Il voit des reins partout

Un type couché au bord d’une rivière, pas trop loin d’une ville, se réveille avec une solide gueule de bois… Il y a l’alcool certes mais pas que… En se traînant jusqu’à son hôtel (où il semble découvrir des reliefs de fête), il constate qu’il porte une grande cicatrice dans le bas du dos. Bientôt il lui faudra se rendre à l’évidence. On lui a volé un rein.Si la chronique de la rumeur connaît bien les vols d’organes, notamment dans la déclinaison parking de supermarché ou toilettes de grand magasin, il semblerait que ce n’est pas cela qui ait amené Benoît Delépine à écrire le scénario d’Ablations. C’est, selon ses dires, au lendemain d’une grosse cuite et à la suite d’un mauvais rêve, que lui est venue l’idée. D’un cauchemar, l’autre.Le fantastique est trop rare dans le cinéma français pour qu’on ne prête pas un œil attentif aux expérimentations bien de chez nous… Evidemment la raison qui a conduit Benoît Delépine, pilier de Groland où il a longtemps incarné l’ineffable grand reporter Michael Kael, à pondre le scénario (et les dialogues) d’ Ablations est plutôt particulière. Mais enfin…

On démarre, au générique, avec une trouvaille qui illustre joliment l’idée d’ablation… Après quoi, le personnage central qu’on n’abandonne pratiquement jamais, va plonger dans une histoire (forcément?) abracadabrante. On lui a donc volé un rein et (forcément!) il ne s’en remet pas. Au propre et plus encore au figuré. Commence alors une dégringolade mentale qui amène le malheureux Pastor Cartalas à raconter n’importe quoi à son épouse qui (forcément) imagine n’importe quoi résumé par un  « Pourquoi gardes-tu ton tee-shirt? » quand il vient au lit… Il est vrai que le bougre délaisse de plus en plus le lit conjugal. Car le médecin qu’il est allé voir pour tenter de comprendre ce qui lui arrive, n’est autre qu’une ex. Que ça ne dérange pas vraiment de renouer avec un Pastor qui, lui-même, ne paraît pas insensible aux charmes d’Anna. Le problème, c’est que la dite Anna, pour être médecin, est surtout un peu branque…

Voulu comme l’enquête d’un type bien perturbé par son drame et qui tente de rassembler les pièces d’un puzzle étrange, Ablations a le défaut de partir dans tous les sens. On sait bien que nous sommes dans un univers frappé au sceau du fantastique mais, à défaut d’une (impossible) logique, on aurait aimé un rien de cohérence dans la conduite du récit. Que va faire Pastor dans une boîte de nuit? Y aurait-il passé la soirée précédant son drame? Observant une strip-teaseuse à la barre, il croit voir une cicatrice au bas de son dos. Finalement il embarque une énigmatique Asiatique, finit la nuit avec elle. A son réveil, la belle, couverte d’ecchymoses, confie: « C’était bien mais tu m’as fait mal ». Une piste peut-être?

Passent encore par là, des chirurgiens radiés du métier mais qui pourraient avoir gardé le coup de main quand il s’agit de manier le scalpel, un entraîneur de football récemment greffé du rein et spécialement mal embouché (ce qui nous vaut une pique pour le PSG), bientôt un vétérinaire, lui aussi viré de son Ordre et encore un collectionneur de timbres. Et puis, pour la bonne bouche, un vieux couple dont les apparitions ne présagent rien de bon.

Pour ne pas frustrer les spectateurs d’Ablations de leur suspense, on n’en dira pas plus, notamment sur les motivations des préleveurs d’organes mais on ne peut s’empêcher de signaler le clou d’Ablations, en l’occurrence l’instant où le chien d’Anna, oui l’ex du héros, dévore le rein quasi palpitant que le malheureux Pastor  a eu toutes les peines à récupérer!

Au milieu de tout cela, navigue donc Denis Ménochet, un Pastor au regard quasiment toujours dans le vague. Ce qui est un peu normal avec ce qui lui tombe sur la tête. Florence Thomassin (Anna) et Virginie Ledoyen (l’épouse) jouent les utilités. Quant à Philippe Nahon et Yolande Moreau, ils sont en pilotage automatique, lui en dingue tranquille, elle en allumée de Dieu affirmant: « Il est temps de rendre ce que nous avons pris… »

Le cinéaste, dont c’est le premier long-métrage, a été révélé par un concours vidéo organisé par David Lynch. Il a au moins, la reconnaissance du ventre et renvoie l’ascenseur au maître avec quelques intérieurs bien rouges. Ce n’est bien sûr pas suffisant.

ABLATIONS Thriller (France – 1h34) d’Arnold de Parscau avec Denis Ménochet, Florence Thomassin, Virginie Ledoyen, Philippe Nahon, Yolande Moreau, Serge Riaboukine, Philippe Rebbot.

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