LA MÉMOIRE D’UN ARCHITECTE ET LE PROPAGANDISTE DE LA MACHINE NAZIE
THE BRUTALIST
Comme les sinistres coursives d’un enfer sous terre…. Dans une bousculade permanente, une foule se presse, avance, chavire. Laszlo Toth est dans cette marée apeurée. Il aperçoit enfin le ciel. Ce n’est pas celui d’Auschwitz. Il était dans la cale d’un bateau qui entre dans le port de New York. Au-dessus de lui, c’est le ciel de l’Amérique, la terre promise. Mais, las, la statue de la Liberté semble à l’envers, de guingois, la tête en bas… De mauvais augure ! Lorsqu’il pose le pied sur le sol américain, Laszlo Toth n’est plus rien. Cet architecte visionnaire né à Budapest, formé au célèbre Bauhaus de Dessau, se demande de quoi sera faite son existence dans ce pays de cocagne qui n’attend pas vraiment les immigrants qui affluent. Heureusement, Laszlo peut compter sur Atilla, un parent qui l’accueille avec effusion. Cet Hongrois a ouvert un magasin de meubles à Philadelphie. C’est là que Toth, après avoir créé un superbe fauteuil en métal et cuir, va faire une rencontre qui va bouleverser sa vie. En effet, pour faire une surprise à son père, le jeune Harry Lee demande à Attila et à Toth de réaliser une nouvelle bibliothèque dans la grande demeure des Van Buren. Si le père, Harrison Lee Van Buren Sr. pique un colère noire en découvrant cette bibliothèque aux beaux volumes bien éclairés, il se reprendra bientôt en constatant le talent, voire le génie de cet architecte qui gagne maigrement sa vie en pelletant du charbon sur les sites industriels de Philadelphie… L’éminent et fortuné oligarque américain lui confiera le soin de réaliser un immense complexe qui deviendra l’Institut Van Buren… Pour Laszlo Toth, c’est évidemment la chance de sa vie, l’occasion de renouer avec un vrai geste créateur. Autour de la question : qui permet à l’art d’exister ? et en mettant en scène un personnage fictif, The Brutalist, entièrement filmé à Budapest, se présente comme une vaste épopée sur fond de quête du rêve américain. Avec cette fresque (forcément) monumentale à laquelle il a oeuvré pendant sept ans, Brady Corbet arrive sur le devant de la scène cinématographique. Son troisième long-métrage fait carton plein. Il a été couronné meilleur réalisateur à la Mostra de Venise et a obtenu les Golden Globes de meilleur film dramatique, meilleur réalisateur et Adrien Brody dans le rôle de Laszlo Toth, a été couronné meilleur acteur. The Brutalist est aussi une superbe histoire d’amour, celle qui réunit Laszlo et Erzsebet, une femme d’une grande lucidité et d’une honnêteté féroce qui trouvera dans la passion qu’elle porte à son mari les ressources pour s’arracher au handicap rapporté de sa déportation. La judéité est aussi l’un des thèmes du film, autant par la volonté de Szofia et de son compagnon de faire leur alya que par le désir de Toth de nouer la réalisation de l’institut Van Buren à la mémoire des camps. La forme du bâtiment devant amener celui qui y pénètre à lever les yeux vers le haut et la lumière… A propos du titre qui peut résonner bizarrement pour un spectateur francophone, il convient de dire que le brutalisme auquel il fait référence est un style architectural qui a connu une grande popularité des années 1950 aux années 1970. Il se distingue notamment par la répétition de certains éléments comme les fenêtres, par l’absence d’ornements et le caractère brut du béton. Le « béton brut » est le terme employé par Le Corbusier, qui voit dans ce matériau de construction un aspect sauvage, naturel et primitif lorsqu’il est utilisé sans transformation. (Universal)
LA FABRIQUE DU MENSONGE
« La propagande est un art ! » C’est Joseph Goebbels qui le dit et, sur ce point, on peut faire confiance à l’éminence grise d’Hitler. A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le Reichsminister est devenu un personnage incontournable de la machine nazie. Ayant l’oreille et le plein soutien du Führer, il est convaincu que la domination du Reich sur l’Europe et le monde passera par des méthodes de manipulation radicalement nouvelles. Pour cela, il s’agit autant de contrôler, d’une main de fer, les médias (et aussi le cinéma) que d’électriser les foules. Au point de transformer les défaites en victoires et le mensonge en vérité. Dans une salle de cinéma, avec son staff, Goebbels visionne des images d’Hitler saluant de très jeunes soldats qui s’apprêtent à aller mourir au combat. Il scrute les rushes, observe un plan sur les mains d’Hitler secouées de spasmes. Soudain il crie : « Le Führer ne tremble pas ! Le peuple ne verra jamais ces images ! » Le technicien, à ses côtés, ose : « Nous n’avons rien d’autre. Le Führer n’est plus qu’une ombre de lui-même. » Goebbels s’agace et lâche: « C’est moi qui décide ce qui est vrai. Et ce qui est vrai, est ce qui profite au peuple allemand. » Goebbels est en train de bâtir la plus sophistiquée des illusions, quitte à précipiter