudri et une journaliste (inspirée par Clarissa Ward, reporter pour CNN) à laquelle la Danoise Sidse Babett Knudsen, la mythique première ministre de la série Borgen, apporte toute l’intensité de son regard et de son jeu.
Dans l’avion qui ramène tout le monde en lieu sûr, Mohamed Bida se recroqueville sur lui-même, submergé par l’émotion. Quelques jours plus tard, il partait à la retraite après quarante années de service.
TREIZE JOURS, TREIZE NUITS Drame (France – 1h52) de Martin Bourboulon avec Roschdy Zem, Lyna Khoudri, Sidse Babett Knudsen, Christophe Montenez, Nicolas Bridet, Shoaib Saïd, Sina Parvaneh, Athena Strates, Jean-Claude Muaka, Yan Tual, Luigi Kroner, Fatima Adoum. Dans les salles le 27 juin.
Les vies de Chuck, le mal-être de Katia et l’envol de Rose 
EXISTENCE.- Dans la classe de Marty Anderson, un élève planche sur un texte de Walt Whitman. Quand soudain, la vie s’arrête. Exit l’étude du plus grand poète de la littérature américaine. Une partie de la Californie vient de disparaître dans le Pacifique. Pire que cela, les téléphones portables ne fonctionnent plus. Internet a aussi rendu l’âme. La télévision ne diffuse plus rien… sauf une étrange « pub » qui, avec le visage souriant d’un parfait comptable, salue les 39 merveilleuses années de Charles Krantz. Thanks Chuck ! Dans les rues de la ville, tout n’est qu’encombrements, embouteillages, désolation. Au point que les habitants abandonnent les voitures, partent à pied sans trop savoir où ils vont… Ici et là, on remarque le Thanks Chuck… Philosophes, Marty et son voisin sont bien obligés de constater que quelque chose se termine. La fin du monde, tout bonnement ? Dans le ciel, les étoiles et les planètes s’éteignent toutes.
Le comptable, on le retrouve, déambulant dans une ville où il est venu pour une réunion. Pas loin de là, une jeune musicienne de rue a installé sa batterie. Elle commence à jouer lorsqu’Arthur Krantz s’approche. Doucement, le comptable, gentiment étriqué, se met à bouger. Bientôt il se lance dans une chorégraphie aussi élégante qu’enlevée. Janice Halliday vient de quitter la librairie où elle a passé une journée de travail de sept heures. De plus, son petit copain l’a laissé tomber. Pas vraiment une journée de rêve ! Par la grâce de la musique et à cause de l’invitation de Chuck, elle va entrer dans la danse. Tous les deux offrent un superbe spectacle aux passants…
Ayant perdu ses parents dans un accident de la circulation, le petit Chuck est élevé par ses grands parents. Enfant, il passe une enfance heureuse. Sarah, sa grand-mère, est fan autant de cuisine que de rock. C’est elle qui lui donnera l’amour de la danse. Quant à Albie, son grand-père, c’est un homme des chiffres qui a malheureusement un penchant pour l’alcool. C’est pourtant avec lui que Chuck apprendra que la pratique des nombres est un art. Et puis, Albie garde les clés d’une pièce fermée de leur grande maison victorienne. Là haut, sous les toits, se cache un mystère qui ne cesse d’intriguer le gamin…
Après avoir déjà adapté plusieurs œuvres de Stephen King (Jessie en 2017 et Doctor Sleep en 2019), le réalisateur américain Mike Flanagan adapte, avec Life of Chuck (USA – 1h50. Dans les salles le 11 juin) une nouvelle presque joyeuse de l’un des auteurs les plus célèbres de la planète.
