Une déconne rock’n’ roll dans le grand bain gay

L'équipe des Crevettes entre en piste...

L’équipe des Crevettes entre en piste…

« C’est ici, l’Association homosexuelle pour l’intégration, la tolérance et le respect dans le water-polo ? » Matthias Le Goff vient de pousser la porte du vestiaire dans une piscine. Le balèze Alex lui répond : « On ressemble à une bande de pédés ? » Le Goff ne sait pas trop où se mettre et bredouille un « Eh non… » auquel tout le vestiaire répond, dans un grand éclat de rire : « Eh bien, si ! » Voilà pour se mettre dans l’ambiance de cette comédie appelée certainement à faire pouffer les uns et irriter les autres.
Parce qu’il a tenu des propos homophobes lors d’une interview à une chaîne de télévision, Matthias Le Goff, vice-champion du monde de natation, est sanctionné par la Fédération française qui lui inflige trois mois de travail d’intérêt général. Mission ? Entraîner l’équipe des Crevettes pailletées qui se prépare à participer, en Croatie, à la compétition de water-polo des Gay Games. Explication fournie par Fred : « Les Gay Games, c’est comme les JO, en moins chiant et avec que des beaux mecs. »
En s’inspirant des aventures de son équipe de water-polo gay avec laquelle il parcourt le monde, de tournois en tournois, depuis sept ans, Cedric Le Gallo signe, ici, en compagnie de Maxime Govare, une comédie au scénario jubilatoire qui prône des valeurs comme la liberté ou le droit à la différence mais aussi l’outrance et surtout le triomphe de la légèreté sur la gravité de la vie. Car l’équipe de water-polo des Crevettes pailletées est assurément plus préoccupée par l’aspect festif que par celui du sport proprement dit. Cela même si les comédiens ont bien été obligés de s’initier (entre 2 à 6 mois de préparation) à cette discipline physiquement et tactiquement exigeante. Sans doute que le rétropédalage n’est pas une mince affaire mais il permet une punchline dont le film ne manque pas. Ainsi le gastronomique « Dans la crevette, le meilleur c’est la queue », le préventif « Il y a une règle dans l’équipe : pas de levrette entre crevettes » ou l’interrogatif : « Pourquoi vous mettez vos bites à l’air ? »

En route vers la Croatie et les Gay Games.

En route vers la Croatie et les Gay Games.

On a compris que le curseur de la finesse se situe entre gras et très gras mais Les crevettes pailletées compense par une énergie de tous les instants qui rend l’entreprise sympathique. Bien sûr, le film de Le Gallo et Govare n’est pas la première comédie qui se penche sur l’homosexualité sous l’angle de la comédie. On se souvient du Pédale douce (1995) de Gabriel Aghion mais les auteurs puisent plutôt leur inspiration, voire quelques références du côté du culte Priscilla, folle du désert (1994) où une troupe de drag queen traversait l’Australie à bord d’un bus rose ou encore du plus récent Pride (2013) où le message de tolérance passait aussi par un humour assez british.
Les Crevettes choisit clairement la déconne rock’n roll pour suivre les aventures d’une équipe de joyeux drilles en route pour une grosse compétition, les réalisateurs s’appliquant à peaufiner les caractères de chaque personnage. Plutôt antipathique parce qu’il est complétement en dehors de son milieu, l’hétéro Matthias Le Goff (Nicolas Gob) va –évidemment- avancer vers l’acceptation de l’autre. Dans l’équipe, Jean (Alban Lenoir) est le patron mais aussi celui qui cache un rude secret. Cédric (Michaël Abiteboul) est une Crevette tiraillée entre deux vies. Travaillant dans une banque et veillant au confort des autres, Alex (David Baïot) a vécu une histoire inachevée avec Jean. Xavier (Geoffrey Couët) représente une partie de la communauté gay moderne. Il ne cherche pas à être plus masculin ou moins féminin. Ou plus normal. Il est comme il est. Vincent (Félix Martinez) vient de sa campagne où il n’était pas bien accepté. Travaillant dans le restaurant de Jean, il découvre les Crevettes tout comme sa sexualité à travers un voyage initiatique. Damien (Romain Lancry) est lunaire et a toujours deux secondes de retard sur tout. Ou deux secondes d’avance. Joël (Roland Menou) est le doyen des Crevettes. Bougon, très militant et donc despote, c’est lui qui ose, à propos des (agressives) adversaires féminines de son équipe : « Dans lesbiennes, il y a hyène… » Enfin, Fred (Romain Brau) est une Crevette qui vient de changer de sexe. Très bourgeoise, très élégante mais aussi hystérique, elle déboule en Louboutin et cape Gauthier fuchisa et se sent totalement femme !