les peuples vers l’abîme… L’évocation du nazisme et de la Shoah, l’un des plus grands crimes de l’humanité a souvent été traité au cinéma. Avec La fabrique du mensonge, l’Allemand Joachim Lang se demande pourquoi la majorité des Allemands ont suivi Hitler dans la guerre et l’Holocauste, et comment les responsables ont pu commettre des crimes aussi inimaginables contre des millions de victimes innocentes ? Lang choisit de s’inscrire dans la perspective des auteurs de ces crimes. « Nous ne connaissons Hitler et les principaux dirigeants nazis, dit le réalisateur, que par leurs apparitions fabriquées, celles que Goebbels, voulait utiliser pour façonner l’image du national-socialisme. Cette image agit encore aujourd’hui sur nous. Elle est le résultat d’une manipulation. » Führer und Verführer (titre original) s’attache à briser la mise en scène en plongeant dans les coulisses où œuvre Goebbels. Lang appuie ainsi ses dialogues sur des citations authentiques et il s’attache régulièrement à mêler des images de fiction avec de vraies images d’actualité souvent insoutenables. On est constamment au plus près de Goebbels, (sinistre) « héros » de cette descente dans le cercle de l’enfer, quand il « courtise » Hitler dans le but de devenir son numéro 2 en évinçant les Göring, Bormann, Ribbentrop et autre Himmler. L’objectif d’Hitler était d’élargir l’espace vital des Allemands à l’Est et de procéder à l’extermination totale de tous les Juifs. L’objectif de Goebbels était de trouver les images parfaites pour cela et, avec sa machine de propagande, de soutenir Hitler au sein de son propre peuple… Evoquant les amours de Goebbels, nabot gominé, le film se penche aussi sur ce moment tragiquement ubuesque que fut le discours du Sportpalast de Berlin prononcé le 18 février 1943 par Goebbels devant 14 000 membres du parti nazi alors même que l’Allemagne glissait déjà vers sa perte. Considéré comme le sommet de la rhétorique de Goebbels, ce discours voit, in fine, l’orateur poser dix questions à une foule hystérique, le tout s’achevant par une incantation : « Maintenant, Peuple, lève-toi ! Tempête, déchaîne-toi ! ». Enfin, le film a une résonance fortement contemporaine quand il se demande à quelles images, on peut faire confiance. (Condor)
BONA
Jeune fille issue de la classe moyenne philippine, Bona a cessé de fréquenter le lycée. Elle préfère suivre Gardo, acteur et second couteau dans des productions à petit budget. Chassée de sa famille, Bona part s’installer chez Gardo. Alors qu’elle pense pouvoir enfin vivre une belle histoire d’amour avec lui, la jeune fille devient sa bonne à tout faire, obligée de supporter le défilé incessant de ses nombreuses conquêtes… Pièce maîtresse de l’œuvre de Lino Brocka, Bona est indissociable de son actrice et productrice, Nora Aunor. Première comédienne non métissée à accéder au rang de superstar, la jeune femme, alors âgée de 28 ans, était vénérée par les classes populaires dont elle est issue. La dévotion de ses fans était sans limites. Ainsi, son rôle dans Bona, qu’elle a elle-même produit pour enfin apparaître dans un film « sérieux », est un curieux renversement de situation, dans lequel le cinéaste philippin (1939-1991) désacralise son statut de star en lui offrant le rôle d’une fille qui sacrifie tout ce qu’elle a (sa famille, sa classe sociale) pour se rapprocher de son idole. Comme dans Insiang (1976) ou Manille (1975), deux de ses films présentés en Occident, le cinéaste excelle à ancrer ses mélodrames dans un contexte social bien réel (ici, la vie quotidienne dans un bidonville filmée en quasi huis clos), tout en évitant l’écueil du misérabilisme. Face à un Phillip Salvador impressionnant en monstre d’égoïsme, Nora Aunor crève l’écran en petite sœur de la truffaldienne Adèle H., aveuglée par un amour sans retour. Bona s’ouvre sur une scène de foule filmée sur un mode documentaire. Une procession religieuse s’avance au milieu de centaines de participants en transe puis se poursuit avec une scène de tournage d’un « film dans le film ». On passe alors sans crier gare – et sans que le spectateur s’en rende immédiatement compte – à une autre temporalité, un autre lieu, grâce à la simple juxtaposition de deux plans similaires sur Nora Aunor, qui incarne le personnage de Bona et établit un lien entre les deux espaces. Ainsi, Lino Brocka signale que le ton de la suite du film aura beau se révéler tout autre, la question centrale n’en demeure pas moins la même. A la passion du Christ, illustrée par la procession religieuse, succède la vénération de Gardo par Bona. Mais l’impulsion humaine, le besoin intime pour l’individu de se trouver une divinité à adorer, même sous les traits d’un acteur de seconde zone, restera identique. En revanche, le sacrifice changera d’objet : ce ne sera plus Jésus qui souffrira pour les hommes – mais Bona pour Gardo. Longtemps invisible après sa sortie en 1981 à Cannes, Bona est présenté dans une belle version restaurée et riche en suppléments, notamment des entretiens avec des collaborateurs de Brocka et Superfan (2009 – 22 mn), écrit et réalisé par Clodualdo del Mundo, Jr. qui rend hommage à Mandy Diaz, superfan et archiviste autoproclamé de Nora Aunor. (Carlotta)
