LOSEY, SIRK, UN TRIO NIPPON ET LES DERNIERS JOURS D’UN VIEUX COUPLE
DES FILLES DISPARAISSENT / LES CRIMINELS
La collection Make my day est le repaire mensuel des excellentes perles ! Jean-Baptiste Thoret, son responsable, a ainsi choisi deux thrillers rares… Avec Les criminels, on retrouve Joseph Losey en 1960 avec une plongée violente dans l’univers carcéral autour de Johnny Bannion (Stanley Baker), un petit caïd local qui, derrière les barreaux, prépare le braquage d’un hippodrome. Le coup semble immanquable mais rien ne se passe comme prévu… Douglas Sirk est connu comme l’un des grands maîtres du mélodrame hollywoodien avec des œuvres comme Tout ce que le ciel permet (1955), Ecrit sur du vent (1956) ou Mirage de la vie (1959). Une dizaine d’années plus tôt, le cinéaste signait, avec Des filles disparaissent (1947), l’unique thriller de sa carrière, un remake du film français Pièges (1939) réalisé par Robert Siodmak. Après avoir répondu à des petites annonces attractives, de jeunes femmes disparaissent dans les rues de Londres. Scotland Yard propose à Sandra Carpenter, une alerte danseuse américaine (Lucille Ball) de servir d’appât. On retrouve aussi George Sanders en séducteur manipulateur et l’immense Boris Karloff (Frankenstein) dans une surprenante séquence où, en couturier déchu, il rejoue ses heures de gloire devant des fauteuils… vides. Un malicieux film d’atmosphère noire. (Studiocanal)
LES MOUCHOIRS JAUNES DU BONHEUR
Né en 1931 au Japon, Yoji Yamada est un vétéran du cinéma nippon connu pour avoir mis en scène 45 de la cinquantaine de films composant la série Tora-san qui raconte les mésaventures tragi-comiques d’un homme sensible et n’ayant pas de chance en amour, devant faire face à diverses crises économiques, problèmes familiaux et autres malheurs. En 1977, parmi les films de la série Tora-san, Yamada glisse un road-movie poétique qui fut un énorme succès public et critique au Japon. Suite à une rupture amoureuse, l’exubérant Kinya quitte Tokyo pour partir en voiture à Hokkaido, au nord du Japon. En chemin, il rencontre la timide Akemi qui vient, elle aussi, de connaître une déception sentimentale. Ensemble, ils décident de visiter la région. En chemin, ils croisent sur leur route Yusaku (la star Ken Takakura, partenaire de Robert Mitchum dans Yakuza de Sydney Pollack) mais ignorent qu’il sort de prison. L’ex-détenu se joint au duo. Une complicité va bientôt se nouer entre les trois passagers… Le film sort pour la première fois en dvd et Blu-ray. Entre comédie populaire et mélodrame social, une perle à découvrir ! (Carlotta)
VORTEX
Cinéaste radical, auteur de films comme Carne (1991), Irréversible (2002) ou Love (2015), le Franco-argentin Gaspar Noé surprend avec l’histoire d’un couple âgé qui vit dans un appartement parisien plein de livres et de souvenirs. Lui est cinéphile, théoricien et historien du cinéma et écrit un livre sur la relation entre les films et les rêves. Elle est psychiatre à la retraite et atteinte d’Alzheimer. Peu à peu, amoureux et indispensables l’un à l’autre, ils vont sombrer dans la sénilité et vivre leurs derniers jours. Dans une approche sobre, presque minimaliste (qui utilise beaucoup le split-screen), Noé filme un couple amoureux tandis leur fils doit faire face à ses propres démons… Dario Argento, maître du « giallo » italien avec Suspiria ou Inferno, Françoise Lebrun (Veronika dans La maman et la putain) et Alex Lutz sont, tous les trois, remarquables… (Wild Side)
A CHIARA
