UN GRAND POETE, UNE REDOUTABLE INTRIGANTE ET UN ESCROC DE HAUT VOL

Coffre tJean EustacheCOFFRET JEAN EUSTACHE
Lorsque Jean Eustache tourne en 1973, La maman et la putain, il ne sait probablement pas qu’il est en train de signer un chef d’oeuvre de la modernité et aussi une manière de testament de la Nouvelle Vague. Cette vaste saga (3h40) de la parole portée par un extraordinaire trio de comédiens (Jean-Pierre Léaud en dilettante oisif, Bernadette Lafont et Françoise Lebrun) qui brasse les aspirations libertaires de mai 68 pourrait aussi être… l’arbre qui cache la forêt dans la filmographie du natif de Pessac (Dordogne) ! Mais la chose est clairement réparée avec le magnifique coffret (soit de six Blu-ray, soit de sept DVD) qui réunit pour la première fois, dans une splendide version restaurée, une œuvre inouïe et d’une sincérité à couper le souffle. Alternant documentaires et fictions courtes comme longues, l’authenticité acharnée de Jean Eustache, cinéaste du désir et de l’intime, resplendit dans chacun de ses films : de la jeunesse solaire et écorchée de Mes petites amoureuses jusqu’au vertige bataillien d’Une sale histoire. Sous l’intitulé Les mauvaises fréquentations, on trouve Du côté de Robinson (1963/1967, N&B, 39 mn) où Daniel et Jackson, deux dragueurs sans-le-sou, «  chassent la souris » dans les rues de Montmartre… et Le père Noël a les yeux bleus (1966, N&B, 47 mn) où le jeune Daniel, pour s’offrir un duffle-coat, accepte de poser pour un photographe dans les rues de Narbonne, déguisé en père Noël. Avec La rosière de Pessac (1968, N&B, 66 mn), Eustache, au printemps 1968, suit les préparatifs et le protocole de la cérémonie, dans sa ville natale, de la cérémonie de l’élection de la jeune fille la plus vertueuse qui deviendra la 72e rosière de Pessac. Pour La Rosière de Pessac 79 (1979, couleurs, 71 mn), Jean Eustache revient, au printemps 1979, à Pessac, onze ans après son premier documentaire, pour filmer de nouveau l’élection et la cérémonie de la rosière. La jeune fille choisie cette fois a poussé au pied d’une tour HLM. Les Trente Glorieuses s’achèvent, le chômage est dans tous les discours… Dans Numéro Zéro (1971, N&B, 112 mn), le cinéaste filme sa grand-mère, Odette Robert, 70 ans, qui raconte l’histoire de sa vie : son enfance heureuse, la mort de sa mère, la cohabitation douloureuse avec sa belle-mère, sa rencontre avec son mari, bien vite volage. Elle évoque les quatre enfants qu’elle a perdus, les maladies, les déménagements, la honte et les disputes. Elle confie aussi son inquiétude pour son petit-fils et pour son arrière-petit-fils qu’elle aimerait voir grandir encore quelques années… On découvre aussi Mes petites amoureuses (1974, couleurs, 124 mn), Une sale histoire (1977, couleurs, 49 mn) et trois courts-métrages : Le jardin des délices de Jérôme Bosch (1979, couleurs, 34 mn), Les photos d’Alix (1980, couleurs, 20 mn) et Offre d’emploi (1980, couleurs, 20 mn). Chaque film est accompagné de très nombreux suppléments. Parmi eux, on garde, pour la bonne bouche, la façon dont, à Cannes 73, Gilles Jacob et Jean-Louis Bory, alors critiques, s’attaque ou encense La maman et la putain. Enfin, mêlant entretiens-fleuves avec le cinéaste, essais critiques et projets de films, Jean Eustache, envers et contre tout. Dits et écrits (160 pages) est un livre indispensable pour mieux appréhender l’œuvre de ce grand poète contemporain du septième art. (Carlotta)
Trois Mousquetaires MiladyLES TROIS MOUSQUETAIRES – MILADY
