UN HÉROS TRÈS HUMAIN ET UN MUTIQUE HOMME AUX CHIENS
13 JOURS, 13 NUITS
A l’ambassade de France de Kaboul, c’est le branle-bas de combat. Partout, on s’affaire à récupérer du matériel sensible, à mettre en lieu sûr des disques durs comme des clés USB mais aussi à passer à la broyeuse des tas de documents officiels… Pas question de laisser tout cela tomber entre les mains des talibans qui ont pris le contrôle de l’Afghanistan et sont désormais entrés au coeur de la capitale Kaboul. Le 15 août 2021, les troupes américaines s’apprêtent à quitter un pays où ils sont présents depuis vingt ans, achevant ainsi la plus longue guerre menée par les Etats-Unis. Dans la ville, les talibans font régner la terreur. Au milieu du chaos, des milliers d’Afghans affluent, dans la Green Zone, vers le dernier lieu encore protégé: l’ambassade de France. Moh sait que sa tâche va être très rude, en l’occurrence organiser le départ des ressortissants français mais aussi de centaines d’Afghans terrorisés prêts à tout pour fuir leur pays. Le convoi de la dernière chance sera une kyrielle de seize bus en route pour l’aéroport d’où ils pourront s’arracher à l’enfer de Kaboul. Martin Bourboulon a lu 13 jours, 13 nuits : dans l’enfer de Kaboul, le livre de Mohamed Bida paru en 2022 chez Denoël et, dans les pas du commandant, a construit un solide thriller qui n’a rien à envier aux productions hollywoodiennes du même type. Il a pris comme modèle le style très efficace (et violent) de Sicario (2015) de Denis Villeneuve sur la guerre entre la CIA et les narcotrafiquants. Le film raconte donc l’aventure de Mohamed Bida, nommé attaché de sécurité intérieure de l’ambassade de France, après l’attentat (non revendiqué) du 31 mai 2017 dans le quartier des ambassades de Kaboul qui fit 150 morts et 463 blessés. Le commandant Bida est chargé de veiller sur le personnel de l’ambassade. En août 2021, il est l’un des principaux responsables de la sécurité de l’ambassade et, pendant « treize jours, treize nuits », il va assurer avec un petit groupe de policiers du RAID et en coordination avec l’ambassadeur David Martinon replié à l’aéroport, l’exfiltration de plusieurs centaines de personnes réfugiées à l’ambassade. « Bien au-delà de sa mission », il organise l’accueil et l’hébergement des employés afghans en possession d’un visa comme celui des ressortissants français encore sur place. Bourboulon s’attache à rendre palpable la tension permanente qui règne à Kaboul et plus précisément dans l’unique service diplomatique encore présent dans la Green Zone. Bida sait qu’il est embarqué dans une course contre la montre et va tout mettre en œuvre pour réussir ce qui a tout d’un coup de poker. Pris au piège, il décide de négocier avec les talibans pour organiser une dangereuse sortie de l’ambassade. Pour parler directement avec des talibans forcément hostiles, il est bien obligé d’employer, comme traductrice, Eva, une jeune humanitaire franco-afghane. La scène de discussion où un petit chef taliban entraîne Moh et Eva à l’abri d’une guérite est troublante de violence prête à exploser… 13 jours, 13 nuits repose sur un héros avec Moh Bida, un type humain en diable mais pleinement conscient de sa mission. Car le commandant a tout bonnement un… job à accomplir. Face au chaos, Bida se montre courageux, déterminé et meneur d’hommes. Bourboulon a trouvé avec Roschdy Zem un interprète remarquable pour incarner un héros fort et humble. Dans l’avion qui ramène tout le monde en lieu sûr, Mohamed Bida se recroqueville sur lui-même, submergé par l’émotion. Quelques jours plus tard, il partait à la retraite après quarante années de service. (Pathé)
BLACK DOG
