Les dinosaures, l’influenceuse et les vacances en famille
GENETIQUE.- Il faut se rendre à l’évidence, les dinosaures n’intéressent plus grand-monde. D’ailleurs le florissant Jurassic Park a (tristement?) fermé ses portes. Pire, notre planète s’est révélée de plus en plus inhospitalière pour ces grosses bêtes. Les dinosaures -et parmi eux les bêtes les plus dangereuses- qui subsistent vivent désormais isolés dans des environnements réduits aux confins de l’Equateur dont les climats sont proches de ceux dans lesquels ils s’épanouissaient autrefois. Ces zones-là sont strictement interdites à tous les humains. Mais il se trouve qu’un grand groupe de recherches médicales et pharmaceutiques ambitionnent de créer un médicament-miracle qui permettrait de lutter contre les maladies coronariennes de la planète et même de carrément sauver l’humanité. Mais, pour cela, il faut prélever du sang sur trois spécimens différents parmi les créatures les plus monstrueuses de cette biosphère tropicale… Mandaté par son groupe, Martin Krebs constitue une équipe pour mener à bien cette mission ultra-confidentielle de prélèvements génétiques. On y trouve Zora Bennett, une ex des forces spéciales reconvertie dans les opérations secrètes et rentables, son bras droit Ducan Kincaid ou encore le docteur Henry Loomis, un spécialiste de paléontologie… Lorsque ces derniers arrivent sur site, en l’occurrence en pleine mer, ils tombent sur une famille de civils naufragés dont l’embarcation a été renversée par des dinosaures aquatiques en maraude. Tous vont être bloqués sur une île non répertoriée qui abritait autrefois un centre de recherche secret…
Il est déjà loin le temps -c’était en 1993- où Steven Spielberg ouvrait les portes de Jurassic Park. Le même Spielberg enchaîna, en 1997, avec Le monde perdu : Jurassic Park avant de passer la main à des collègues moins connus tout en demeurant producteur délégué. Réalisé par Gareth Edwards, Jurassic World : Renaissance (USA – 2h13. Dans les salles le 4 juillet) est ainsi le septième opus d’une saga à succès. Autant dire qu’on est en pays de connaissance. Les dinosaures ne nous surprennent plus vraiment même si le premier qui entre en piste dans l’océan semble faire un petit clin d’oeil à une autre star spielbergienne, le fameux requin des Dents de la mer. Bref, on suit tout cela du coin de l’oeil, en appréciant paisiblement les scènes d’action (avec Scarlett Johansson en baroudeuse malicieuse) et en devinant, de manière un peu cynique, quels personnages vont passer à la casserole. Pour Martin Krebs, aucun doute. Il va y rester. Comme il se doit pour le « méchant » du film. Dernier clin d’oeil, parmi les dinosaures mutants qui peuplent l’île perdue, on a remarqué une (grosse et sale) bestiole qui ressemble étrangement au monstre imaginé par le Zurichois H.R. Giger pour le premier Alien (1979). Vérification faite, Spielberg n’est pas dans le coup d’Alien. C’est donc un pur hommage à un grand film de terreur!
INTERNET.- Magalie Moreau est née le 12 mars 1989, le jour où Internet était mis à la disposition du grand public. Autant dire qu’elle était, d’une certaine manière, marquée par la prédestination. Mais c’est surtout une maladie rare qui a fait basculer la vie de cette étrange adolescente. En effet, Magalie est absolument insensible à la douleur. Alors, parce que son père regarde beaucoup de vidéos, la gamine se lance. Elle décide de se filmer en… action. « Salut c’est Magaloche et je teste pour vous… » Les « tests » porteront sur une batterie de voiture qui l’électrocute, sur un marteau qui écrase sa main, une machine à coudre qui lui pique les doigts ou encore une batte de baseball lancée à vive allure par une voiture de course qui lui cogne la tête… Le bras dans le plâtre et avec un appareil dentaire qu’elle ne peut retirer, Magalie, accompagnée de Patrick, son assistant personnel, rentre dans un superbe chalet de montagne qu’elle vient d’acheter. Elle se retire là parce qu’un tournage est parti en vrille. En effet la dernière expérience prévue était la chute contrôlée d’un piano, suspendu par une grue. Pour que cela soit plus impressionnant, Magalie demande avec insistance au grutier de monter le piano encore plus haut, alors que la sécurité ne peut plus être garantie. Le piano tombe sans contrôle, et la coiffeuse personnelle de Magalie est tuée. De graves embrouilles se profilent…
L’accident de piano (France – 1h28. Dans les salles le 2 juillet) est le quatorzième long-métrage de Quentin Dupieux, un réalisateur qui a notamment établi sa réputation en tournant des films quasiment à jet continu, avec des budgets modestes et en accueillant de plus en plus de vedettes reconnues dans ses productions. Si le cinéaste a, lui-même, souligné que ses budgets n’étaient plus aussi modestes qu’avant, il reste que ses films portent une signature très reconnaissable placée sous le signe du délire décalé. Or c’est, ici, ce qui manque un peu. Certes, Magalie, avec ses « expériences », s’inscrit dans cette veine mais Quentin Dupieux s’attache surtout à dresser le portrait d’une « star » (richissime) des réseaux sociaux pour décrire l’imbécilité et l’inanité de ces derniers. Et, de fait, on se lasse de cette pauvresse inculte et odieuse qui se sait une « merde humaine de compétition ».