En trois chapitres qui remontent le temps, Flanagan raconte la vie extraordinaire d’un homme ordinaire. Le cinéaste se souvient avoir lu ce roman court pendant le confinement, en plein chaos, alors que tout semblait s’effondrer. « Pourtant, dit-il, ce texte parlait de beauté, de souvenirs, de la façon dont nos vies prennent sens quand on les regarde dans leur ensemble. Ça m’a profondément touché. Ce message me paraît encore plus important aujourd’hui. Le chaos est toujours là, mais cette histoire nous rappelle qu’il ne faut pas s’attarder sur les fins. Il faut célébrer ce qu’il y a entre le début et la fin — les liens, les moments, la création. Plus que jamais, des histoires comme celle-ci sont essentielles. Ma mission avec ce film était de présenter la réalité des enjeux de la vie de Chuck, mais de le faire sans désespoir ni cynisme. Et de souligner toutes les belles choses que King avait à dire sur la vie et l’art. Je n’ai jamais travaillé sur un projet aussi joyeux, un film qui ne contient pas une once de cynisme. »
Dans ce conte très lumineux et baigné d’onirisme, on entend revenir, comme un mantra, les mots de Whitman : « Je suis vaste. Je contiens des multitudes ». Comme l’existence de chacun, affirme le cinéaste. Avec une belle distribution (Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor, Karen Gillan, Jacob Tremblay et Mark -Star Wars- Hamill), voici une aventure humaine teintée de tristesse mais qui séduit profondément.
AUTISME.- Katia flippe ! Dans l’open space de la petite société de communication où elle travaille comme documentaliste, la jeune femme ne sent pas à l’aise. Et comme la boîte annonce des licenciements économiques, Katia est encore un peu plus stressée. Elle répète : « Je suis virée ? » Pourtant elle fait bien son boulot et tout le monde loue son professionnalisme. Son amie Marie, avec qui elle pratique la boxe, lui dit bien de ne pas trop s’en faire, mais justement rien n’y fait. Fred, son amoureux avec qui elle vient de renouer après un moment de flottement, lui avoue qu’il est malheureux sans elle mais ajoute « Tu n’es pas la fille la plus simple non plus ! »
Quatrième long-métrage de cinéma de Lola Doillon (la fille de Jacques Doillon), Différente (France – 1h40. Dans les salles le 11 juin) est un film tout à fait malin qui fonctionne comme une comédie dramatique et même romantique lorsque se dessine la reprise du sentiment amoureux qui unit Katia et Fred. Mais, dans le même temps et sans que le propos ne devienne documentaire (à ce propos, la série Voyage en Autistan est tout à fait remarquable), Différente va s’imposer comme un magnifique portrait d’une jeune femme qui mène une vie ordinaire. Sa relation amoureuse avec Fred n’est certes pas un long fleuve tranquille d’autant qu’il imagine partir vivre avec elle au Conquet. Son travail, pourtant précis et sérieux, la met dans des états profonds de stress. Et elle se demande, sans comprendre, pourquoi elle est toujours si mal dans son être.
C’est lorsque, par hasard, son rédacteur en chef lui demande de préparer un reportage sur l’autisme que Katia va avoir, d’une certaine manière, la révélation de sa différence. Pour les besoins de son enquête, Katia assiste à un colloque et doit interviewer Romane Vainedeau, experte du sujet (interprétée par Julie Dachez, elle-même experte et conférencière sur l’autisme). Rapidement, elle entend parler d’Asperger, de trouble du spectre autiste sans déficience intellectuelle, du fait que les femmes autistes réussissent mieux à se camoufler socialement. Au gré de ses recherches, Katia va s’interroger sur son identité. Devant faire face au doute de Fred (Thibaut Evrard) et au déni de sa mère (Mireille Perrier), Katia va consulter une spécialiste et obtenir un diagnostic. « Vous n’êtes pas inférieure. Vous êtes différente » lui dit cette experte.