Elle cumule noirceur, traîtrise, cruauté, rancune, méchanceté, vices. Comme aurait Audiard, cette Milady-là est une synthèse. Comme le titre du second volet des Mousquetaires le précise, Milady de Winter est au centre du film et au coeur de tous les sales coups qui pleuvent sur D’Artagnan et ses amis. Pire, alors que sa chère et tendre Constance Bonacieux a été enlevée sous ses yeux, le fier bretteur est contraint de s’allier à la mystérieuse intrigante. Celle-ci parvient quasiment à lui faire perdre pied ! Car c’est bien, ici, l’amour qui est le moteur de l’action. Et quand même un peu le complot contre Louis XIII. Pour sauver Constance, D’Artagnan est prêt à tout. Et c’est bien le dramatique souvenir d’une épouse aimée, marquée au fer rouge puis pendue qui ne cesse de tourmenter Athos. C’est à cause de l’amour qu’Aramis s’inquiète pour sa sœur enceinte et entrée au couvent mais, là, une issue heureuse semble se profiler puisque Porthos, dont le premier épisode nous avait révélé la bisexualité, se propose de convoler… Si l’on excepte la grande séquence -spectaculaire et bien enlevée- du siège de La Rochelle, ordonné par le roi et commandé par le cardinal de Richelieu, l’essentiel de ce Trois mousquetaires II tourne donc autour de la sulfureuse Milady de Winter. D’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis iront donc se battre à La Rochelle et le capitaine de Tréville pourra leur lancer un « Mousquetaires, vous êtes soldats pour mourir, je vous emmène là où on meurt » prononcé, dans la réalité historique, en 1884, pendant la guerre franco-chinoise par le général Oscar de Négrier qui, lui, parla de… légionnaires. Mais on n’en voudra pas à Martin Bourboulon et à ses scénaristes de prendre des accommodements avec l’histoire puisqu’Alexandre Dumas en faisait autant. Avec ce second volet, au ton plus tragique (le premier était, par comparaison, flamboyant) le cinéaste entre dans l’intimité des personnages et développe donc largement celui de Milady, femme bouleversée par un traumatisant évènement dans son histoire. Rongée de l’intérieur et fataliste, elle a choisi la part de l’ombre et, telle une guerrière, est capable de séduire et de porter un coup fatal dans le même mouvement… Avec une fière allure, Eva Green incarne une Milady ténébreuse et très caméléon. Derrière une dureté quasi-masculine, sa féminité, telle une arme, lui sert à manipuler ses interlocuteurs, à les séduire (D’Artagnan lutte pour ne pas succomber), les piéger, voire les tuer, parfois… Notamment, en ce qui concerne le sort (funeste?) de Milady, ce second épisode laisse, disons, la porte ouverte. Dans d’immenses écuries anglaises ravagées par les flammes d’un incendie allumé par Milady, cette dernière croise le fer avec D’Artagnan avant de disparaître dans la fournaise. (Pathé)
Messieurs SantéCES MESSIEURS DE LA SANTE
Après s’être évadé de la prison de la Santé, Jules Taffard, escroc notoire, décide de jeter son dévolu sur la famille Génissier. Sous un nom d’emprunt, il se fait embaucher comme homme à tout faire par la propriétaire d’un magasin de corsets. Une fois la confiance de toute la maisonnée gagnée, Taffard débute ses arnaques en compagnie de Zwerch, son nouvel acolyte. Amusé par ses combines et encouragé par la famille Génissier qui profite des bénéfices, l’astucieux financier multiplie les tours de passe-passe et construit un empire économique au point d’attirer l’attention des autorités. C’est un Raimu explosif et tonitruant qui domine de la tête et des épaules la distribution (Pauline Carton, Edwige Feuillère, Lucien Baroux) de cette satire sociale et… fantaisiste signée en 1934 par Pierre Colombier, un habitué des succès populaires. En 1931, Paul Armont et Léopold Marchand présentent au Théâtre de Paris une pièce de leur création, Ces Messieurs de la Santé. Cette satire féroce du monde de la finance connaît un beau succès sur scène. L’année précédente, avait éclaté en France un scandale politico-financier, l’affaire du banquier Albert Oustric impliquant un membre du gouvernement. Cet esclandre inspira considérablement les auteurs de la pièce mais lorsque Colombier l’adapte en 1934, le sujet est toujours d’actualité. Une nouvelle crise politico-économique vient en effet d’éclater en France avec la fameuse affaire Stavisky, plongeant le pays dans la crise d’un régime instable soupçonné de corruption et contribuant à la chute du gouvernement. Lorsqu’on découvre sur grand écran Gédéon, le financier malhonnête, la comparaison entre le personnage joué par Raimu et Serge Alexandre Stavisky, ne se fait pas attendre. Tous deux séducteurs et beaux parleurs, sont surtout des escrocs