Quelque part, en Chine, aux portes du désert de Gobi, un vaste paysage minéral est soudain traversé par des dizaines, voire des centaines de chiens errants. Au passage des bêtes, un minibus fait une embardée et se retourne. Les passagers parviennent tous à sortir pratiquement indemnes du véhicule. Un passager se tient, silencieux, à l’écart. Le chauffeur a demandé l’aide de la police. Qui tarde à venir. Lorsque les uniformes déboulent enfin, ils remettent le minibus sur ses roues et réclament les papiers de tous les voyageurs. L’homme silencieux, nommé Lang, présente un document. « Conditionnelle ! » dit le flic qui ajoute : « Vous étiez célèbre ! » Lorsque les passagers du minibus arrivent en ville, cette grande cité triste est en état de crise. Un haut-parleur diffuse : « Un chien maigre et noir rôde en ville ». On ne sait s’il a la rage mais cela ajoute à l’inquiétude. Lang sillonne la ville, s’arrête dans un petit restaurant où on lui offre un bol de nouilles. Parce qu’il fut célèbre, autrefois, ici. Contre un grand immeuble promis à la démolition, il s’arrête pour soulager un besoin naturel. Un lévrier noir famélique débouche d’un soupirail et s’approche, menaçant, de lui. Lang saisit une grosse pierre puis un bâton pour chasser le chien… Sur un mur, on aperçoit un dessin déjà défraîchi qui annonce les Jeux olympiques de Pékin de 2008. Mais, dans cette ville, on semble très loin, même si la télévision est présente partout, de cet événement planétaire. Lang retrouve la petite maison de son père. Un vieux voisin : « Ton père sait que tu es revenu ? Il vit au zoo maintenant et boit beaucoup… » Alors qu’il entre chez lui, découvrant un sacré bric-à-brac, de jeunes types en moto, le menacent : « Tu as du culot de revenir ! Tes jours sont comptés… » Remarqué pour ses préoccupations humanistes, le cinéma du Chinois Hu Guan met souvent en avant le réalisme de son étude sociale. Mais, ici, malgré le décor d’une ville à l’abandon, malgré une société en berne, le film, dans une mise en scène épurée, prend un tournure assez spectrale, voire fantastique. Partout des chiens errants, voire des serpents venimeux échappés d’un commerce de boucherie où on les élève pour fabriquer des sérums… Au milieu de ce petit monde, Lang, personnage très mutique dont on ignore le passé, retrouve quelques marques. Ainsi un grand Luna-park abandonné, une tour métallique de saut à l’élastique ou encore un pauvre zoo sinistre dans lequel son père nourrit tant bien que mal un pauvre singe ou un tigre de Mandchourie. Tout au plus, Lang se rapprochera-t-il brièvement de Raisin, une jolie danseuse d’un cirque itinérant. Pour n’avoir pas à parler, sauf peut-être en sifflotant, reste le chien maigre. Qui mordra Lang (le comédien canado-taiwanais Eddie Peng) avant de se laisser, peu à peu, apprivoiser, laver, nourrir, promener… Dans les films de Hu, il y a souvent des animaux (un cheval blanc dans La brigade des 800, une vache dans Cow, une autruche dans Mr Six…) et il observe : « C’est avant tout parce que je crois que sommeille en chacun de nous une part animale. Une animalité qui peut se manifester lorsqu’il nous faut faire preuve de courage ou défier l’autorité. » Filmé en scope dans une vraie ville pétrolière de l’ouest de la Chine, Black Dog fait songer, avec Lang en « héros » chevauchant sa moto, à un road-movie ou à un western dans les grands espaces du désert de Gobi. (Memento)
LADY YAKUZA
Plongeant son héroïne au cœur d’un univers jusqu’alors réservé aux hommes, la saga Lady Yakuza redéfinit le film de yakuzas en costumes en le féminisant avec audace et raffinement. Chez Carlotta, qui décidément, se fait une spécialité du cinéma asiatique dans tous ses états, voici un beau coffret qui propose la saga intégrale, en huit films, des aventures de la femme yakuza la plus culte du cinéma nippon. Huit films précurseurs sur la puissance féminine, sur les pas d’une héroïne qui inspira le personnage culte de Lady Snowblood, dite Yuki, la tueuse professionnelle du manga éponyme tout comme Beatrix Kiddo, l’héroïne sabreuse du Kill Bill de Quentin Tarantino. Sous les traits de la ravissante Junko Fuji, Oryu la Pivoine Rouge, combattante à la fois résiliente et implacable, fait voler en éclats les stéréotypes à travers son défi lancé aux codes du patriarcat yakuza, en l’occurrence les membres d’une organisation criminelle japonaise. Prônant le sens de l’honneur dans un monde régi par la violence et la corruption, la saga enthousiasme par le style de sa mise en scène, typique de la Toei, la compagnie de production de la fin des années soixante connue autant pour ses films de violence et de sexe que pour ses films de yakuzas. Scénariste du Yakuza (1975) de Sydney Pollack, l’Américain Paul Schrader note : « Le cinéma occidental n’a pas d’équivalent d’une telle héroïne, gracieuse et digne, capable d’exercer