La désinformation, le sexisme et une loufoque lutte des classes

"La ruse": Le lieutenant Cholmondeley (Matthew Macfayden) et le commander Montagu (Colin Firth). DR

« La ruse »: Le lieutenant Cholmondeley (Matthew Macfayden)
et le commander Montagu (Colin Firth). DR

GUERRE.- Il y a la guerre conventionnelle avec ses gagnants, ses perdants et ses morts. Et il y a une autre guerre, invisible, souterraine où l’une des armes les plus redoutables est la désinformation… Fin septembre 1939, le contre-amiral Godfrey, directeur du service de renseignements de la marine britannique, remet aux principaux dirigeants des services secrets un mémorandum baptisé « mémo de la truite » qui décrit 51 techniques pour berner l’ennemi en temps de guerre. L’une d’elles, reprenant l’idée d’un roman policier de Basil Thomson, consiste à abandonner en mer, à proximité des côtes ennemies, un cadavre revêtu d’un uniforme d’aviateur et porteur de fausses dépêches.
C’est cette technique qui va être adoptée, par le Comité XX, une petite structure de contre-espionnage organisée par le MI5, pour convaincre Hitler et le Grand Quartier général allemand qu’un débarquement allié va se dérouler en Grèce alors que le véritable objectif des Alliés est la Sicile… Commence alors pour la modeste équipe sous la direction du Lieutenant commander Ewen Montagu (Colin Firth) et du Flight lieutenant Charles Cholmondeley (Matthew Macfayden), une course contre-la-montre avec, pour première étape, de trouver un cadavre présentant un maximum de réalisme, celui d’un homme mort d’hypothermie et de noyade. Ce sera un certain Glyndwr Michael qui deviendra ainsi le major William Martin…

"La ruse": A la recherche d'un cadavre... réaliste. DR

« La ruse »: A la recherche
d’un cadavre… réaliste. DR

Connu pour un film d’espionnage comme L’affaire Rachel Singer (2010), deux comédies « so british » autour de retraités en Inde (Indian Palace en 2011 et sa suite Indian Palace : Suite royale en 2014) ou Miss Sloane (2016) qui fait de Jessica Chastain une lobbyiste de Washington s’engageant pour soutenir une loi limitant le port d’armes à feu, le Britannique John Madden met en scène, avec La ruse (Grande-Bretagne – 2h07. Dans les salles le 27 avril), la véritable « Opération Mincemeat ». De l’un des plus fascinants épisodes de l’espionnage britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, il tire un film, certes académique, mais qui, en s’appuyant justement sur une facture « à l’ancienne », demeure captivant de bout en bout, peut-être aussi parce qu’il célèbre, sur grand écran, la force de la fiction.
Outre les péripéties de l’opération, La ruse fait la part belle à quelques histoires « secondaires ». Ainsi, Cholmondeley est chargé par Godfrey, d’espionner… Montagu dont le frère est suspect d’avoir des relations communistes. Pour sa part, Montagu, qui a envoyé son épouse et ses enfants se mettre à l’abri de la guerre en Amérique, n’est pas insensible au charme de Leslie (Kelly Macdonald) qui travaille à ses côtés. Et dont Cholmondeley est aussi éperdument épris. Enfin, on remarque un officier anglais qui profite de ses temps libres dans les services secrets pour écrire des romans. Un certain Ian Fleming !

