Et la fumée commença à monter dans le ciel de Paris…

Les premiers secours arrivent... Photo David Koskas

Les premiers secours arrivent…
Photo David Koskas

Pour Moumet, ce 15 avril 2019, est un jour important. Sur les quais de la Seine, par un beau jour de printemps, la casquette de base-ball vissée sur la tête, il savoure l’instant.  Autour de lui, les touristes photographient à tout-va, font des selfies avec Notre-Dame dans le cadre. C’est justement là que Moumet a rendez-vous. Bientôt, le petit nouveau va prendre son job au PC sécurité de l’édifice. A lui, de ne pas quitter de l’œil les tableaux d’alerte. Dehors, de nombreux ouvriers empruntent des monte-charges pour atteindre les hauteurs de Notre-Dame, là où se déroulent, depuis plusieurs mois, d’imposants travaux de réfection et de restauration, notamment de la flèche…
Partout, dans l’un des monuments les plus visités au monde, les guides, dans toutes les langues, racontent par le menu les beautés et les mystères du joyau gothique français. Tandis que se déroule la messe du Lundi saint, une alerte incendie se déclenche, entraînant l’évacuation, dans le calme, des fidèles. Le feu aurait pris dans les combles de la sacristie. Fausse alerte ! Parti en reconnaissance, le personnel de la cathédrale râle, le système de sécurité « déconne » depuis des lustres…
Pourtant, vers 18h20, ce 15 avril, de la fumée commence à s’élever dans le ciel de Paris. Une touriste américaine se photographie devant la cathédrale et envoie l’image à sa sœur à Chicago. Celle-ci répond vite : « Ils ont élu un nouveau pape ? C’est quoi, cette fumée ? » C’est le début d’un incendie majeur qui va durer quinze heures, mobiliser des centaines de sapeurs-pompiers et détruire intégralement la flèche, les toitures de la nef et du transept ainsi que la fameuse charpente, dite « la forêt » à cause des 1300 chênes, datant de Charlemagne, qui la composent…
Au générique du film s’affiche une citation : « Tout est vrai sans que rien ne paraisse vraisemblable ». C’est bien le sentiment que procurent les images de Jean-Jacques Annaud. On avait beau les connaître, les avoir vu à foison sur toutes les chaînes d’info continue, ces images de la cathédrale parisienne où lentement un énorme panache de fumée monte sur la ville tandis que, de plus en plus rapidement, les flammes vont faire exploser les pierres et dévorer les bois du bel édifice né il y a huit siècles sur l’île de la Cité.
« Fin décembre 2019, explique le cinéaste, Jérôme Seydoux, président de Pathé, m’appelle. (…) Il me fait une proposition qui me surprend. Il a l’idée d’un film de montage d’archives à grand spectacle pour écrans larges et son immersif sur l’incendie de Notre-Dame. Mon premier réflexe est de craindre qu’il n’existe pas suffisamment d’images variées pour construire un film de 90 minutes, mais j’écoute. Je repars avec une pochette de documentation, des articles en français et en anglais. Avant d’aller me coucher, j’y jette un œil. Je dévore le tout jusqu’au milieu de la nuit. Il était trop tard ou trop tôt pour appeler, mais ma décision était prise. »