une terrible violence vengeresse contre les hommes qui l’oppriment sans jamais perdre son sens de la féminité. » La saga s’ouvre en 1968 avec La pivoine rouge où l’on apprend que, sous l’ère Meiji (1868-1912), Ryuko Yano, fille du chef du clan Yano, voit son mariage annulé après l’assassinat de son père. Abandonnant son statut de femme, elle devient joueuse itinérante sous le pseudonyme d’Oryu la Pivoine Rouge, parcourant le Japon pour se venger et reformer son clan, avec un portefeuille oublié par l’assassin pour seul indice… On retrouve l’héroïne dans La règle du jeu (1968) puis dans Le jeu des fleurs (1959) dans lequel Oryu se rend à Nagoya pour parfaire sa formation de yakuza au sein du clan Nishinomaru. Accusée à tort de tricher à cause d’une rumeur lancée par Otoki, mère d’une jeune aveugle sauvée par Oryu, cette dernière finit par gagner la confiance du chef de clan local. Mais elle devra bientôt affronter un ambitieux yakuza, avide de contrôler un tournoi de cartes déterminant pour l’avenir de la région… Dans L’héritière (1969), Oryu consolide son autorité de meneuse tout en poursuivant sa quête de vengeance… Avec Chronique des joueurs (1969), elle est devenue chef du clan Yano et lutte contre des truands sans foi ni loi qui rançonnent les petites gens et cherchent à affaiblir son clan. Dans Le retour d’Oryu ((1970), la virtuose du sabre est confrontée à une guerre des gangs où sévissent de multiples trahisons et luttes de pouvoir. Dans Prépare-toi à mourir (1971), elle rencontre un yakuza repenti qui fait l’objet d’une tentative d’assassinat… Enfin, dans Le code Yakuza (1972), Oryu part à Osaka pour rendre visite à madame Otaka, sa bienfaitrice, dont la vie touche à sa fin. À sa mort, la Pivoine Rouge se retrouve entraînée dans une guerre de succession pour la tête du clan Doman : madame Otaka a désigné Iwaki comme successeur, mais Matsukawa, son rival, revendique le pouvoir… Dans les suppléments, Stéphane de Mesnildot préface les huit films et parle de la saga dans un entretien inédit (30 mn) (Carlotta)
CONVERSATION SECRÈTE
Spécialiste reconnu de la surveillance audio, Harry Caul est un type introverti, taciturne et un brin misanthrope. Ce spécialiste de la filature est engagé pour une mission qui consiste à enregistrer la conversation d’un jeune couple dans la foule sur la voie publique à San Francisco. Sa mission accomplie, il découvre, en retravaillant ses enregistrements pour éliminer le maximum de bruits parasites, que ce couple est en danger de mort. Pris de remords au regard d’une mission précédente qui s’était soldée par la mort d’une famille entière, il est en proie à un dilemme moral qui l’obsède et va croissant. Alors qu’il s’apprête à remettre les bandes et les photos à son commanditaire, un riche homme d’affaires, celui-ci est absent et son bras droit tente de lui forcer la main pour s’en emparer, incident qui accroît encore la méfiance et les scrupules de Harry. Participant à un salon de la filature et de la surveillance, il y croise une de ses vieilles connaissances, Bernie Moran, personnage bavard, hâbleur et sans états d’âme mais admiratif face aux états de service de Harry. À l’issue de cette soirée, Harry passe la nuit avec une femme qui accompagnait cet homme. Celle-ci s’éclipse au petit matin après lui avoir volé les bandes. Un coup de téléphone lui apprend que celles-ci sont désormais en possession de son commanditaire, qu’il est prié de venir livrer les photos et qu’il pourra alors encaisser ses 15 000 dollars d’honoraires… Une fois sur place, il entrevoit son donneur d’ordre, très irrité, en train d’écouter et de réécouter les bandes qui attestent de son infortune. Harry craint alors pour la vie du jeune couple qui doit se retrouver dans un hôtel… Réalisé entre Le Parrain et Le Parrain II, Conversation secrète, Palme d’or à Cannes en 1974, est un chef- d’œuvre du thriller paranoïaque des années 1970. Porté par la composition intérieure de Gene Hackman et la partition envoûtante de David Shire, le film capte l’angoisse sourde d’une époque marquée par le scandale du Watergate. Conversation secrète est une œuvre visionnaire aussi troublante qu’intemporelle et s’impose comme l’un des sommets de l’œuvre de Francis Ford Coppola. Le réalisateur organise