professionnels au sein d’une société gangrénée par la corruption et les magouilles. Sous la satire apparaît aussi la morosité de l’époque : une mauvaise conjoncture économique, la montée du chômage, l’amertume des anciens combattants qui voient les manifestations de leur victoire s’amoindrir de jour en jour. Témoignage d’un temps, Ces Messieurs de la Santé n’en reste pas moins une éclatante comédie. Il est vrai que Raimu (1883-1946) est au sommet de son talent. Il a déjà tourné Marius (1931) et Fanny (1932) et il retrouvera l’univers de Pagnol en 1936 pour César, le dernier volet de la trilogie. Orson Welles disait de lui qu’il était « le plus grand acteur du monde ». Avec son talent démesuré qui donne le véritable rythme du film, Raimu fait preuve d’un naturel et d’une puissance dramatique incroyables avec sa voix profonde, sa verve, son regard qui parle à lui seul, son cynisme aussi. Éblouissant à chaque plan, « dévorant » littéralement les autres comédiens, Raimu signe une création étincelante, maniant le compliment ou la menace avec brio. Du pur bonheur ! En supplément, À l’ère des grandes affaires : entretiens autour du film avec Jean Garrigues, Didier Griselain et Isabelle Nohain-Raimu (50 min) (Pathé)
Pendez Les Haut CourtPENDEZ-LES HAUT ET COURT
En 1889, dans l’Oklahoma, sauvé de justesse par le marshal Dave Bliss, après avoir été lynché par des habitants de Red Creek qui l’accusaient à tort d’avoir abattu un propriétaire de bétail pour le voler, Jed Cooper est reconnu innocent par le juge Fenton. Celui-ci le nomme marshal, notamment pour éviter que Jed ne se livre à une vengeance personnelle. Le juge le charge de ramener vivants les hommes responsables de son lynchage pour qu’ils soient jugés en bonne et due forme. Énergique et habile, Jed parcourt l’Oklahoma, territoire où la loi ne s’est pas encore imposée, et remplit ses fonctions avec une redoutable efficacité. En parallèle, Jed se laisse prendre aux charmes d’une jeune et séduisante veuve qui examine chaque prisonnier avec une insistance qui l’intrigue. Elle lui apprend qu’elle cherche le bandit qui a tué son mari… Après avoir été de la grande aventure du western spaghetti avec trois films de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars en 1964, Pour quelques dollars de plus en 1965 et évidemment Le bon, la brute et le truand en 1966), Clint Eastwood est de retour aux Etats-Unis. Avec un statut de star ! Devant la caméra de Ted Post, Eastwood va, en 1968, incarner Jed Cooper dans Pendez-les haut et court, un solide western riche en rebondissements qui illustre aussi la manière dont le comédien va construire avec intelligence sa carrière d’acteur mais aussi de réalisateur et de producteur. Hang’em High (en v.o.) s’attache à un des thèmes les plus violents du western et aussi de la société américaine, en l’occurrence le lynchage et Ted Post (qui avait dirigé l’acteur dans plusieurs épisodes de la série Rawhide et qui le retrouvera, en 1973 dans Magnum Force, deuxième aventure de l’inspecteur Harry) décline les différentes formes de pendaison, de celle, sommaire, qui se situe au début du film, à la pendaison officielle qui est l’occasion de réjouissances locales sans oublier le suicide par pendaison d’un des principaux personnages du film. Le scénario lui-même invite à s’interroger sur les rapports entre la loi, la justice et ses applications. En tête d’affiche, Clint Eastwood est entouré d’une belle brochettes de comédiens chevronnés comme Ed Begley, Pat Hingle, la belle Inger Stevens ou Charles McGraw mais aussi des débutants comme Dennis Hopper ou Bruce Dern. Le film sort dans une belle édition limitée et restaurée en digibook Blu-ray/DVD avec une présentation d’Olivier Père et Jean-François Giré. Pour sa part, Patrick Brion signe un livret (68 pages) sur la carrière exemplaire du grand Clint dans le western. (Sidonis Calysta)
L'InnocenceL’INNOCENCE