MERCATO
Ah, la beauté du geste ! Driss Berzane évoque, les larmes dans la voix, la sublime reprise de volée de Zidane qui, le 15 mai 2002, offre, à la 45e minute, sa neuvième Ligue des champions au Real Madrid contre les Allemands du Bayer Leverkusen. Mais ce but de légende n’est qu’un (beau) souvenir car la vie de Driss n’est pas un long fleuve tranquille… Et pourtant, il adore le ballon rond. Mais Driss est au bord du précipice. Car cet agent de joueurs, quasiment de la vieille école, doit une forte somme à un certain Demba, un type très peu fréquentable, qui lui aurait donné un coup de main pour le transfert de Medhi Bentarek au Paris Saint Germain… Entouré de ses nervis, Demba donne huit jours à Driss pour régler sa dette… Amateur de football mais aussi réalisateur de qualité qui a signé la comédie 16 ans ou presque (2013) avec Laurent Lafitte, Docteur ? (2019) avec Michel Blanc en médecin de nuit à Paris qui se voit contraint, la nuit de Noël, de « déléguer » les soins apportés à divers patients à un livreur Uber Eats ou Un homme heureux (2023), une comédie avec Fabrice Luchini et Catherine Frot sur la transition de genre, Tristan Séguela développe, ici, le thème du mercato, cette période très importante dans le football moderne, où les enjeux financiers atteignent des sommets vertigineux. Après avoir évoqué la figure de Bernard Tapie dans la fiction biographique Tapie sur Netflix, le cinéaste s’attache, cette fois, à un personnage de fiction avec cet agent en quasi-faillite, qui n’a plus d’appartement et dort dans son bureau. Le couteau sur la gorge, Driss va tout tenter pour trouver la somme et surtout prouver qu’il est toujours un bon agent. Ainsi il doit gérer en parallèle la carrière et la vie de ses clients, principalement celle de Mehdi, blessé depuis un an et contrôlé positif à la cocaïne mais aussi le jeune Erwin, une pépite de 12 ans repérée par un grand club de Salzbourg ou encore tenter de faire signer Félix Gassama, star du Real Madrid, dont l’agent vient de décéder. Et sans doute plus que tout, Driss Berzane ne veut pas apparaître comme un loser aux yeux de son fils Abel, jeune homme idéaliste qui observe d’un mauvais œil le métier de son père et l’aspect mercantile du football. Jamel Debbouze, grand amateur de foot lui aussi, est excellent dans ce thriller nerveux qui plonge au coeur des coulisses (des ténèbres?) du football d’aujourd’hui, une industrie planétaire où les intérêts se chiffrent en milliards. (Pathé)
QUATRE NUITS D’UN RÊVEUR
Une nuit à Paris, Jacques marche dans les rues, suit des passantes sans jamais oser les aborder. Du côté du pont Neuf, il aperçoit une jeune fille au comportement étrange. Elle tente de sauter dans la Seine, Jacques l’en empêche et ils font connaissance. Ils se revoient la nuit suivante et Marthe, la jeune fille, va, durant quatre nuits, se confier à lui. Au cours de ces nuits, Marthe attend avec anxiété le retour de l’homme auquel elle s’est donnée l’année précédente. Dans la filmographie de Robert Bresson (1901-1999) qui ne compte que treize longs-métrages, Quatre nuits d’un rêveur occupe une place assez modeste mais pas du tout mineure. Tourné en 1971 entre Une femme douce (1969) et Lancelot du lac (1974), Quatre nuits… est l’adaptation (de très loin, selon Bresson) des Nuits blanches de Fiodor Dostoïevski publié en 1848 et qui racontait la solitude d’un jeune homme vivant à Saint-Petersbourg qui rencontre, par hasard, une jeune femme et en tombe amoureux mais sans retour. Bresson qui a alors 70 ans et plus rien à prouver, s’empare de cette histoire et la fait sienne, notamment en imprimant à son récit une ambiance teintée d’irréel et d’onirisme pour raconter une relation, marquée par l’incertitude et la nostalgie, qui se développe à travers des échanges introspectifs et des gestes simples, captés par la caméra dans un style à la fois minimaliste, documentaire et poétique. Le film explore la quête de sens et d’amour (peut-on tomber amoureux de quelqu’un qu’on n’a jamais vu?) de ces deux jeunes personnages, leur désir, leurs illusions, et leur difficulté à donner corps à leurs rêves dans un contexte urbain moderne. Jacques, artiste enregistreur de sons et peintre, exprime ses pensées à travers des enregistrements et des toiles représentant des silhouettes féminines idéalisées. La relation entre Jacques et Marthe se construit dans une atmosphère de mélancolie, de désir et de fragilité. Et alors que le bonheur semble vouloir se dessiner pour Jacques et Marthe, la rencontre accidentelle de Marthe avec son ancien amant va mettre fin à leur rêve partagé. On