un thriller d’anticipation psychologique qui rappelle des films comme Les hommes du président d’Alan J. Pakula (1976) ou Les trois Jours du condor de Sydney Pollack (1975) et sa réflexion sur l’image n’est pas sans rappeler aussi le Blow up d’Antonioni réalisé en 1966. Avec cette œuvre intimiste et confidentielle, où le son tend à remplacer l’image, Coppola entraîne le spectateur dans une enquête obsessionnelle et captivante. De nombreux suppléments accompagnent cette édition avec les commentaires audio de Francis Ford Coppola et Walter Murch, le mking of « Gros-plan sur Conversation secrète » (8 min), des interviews de David Shire et Gene Hackman (13 min), le San Francisco de Harry Caul – 1973 vs 2011 (2 min), les essais de Cindy Williams pour le rôle d’Amy et d’Harrison Ford pour celui de Mark (10 min), No Cigar, un court-métrage de Francis Ford Coppola (2 min), Coppola rencontre les étudiants de la Fémis (22 min), une lecture du scénario par le cinéaste qui revient sur certaines scènes inédites et d’autres jamais tournées (44 min). (Pathé)
APOCALYPSE NOW – FINAL CUT
Pendant la guerre du Vietnam, les services secrets de l’armée américaine confient au capitaine Willard la mission de retrouver et d’exécuter le colonel Kurtz, dont les méthodes sont jugées « malsaines ». Celui-ci, établi au-delà de la frontière avec le Cambodge, a pris la tête d’un groupe de Mnong et mène des opérations contre l’ennemi avec une sauvagerie terrifiante. Sur un patrouilleur, Willard va remonter le fleuve jusqu’au plus profond de la jungle. En étudiant le dossier de Kurtz, un personnage au parcours et au caractère exemplaires, Willard devient fasciné par cet homme qu’il doit pourtant tuer. Différentes péripéties émaillent le voyage (dont une rencontre avec l’excentrique lieutenant-colonel Kilgore), et deux membres de l’équipage du patrouilleur sont tués avant d’arriver au camp du colonel Kurtz. Ce camp atteint, Willard fait la connaissance du colonel Kurtz, qui n’ignore rien de sa mission et lui explique les raisons qui l’ont décidé à mener son projet. Willard découvre alors que le colonel est devenu un gourou à la tête d’une tribu d’indigènes. Un slogan est inscrit sur une pierre : « Our motto : Apocalypse now ». Présenté en Blu-ray dans une restauration 4K, Apocalypse now est sans aucun doute le film le plus célèbre de l’œuvre de Coppola et certainement l’un des films les plus légendaires du 7e art, tant par son ampleur, sa beauté et sa force, que par l’histoire de sa gestation, de son tournage et de sa sortie. Palme d’or à Cannes 1979 malgré de vives polémiques, ce chef-d’œuvre intemporel s’accompagne pour la première fois en UHD du documentaire culte Hearts of Darkness : L’Apocalypse d’un metteur en scène, entièrement restauré en 4K. Réalisé à partir d’archives tournées par Eleanor Coppola, il révèle les coulisses vertigineuses d’un tournage devenu légende. Dans le foisonnant Apocalypse…, le cinéaste s’attache à restituer le climat de folie de la guerre du Vietnam qui vient de se terminer. Peu de films l’avaient traitée jusqu’alors et l’œuvre de Coppola ne réalise pas ici un film de guerre, mais plutôt un film sur la guerre. Le parcours du capitaine Willard (Martin Sheen) qui le mène au colonel Kurtz (Marlon Brando) ressemble à une introspection et à un voyage vers la folie et l’horreur de la guerre. Apocalypse now a fasciné des générations de cinéphiles si bien qu’il en existe trois versions : une première de 2h33, une seconde dite « Redux » de 3h22 et une dernière de 3h02 (Final Cut) que le réalisateur considère comme la meilleure version. « Le public, dit Coppola, pourra voir, entendre et ressentir ce film comme je l’ai toujours rêvé, de la première explosion au dernier gémissement. » Il s’agit donc là de la version la plus complète de ce classique du cinéma. Les meilleures technologies audiovisuelles ont été déployées afin de présenter la vraie vision du film de Coppola, avec une puissance visuelle et sonore remarquable et bouleversante. De nombreux suppléments accompagnent cette sortie dont une discussion entre Francis Ford Coppola et Steven Soderbergh au Festival du Film de Tribeca (inédit, 35 min), des images d’archives inédites en Super 8 (22 min) ou encore L’œil de Chas Gerretsen : photographies de tournage (30 min). (Pathé)