A la recherche de la Couronne d'épines. Photo Guy Ferrandis

A la recherche de la Couronne d’épines.
Photo Guy Ferrandis

En se plongeant dans sa documentation, Annaud découvre, dit-il, une fascinante cascade de contretemps, d’obstacles, de dysfonctionnements. Mais aussi, évidemment, tous les ingrédients pour faire, autour d’une star internationale, Notre-Dame, du pur cinoche, un opéra visuel avec du suspense, du drame, de la générosité, de la cocasserie…
L’auteur du Nom de la rose ne mène pas, ici, l’enquête et, de toutes façons, les preuves manquent. Certes, il fait quelques plans d’un mégot mal éteint qu’un coup de vent pousse d’un échafaudage à l’intérieur des lieux. Mais Annaud s’attache essentiellement à la formidable épopée du sauvetage. Si, en s’effondrant, la flèche a provoqué l’écroulement de la voûte de la croisée du transept, d’une partie de celle du bras nord et de celle d’une travée de la nef, il n’en demeure pas moins que le combat acharné mené par les soldats du feu parisiens a permis de conserver une cathédrale très malmenée mais toujours debout.
Vrai film-catastrophe, Notre-Dame brûle peut sans peine faire la nique aux productions hollywoodiennes, comme par exemple La tour infernale (1974), emblématique fleuron du genre dans les seventies.  Un ami, officier sapeur pompier professionnel, m’avait alors confié que The Towering Inferno était crédible mais qu’il avait quand même l’impression que les pompiers du film tentaient d’éteindre les flammes avec… de l’essence. Annaud n’a pas ce souci. La réalité dépasse la fiction et les images de l’incendie sont parfaitement impressionnantes.

Dans le beffroi de Notre-Dame... Photo Mikaël Lefèvre

Dans le beffroi de Notre-Dame…
Photo Mikaël Lefèvre

Pour ce faire, le réalisateur a pu tourner quelques scènes sur place, notamment sur le parvis, mais il précise : « Le bâtiment restait inaccessible par l’omniprésence du plomb et des risques d’effondrement… Mais de toute façon, il fallait noyer l’édifice dans la fumée, recouvrir le sol de cendres et de poussière, y faire chuter des tonnes de poutres enflammées, inonder le dallage. (…) Nous avons reconstruit en studio à l’échelle 1, une grande partie de la nef, les escaliers en colimaçon, les coursives extérieures et la charpente du transept Nord, et l’intérieur du colossal beffroi des cloches de la scène finale. Bref tous ces lieux emblématiques de Notre-Dame qui ont été au cœur de la catastrophe et qu’il fallait absolument montrer avant et pendant l’incendie. » Et des centaines de tuyères ont ensuite enflammé les décors…
On trouve aussi, dans Notre-Dame brûle, souvent en split-screen, des images vidéos tournées le soir de l’incendie par des touristes ou des anonymes. Après un appel sur les réseaux sociaux, la production a ainsi reçu plus de 6000 films, vidéos ou photos enregistrées sur téléphone portable…

A l'assaut des flammes... Photo Mikaël Lefèvre

A l’assaut des flammes…
Photo Mikaël Lefèvre

Enfin, comme dans un film-catastrophe classique et au-delà des temps forts (la reconstitution totale de l’effondrement de la flèche et de la voûte), le metteur en scène a mis en valeur, autour du magnifique courage des pompiers parisiens, des héros anonymes qui apportent une humanité au récit. Il en va ainsi des deux jeunes pompiers de la BSPP qui affrontent leur premier incendie, membres de la petite équipe arrivée la première sur les lieux à bord d’un « premier secours » qui vont aller, en territoire hostile, au contact d’une chaleur intenable et de fumées étouffantes dans des passages d’une étroitesse invraisemblable… Annaud glisse même une touche d’humour avec la drolatique course contre la montre du régisseur général de Notre-Dame, le seul qui sache où sont les clés du coffre, installé au cœur de la cathédrale, et qui contient la Sainte Couronne d’épines, déposée à la cathédrale, le 10 août 1239, par Saint Louis, roi de France.
Alors même que l’issue de l’aventure est connue, voici un thriller haletant et qu’on regarde sans jamais décrocher.

NOTRE-DAME BRÛLE Drame (France – 1h50) de Jean-Jacques Annaud avec Samuel Labarthe, Jean-Paul Bordes, Mikaël Chirinian, Jérémie Laheurte, Maximilien Seweryn, Garlan Le Martelot, Dimitri Storoge, Pierre Lottin, Jules Sadoughi, Chloé Jouannet, Vasili Schneider, Ava Bata. Dans les salles le 16 mars.

Laisser une réponse