sait qu’après Journal d’un curé de campagne (1951), Robert Bresson ne travailla quasiment plus qu’avec des acteurs non professionnels qu’il désignait comme des « modèles » dans la mesure où il voulait les modeler. Ici, dans le rôle de l’insaisissable Marthe, on découvre la ravissante Isabelle Weingarten, remarquée sur une photo de mode, qui débute au cinéma et qui fera carrière, notamment chez Jean Eustache (La maman et la putain) ou Wenders (L’état des choses). Dans les suppléments, Guillaume des Forêts, l’interprète de Jacques, revient longuement sur la façon dont il est entré dans le projet de Bresson et évoque la manière de tourner du cinéaste. Jeune homme dans Quatre nuits…, Guillaume des Fotêts a fait une carrière d’astrophysicien et a terminé son parcours professionnel comme professeur émérite à l’Institut d’astrophysique spatiale. Un ovni de cinéma par le maître du cinématographe. (Potemkine)
L’ATTACHEMENT
Cinquantenaire célibataire (endurcie), Sandra Ferney tient une librairie féministe. Lorsque le couple de l’appartement voisin, Alex et Cécile, doit se rendre à l’hôpital pour l’accouchement de cette dernière, Sandra accepte de s’occuper de leur fils Elliott, âgé de six ans, bien que cette femme ne soit pas très intéressée par les enfants. Des complications surviennent lors de l’accouchement et la mère décède en donnant naissance à une fille prénommée Lucille. Sandra va devenir de plus en plus une référence féminine importante, non seulement pour le garçon, mais aussi pour Alex, le père veuf et pour la petite Lucille. Scénariste, réalisatrice et écrivaine, Carine Tardieu signe, ici, son cinquième long-métrage en adaptant L’intimité, le roman d’Alice Ferney paru en 2020 chez Actes Sud. Le cinéaste avait déjà lu le livre qui se trouvait chez elle mais c’est Fanny Ardant (que Carine Tardieu dirigea dans l’émouvant Les jeunes amants en 2022) qui lui conseilla de le relire dans le but de l’adapter au cinéma. Autour du personnage central de Sandra qui n’est pourtant que la voisine, celle qui dit « Je suis seulement celle qui était là », la cinéaste organise une œuvre fine et délicate sur les liens affectifs imprévisibles nés au hasard des drames et des amours de la vie. Car Sandra va être embarquée dans l’existence de la famille d’à-côté. Evidemment, sa situation n’est pas simple d’autant qu’apparaît le vrai père biologique d’Elliott et qu’Alex éprouve des sentiments nébuleux pour Sandra. Construit en une suite d’une douzaine de chapitres et avec le palier de l’immeuble comme motif central et sas de rencontres, L’attachement permet à son auteur d’aborder des thèmes comme l’amour, la culpabilité, la maladresse, la générosité, le sacrifice, les sentiments impulsifs et la passivité, le rapport à la maternité et à la paternité, le couple et le célibat, la place des uns par rapport aux autres… Enfin, le film est porté par une belle distribution avec, en tête, Valeria Bruni Tedeschi (Sandra) et Pio Marmaï (Alex) entourés de Raphaël Quenard, Vimala Pons, Catherine Mouchet, Marie-Christine Barrault ou Florence Muller. Un joli côté Les Choses de la vie ! (Diaphana)
A SHORT LOVE AFFAIR
Après avoir tenté sa chance contre contremaître dans une usine de confection de Séoul, Bae Il-do, un modeste mais habile tailleur, décide de revenir dans sa ville natale de banlieue. Depuis trois ans, il partage sa vie avec Sae-daek, une jeune femme issue d’un milieu très pauvre avec laquelle il vient d’avoir un bébé. Si Il-do reste avec elle, c’est uniquement pour sauver les apparences. Le jeune homme se saisit du moindre prétexte pour fuir l’ambiance délétère qui règne chez lui. À l’atelier de couture où il a été embauché, Il-do fait la rencontre de Min Gong-nye, une femme mariée et mère d’un petit garçon. Entre ces deux êtres malheureux dans leur foyer respectif et sous le regard des nombreuses femmes à l’oeuvre dans l’atelier, le coup de foudre est immédiat… Avant de devenir l’auteur d’une œuvre sulfureuse (To You, from Me, Fantasmes), le Coréen Jang Sun-woo, né en 1952 à Séoul, a excellé dans le genre du mélodrame réaliste. Ainsi ce A Short Love Affair, adapté du roman de son compatriote Park Yeong-han, qui se distingue par son approche naturaliste, évitant le symbolisme pour se concentrer sur la représentation fidèle de la vie quotidienne de personnages marginalisés. Le ton est cependant marqué par l’empathie pour des gens ordinaires (le mari de Min est tout à fait pathétique dans sa manière de s’accuser de l’échec de son mariage) et aussi une forme d’humour qui n’est pas sans faire penser à un film comme l’italien Affreux, sales et méchants. Oeuvre souvent émouvante et engagée, A Short Love Affair constitue une étape importante dans l’évolution du cinéma coréen vers une représentation plus authentique des réalités sociales. Le film est bien interprété par Park Joong-hoon (Il-do) et Choi Myoung-gil (Min). Présenté dans une nouvelle restauration 4K et inédit en Blu-ray, A Short Love Affair est accompagné d’un document (15 mn) d’Antoine Coppola, professeur de cinéma à l’Université Sungkyunkwan de Séoul. L’universitaire décrypte A Short Love Affair, du réalisateur militant pro-démocratique Jang Sun-woo, où s’entrecroisent les genres du film d’hôtesses coréen et du réalisme social. Film de chevet du célèbre réalisateur Bong Joon-ho (Memories of Murder, The Host), A Short Love Affair est la quintessence du mélodrame coréen ! (Carlotta)