Dans une ville de province au Japon, un enfant se comporte de manière étrange. Au fur et à mesure que l’histoire se déroule à travers les yeux de la mère, de l’enseignant et de l’enfant lui même, la vérité émerge progressivement. Ainsi, chaque personnage du film pourrait à un degré variable être marqué du sceau de la figure du monstre, qui apparaît dans le film comme un reflet des angoisses sociales contemporaines. Avec ce drame mâtiné de thriller dont le titre original Kaibutsu peut se traduire par « monstre », le réalisateur d’Une affaire de famille (Palme d’or à Cannes 2018) est de retour au pays. Ses deux précédents films (La vérité et Les bonnes étoiles) ayant été tournés respectivement en France et en Corée du Sud. Le film raconte l’histoire du jeune Minato, dont le comportement est de plus en plus préoccupant. Sa mère, qui l’élève seule depuis la mort de son époux, décide de confronter l’équipe éducative de l’école qui affirme que tout va bien. Tout semble pourtant désigner le professeur de Minato comme responsable des problèmes rencontrés par le jeune garçon. Mais la vérité se révèle bien plus complexe et nuancée que ce que chacun avait anticipé au départ. Kore-eda développe donc trois versions d’un même récit, commençant par le point de vue de Saori, la mère qui constate que quelque chose cloche chez son fils qui revient de classe avec des bleus ou de la terre dans sa gourde. Le second volet est centré sur le professeur que tout semble accuser. Mais, dans ce film qui a obtenu le prix du scénario l’an dernier à Cannes, les versions, évidemment, varient. Car l’enseignant pense que Minato s’en prend consciemment à un autre jeune garçon de la classe. Enfin, on trouve le point de vue de l’écolier… Kore-eda peut ainsi approfondir des thèmes aussi différents que la rumeur et le poids des réseaux sociaux mais aussi les rapports passablement compliqués en matière de pouvoir entre les parents et la communauté éducative ou encore le harcèlement scolaire. Dans cette histoire émouvante, le réalisateur de Nobody Knows (2004) ou Tel père, tel fils (2013) trouve le ton juste et une mise en scène pleine de sensibilité pour raconter le monde de l’enfant comme celui des adultes. Une histoire sur laquelle court la musique du grand Ryuichi Sakamoto, disparu en mars 2023. (Le Pacte)
Iris HommesIRIS ET LES HOMMES
Tandis qu’il la manipule vigoureusement, l’ostéopathe d’Iris l’interroge : «Comment ça va, la vie ?» Iris constate que tout va bien : un mari formidable, deux filles parfaites, un cabinet dentaire florissant. La question que l’ostéo ne pose pas : « Depuis quand n’avez-vous pas fait l’amour ? » Comme si elle lisait les pensées qui troublent Iris alors qu’elle attend son tour pour un rendez-vous parent/prof, une femme lui suggère : « Rien de plus simple que de prendre un amant ! » Deux clics sur une banale appli de rencontre et le tour est joué. C’est le bon coin du sexe sans prise de tête. Les messages bipent à tour de bras. Des hommes comme s’il en pleuvait ! La cinéaste Caroline Vignal retrouve Laure Calamy avec laquelle elle avait réussi le réjouissant Antoinette dans les Cévennes (2020). Ici, Iris part à la chasse aux hommes parce qu’elle est bien obligée de constater qu’elle s’ennuie dans son couple. Alors, elle décide de se reconnecter avec son désir. Jouer la carte du poly-amour, jouir enfin. Cette comédie de mœurs plutôt souriante permet à Caroline Vignal de concocter un rôle sur mesure pour Laure Calamy qui, à travers Iris, dévoile sa fragilité qui est aussi celle de beaucoup de femmes, à l’approche de la cinquantaine. D’une scène à l’autre, elle incarne une femme mûre, « rangée des voitures », qui aurait prématurément renoncé à l’amour, une toute jeune fille à fleur de peau, une femme adulte en pleine possession de ses moyens, de sa puissance sexuelle. Enfin et surtout, dans le regard des hommes, Iris est une femme magnifique, bouleversante, infiniment désirable. (Diaphana)
Une Affaire HonneurUNE AFFAIRE D’HONNEUR