La journaliste qui réussit à décrocher la première interview de Magalie (contrainte par un chantage à l’accident de piano) lui demande : « Vous n’avez plus besoin d’argent, pourquoi continuez-vous ? » La réponse de Magalie est magnifique et interroge : « 20 000 secondes d’image en 15 ans, ce n’est pas tellement… » On le croit volontiers.
Comme on l’a dit, les comédiens aiment à venir tourner avec Quentin Dupieux. Ici, le cinéaste retrouve Adèle Exarchopoulos, déjà présente dans Mandibules (2020) et Fumer fait tousser (2022), qui s’est fait une tête improbable pour sa Magalie. Elle est entourée de Sandrine Kiberlain (la journaliste), Jérôme Commandeur (Patrick) et Karim Leklou, très drôle en fan bas du front. Pas le meilleur Dupieux mais se laisse quand même regarder.
SARDAIGNE.- « Ça y est, ça enregistre ! » Claudine empoigne son iPhone et capte l’histoire d’un voyage en Sardaigne… Qui commence dans une gare parisienne puis dans les couchettes d’un train et va se poursuivre dans une voiture à bord de laquelle on trouve Sophie, Jean-Phi son ami ainsi que Claudine, la jeune adolescente et Raoul, un petit bonhomme de trois ans. Qui va donner bien du fil à retordre à tous ceux qui l’entourent…
Avec L’aventura (France – 1h47. Dans les salles le 2 juillet), Sophie Letourneur tourne son sixième long-métrage et donne le second voyage d’une trilogie italienne entamée avec Voyages en Italie (2023) et dans lequel la cinéaste incarnait déjà Sophie, avec Philippe Katerine dans le rôle du lunaire Jean-Phi.
Sous ses allures de comédie ensoleillée, cette Aventura (clin d’oeil à la célèbre chanson de Stone et Charden de 1971 qu’on entend au générique de fin) est une sorte de « famille au bord de la crise de nerfs » pendant un périple transalpin. Entre « Merde, il est en train de faire caca sous la table », « Maman, j’ai envie de faire pipi », « Attention, le verre, il va tomber ça c’est sûr », « J’en peux plus de la chaleur », « Pourquoi j’ai un trou dans tous mes slips » ou « Je pense que les amortisseurs sont morts », Sophie Letourneur construit un kaléidoscope de moments, d’éclats, reliés non pas par une narration classique, mais par des liens plus souterrains.
« J’aime enregistrer, dit la réalisatrice, car je trouve trop beau ce qu’il se passe dans la vie. C’est pour prendre une empreinte de cette beauté, et tenter de la reconstituer et de la transmettre, de l’exprimer. »
Au fil de ce voyage inattendu et parfois franchement agaçant, Sophie Letourneur se penche sur des personnages pris dans les affres de leurs névroses, offrant aussi un portrait de chacun des rôles qu’on peut avoir au sein d’une famille, dans la fratrie, la parentalité, et aussi la place qu’on se donne à soi-même. Tous les personnages sont en transition. Claudine quitte l’enfance, mais est-elle déjà une ado ? Raoul devient un petit garçon qui va faire des phrases et gagner en autonomie. Bientôt la fin des couches et l’entrée à l’école, ce qui va permettre à Sophie d’avoir un petit peu moins de charge mentale, de récupérer un peu plus son corps et son espace qui sont accaparés pendant tout le film. Le couple va aussi pouvoir sortir la tête de l’eau pour décider ou pas de se quitter. Quand ils feront le point, ils diront : « C’était bien. Y’a rien à dire ? »