A 16 ans, Chiara Guerrasio est une jeune Calabraise qui rêve de vivre pleinement et probablement de couper les liens du sang. Mais, dans sa famille, règne une sorte de silence. Pour les 18 ans de la sœur de Chiara, une grande fête réunit tout le clan. Mais, le matin, le père de famille a disparu. La tenace Chiara (Swamy Rotolo) décide alors de comprendre l’« invisible ». Pour le troisième volet de son triptyque autour de la ville de Gioia Tauro, l’Italien Jonas Carpignano tisse un récit intime sur le passage à l’âge adulte d’une grande adolescente confrontée à l’univers mafieux banal et à son quotidien grisâtre. Loin des clichés sur la mafia, une approche âpre, tendue, parfois onirique et volontiers documentaire, de l’archaïque Ndrangheta et de la conquête de la liberté pour Chiara… (Blaq Out)
THE DUKE
Kempton Bunton est un brave type doublé… d’un rebelle. Une sorte de Robin des Bois qui bataille à Newcastle, dans l’Angleterre des années 60, avec l’administration britannique parce qu’il a décidé de ne pas payer la redevance télé. Mieux, il veut contraindre l’administration à rendre l’accès à la télévision gratuit pour les personnes âgées… Un jour, une idée rocambolesque traverse son esprit. Dérober à la fameuse National Gallery de Londres, un célèbre tableau de Goya représentant le duc de Wellington. Le coup réussit. La police est sur les dents et songe à un gang international. Avec les excellents Jim Broadbent et Helen Mirren, le cinéaste Roger Michell, en s’inspirant d’une histoire vraie, brosse une savoureuse comédie « so british » autour d’un personnage qui, par sa verve et son humour, emporte l’adhésion de tous… (Pathé)
LIMBO
Sur une petite île de pêcheurs en Écosse, un groupe de demandeurs d’asile attendent de connaitre leur sort. Face à des habitants loufoques et des situations ubuesques, tous s’accrochent à la promesse d’une vie meilleure. Jeune musicien syrien, Omar ne lâche jamais son oud, l’instrument légué par son grand-père. Mêlant l’humour et l’émotion, la finesse et la poésie, Ben Sharrock (qui a vécu un an en Syrie et travaillé pour une ONG s’occupant de réfugiés) signe une œuvre poignante à l’esthétique proche d’un Loach ou d’un Frears, sur un jeune réfugié quasiment dépressif (Amir El-Masry remarquable) qui va lentement, à travers la musique, se mettre sur le chemin de la liberté. Irrésistible ! (L’atelier d’images)
MA FAMILLE AFGHANE
Jeune étudiante en économie à Prague, Herra décide, par amour, de tout quitter pour vivre avec Nazir, celui qui deviendra son mari, dans l’Afghanistan de 2001. Pour rendre son histoire plus accessible, Michaela Pavlatova a choisi l’animation pour mettre en scène le regard d’une Européenne dans un pays où les femmes doivent, au quotidien, faire face aux privations de liberté… Comme le dit un personnage : « Tout est simple, ici. Un mari, une religion, un pays ». Prix du jury au festival d’Annecy, voici une chronique familiale bouleversante sur le choc des cultures dans un pays qui a basculé depuis dans le régime des talibans… (Diaphana)
QUI A PART NOUS
Dans la jeune génération du cinéma espagnol, Jonas Trueba, 40 ans, occupe une place à part par son souci de concevoir le cinéma comme instrument de connexion avec la réalité. Découvert en France en 2020 avec Eva en août, le cinéaste met en scène, ici, un film, divisé en trois actes séparés par deux interludes de cinq minutes, où il mêle des éléments purement documentaires avec des récits fictifs. Dans les premiers, Trueba converse avec des jeunes gens, obtenant ainsi des moments de grande vérité où la maturité et l’intelligence de ces jeunes traversent l’écran pour toucher au coeur et émouvoir profondément l’observateur. Les passages fictionnels, plus expérimentaux, ajoutent une dose de fraîcheur supplémentaire à des histoires en elles-mêmes déjà pleines d’énergie et d’insolence. (Arizona)
