LA SHOAH, LES MACHIAVELIQUES, LES MUSICOS, LE VENGEUR… ET UNE BOUGIE

J’AIMERAIS QU’IL RESTE QUELQUE CHOSE
Aimerais Reste QQchoseChaque semaine, des bénévoles du Mémorial de la Shoah à Paris recueillent des témoignages et collectent (ah, cet émouvant brassard avec l’étoile de David porté dans le ghetto de Tarnow !) les archives personnelles des déportés et de leurs familles. Ludovic Cantais a consacré un documentaire à ce travail de mémoire. Dans la sobriété de la mise en images et au fil d’entretiens très bouleversants, on mesure avec force la présence des absents tandis que défilent les images sépia de bonheurs disparus. Liliane, Daniel, Jacques, François, Raymond et les autres livrent des fragments poignants d’existences fracassées entre Pithiviers et Auschwitz. Ce film, indispensable pour ne pas céder à l’oubli, s’achève devant le Mur des Noms qui garde la mémoire des 75 568 Juifs français et étrangers déportés de France. (La Luna)
DES PAS DANS LE BROUILLARD
Pas dans BrouillardAssassin de sa femme, Stephen Lowry joue les veufs éplorés. Seule, Lily, sa jeune domestique, n’est pas dupe. Ayant découvert une preuve qui accable son maître, elle le fait chanter pour devenir la maîtresse de maison. A ses risques et périls… En 1955, Arthur Lubin, cinéaste aujourd’hui oublié, signe un excellent film noir amplifié par le décor gothique d’un lieu quasiment fantastique. Stewart Granger incarne un individu cynique et odieux (il faut voir son sourire devant le portrait de sa femme disparue) tandis que la belle Jean Simmons (épouse de Granger à la ville) est remarquable en femme qui rêve de s’élever dans la société. Les deux forment un « couple » machiavélique piégé par le crime et le désir. (Sidonis Calysta)
THE COMMITMENTS
Commitments« Nous sommes les rédempteurs de l’âme soul !» C’est le credo de Jimmy Rabbitte et de ses copains musiciens qui traînent leurs guêtres dans la capitale irlandaise. En 1991, Alan Parker adapte l’Irlandais Roddy Doyle et plonge dans le quotidien d’une bande de jeunes chômeurs dublinois. Au cœur d’une chronique rythmée et riche de multiples notations sur la misère sociale du Dublin des années 80, le cinéaste anglais capte une puissante énergie musicale née de la volonté de Jimmy de fonder un groupe de soul. De Deco, le chanteur déjanté au trompettiste Joey « The Lips » Fagan en passant par trois charmantes choristes, cette comédie musicale, tour à tour drôle et mélancolique, dessine de savoureux portraits de « musicos »… (Metropolitan)
LES CHAROGNARDS
CharognardsChef d’une bande de hors-la-loi, Frank Calder enlève, au Texas, l’institutrice Melissa Ruger parce qu’il veut qu’elle lui apprenne à lire. Ce que Calder ignore, c’est que la belle Melissa (pour laquelle il va rapidement éprouver des sentiments amoureux) est l’épouse de Brandt Ruger, le potentat local. Celui-ci apprend l’enlèvement de sa femme juste au moment où il s’apprête à partir à la chasse avec ses amis… Fou furieux et jaloux, Ruger décide de changer de… chasse. Avec The Hunting Party, Don Medford met en scène une traque sauvage et meurtrière tout à fait haletante. Oliver Reed et Candice Bergen sont très bons tandis que Gene Hackman compose un personnage d’une férocité absolue, prêt à abattre, avec son fusil à longue portée, les bandits les uns après les autres pour assouvir sa haine. (Sidonis Calysta)
MARIE-MARTINE
Marie Martine« Tiens ta bougie… droite ! » Prononcée cinq fois par Saturnin Fabre, la réplique est devenue culte au point qu’on supprima le dernier « Droite ! » pour permettre au public, dans les salles, de le dire. Mais le mélodrame réalisé en 1942 par le Belge Albert Valentin (1902-1968) ne se résume pas à cette trouvaille… Au-delà de la mise en scène rythmée de Valentin et la présence d’acteurs réputés comme Jules Berry comme toujours parfait en type foncièrement odieux, Renée Saint-Cyr ou Bernard Blier en jeune premier un peu naïf, c’est le scénario de Jacques Viot qui est remarquable. Grâce à un triple flash-back à la chronologie inversée, on se glisse dans l’histoire de Marie-Martine, bouleversée par la publication d’un livre sur son histoire alors qu’elle avait réussi à faire table rase de son funeste passé… (Gaumont)
JARDINS DE PIERRE
Jardins PierreHollywood a largement traité de la guerre du Vietnam. Coppola le fit sur le mode lyrico-infernal avec Apocalypse now. Huit ans plus tard, en 1987, le cinéaste revient à la question du conflit vietnamien mais en choisissant la sobriété pour évoquer les doutes, les hantises des soldats à travers les missions de la garde chargée de rendre les honneurs lors des funérailles militaires au cimetière d’Arlington. Coppola se glisse ainsi dans la relation quasi-paternelle entre le lieutenant Willow, jeune recrue idéaliste qui va partir au Vietnam et le sergent Clell Hazard, vétéran de Corée (remarquable James Caan) qui a cessé de croire à la nécessité de ce conflit. Une œuvre humaniste superbement intime (et méconnue) sur l’innocence perdue. (Carlotta)