SEAN CONNERY – 6 FILMS COLLECTION
Il est et reste le plus fameux des James Bond ! Même si certains estiment que George Lazenby dans Au service secret de sa Majesté (1969) est en mesure de lui faire de l’ombre. Sean Connery (1930-2020), icône du cinéma britannique, fut le premier à se glisser dans le smoking (et dans l’Aston Martin!) de l’espion anglais né de l’imagination d’Ian Fleming. C’est en 1962 qu’il déboule sur le grand écran dans James Bond contre Dr No. Envoyé en mission par M, 007 débarque à Kingston, capitale de la Jamaïque, croise sur une plage la belle Honey (Ursula Andress) et affrontera bientôt l’inquiétant représentant du SPECTRE… Derrière la caméra pour Dr No, Terence Young enchaîne, en 1963, avec Bons baisers de Russie. En pleine Guerre froide, le SPECTRE convoite le Lektor, dernier joyau de la technologie soviétique. A Bond de déjouer la machination… En 1964, c’est Guy Hamilton qui réalise Goldfinger. 007 enquête sur le milliardaire Auric Goldfinger (Gert Fröbe, magnifique) dans le cadre d’une simple mission de surveillance. Mais l’adversaire va être cruellement sous-estimé et rien ne va se passer comme prévu. La malheureuse Jill Masterson finira asphyxiée, couverte de peinture dorée et Bond devra retourner la belle Pussy Galore pour empêcher Goldfinger de mettre la main sur la réserve d’or de Fort Knox ! En 1965, Terence Youg est de retour à la réalisation d’Opération Tonnerre où 007 devra retrouver deux bombes atomiques dérobées par le SPECTRE. Le film est un immense succès au box-office et les scènes sous-marines n’y sont pas pour rien. En 1967, On ne vit que deux fois, mis en scène par Lewis Gilbert, est le premier film de la saga à dévier fortement du roman de Fleming . À la suite du détournement d’un vaisseau spatial américain, la tension monte fortement entre les USA et l’URSS, au point qu’une guerre pourrait éclater. Les services secrets anglais sont dans la boucle et le MI6 fait passer Bond pour mort pour lui permettre d’enquêter en toute discrétion à Tokyo. Enfin, en 1971, après la parenthèse Lazenby, Sean Connery retrouve Bond devant la caméra de Guy Hamilton pour Les diamants sont éternels. 007 enquête sur un trafic de diamants liés à SPECTRE, découvrant une opération de contrebande internationale, confrontant Blofeld, et déjouant ses plans tout en protégeant le monde des menaces liées aux diamants volés. Un héros de l’ombre, on le sait. On retrouve ces six films pour la première fois en 4K UHD dans une édition collector library case steelbooks, évidemment riche en bonus. Pour saluer une légende ! (Warner)
FANTASMES
Lycéenne de dix-huit ans, Y s’est promis de perdre sa virginité avant d’entrer à l’université. Sa meilleure amie, Ouri, lui parle de J, un sculpteur marié de trente-huit ans. Immédiatement séduite par le son de sa voix au téléphone, Y lui propose de se retrouver pour faire l’amour. Sitôt réunis sur le parvis d’une gare coréenne, ils se rendent dans un motel. Immédiatement, une puissante attirance naît entre eux dès leurs premiers ébats. Auprès de sa jeune maîtresse aux désirs insatiables, J va d’abord visiter l’ensemble de son corps. Dès le second rendez-vous, Y lui annonce son goût et sa curiosité pour les plaisirs sadomasochistes. J va entreprendre de la frapper, avec divers outils, lors de leurs relations sexuelles… De motel anonyme en motel anonyme (où parfois on refuse l’entrée à Y qu’on prend pour une mineure), les rendez-vous réguliers se succèdent, entièrement consacrés à des ébats physiques de plus en plus violents. J a du mal à se retrouver avec son épouse qui le traite de pervers lorsqu’il demande de le frapper… Des années plus tard, J et sa femme vivent désormais à Paris. Il reçoit un appel téléphonique d’Y qui, sur le chemin du Brésil où elle va vivre avec sa sœur, veut le revoir une dernière fois. Dans une petite chambre d’hôtel, Y frappe J avec un manche de pioche. C’est la fin de leur liaison. En 1999, le cinéaste coréen Jang Sun-woo (qui avait tourné A Short Love Affair, voir ci-dessus) adapte un roman érotique de Jang Jung-li qui valut, dès sa parution en 1996, à son auteur plusieurs mois d’emprisonnement pour outrage à la pudeur. Evidemment, on songe à Nagisa Oshima et à son fameux Empire des sens dans la mesure où les deux films vont jusqu’au bout de la description d’un puissant désir sexuel. Mais si Oshima donne à son œuvre des atours parfaitement