SISSI – LA SAGA
Y-a-t-il saga plus mythique que celle de Sissi ? Sans doute pas si on considère le nombre de fois, depuis des années, où les chaînes de télévision ont profité des fêtes de Noël pour nous entraîner dans les aventures de la plus exquise des princesses de cinéma. Tous réalisés par Ernst Marischka, les trois volets de la trilogie Sissi, ainsi que Les jeunes années d’une reine, considéré comme précurseur de Sissi, viennent de faire l’objet d’une restauration en haute définition. Pour la première fois en France, ces quatre films sont proposés en Blu-Ray accompagnés de bonus vidéo, mais aussi en VOST, les versions allemandes ayant un montage légèrement différent des versions françaises. Sissi (1955) nous entraîne dans l’Autriche de 1853. L’archiduchesse Sophie, mère du jeune empereur, informe la duchesse Ludovica qu’elle aimerait qu’Hélène, sa fille aînée, soit la future impératrice. Ludovica se rend à Vienne avec ses deux filles, Hélène et Sissi, sa cadette. Franz rencontre Sissi dans des circonstances inattendues, et tombe immédiatement amoureux. Dans Sissi impératrice (1956), Sissi et Franz sont désormais mariés. Mais la jeune impératrice a du mal à accepter le protocole exigeant de la cour. Elle se sent seule et délaissée, d’autant que sa belle-mère ne cesse d’espionner ses moindres faits et gestes. Avec Sissi face à son destin (1957), on se plonge dans un Empire troublé. Les révolutionnaires hongrois sont mécontents que leur pays ait été rattaché à la Maison d’Autriche. Sissi persuade Franz de la laisser partir en Hongrie afin de calmer les esprits. Mais elle n’est pas au bout de ses peines : après avoir accompli sa mission, elle tombe gravement malade. Sorti en 1954, Les jeunes années d’une reine raconte comment, en 1873 au Royaume-Uni, la jeune Victoria, 18 ans, héritière du trône britannique, apprend l’ensemble des règles à connaître et respecter lorsqu’elle sera reine. Parallèlement, sa mère décide de la marier. Trois prétendants sont sur les rangs, dont le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Un malicieux hasard va permettre aux deux jeunes gens de se rencontrer en dissimulant leurs véritables identités. Romy Schneider n’avait que 16 ans lorsqu’elle fut propulsée au sommet de la gloire. 70 ans se sont écoulés et la star demeure étroitement associée au personnage de l’impératrice d’Autriche. La jeune Romy Schneider est resplendissante, son personnage dévoile une personnalité aussi intrépide que charmante et l’ensemble est du pur « Heimatfilm » mêlant passion amoureuse et enjeux politiques.(Rimini Editions – Arcadès éditions)
LA TAVERNE DE L’IRLANDAIS
Pour fêter son anniversaire, Thomas « Boats » Gilhooley se fait un point d’honneur d’être de retour dans l’île d’Haleakaloha en Polynésie. Né le même jour que Michael « Guns » Donovan, il veut respecter la tradition du combat annuel que les deux amis se livrent à cette occasion sous l’œil attentif de toute la population locale tandis que le docteur William Dedham joue l’arbitre. Les trois amis sont d’anciens combattants du Pacifique qui sont restés sur l’île après la guerre et se dévouent pour la population qui les a protégés des Japonais. Le docteur Dedham y a d’ailleurs installé un dispensaire au lieu de retourner auprès de sa riche famille installée à Boston. Sur l’île, il a épousé la princesse Manulani, décédée durant l’accouchement du dernier de leurs trois enfants. Les choses se compliquent lorsque Amélia Dedham, la fille née du premier mariage du médecin, débarque sur l’île à l’improviste. Très pimbêche, elle entend vérifier que son père, qu’elle n’a jamais connu, mène une vie contraire aux bonnes mœurs de la société bostonienne pour pouvoir, grâce à une clause de moralité, le déposséder de ses parts dans une riche société maritime. Dedham étant parti en tournée, « Guns » Donovan se fait passer pour le père des trois gamins. Mais Amélia, dont « Guns » apprécie clairement la compagnie, découvre que cette île est pleine de surprises… C’est en 1963 que le grand John Ford réalise Donovan’s Reef (en v.o.). Le vieux maître au bandeau sur l’oeil, a signé, l’année précédente, l’un de ses chefs d’oeuvre, en l’occurrence L’homme qui tua Liberty Valance et l’année