Les délices asiatiques et la tribu à la dérive

Masato (Takumi Saito) aux fourneaux. DR

Masato (Takumi Saito) aux fourneaux. DR

SOUVENIRS.- Dans un petit troquet d’une grande ville japonaise, le jeune cuisinier Masato prépare des ramen pour ses clients… Né d’un père japonais et d’une mère singapourienne, le jeune chef souffre de ne rien savoir de sa mère, trop tôt disparue. Et son père, homme dépressif et alcoolique, garde le silence malgré l’amour qu’il porte à son fils… Lorsque son père disparaît à son tour, Masato retrouve nombre de photos d’antan le représentant avec ses parents à Singapour. Il décide alors de partir dans la cité-état insulaire pour réveiller le goût des plats que lui cuisinait sa mère quand il était enfant. Alors qu’il entreprend le voyage culinaire d’une vie, le jeune homme découvre des secrets familiaux profondément enfouis. Grâce à un site consacré à la cuisine chinoise, Masato entre en contact avec la douce Miki qui va lui permettre tout à la fois de découvrir les secrets de la cuisine chinoise, de rencontrer des membres de la famille de sa mère et de trouver la recette pour réconcilier les souvenirs du passé ?

Forcément, on songe, parce qu’il est question de cuisine asiatique, à cet autre savoureux film japonais qu’était Les délices de Tokyo (2015) de l’excellente Naomi Kawase. Mais si  Sentaro, le pâtissier des Délices, prépare magnifiquement des dorayaki, ces pancakes fourrés de pâte de haricot rouge, Masato, lui, jongle entre ramen japonais et bak kut teh chinois… C’est à l’occasion des célébrations des cinquante ans de relations diplomatiques entre le Japon et Singapour que le réalisateur Eric Khoo a eu l’idée de son film: « Je me suis dit que la cuisine était le moyen le plus évident pour en parler, étant donné la passion des deux pays pour la bonne nourriture et toutes les histoires que l’on peut raconter à ce sujet. »

La saveur des ramen (Japon/Singapour – 1h30. Dans les salles le 3 octobre) est une belle histoire, à la fois émouvante et… gastronomique (il était d’ailleurs projeté à la dernière Berlinale dans la section Culinary!) qui revient sur le drame que fut la guerre entre le Japon et la Chine -le cinéaste évoque ainsi la manière dont les soldats japonais massacraient, à la baïonnette, les bébés chinois- mais il traite cet angle à travers Masato, victime collatérale des relations difficiles entre son père japonais et sa grand-mère singapourienne… Cependant, la cuisine, en s’adaptant aux mutations de la société, a réconcilié les deux cultures et, pour dire le vrai, c’est bien la question des saveurs qui met, ici, nos yeux tout autant que nos papilles en joie. Tous ceux qui aiment de la même manière passer du temps dans les salles obscures et se tenir aux fourneaux, dégusteront avec délices cette histoire où l’on suit un jeune chef s’initiant aux secrets et aux mystères de la bonne chère. Car, c’est bien connu, la cuisine, au-delà de notre besoin de nous nourrir, nous réconforte et emplit nos âmes… Si on commence à bien connaître les ramen, on connaît encore mal le bak kut teh, cette soupe de porc à la chinoise très populaire à Singapour. Alors, une fois n’est pas coutume, cette chronique cinéma s’ouvre à une… recette.

Miki (Seiko Matsuda) fait découvrir des plats de Singapour à Masato. DR

Miki (Seiko Matsuda) fait découvrir
des plats de Singapour à Masato. DR

Voici celle du bak kut teh telle qu’elle est fournie par les auteurs de La saveur des ramen:

Ingrédients : 

1,2 kg de travers de porc
150 g de sucre blanc
30 g de sucre roux
20 g de morceaux de gingembre finement coupés
4 graines d’anis
4 clous de girofle
3 morceaux de cannelle
1 cuillère à café de poivre et de sauce soja forte
20 ml de sauce soja légère
Sel et poivre pour relever
2 poivrons rouges coupés et mixés dans de la sauce soja 

Étapes :
Blanchir le porc dans de l’eau bouillante pendant 3 minutes. Bien rincer sous l’eau, puis égoutter.
Placer la viande dans une marmite et couvrir d’eau.
Ajouter tous les ingrédients, à l’exception des épices, et remuer 15 minutes.
Baisser le feu et laisser mijoter une heure.
Assaisonner avec du sel ou du poivre.
Placer avec attention le bak kut teh dans un bol et ajouter de la sauce chili.
C’est prêt à servir ! 