"Babysitter": Nadine (Monia Chokri) et Cédric (Patrick Hivon). DR

« Babysitter »: Nadine (Monia Chokri)
et Cédric (Patrick Hivon). DR

COUPLE.- Dans l’atmosphère testéronée d’un match de MMA, Cédric et deux de ses collègues se comportent comme des crétins de machos. Ils boivent, vocifèrent et baratinent toutes les femmes qui passent à portée. Dans l’enthousiasme ambiant, Cédric s’en va claquer une bise sur la joue d’une journaliste de télévision en plein direct. L’image scandalise immédiatement tout le Québec, devient virale et déclenche un débat national sur le sexisme. Convoqué chez la patronne d’Ingénérie Québec qui n’apprécie que très peu sa blague sexiste, Cédric perd son emploi… Encouragé par son frère un intello bienpensant, Cédric entame une thérapie et entreprend d’écrire Sexist Story, un livre qui se veut révolutionnaire et s’attaque à la misogynie…
Avec Babysitter (Canada – 1h28. Dans les salles le 27 avril), l’actrice et réalisatrice québécoise Monia Chokri signe son second long-métrage après La femme de mon frère (2019) qui s’amusait avec malice à questionner la place de la femme dans la société. En adaptant une pièce de théâtre de Catherine Léger, la cinéaste observe : « Ce que j’aime dans sa pièce, (…), c’est le fait que les personnages se disent des choses alors qu’ils en pensent d’autres. C’est ce hiatus tchekhovien qui me plait. Dans la vie, on dit rarement ce qu’on pense vraiment, on édulcore souvent notre pensée… »

"Babysitter": Amy (Nadia Tereskiewicz). DR

« Babysitter »: Amy (Nadia Tereskiewicz). DR

Là, où Babysitter est intéressant, c’est que personne, ici, n’est bon ni mauvais. Les personnages se débattent tous avec leurs propres anxiétés, névroses et obsessions. Alors que Cédric (Patrick Hivon) est complètement à la dérive, Nadine, sa femme (Monia Chokri) est aux prises avec une dépression post-partum après la naissance de leur enfant et doit engager une baby-sitter pour s’occuper du bébé. C’est cette rafraîchissante Amy (incarnée par Nadia Tereszkiewicz vue dans Seules les bêtes (2019) de Dominik Moll, qui va carrément hypnotiser Nadine et Cédric et mettre en évidence le désir de dominer l’autre et la dérive du couple… Un film déroutant qui laisse cependant un peu sur sa faim.

"Les sans dents": Marie (Miveck Packa) et Calamity (Yolande Moreau). DR

« Les sans dents »: Marie (Miveck Packa)
et Calamity (Yolande Moreau). DR

PAUVRES.- L’expression a fait le buzz et scandalisé… brièvement, comme toujours, dans le temps médiatique. Si l’on en croit Valérie Trierweiler qui le raconte dans son livre Merci pour ce moment, « les sans dents » est la formule de François Hollande pour qualifier les pauvres. L’ex de l’ex-chef de l’Etat observe que celui qui « s’est présenté comme l’homme qui n’aime pas les riches », n’aime pas, en réalité, les pauvres. Les sans-dents que Pascal Rabaté met en scène dans son cinquième long-métrage appartiennent plus à l’univers d’Ettore Scola qu’à ceux du monde « élyséen ». Encore que leur façon de (sur-)vivre a aussi une dimension politique…
Affreux, sales mais pas vraiment méchants, les membres de cette tribu vivent dans une grotte, en marge du monde civilisé, probablement dans la banlieue parisienne… Ils recyclent, en toute illégalité, les rebuts de la société… Dans un hameau de bric et de broc, la vie pourrait couler paisiblement. Mais voilà, nos zigotos sont allés découper des fils de cuivre dans une gare… sous le regard des caméras de surveillance. Désormais, la police est sur leurs traces…

"Les sans dents": La tribu en chasse... DR

« Les sans dents »: La tribu en chasse… DR

Avec Les sans dents (France – 1h25. Dans les salles le 20 avril), l’auteur de bandes dessinées signe une comédie pour le moins radicale. Le cinéaste du joyeux Ni à vendre, ni à louer (2011) précise : « Ce projet ne pouvait exister que s’il était radical. Donc, en effet, pas de musique, pas de mots… » Ceux que prononcent, le flic incarné par François Morel sont incompréhensibles et la tribu se contente de borborygmes, de gestes ou de postures corporelles. Pour le spectateur, l’aventure tourne court assez rapidement et on finit par ne plus faire vraiment attention aux motivations façon « lutte des classes loufoque » de cette tribu dans laquelle émergent Yolande Moreau et Gustave Kervern…

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