CITY HALL
City HallA 91 ans, l’Américain Frederick Wiseman est une figure majeure du cinéma documentaire et on se souvient de films comme National Gallery (2014) sur le grand musée londonien ou Ex Libris (2017) consacré à la Bibliothèque publique de New York. Après s’être intéressé en 2018 à la vie rurale de Monrovia (Indiana), il a investi la municipalité de Boston. Avec pour pivot le grand bâtiment (plutôt laid) de l’Hôtel de ville, Wiseman observe longuement (272 minutes) comment le maire démocrate Martin J. Walsh et ses équipes travaillent, avec une population multiculturaliste, à la mise en place d’une politique sociale, culturelle et égalitaire. En bon observateur des institutions américaines, Wiseman réussit d’excellents portraits qui viennent aussi, en contrepoint à la politique de Trump, parler de la possibilité d’une Amérique unie… (jour2fête)
LE MIEL DU DIABLE
Miel DiableMaître du cinéma populaire italien à l’aise dans le western, le giallo ou l’horreur, Lucio Fulci est, en 1985, un cinéaste qui accumule de sérieux problèmes de santé et qui n’ignore pas que ses années fastes sont derrière lui. Intrigué par l’idée d’une relation sado-masochiste et de la misère sexuelle qui réunit victime et bourreau, Fulci (1927-1996) va tourner, en Espagne, un thriller érotique (le cinéaste préfère parler d’« histoire de destruction entre deux personnages ») qui n’aura pas de succès mais surprendra (agréablement) les fans du maître. Cette œuvre sous-estimée est présentée dans un bon mediabook largement illustré qui détaille la genèse de Il miele dell diavolo, la carrière du cinéaste, des comédiens (Blanca Marsillach, Corinne Cléry, Brett Halsey) et décrypte les personnages et leurs aspirations… (Artus Films)
LE PROCES DE JULIE RICHARDS
Proces Julie RichardsAlors que, dans les années 60, l’image du Noir à Hollywood commence à évoluer, Larry Peerce signe One Potato Two Potato (1964) qui met en scène le drame de Julie Richards (Barbara Barrie, prix d’interprétation à Cannes), une employée blanche, divorcée et mère d’une petite fille qu’elle élève avec amour. Lorsque Julie refait sa vie avec Frank, un Afro-américain (Bernie Hamilton), son ex-mari entreprend de la traîner devant les tribunaux. Il réclame la garde de l’enfant considérant que son bien-être est mis en péril dans ce couple interracial. Dans la collection Make my Day dirigée par Jean-Baptiste Thoret, un bon drame sociétal autour d’un couple qui affronte un système inique. (Studiocanal)
THE MACHINIST
The MachinistEmployé de maintenance dans une usine, Trevor Reznik souffre de graves insomnies qui le rendent de plus en plus émacié… Hanté par des visions où les objets du quotidien deviennent menaçants, Trevor, qui a pour seules amies Stevie, une prostituée (Jennifer Jason Leigh) et Maria, une serveuse dans un bar d’aéroport (Aitana Sanchez-Gijon), plonge dans la paranoïa et se persuade qu’il est l’objet d’un complot. Avec un fascinant Christian Bale qui a perdu 28 kilos en trois mois pour incarner Reznik et un scénario-puzzle virtuose (influencé par Dostoïevski), Brad Anderson réalise, en 2005, un drame de la solitude angoissant. L’image est sombre et sinistre à souhait pour habiller l’aventure d’un type halluciné qui n’a pas dormi depuis un an. Au bord de la rupture, Reznik cherche son « chemin du salut »… (ESC)
LA RAISON D’ETAT
RaisonEtat« Vous connaissez quelqu’un qui, dans l’Histoire, a eu raison contre la raison d’Etat ? » Cynique responsable des ventes d’armes au sein du gouvernement français, Jean-Philippe Leroi répond ainsi à Angela Ravelli. Cette scientifique italienne est prête à dénoncer, en mémoire de son ami, le biologiste et activiste Marrot tué dans des conditions troubles, le trafic d’armes responsable de la mort de 240 enfants abattus dans un avion au-dessus de l’Afrique… Au long de sa carrière et malgré la censure, André Cayatte (1909-1989) a mis en procès une société en voie de déshumanisation. En 1978, avec une belle affiche (Jean Yanne, Michel Bouquet, Monica Vitti, François Périer), il décrit le trafic d’armes mais aussi les machinations brutales organisées pour faire taire les « gêneurs »… (Gaumont)
LOVECRAFT COUNTRY
Lovecraft CountryParce que son père a disparu mystérieusement, Atticus Black, (jeune) vétéran de la guerre de Corée (Jonathan Majors), va se lancer, en compagnie de son amie d’enfance Letitia (Jurnee Smollett-Bell) et de son oncle George (Courtney B. Vance), dans un road-trip à travers l’Amérique ségrégationniste des années cinquante au temps des lois Jim Crow. Pour HBO, en adaptant le roman éponyme de Matt Ruff, le trio Misha Green, Jordan Peele et J.J.Abrams a imaginé une série qui fait la part belle tant au thriller social qu’à l’horreur. Dans une première saison (dix épisodes), on voyage parmi quelques belles crapules racistes tandis que surgissent des monstres qui pourraient sortir tout droit de l’univers d’HP Lovecraft. Prenant et sauvage ! (Warner)

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