esthétiques, Jang Sun-woo parle d’abord d’une liaison contemporaine et s’inscrit régulièrement dans une démarche entre réalité et fiction. En effet, les deux comédiens débutants (Lee Sang-hyun dans le rôle de J et Kim Tae-yeon dans le rôle de Y) interviennent dans le film, notamment pour parler du contenu du scénario alors que le cinéaste n’hésite à montrer des scènes de tournage. Interdit aux moins de 16 ans à sa sortie en salles, voici une réussite de (brutale) sensualité. En supplément à cette édition inédite en Blu-ray et présentée dans une nouvelle restauration 4K, on trouve une intervention (15 mn) d’Antoine Coppola, professeur de cinéma à l’Université Sungkyunkwan de Séoul, qui considère que Fantasmes fait la synthèse de toute l’œuvre de Jang Sun-woo. (Carlotta)
SEPTEMBER & JULY
Les soeurs July et September sont inséparables. July, la plus jeune, vit sous la protection de sa grande soeur. Leur dynamique particulière est une préoccupation pour leur mère célibataire, Sheela. Lorsque September, à la suite d’une altercation, est exclue temporairement du lycée, July doit se débrouiller seule, et commence à affirmer son indépendance. Pour son premier long-métrage comme réalisatrice, la comédienne Ariane Labed, vue dans Une place sur la Terre (2013), Fidelio, l’odyssée d’Alice (2014) ou Avant l’effondrement (2023) s’emparent de Soeurs, le roman de Daisy Johnson, paru en 2020, pour brosser le portrait de deux sœurs qui s’entendent très bien malgré leurs différences et leurs actions. September est très protectrice et se méfie de tout le monde tandis que July tente de s’ouvrir malgré ses tics et tombe amoureuse. Sheela, mère célibataire et artiste photographe, ne sait pas comment agir face au comportement de ses filles. Lorsque la situation s’aggrave, elle décide de partir s’installer dans une maison en Irlande… Mais les trois femmes ne sont pas au bout de leurs épreuves. September and July s’ouvre sur une image des deux sœurs grimées et déguisées comme les fillettes du Shining (1980) de Kubrick. Mais la cinéaste, comme elle le livre dans la longue interview proposée dans les suppléments, s’interdit toute référence cinématographique. Par contre, elle ne nie pas des références à la photographie contemporaine, notamment en s’attachant aux détails du quotidien et aussi, dans un regard féminin, à construire des images que l’on ne voit pas couramment dans les films. Ariane Labed propose une perception altérée de la réalité, quelque chose de dangereux et de fantastique, pour observer un pacte familial secret et l’amour inconditionnel entre deux sœurs qui se protègent ainsi d’un monde extérieur hostile. (Blaq Out)
CHATEAU ROUGE
Quartier de la Goutte d’Or à Paris, métro Château Rouge, collège Georges Clemenceau. Nous voici dans une classe de troisième de ce collège du 18e arrondissement. Avec beaucoup de sensibilité, la documentariste Hélène Milano, qui donne, ici, son cinquième long-métrage, embarque le spectateur dans les parcours, les espoirs et les doutes d’élèves issus d’un quartier populaire et d’un environnement social défavorisé. Chargés de leur insouciance et de leurs blessures, les adolescents doivent grandir. Ils construisent leurs personnalités, se perdent, se cherchent. Les adultes tentent de les guider malgré la violence du système, la réalité des inégalités sociales et aux défis liés à leur parcours scolaire. Oeuvre engagée, empreinte d’humanité, Château rouge ne se limite pas à un constat social, mais insiste sur l’importance de l’éducation comme outil d’émancipation et de cohésion sociale, tout en soulignant la nécessité de soutenir et valoriser le rôle des enseignants. Hélène Milano capte, avec une précision remarquable, les échanges et les moments d’introspection des élèves. Qu’ils soient filmés face caméra ou simplement pris sur le vif dans les couloirs et salles de classe, ils parlent de leurs rêves, mais aussi des obstacles qu’ils rencontrent sur le chemin de l’école. Si certains expriment une ambition débordante, d’autres confient leur peur de l’échec, alimentée par un sentiment d’être enfermés dans des stéréotypes sociaux et territoriaux. Au-delà du regard emphatique posé sur les collégiens ou encore de la vivacité des échanges et la force des émotions, le film est une belle illustration des enjeux qui traversent aujourd’hui le système éducatif : la nécessité de renforcer les moyens dans les territoires les plus fragiles, de repenser la carte de l’éducation prioritaire pour qu’elle corresponde aux réalités actuelles et de reconnaître pleinement le rôle fondamental des enseignants et éducateurs. A méditer ! (Blaq Out)
LE SECRET DE KHEOPS