Dans le Paris de 1887, seul le duel fait foi pour défendre son honneur. Clément Lacaze, charismatique maître d’armes, se retrouve happé dans une spirale de violence destructrice. Dans le cercle d’escrime tenu par Adolphe Tavernier, il va croiser Marie-Rose Astié de Valsayre, journaliste et militante féministe en avance sur son époque, et décide de lui enseigner l’art complexe du duel. En effet, la jeune femme a été humiliée publiquement par Ferdinand Massat. Le rédacteur en chef du Petit Journal s’est moqué de ses « vapeurs » et elle entend laver son honneur par les armes. Même si, comme le dit un bretteur, un homme ne se bat pas avec une femme. Clément et Marie-Rose vont faire face aux provocations et s’allier pour défendre leur honneur respectif. Par ailleurs, Clément Lacaze va tenter de dissuader -mais en vain- son neveu Adrien de se battre avec le colonel Berchère, un combattant très expérimenté… D’entrée de jeu, Vincent Perez (qui réalise là son quatrième long-métrage) s’installe dans un riche appartement parisien dans lequel s’affrontent deux escrimeurs dont le maître d’armes Lacaze réputé être le plus grand escrimeur de son temps… À la fin du 19e siècle à Paris, on compte un duel par jour et un mort tous les trente-cinq affrontements, sans compter les blessés. Dans l’atmosphère revanchiste à la suite de la défaite contre la Prusse en 1871 et dans la foulée de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la moitié des duellistes sont des militaires et l’autre vient du monde de la presse nouvellement démuselée et des arts et des lettres à l’honneur bafoué par cette dernière. En 1887, alors que l’histoire millénaire du duel subit ce dernier regain mortifère, les salles d’armes, véritables salles de gym de la Belle époque, pullulent, souvent attenantes des bureaux de rédaction… Vincent Perez et Michel Carliez, spécialiste des cascades, envisageaient depuis longtemps de monter un film autour du duel et de sa longue histoire. C’est donc chose faite avec Une affaire d’honneur. Un drame bien enlevé et centré sur le personnage de Clément Lacaze, bretteur sombre et taiseux hanté par les horreurs de la guerre de 1870. Roschdy Zem incarne avec justesse cet escrimeur entouré de bons comédiens comme Doria Tillier, Guillaume Gallienne, Damien Bonnard et Vincent Perez, lui, dans le rôle de Berchère, un officier qui ne supporte pas de perdre sa fiancée pour un homme plus jeune que lui. Entre un élite qui refuse la modernité et les premiers combats féministes, le cinéaste réussit une intéressante chronique d’un monde en train de complètement changer. (Gaumont)
WonkaWONKA
Aspirant magicien, inventeur et chocolatier, Willy Wonka arrive en Europe pour établir sa boutique de chocolat aux Galeries Gourmet. Ayant rapidement dépensé ses maigres économies, il est rabattu par Mr Bleacher chez Mme Scrubitt, et, malgré l’avertissement de l’orpheline et employée Noodle sur l’importance des petits caractères, il signe le contrat parce qu’il est analphabète. Pour payer les frais exigés par le contrat, Wonka présente aux Galeries Gourmet des « chocovols », des chocolats qui font voler les gens, faisant face à la moquerie des membres du cartel du chocolat : Gerald Prodnose, Félix Fickelgruber et et de son chef Arthur Slugworth. Ils appellent le chef de la police pour confisquer ses revenus pour avoir vendu du chocolat sans magasin. Le cartel du chocolat qui oeuvre en secret, exploite la faiblesse du chef en lui versant en pots-de-vin, leurs chocolats pour forcer Wonka à ne plus faire de chocolat et à quitter la ville ou carrément à le faire disparaître… On se souvient avec plaisir de Charlie et la chocolaterie que Tim Burton tira, en 2005, du roman éponyme de Roald Dahl. On y trouvait, sous les traits de Johnny Depp, le personnage de Willy Wonka. Cette fois, devant la caméra du Britannique Paul King, réalisateur, en 2014 et 2017, des deux Paddington, c’est Timothée Chalamet, vu dans le récent Dune, qui se glisse dans la peau du légendaire et extravagant confiseur dans une préquelle du film de Burton. Si l’idée d’une prequelle pouvait surprendre, le résultat est tout à fait plaisant. L’aventure gourmande et musicale est… savoureuse et Chalamet propose une composition brillante en maître chocolatier dont l’existence va prendre un tournant majeur le jour où il rencontre