suivante, il allait mettre en scène son ultime western avec Les Cheyennes qui montrait les Indiens sous un jour favorable. Compatissant à leur sort, le vieux westerner inscrivait son œuvre dans le contexte de la renaissance de l’identité indienne. Entre ces deux monuments, John Ford s’offrait donc une sorte de récréation, une respiration exotique (ah, la représentation de la Polynésie française avec son gouverneur aristocrate flanqué d’un secrétaire chinois) et surtout un adieu à son cher John Wayne. Ensemble, comme le rappelle Noël Simsolo dans les suppléments, Ford et le Duke ont tourné 22 films dont une série de westerns emblématiques comme Le massacre de Fort Apache (1948) ou La prisonnière du désert (1956). En compagnie de Lee Marvin (« Boats ») et d’Elizabeth Allen (Amelia), John Wayne est un « Guns » bonhomme dans une petite aventure qui ne prête pas à conséquence mais qu’on regarde avec un œil attendri. (Sidonis Calysta)
AUX JOURS QUI VIENNENT
Un couple s’enlace, amoureusement. Pourtant, dans le regard de la jeune femme, il y a comme une lassitude, une tristesse… Le tram arrive. Laura, la trentaine, s’en va. Sur son téléphone, des messages qui la font sourire. Cette jeune femme travaille comme sculptrice dans un atelier où viennent des enfants. Lou, la fille de Laura, voudrait bien aller à Pompeï en voyage scolaire et glisse que sa copine a « une mère sympa qui a de l’argent ». Laura craque. Putain de loyer et de voyage scolaire de merde avant de s’excuser : « Je fais ce que je peux ». Laura galère, élève seule sa petite fille et tente de se reconstruire après une relation tumultueuse avec Joachim. Elle mène une vie en apparence tranquille. Amusée, car il est l’exacte inverse des hommes avec lesquels elle a vécu jusque là, elle accepte la proposition de son collègue Lazare : « Je te fais le plat que tu veux ». Lorsque Laura croise Joachim, qui veut voir sa fille, très vite les choses se passent mal. Elles vont encore empirer lorsque Shirine, la nouvelle compagne de Joachim, est victime d’un accident qui fait aussi ressurgir le passé de Laura. Aux jours qui viennent est le premier long-métrage de Nathalie Najem qui donne une forte chronique sur l’expérience de l’emprise et de la violence. Dans le film, le drame n’est pas vécu par une seule femme mais par deux, ce qui ouvre la voie à l’après, après la violence, après la séparation. En se confrontant à la difficulté des relations entre ex-conjoints, la cinéaste voulait aussi sortir des clichés qui entourent ces sujets, d’autant que l’actualité fait surgir régulièrement des histoires autour de ce thème. Si Aux jours… dresse le portrait intéressant et nuancé de deux femmes qui, en se soutenant, font que la honte s’amenuise et que la solidarité puis la sororité prennent le dessus, en face d’elles, se dresse Joachim, un homme toxique qui exerce sur son entourage une emprise psychologique. Zita Hanrot est une Laura qui passe par des phases sombres et solaires. Mais elle est debout, elle construit, elle avance alors que Joachim ne fait que s’accrocher à sa nouvelle femme. On découvre Alexia Chardard dans le rôle de Shirine, scientifique et jeune femme aussi amoureuse que troublée qui hésite longtemps à mettre la loi entre elle et Joachim. Ce dernier est incarné par Bastien Bouillon qui apporte une douceur, une féminité même, un look de fils de bonne famille, à un type qui commet des actes vraiment détestables… (Blaq Out)
ANGE
Ange, la cinquantaine, est ethnologue. Ce solitaire étudie les sons, la musique, les traditions gitanes. Il parcourt les routes d’Occitanie seul à bord de son vieux van, un chapeau noir vissé sur la tête. Il est devenu, tout en étant un gadjo, un non-gitan, une sorte de gitan à sa manière, du moins un homme de voyages et de routes. Un jour, il se met en tête de retrouver son vieil ami Marco, à qui il doit de l’argent depuis des décennies. Un prétexte pour le revoir et aussi faire la paix avec lui. Sur son chemin, Ange va revoir des hommes et surtout des femmes perdus de vue depuis bien longtemps. Chez l’une, Georgina, il va deviner qu’elle a eu une fille de lui… Voilà longtemps déjà que Tony Gatlif chemine sur les routes du 7eart. Né d’un père kabyle et d’une mère gitane, le cinéaste aborde, à partir du