Menant de nouvelles fouilles archéologiques dans la ville du Caire, l’archéologue français Christian Robinson est convaincu d’avoir découvert une mystérieuse inscription concernant le trésor du pharaon Khéops. Selon lui, il s’agit d’indices laissés par Dominique Vivant Denon, premier directeur, de 1802 à 1815, du musée du Louvre. Et si le trésor du pharaon Khéops avait été découvert pendant la campagne d’Égypte de Napoléon, ramené en France, puis caché à Paris ? Accompagné de sa fille Isis et de son petit-fils Julien, le flamboyant chercheur part, des archives poussiéreuses du Louvre jusqu’aux cabinets secrets de la Malmaison, à la recherche du trésor en espérant accomplir la plus importante découverte archéologique du 21e siècle.… C’est en lisant un article sur une momie retrouvée dans des poubelles et qui provenait d’un grenier ayant appartenu à des compagnons de Bonaparte, que Barbara Schulz a eu l’idée de son film. Ajoutant à cela un documentaire sur la pyramide de Khéops, elle tenait son scénario. Puis la comédienne des récents Bernadette (2023), Le voyage en pyjama (2023) et C’est le monde à l’envers (2024) s’est posée la question : « Et si Bonaparte avait trouvé le trésor de Khéops pendant la campagne d’Égypte et l’avait ramené à Paris ? » Fascinée par les histoires d’archéologie et d’Égypte antique, Barbara Schulz signe, donc, ici sa première réalisation et donne une comédie d’aventure dont elle évoque un autre aspect de la genèse : « Pour les 70 ans de ma mère, je l’ai emmenée en croisière sur le Nil. Comme j’avais déjà ce film en tête, j’ai inondé notre guide de questions, pris des photos et écrit pendant la navigation, en me nourrissant d’articles comme celui qui retraçait les fouilles clandestines ayant provoqué un effondrement à Louxor. » Sur fond de réconciliation entre un père et sa fille (Julia Piaton), Le secret de Khéops s’amuse à jouer des références aux grands films d’aventure et fait des clins d’oeil, notamment à Indiana Jones avec un Fabrice Luchini qui la joue truculent, érudit et excentrique. Du plateau de Guizeh aux salles du Louvre, on se laisse promener par ce joyeux divertissement ! (M6)
LES FORÇATS DE LA GLOIRE
Durant la Seconde Guerre mondiale, Ernie Pyle, correspondant de guerre, suit la progression de la Compagnie C du 18° Régiment d’Infanterie américain, d’abord en Afrique du Nord, puis en Sicile et au cœur de l’Italie, notamment pendant la terrible bataille de Monte Cassino… Si William A. Wellman (1896-1975) fut un cinéaste hollywoodien reconnu auquel on doit des réussites comme Wings (Les ailes en 1927) qui le fit connaître, Une étoile est née (1937) avec Janet Gaynor ou encore L’étrange incident (1943), un western autour du lynchage, il a aussi été au courant de sa vie un vrai baroudeur ! Il fut ainsi blessé er décoré comme pilote de chasse au-dessus des tranchées de la Première Guerre mondiale. Autant dire que le gaillard sait de quoi il parle quand il évoque la terreur des conflits armés et surtout il se montre toujours très soucieux de véracité. C’est ainsi qu’en 1945, il signe The Story of G.I. Joe (en v.o.) où, dans les pas du correspondant de guerre Ernie Pyle, il montre le quotidien d’une compagnie US et réussit l’un des meilleurs films de guerre produit par Hollywood avec Aventures en Birmanie (1945) de Raoul Walsh et Les sacrifiés (1945). de John Ford. En appuyant son scénario sur les carnets de guerre de Pyle (qui tombera sur une île japonaise du Front Pacifique le 18 avril 1945), Wellman, avec Robert Aldrich comme assistant, apporte une dimension réaliste à son propos, dépouillant son film de tout sentimentalisme et de tout lyrisme. Dépeignant la vie des soldats, leur courage, leur douleur et leur humanité, il montre la brutalité et la réalité du front, en employant une mise en scène sobre et émouvante, sans glorification de la violence. La mise en scène de Wellman est d’une sobriété remarquable et même émouvante lorsque la caméra balaye les paysages bouleversés des champs de bataille. Si Burgess Meredith est remarquable dans la peau d’Ernie Pyle auquel il ressemble étrangement, Les forçats de la gloire révèlera, dans le rôle du capitaine Walker, Robert Mitchum au grand public. (Sidonis Calysta)
LE COMMANDO DE LA MORT
En 1943, la campagne d’Italie bat son plein. Les troupes américaines ont débarqué à Salerne, dans le sud du pays. Un commando américain mené par le sergent Bill Tyne est chargé de prendre d’assaut un bastion allemand. Alors que la plupart des hommes, débutants ou expérimentés, rêvent d’en découdre avec l’ennemi, il faut bientôt se rendre à l’évidence : la progression est lente et difficile et les premiers combats se font attendre. Pour les soldats qui craignaient l’épreuve du feu commence alors une torture beaucoup plus insidieuse, celle de l’attente… En 1945, moins de deux ans après les faits historiques, le cinéaste américain Lewis Milestone (1895-1980) s’empare de cette aventure pour mettre en scène A Walk in the Sun (titre en v.o. plus approprié que le titre français) qui suit au plus près une division texane qui se retrouve chargée d’une mission d’autant plus vague que, très vite, ils doivent se débrouiller sans