les fameux Oompa-Loompas, seules personnes (payées en fèves de cacao) que Willy Wonka autorise à travailler dans son usine en raison du risque d’espionnage industriel. L’un de ces Oompa-Loompas, surnommé Colosse, est incarné par Hugh Grant. En multipliant les rebondissements dans une mise en scène inventive, Paul King a concocté une belle recette sur fond de merveilleux, de bonne humeur et de générosité. Timothée Chalamet est entouré d’excellents comédiens britanniques comme Olivia Colman, Sally Hawkins ou Rowan Atkinson. Enfin la musique de Joby Talbot et les chansons de Neil Hannon sont très efficaces ! (Warner)
Batiment 5BATIMENT 5
Jeune femme très impliquée dans la vie de sa commune, Haby découvre le nouveau plan de réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi. Mené en catimini par Pierre Forges, un jeune pédiatre propulsé maire, il prévoit la démolition de l’immeuble où Haby a grandi. Avec les siens, elle se lance dans un bras de fer contre la municipalité et ses grandes ambitions pour empêcher la destruction du bâtiment 5. Le film de Ladj Ly fait clairement allusion à des situations réelles et le cinéaste remarque : « Je suis issu de Montfermeil, j’y ai grandi, ai été nourri par les histoires de ses habitants qui imprègnent forcément mes films mais dans ce cas, j’ai voulu élargir le cadre. Ce qui se passe dans les quartiers de Montfermeil se passe dans de nombreuses autres villes, en France comme ailleurs. En inventant une ville, je me suis dit que tout le monde pourrait s’y refléter. De même pour le principe d’un film choral, qui explore des histoires dans l’histoire, de la trajectoire de ce maire à celle d’une militante associative, de son ami ou du maire adjoint. Le tout lié par un constat sur le politique. » Bâtiment 5 est une manière de dire qu’il est temps de repenser les choses en cherchant, à travers une militante qui le symbolise, des pistes, des nouveaux moyens de faire. A la différence des Misérables qui évoquait la question du comportement policier et spécialement celui de la BAC, Bâtiment 5 aborde une autre problématique, celle du logement social. Et Ladj Ly, avec le personnage d’Haby, insuffle de l’espoir dans son propos. Ses personnages sont certes désabusés, ils n’y croient plus mais Haby (Anta Diaw) représente une possible clé d’ouverture en décidant de s’impliquer jusqu’à se présenter aux élections municipales. « Rien ne dit qu’elle sera élue, souligne le cinéaste, mais au moins, la démarche est là. » Enfin cette sortie s’accompagne aussi d’un coffret qui regroupe Bâtiment 5 et Les Misérables, le premier long-métrage de fiction du cinéaste sorti en 2019 et prix du jury à Cannes. Parmi les bonus, un entretien avec Ladj Ly, le film à Cannes et des scènes coupées. (Le Pacte)
First Slam DunkTHE FIRST SLAM DUNK
Meneur de jeu de Shohoku, Ryota Miyagi joue toujours intelligemment et à la vitesse de l’éclair, contournant ses adversaires tout en gardant son sang-froid. Né et élevé à Okinawa, Ryota avait un frère aîné de trois ans de plus. Sur les traces de ce dernier, joueur local célèbre dès son plus jeune âge, Ryota est également devenu accro au basket. En deuxième année de lycée, Ryota fait partie de l’équipe de basket-ball du lycée Shohoku, aux côtés de Sakuragi, Rukawa, Akagi et Mitsui, et participe au championnat national inter-lycées. Pour l’équipe de Ryota, l’heure est venue de se mesurer aux champions en titre, les joueurs du lycée Sannoh Kogyo. Voici la première adaptation au cinéma du manga culte Slam Dunk qui s’est vendu à plus de 160 millions d’exemplaires au Japon. Véritable phénomène à sa sortie dans les salles nippones, The First Slam Dunk a conservé la première place au box-office japonais pendant huit semaines consécutives, détrônant ainsi Avatar : la voie de l’eau. Le film devient aussi le cinquième film japonais le plus rentable de tous les temps. Lui-même auteur du manga originel, le réalisateur Takehiko Inoue signe le scénario et la mise en scène de The First Slam Dunk. Mais le cinéaste a souhaité ne pas reproduire à l’identique son œuvre initiale. Il se focalise donc sur un autre personnage : Ryota Miyagi et non Hanamichi Saku, le protagoniste du manga. Mêlant une animation 3D pour les scènes de matchs de basket et d’animation 2D dessinée à la main pour celles de la vie quotidienne, le film impressionne par le soin apporté au graphisme. Certaines séquences de matchs ont également été réalisées grâce à la capture de mouvement pour reproduire les actions des joueurs avec le plus de réalisme possible. En complément, on trouve une interview (28 minutes) de Takehiko Inoue. (Wild Side)