début des années 80, le thème qu’il approfondira de film en film : les Roms du monde entier. Auteur de films comme Les princes (1983), Latcho Drom (1993) ou Gadjo Dilo (1997), celui qui se définit comme un « méditerranéen », va devenir une manière de chantre d’une « communauté en mouvement », séduit par leur univers sonore et musical d’une très grande richesse et d’une grande diversité. Porté par Arthur H dans le rôle-titre, entouré de Christine Citti, Maria de Medeiros ou Mathieu Amalric, le film raconte une aventure de musiques et de souvenirs sur fond de quête de réconciliation. Comme souvent chez Gatlif, voici une œuvre foisonnante et joyeuse pleine d’énergie et d’humanité. Comme aussi un appel au vivre-ensemble. (Blaq Out)
AMOURS CHIENNES
Un tragique accident de la circulation dans les rues de Mexico va mettre en relation trois récits parallèles et les trois protagonistes d’une histoire bien mouvementée : Octavio, jeune sans foi ni loi (Gael Garcia Bernal), Valeria, mannequin célèbre (Goya Toledo) et El Chivo, vieux révolutionnaire clochardisé (Emilio Echevarria), tous trois punis par la fatalité. Dans l’épisode 1, Octavio, adolescent banal, participe, pour se faire de l’argent, à des combats de chiens clandestins. Son chien Cofi surpasse tous ses adversaires. Mais son amour de l’argent et sa convoitise pour sa belle-sœur sont bientôt punis. Dans l’épisode 2, Valeria mène, dans un bel appartement, l’existence feutrée et superficielle des mannequins célèbres. Tout bascule après l’accident de voiture qui la cloue sur un fauteuil roulant. Son chien disparaît dans un trou de plancher et l’appartement devient la maison de l’angoisse où les rats font la loi. Dans l’épisode 3, El Chivo, vieux prof de fac devenu guérillero communiste, puis tueur à gages à sa sortie de prison, vit dans un quartier populaire de Mexico. En fin de vie, il est devenu un clochard que personne ne remarque plus dans la rue. Seuls ses chiens lui servent d’interlocuteurs. Mais son amour pour sa fille est intact. En 2000, Alejandro González Iñárritu signe, ici, le premier volet de la « trilogie de la mort » qui sera suivi de 21 grammes (2003) et de Babel (2006). Sur une bande son magnifique, voici trois histoires d’amour vouées à l’échec et de tragiques destins entremêlés autour de la perte, de la précarité et de l’animalité des hommes, les chiens faisant symboliquement le lien entre les épisodes. Une nouvelle sortie restaurée en 4K Ultra HD. Remarquable ! (Metropolitan)
KINGDOM OF HEAVEN
A la fin du 12e siècle, des croisés recherchent en France un forgeron dénommé Balian. Ce dernier est en deuil. Inconsolable depuis la mort de leur nouveau-né, sa femme s’est récemment suicidée. Balian accueille froidement la visite du chef croisé, le Baron Godefroy d’Ibelin, qui se révèle être son père. Ce dernier lui offre de l’accompagner à Jérusalem. Il refuse, laissant les croisés reprendre sans lui le chemin de la Terre sainte. À la tombée de la nuit, alors que ces derniers ont quitté le village, Balian tue son demi-frère, prêtre cupide et sans scrupule, qui avait dérobé la croix d’argent de son épouse et ordonné la décapitation de son cadavre, suivant en ceci les recommandations de l’Église qui, en ces temps, sanctionnait le suicide avec la plus extrême sévérité. En fuite, Balian parvient à rejoindre les croisés. Après plusieurs jours de route, la troupe est attaquée par des soldats lancés à la poursuite du forgeron. Godefroy est blessé et meurt quelque temps plus tard dans le port italien de Messine, que quittent les navires européens en direction de la Terre sainte. Il aura eu le temps d’adouber Balian, et de lui transmettre son titre de Baron d’Ibelin. En 2005, Ridley Scott signe un film à grand spectacle avec la réécriture romancée de l’histoire de Balian d’Ibelin qui, en 1187, adouba une centaine de soldats et défendit la ville lors du siège de Jérusalem face à l’armée ayyoubide. La version sortie dans les salles de cinéma connut un échec au box-office, particulièrement aux États-Unis. Scott supervisa ensuite une « director’s cut » et cette nouvelle version, avec une histoire plus riche et des personnages plus profonds, fut saluée par la critique. Le réalisateur de Gladiator, Alien ou Blade Runner donne une vaste fresque historique dans laquelle Orlando Bloom (Balian d’Iberlin), Liam Neeson (Godefroy) , Jeremy Irons, David Thewlis, Brendan Gleeson, Edward Norton ou Eva Green livrent des performances parmi les plus marquantes de leur carrière, à la hauteur des batailles spectaculaires dont le réalisateur a le secret. Un chef-d’œuvre à (re)découvrir pour la première fois dans sa version Director’s cut et restaurée en 4K. (Pathé)