Si la cinéaste place au centre de son propos le cheminement amoureux de Fred et Katia pour observer le décalage des ressentis et des réactions (« Comment tu montres à quelqu’un que tu l’aimes ? » s’interroge le couple), pour confronter leurs états de doute, d’appréhension, de soulagement à leurs sentiments amoureux, Différente, qui se déroule dans les décors de Nantes, offre aussi une représentation de l’autisme éloigné des stéréotypes habituels. Lola Doillon, en s’entourant de spécialistes, évoque la difficulté du diagnostic, le manque de professionnels formés, le retard de la France, l’influence de la psychanalyse, la difficulté d’accès à l’emploi ou à obtenir les aménagements nécessaires. Mais tout cela passe tout en finesse car on ne perd jamais de vue Katia et son parcours de vie. La réalisatrice colle quasiment toujours à ce personnage fragile auquel sa mère se plait à rappeler l’enfant « sauvage » timide et craintive qu’elle était mais qui devenait très loquace quand elle devisait avec son amie imaginaire. Et finalement, une surprise viendra bouleverser le couple… Si Différente est une œuvre forte et intense, c’est dû aussi à l’interprétation incandescente de la comédienne et musicienne Jehnny Beth. On ne l’oublie plus !
EMANCIPATION.- Par un été chaud et étouffant, Rose et sa fille Sofia se rendent à Almeria, station balnéaire du sud de l’Espagne. Rose, qui se trouve clouée dans un fauteuil roulant, vient consulter l’étrange docteur Gómez qui pourrait soulager les souffrances de Rose dont les jambes se dérobent sous elle quand elle tente de se lever et de marcher. Jusque-là entravée par une mère possessive, Sofia se sent pousser des ailes surtout lorsqu’elle croise, sur la plage, l’énigmatique Ingrid. Cette baroudeuse libre et cool qui ne fonctionne que selon ses règles, fascine Sofia qui va peu à peu céder à son charme magnétique. Tandis que Sofia s’émancipe, Rose ne supporte pas de voir sa fille lui échapper. Bientôt de vieilles rancœurs qui pèsent depuis longtemps sur la relation entre les deux Britanniques vont éclater au grand jour…
Premier long-métrage de la scénariste anglaise Rebecca Lenkiewicz, Hot Milk (Grande-Bretagne – 1h32. Dans les salles le 28 mai) est une adaptation du roman éponyme de l’Anglaise Deborah Levy qui fut, à la parution du livre en 2016, comparée à Virginia Woolf.
Après avoir notamment travaillé comme scénariste sur deux portraits de femmes (Ida de Pawel Pawlikowski en 2013 et Déobéissance de Sebatian Lelio en 2017) puis sur She Said (2022) de Maria Schrader sur la naissance du phénomène #MeToo, Rebecca Lenkiewicz s’attache, ici, à un nouveau projet autour de trois femmes prises, chacune à sa manière, dans un solide dilemme. Sur une terre étrangère où elles sont venus dans l’espoir d’une potentielle « guérison », la mère et la fille vont être amenées à s’éloigner l’une de l’autre. Malgré les efforts de Gomez, Rose va devoir s’accepter tandis que Sofia va enfin s’arracher à une pesante dépendance en apprenant à s’imposer, poussée par Ingrid en révélateur amoureux. Evoquant la relation entre Sofia et Ingrid, Vicky Krieps, l’interprète de cette dernière observe : « Il y a des gens qu’on rencontre et qui vous accompagnent dans la vie, et d’autres qu’on rencontre et qui vous aident à grandir, à évoluer, à progresser. C’est douloureux pour Sofia, mais c’est ce qui va lui permettre de se projeter dans un nouvel avenir. »
A son directeur de la photo Christopher Blauvelt, la cinéaste a indiqué deux références pour créer l’univers visuel du film, d’une part Tous les autres s’appellent Ali (1974) de Fassbinder et certains aspects de 37°2 le matin (1986) de Beineix. Si l’action se passe en Espagne, le film a cependant été essentiellement tourné à… Marathon, station balnéaire populaire à une heure de route au nord d’Athènes et aussi dans la capitale grecque.
Si son récit est parfois hésitant et amène le spectateur a décroché, le film vaut par sa dimension féministe et par sa belle interprétation avec Fiona Shaw (Rose), une grande dame de la scène et du cinéma britannique, la Franco-anglaise Emma Mackey (vue dans Eiffel de Martin Bourboulon en 2022) qui incarne une Sofia étouffée puis bouleversée et enfin la Luxembourgeoise Vicky Krieps, découverte dans Phantom Thread (2017) de Paul Thomas Anderson, qui passe comme une lumineuse et torride étoile filante.