Matthias coache des sportifs imprévisibles. Photos Thibault Grabherr

Matthias coache des sportifs imprévisibles.
Photos Thibault Grabherr

Tous ces personnages compensent par leur verve et leur abattage les faiblesses de structure du film. La séquence de bamboula (tournée dans les Bains romains de Mulhouse) n’en finit plus. C’est le cas aussi de la promenade à travers l’Europe du bus à impériale qui emporte les Crevettes vers la Croatie. Mais, sur une bande son où l’on trouve le Boys Boys Boys de Sabrina ou I need a hero de Bonnie Tyler, il y a bien des choses savoureuses comme l’« organisation »  de Cédric pour faire croire à son conjoint qu’il est à un congrès professionnel ou la fin métaphorique et osée empreinte de folie et de gravité.
« Quand je pense, dit un personnage, qu’il y en a qui n’ont pas la chance d’être pédés ! » Serait-ce la morale de l’histoire ?

LES CREVETTES PAILLETES Comédie (France – 1h40) de Cédric Le Gallo et Maxime Govare avec Nicolas Gob, Alban Lenoir, Michaël Abiteboul, David Baïot, Roman Lancry, Roland Menou, Geoffrey Couët, Romain Brau, Félix Martinez. Dans les salles le 8 mai.

RENCONTRE Cédric Le Gallo : « De l’amitié, de la liberté, de l’exubérance… »

Tous les ans (ou presque), la Jonquille d’or des Rencontres du cinéma de Gérardmer est attribuée à l’équipe de film la plus foldingue de l’édition… Assurément, c’est la troupe autour du réalisateur Cedric Le Gallo qui peut revendiquer pleinement le titre. Car, en tournée dans l’est de la France, pour la promotion de leur film, Michaël Abiteboul, Geoffrey Couët, Félix Martinez et Roland Menou ont clairement fait le show sur la scène du cinéma du Casino géromois. Et pour donner le ton, en voilà un qui lâche : « C’est un film qui va rester dans les annales ! » Wouah…
Cedric Le Gallo, lui, recentre le débat : « Le titre du film vient de mon équipe de water-polo. Les Shiny Shrimps. L’idée est venue un soir dans une piscine : crevette pour le côté aquatique. Et pailleté pour le côté festif. Nous avons traduit le nom pour le film. Mais il y a de vrais gens derrière ce nom. Cela dit, s’il y a des choses vraies, il y a aussi de la fiction.» Et Le Gallo, qui co-signe (avec Maxime Govare) son premier long-métrage après avoir travaillé dans le journalisme audiovisuel, précise : « Ce n’est pas un film destiné qu’aux gays. Il est question d’amitié, de liberté, d’exubérance, avec sans doute un peu de vulgarité, mais si le film aide à la banalisation de l’homosexualité dans la société, c’est bien ». Sur le grand écran, souligne le cinéaste, les gays sont souvent des personnages sombres, sur fond de drogue, de sida, de prostitution : « Nos personnages sont des gens positifs parce que le groupe permet d’être ce qu’on veut… Et puis, ce sont des amis qui ont des soucis mais qui savent s’amuser. » Roland Menou observe : « Il faut être juste dans le jeu même si tu es toujours sur le fil ». Quant à Michaël Abiteboul, il résume ce qui apparaît comme le sentiment général de l’équipe : « C’est un rôle  »inrefusable » car rare. On ne me reproposera plus ça ! »
PS : La Jonquille d’or des Rencontres n’existe pas. Mais cette pure invention pourrait déboucher sur quelque chose de concret. On soumet l’idée.

Le water-polo, un sport gai et... gay. Photo Carolina Jaramillo

Le water-polo, un sport gai et… gay.
Photo Carolina Jaramillo

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