Une pure et magnifique joie de vivre

Pierre Feuillebois (Clovis Cornillac) dans son univers.

Pierre Feuillebois (Clovis Cornillac)
dans son univers.

Dans un beau paysage alpestre, l’existence de Pierre Feuillebois bascule en un instant. Celui où la maison de ses parents s’effondre sur eux. Ce vieux garçon, la quarantaine, n’a jamais vécu qu’entre ses abeilles et ses hibiscus, loin des désordres du monde. Son univers parfaitement paisible se dégrade un peu plus encore lorsqu’un voisin lui apporte une lettre. Pierre y apprend qu’il a été adopté… Désormais, il va devoir survivre dans une société moderne dont il ne maîtrise aucun des codes. Pierre Feuillebois est habité par une seule certitude : il doit élucider le mystère de ses origines.
Pas de carte bleue, pas de carte sncf, pas de carte Vitale, pas de crédit à la banque… A l’employée qui lui demande s’il a jamais été salarié, s’il a jamais payé d’impôts, notre homme ne sait quoi dire, surtout lorsqu’elle lui précise : « Officiellement, vous n’existez pas ! »
Autour de l’idée de quête et d’identité, Clovis Cornillac a imaginé un vrai conte contemporain qui réussit à amalgamer des ingrédients aussi délicats que la tendresse et la douceur. Car il s’agit là d’évoluer sur un fil ténu au risque de glisser vers le pathos ou, a contrario, de tomber dans la mièvrerie. Toutes choses que le cinéaste réussit à éviter avec une fraîcheur et une drôlerie de bon aloi. Rien de plus amusant, alors, qu’un personnage en décalage avec le monde et qui nous révèle justement tous les petits et grands travers de ce qui demeure notre ordinaire.

Pierre à la découverte de la ville...

Pierre à la découverte de la ville…

C’est au contact d’Anna que Pierre Feuillebois entre de la plus belle des manières dans sa nouvelle vie. Le voilà à Lyon où il tente de trouver ses marques, découvrant le grand appartement désuet de ses parents adoptifs où il va pouvoir poser son sac. Cabossée par la vie, Anna bataille régulièrement avec l’administration. Parce qu’elle a eu des problèmes d’alcool, sa fille a été placée dans une institution… Mais, Anna, touchée par la naïveté et l’absolue bienveillance de ce type pas comme les autres, va accepter de l’aider tout y en trouvant son compte, notamment en formant un couple certes improbable mais qui va permettre à cette jeune femme en galère de pouvoir envisager un avenir un peu plus radieux avec sa petite Lise.

Pierre et Anna (Alice Pol) mènent l'enquête.

Pierre et Anna (Alice Pol) mènent l’enquête.

Ensemble, Anna et Pierre vont se lancer alors dans une enquête drolatique sur les traces d’une mère aussi extravagante que l’est son fils…
En s’appuyant sur une mise en scène précise et élégante, Clovis Cornillac construit, ici, une aventure magique et fortement colorée qui joue tout à la fois sur le décor très « ville italienne » de Lyon, sur une succession de personnages tendres, parfois odieux ou franchement loufoques (Daria, la travestie rousse) et sur les accents swing de Dario Moreno qui chante « La vie est là Qui vous prend par le bras Oh la la la C’est magnifique ! Des jours tout bleus Des baisers lumineux C’est magnifique ! », une chanson qui a toujours accompagné Pierre Feuillebois et qui, dit-il, a toujours ému le réalisateur…
Et puis Cornillac a l’amusante et très cinématographique idée de faire perdre ses couleurs à son héros. Choc psychologique ? Il prend d’abord des teintes sépia façon photos anciennes puis passe au noir et blanc, sorte de machine à remonter le temps avant de disparaître totalement. Les premiers émois de films fantastique et de science-fiction sont alors au rendez-vous et offre surtout à Pierre l’occasion de se convertir en homme invisible. Celui-là même qui favorisera l’évasion de Lise qui s’envole quasiment de son triste foyer…

Anna et Lise (Manon Lemoine) dans la grotte aux fleurs.

Anna et Lise (Manon Lemoine)
dans la grotte aux fleurs.

Avec sa grâce et son sourire tendre, Alice Pol s’inscrit joliment dans le personnage d’Anna, jeune femme révoltée et cassée qui ne demande qu’à être réparée et à être écoutée. Pierre, lui, fera le cadeau de lui révéler sa grotte aux fleurs…
Dédiant son film « à tous ceux qui nous ont faits », Clovis Cornillac s’offre un véritable super-héros de la bienveillance. On songe en le regardant déambuler dans les bureaux vitrés de l’administration à l’immense Hulot cher à Jacques Tati. Mais Feuillebois est aussi le cousin de Chance, le jardinier que Peter Sellers incarnait, en 1979, dans Bienvenue Mister Chance de Hal Ashby. Comme Chance, Pierre, qui a toujours vécu retiré du monde, rayonne d’une sagesse qui ne peut que bouleverser l’ordre normal des choses.…
Avec pour viatique la question « L’important, ce n’est pas d’où on vient mais ce qu’on devient », voilà un conte qui donne la pêche. Avec C’est magnifique !, pendant une heure trente, dans une salle obscure accueillante, laissez-vous bercer par une pure fantaisie. Promis, vous ne le regretterez pas.

C’EST MAGNIFIQUE ! Comédie dramatique (France – 1h38) de et avec Clovis Cornillac et Alice Pol, Manon Lemoine, Myriam Boyer, Gilles Privat, Alexandra Roth, Lilou Fogli, Laurent Bateau, Anne Benoît. Dans les salles le 1er juin.

CLOVIS CORNILLAC : « QUELQU’UN QUI REND LES ETRES MEILLEURS… »

Clovis Cornillac en tournage. Photos Claire Nicol

Clovis Cornillac en tournage.
Photos Claire Nicol

Début avril, Clovis Cornillac a fait escale aux Rencontres du cinéma de Gérardmer. Une agréable occasion de faire souffler un vent de poésie sur l’écran géromois : « Je ne suis pas un génie mais je crois à la passion du cinéma. Et puis je suis un cinéphage ! » Si son troisième long-métrage en tant que réalisateur évoque fortement les liens familiaux, le film est aussi une affaire de… famille pour Cornillac puisque sa mère (Myriam Boyer), son épouse (Lilou Fogli) et son père (dans une apparition) sont au casting. « C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens de ma famille dans le film mais j’ai trop de respect pour le cinéma pour faire un film avec ma famille ! Ensuite, quand les acteurs correspondent à ce que je recherche et qu’ils sont de ma famille, c’est tant mieux…» Après Un peu, beaucoup, aveuglément en 2015, Cornillac a soumis à ses coauteurs une idée : « Une histoire qui me permettait de parler de l’identité et d’un personnage-caméléon qui pourrait se fondre dans n’importe quelle communauté de manière totalement instinctive, sans jamais savoir qui il est. Ce qui le constitue, c’est sa bienveillance et sa simplicité : il rend les êtres et les situations meilleurs par sa seule présence, il apporte un éclairage positif par son attitude. » Et Cornillac de conclure : « Je vais mieux quand les gens autour de moi vont mieux ! »

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