LES PASSAGERS DE LA NUIT
Quittée par son mari, Elisabeth doit assurer le quotidien de ses deux adolescents Judith et Matthias. Elle trouve un emploi dans une émission de radio de nuit, où elle croise Talulah, jeune fille désœuvrée qu’elle prend sous son aile. Talulah découvre la chaleur d’un foyer et Matthias la possibilité d’un premier amour, tandis qu’Elisabeth réinvente son chemin. Mikhaël Hers (Ce sentiment de l’été et Amanda) ouvre son film au soir du 10 mai 1981 et inscrit son histoire dans une décennie à l’ambiance particulière. Avec Charlotte Gainsbourg et Noée Abita (révélée en 2017 dans Ava et premier rôle en 2020 dans Slalom) en petit oiseau punk, une évocation, tout en finesse et en non-dits, de la société française des années 80… (Pyramide)
RETOUR A REIMS
Documentariste engagé, Jean-Gabriel Périot s’est imposé comme un véritable orfèvre des archives et il le prouve largement avec son quatrième long-métrage qui s’appuie sur l’essai autobiographique (2009) du philosophe Didier Eribon avec Adèle Haenel pour narratrice. A partir de reportages, de films de fiction ou de cinéma militant, le cinéaste dissèque l’histoire intime et politique de la classe ouvrière française depuis les années trente jusqu’au début du 21e siècle. Les passages sélectionnés par Périot sont essentiellement consacrés à la mère et à la grand-mère d’Eribon. Un travail remarquable sur la mémoire ouvrière. (jour2fête)
DOWNTON ABBEY 2
En 1928, les Crawley s’apprêtent à célébrer le mariage de Tom Branson et de sa fiancée Lucy. Lady Violet (l’épatante Maggie Smith) apprend qu’elle hérite d’une villa dans le sud de la France. En 1864, elle y rencontra brièvement le marquis de Montmirail, aujourd’hui défunt… Diantre, la distinguée lady aurait-elle fauté chez les Frenchies ? Après les six saisons de la série télé, le cinéma s’empare pour la seconde fois de la saga des Crawley imaginée par Julian Fellowes. Forcément, on est en pays de connaissance dans la « haute » de Downton Abbey. Et on s’amuse volontiers d’un tournage hollywoodien qui déboule et chamboule la demeure… (Universal)
SOUDAIN DANS LA NUIT
Épouse comblée d’un entomologiste, mère d’une fillette, Seon-hee mène une vie de parfaite femme au foyer. Lorsqu’un jour, son mari ramène Mi-ok, une jeune orpheline rencontrée dans la rue et qu’il souhaite engager comme domestique, l’existence de Seon-hee vacille. Car elle est persuadée que cette nymphette aussi séduisante que maléfique veut en attenter à sa vie. La gamine n’a pour seul bagage qu’une étrange poupée en bois censée la protéger contre le mauvais sort et dont les images fantasmées hantent Seon-hee. Prolifique cinéaste coréen, Go Yeong-nam mêle, en 1981, l’érotisme soft et l’horreur dans un troublant thriller (restauré 4K) qui, entre jalousie, vengeance surnaturelle et meurtre, fait souvent songer au « giallo » italien… (Carlotta)
SWORD MASTER
Le troisième maître du manoir de l’épée, considéré comme le plus puissant épéiste du pays, s’est lassé de la violence qui règne dans le monde des arts martiaux. Fuyant désormais les effusions de sang, il se fait passer pour mort et erre en marge de la société en menant la vie d’un vagabond. Acteur dans Le poignard volant et Le tigre de jade en 1977, Derek Yee est aussi cinéaste. En 2016, il adapte Death Duel, un classique des Shaw Brothers et signe, renouant avec l’âge d’or du wuxia (le film de sabre), l’aventure d’un bretteur rattrapé par son passé et contraint de combattre pour retrouver la paix à laquelle il aspire tant… Un récit épique porté de majestueuses chorégraphies au service d’énergiques scènes d’action! (Wild Side)