officiers, juste avec quelques sergents à peine plus évolués que le reste des troufions… Devenu célèbre et couronné de deux Oscars pour avoir réalisé, en 1930, A l’Ouest, rien de nouveau d’après le best-seller d’Erich Maria Remarque, Milestone donne un film de guerre original pour l’époque dans la mesure où il ne met en scène aucun héros, aucun chef infaillible mais seulement des soldats qui ont la peur au ventre, qui sont incapables de se tirer, seuls, d’affaire alors que les sous-officiers qui se suivent, n’arrangent pas plus les choses… Pour porter son film, le cinéaste peut s’appuyer sur des gueules comme John Ireland, Lloyd Bridges ou Richard Conte. Et puis, dans le rôle du sergent Tyne, on trouve l’excellent Dana Andrews qui venait de jouer le lieutenant de police Mark McPherson dans le très culte Laura (1944) de Preminger et qui allait incarner un aviateur revenant du front dans Les plus belles années de notre vie (1946) de William Wyler. (Sidonis Calysta)
ARC DE TRIOMPHE
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, en Allemagne, Ravic, un chirurgien de renom, est torturé par Von Haake, un agent de la Gestapo, déjà responsable de la mort de la femme du médecin. Ravic réussit à fuir son pays et se réfugie à Paris où il exerce illégalement son métier. Il y fait la connaissance de Joan Madou, une veuve à la dérive qu’il sauve du suicide. Ils tombent amoureux l’un de l’autre et parviennent à atteindre la Côte d’azur. Mais Ravic est découvert par la police et extradé. Il parvient cependant à retourner en France après plusieurs mois et y croise à nouveau Von Haake, au moment où les troupes de la Wehrmacht s’apprêtent à envahir la Pologne. Trois ans après Le commando de la mort (voir ci-dessus), Lewis Milestone adapte un roman qu’Erich Maria Remarque écrivit et publia aux Etats-Unis en 1946. D’après certains échos, le personnage de Joan Madou aurait lointainement été inspiré par Marlène Dietrich. Si le roman de Remarque s’attachait à la vie des réfugiés illégaux en France avant-guerre, le film de Milestone joue plus la carte du mélodrame avec la romance, sans doute cousue de fil blanc, entre Ravic et Joan Madou. Il faut dire que le cinéaste bénéficie, pour interpréter le couple, de deux vedettes, alors au sommet de leur gloire. Charles Boyer (Ravic) était le séducteur français du Hollywood de l’époque. Quant à Ingrid Bergman, elle avait été auparavant à l’affiche de Casablanca (1942), Hantise (1944) dont elle partageait déjà l’affiche avec Charles Boyer, La maison du docteur Edwardes (1945) et Les enchaînés (1946), tous deux de Hitchcock. Ici, elle incarne une femme bien toxique… bien habillée par Edith Head. Enfin le grand Charles Laughton se régale avec Haake, le gestapiste. Arc of Triumph (en v.o.) a été tourné dans les studios d’Hollywood où furent reconstitués des rues et des ponts de Paris, ainsi que le Fouquet’s… (Sidonis Calysta)
PROSPER
Chauffeur Uber à côté de ses pompes, Prosper prend comme passager un homme mourant qui vient de se faire tirer dessus. Paniqué et embrouillé par des difficultés financières comme sentimentales, Prosper se débarrasse du cadavre tout en lui volant 30 000 euros qu’il avait dans sa poche ainsi que sa paire de bottines en peau de crocodile. En les portant, Prosper se retrouve habité par l’esprit de l’homme assassiné : King, un gangster respecté et craint de tous. Partagé entre ces deux personnalités que tout oppose, Prosper et King, unis dans un seul corps, enquêtent pour démasquer l’assassin de King. Né à Bondy et venu au spectacle par le rap, Jean-Pascal Zadi a été remarqué, en 2020, avec Tout simplement noir (2020) qu’il coréalise et interprète, ce qui lui vaut le César du meilleur espoir masculin. Depuis le comédien a mis en scène Le grand déplacement, actuellement sur les grands écrans. Pour Prosper, il est dirigé par Yohann Gloaguen dont c’est le premier long-métrage. Prosper, incarné par Jean-Pascal Zadi, est un thriller comique sur des identités qui se mélangent dans un décor qui est celui de l’univers de la sape. Avec ses scénaristes, le réalisateur s’est immergé dans la culture congolaise et notamment celle des sapeurs. Mouvement culturel et de société, la SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes) est née à l’époque coloniale des années 1920, d’abord à Brazzaville, puis à Léopoldville, devenue Kinshasa lorsque des jeunes Congolais ont commencé à adopter et à réinterpréter les habits des colons. La « sapologie » ou art de bien se saper est devenue aujourd’hui un moyen d’affirmer une identité et de contester une domination coloniale. Tout en étant une œuvre rythmée et pleine de rebondissements improbables, Prosper entend aussi faire honneur à ce mouvement culturel ainsi qu’à ses adeptes. Avec humour et fantaisie, Jean-Pascal Zadi, devenu incontournable dans le paysage du cinéma français, mène le bal dans cette joyeuse aventure fantastique ! (Le Pacte)