Pour Amour CielPOUR L’AMOUR DU CIEL
Alors qu’il vient de conclure un juteux marché avec des Américains, le riche industriel romain Carlo Bacchi est, le jour même de son anniversaire, mortellement renversé par un camion. Las, il se voit refuser l’entrée au paradis. Le juge céleste lui octroie alors douze heures pour racheter ses fautes en faisant, en particulier, le bonheur d’Amedeo Santini, un de ses ouvriers qui a tenté de se suicider. Il se relève donc indemne et rentre chez lui. Au grand dam de sa famille, Bacchi va commencer à régler ses affaires. Il se met à la recherche de Santini, convoque les délégués de son usine pour leur en donner les clés. Mais satisfaire Santini (Julien Carette) ne va pas être une mince affaire. En 1950, le cinéaste italien Luigi Zampa (1905-1991) porte à l’écran un scénario de Cesare Zavattini, souvent considéré comme le père du néoréalisme italien, et signe l’un des premiers films officiellement coproduit par la France et l’Italie dans une tentative commun de défier le cinéma hollywoodien. Etiquetté « film néoréaliste rose », Pour l’amour du ciel, avec des dialogues du grand Henri Jeanson, mêle la critique sociale et la comédie avec une touche de fantastique et une réflexion « chrétienne » sur les humains comme en atteste la dernière réplique : « Heureux ceux qui se perdent car ils seront sauvés ». En tête d’affiche, coproduction oblige, on trouve un « nouveau » Jean Gabin. Avant la guerre, il était un jeune premier romantique (Gueule d’amour de Grémillon) ou un ouvrier engagé (La belle équipe de Duvivier). La star française est revenu de la guerre, les cheveux blanchis. C’est un autre homme qui retourne au cinéma. Il a troqué la salopette pour le costume-cravate et son personnage porte le poids de ses erreurs passées. Gabin est toujours juste mais il lui faudra attendre 1954 et Touchez pas au grisbi de Jacques Becker pour revenir définitivement tout en haut de l’affiche… (Pathé)
Chasse GardéeCHASSE GARDEE
Charmant jeune couple parisien, Adelaïde et Simon ne supportent plus la vie dans leur capitale sauvage et surpeuplée. Avec leurs deux enfants, ils trouvent leur bonheur dans une vaste propriété, située dans la commune très rurale de Saint-Hubert. Mais ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils viennent de s’installer sur le terrain de chasse favori des habitants du village, bien décidés à perpétuer leur mode de vie… Antonin Fourlon et Frédéric Forestier n’innovent pas vraiment en confrontant l’existence urbaine à la vie rurale. D’un côté, l’enfer de la grande ville, de l’autre le charme (réel) de la campagne. De quoi alimenter, sans trop se casser la tête, le scénario d’une comédie française. Parce que vivre dans la capitale, c’est se prendre la tête avec les tenants de la trottinette électrique alors que les « ruraux » sont des gens agréables qui n’oublient pas de se dire bonjour quand ils se rencontrent. Mais il y a les… chasseurs. Et là, l’existence de la famille d’Adelaïde et de Simon devient moins idyllique. Le couple parisien (Hakim Jemili et Camille Lou) va tout tenter pour éloigner les chasseurs de leur propriété. Adelaïde fera même appel à son avocat de père (Thierry Lhermitte) pour arriver à ses fins. Mais les chasseurs, emmenés par Bernard (Didier Bourdon qui se souvient qu’il fut Dédé lorsque Les Inconnus chassaient la galinette cendrée) ne sont pas les viandards bas du front qu’on imagine… Où comment atteindre -peut-être- le vivre ensemble. (Seven 7)

 

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