Conseils : 

Rincer le porc sous l’eau du robinet permet d’enlever les nerfs et le sang provenant des os, c’est une étape importante pour garder la viande saine.
Goûtez régulièrement le plat pendant la cuisson, il faut qu’il ne soit ni trop salé ni trop fade.

Si la recette est à la hauteur du film, on devrait se régaler!

Lucie (Carole Bouquet) et Jean-Pierre (Michel Blanc). DR

Lucie (Carole Bouquet)
et Jean-Pierre (Michel Blanc). DR

DANSE.- Responsable d’un bar parisien qui appartient à sa femme, Julien sent comme une présence hostile derrière lui en permanence. CIA? Services secrets russes? Et si c’était seulement sa culpabilité qui lui jouait des tours? Alex, le fils de Julien, apprend que la ravissante Eva, lycéenne de 17 ans, a oublié de le prévenir qu’il allait être père. La mère d’Eva, Véro, dans une sale passe depuis sa naissance, pense qu’elle va être obligée d’arracher le sac des vieilles dames pour nourrir le futur enfant. Elizabeth, dont le mari Bertrand s’est volatilisé, voit sa maison et les beaux bureaux de Bertrand, dévastés par une perquisition policière. Apparemment, Bertrand est en délicatesse avec le fisc. Exaspérée par les délires paranos de Julien, son mari, Lucie est au bord du burn out conjugal. Serena, la maîtresse de Julien, sent qu’il lui ment. Julien ne sent pas que Serena lui ment aussi. Loïc, fils ainé de Véro, seul élément stable de cette troupe ne l’est finalement pas tant que ça. Sans oublier un absent toujours très présent…

Elizabeth (Charlotte Rampling) et Bertrand (Jacques Dutronc). DR

Elizabeth (Charlotte Rampling)
et Bertrand (Jacques Dutronc). DR

En 2002, Michel Blanc adaptait le roman Vacances anglaises du Britannique Joseph Connolly et donnait, avec Embrassez qui vous voudrez, une comédie chorale enlevée sur une tribu de personnages qui se croisent, le temps de vacances d’été, au Touquet. Chez les uns, le couple bat de l’aide, chez les autres, on craint la déchéance matérielle sur fond d’apparences, de mensonges et de faux-semblants. Seize ans plus tard, Michel Blanc revient à sa tribu et réveille un certain nombre de personnages qui peuplaient Embrassez qui vous voudrez. A propos de Voyez comme on danse (France – 1h28. Dans les salles le 10 octobre), le cinéaste explique que c’est son producteur qui le pressait de revenir derrière la caméra et de donner une suite au film de 2002. Las, même si on aime bien Michel Blanc et qu’on le suit depuis de longues années en applaudissant à ses prestations d’acteur, ainsi avec son directeur de cabinet dans L’exercice de l’Etat (2011) de Pierre Schoeller, il faut bien dire que la mécanique, dans cette cinquième réalisation de Blanc, tourne à vide. Pire, ce qui devrait probablement nous faire rire, tombe à plat. Alors, dans ce puzzle d’existences promises aux catastrophes, il ne reste plus, pour faire passer le temps, qu’à lister les comédiens qui remettent ça (Carole Bouquet accro aux graines, Charlotte Rampling accro au champagne, Jacques Dutronc en roue libre, Karin Viard au bout du rouleau, Michel Blanc enfin) et ceux qui débarquent dans l’aventure: Jean-Paul Rouve, William Lebghil, Sara Martins, Guillaume Labbé… Bref, on n’entre pas vraiment dans cette danse.

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