L’ACCIDENT DE PIANO
Magalie Moreau est née le 12 mars 1989, le jour où Internet était mis à la disposition du grand public. Autant dire qu’elle était, d’une certaine manière, marquée par la prédestination. Mais c’est surtout une maladie rare qui a fait basculer la vie de cette étrange adolescente. En effet, Magalie est absolument insensible à la douleur. Alors, parce que son père regarde beaucoup de vidéos, la gamine se lance. Elle décide de se filmer en… action. « Salut c’est Magaloche et je teste pour vous… » Les « tests » porteront sur une batterie de voiture qui l’électrocute, sur un marteau qui écrase sa main, une machine à coudre qui lui pique les doigts ou encore une batte de baseball lancée à vive allure par une voiture de course qui lui cogne la tête… Le bras dans le plâtre et avec un appareil dentaire qu’elle ne peut retirer, Magalie, accompagnée de Patrick, son assistant personnel, rentre dans un superbe chalet de montagne qu’elle vient d’acheter. Elle se retire là parce qu’un tournage est parti en vrille. En effet la dernière expérience prévue était la chute contrôlée d’un piano, suspendu par une grue. Pour que cela soit plus impressionnant, Magalie demande avec insistance au grutier de monter le piano encore plus haut, alors que la sécurité ne peut plus être garantie. Le piano tombe sans contrôle, et la coiffeuse personnelle de Magalie est tuée. De graves embrouilles se profilent… L’accident de piano est le quatorzième long-métrage de Quentin Dupieux, un réalisateur qui a notamment établi sa réputation en tournant des films quasiment à jet continu, avec des budgets modestes et en accueillant de plus en plus de vedettes reconnues dans ses productions. Si le cinéaste a, lui-même, souligné que ses budgets n’étaient plus aussi modestes qu’avant, il reste que ses films portent une signature très reconnaissable placée sous le signe du délire décalé. Or c’est, ici, ce qui manque un peu. Certes, Magalie, avec ses « expériences », s’inscrit dans cette veine mais Dupieux s’attache surtout à dresser le portrait d’une « star » (richissime) des réseaux sociaux pour décrire l’imbécilité et l’inanité de ces derniers. Et, de fait, on se lasse de cette pauvresse inculte et odieuse qui se sait une « merde humaine de compétition ». Comme on l’a dit, les comédiens aiment à venir tourner avec Quentin Dupieux. Ici, le cinéaste retrouve Adèle Exarchopoulos, déjà présente dans Mandibules (2020) et Fumer fait tousser (2022), qui s’est fait une tête improbable pour sa Magalie. Elle est entourée de Sandrine Kiberlain, Jérôme Commandeur et Karim Leklou, très drôle en fan bas du front. Pas le meilleur Dupieux mais se laisse quand même regarder. (Diaphana)
DEMENTIA 13
Une veuve tente de dissimuler la mort de son mari pour toucher l’héritage de sa riche belle-famille, les Haloran. Mais alors qu’elle séjourne dans leur ancestral manoir isolé pour commémorer une tragédie passée, elle se retrouve piégée dans une atmosphère oppressante où les secrets ressurgissent… et les meurtres s’enchaînent dans l’ombre. En 1962, Francis Ford Coppola est l’assistant réalisateur du mythique Roger Corman, producteur et réalisateur de films d’horreur devenus cultes. Tandis qu’il lui prête main-forte en Irlande, Coppola demande à Corman de réaliser, avec le budget restant du tournage de The Young Racers, un film avec la même équipe technique, les mêmes décors et une partie des comédiens (William Campbell, Luana Landers et Patrick Magee). Après avoir rédigé un scénario en trois jours, le jeune Coppola tourne son premier long métrage en moins de trois semaines pour un budget de 20 000 dollars. Il a 23 ans et débute ainsi sa carrière de cinéaste. Incontestablement, Dementia 13 porte la marque des films de son producteur : esprit gore aux allures de slasher, ambiance morbide, sexe et violence. Si le film s’inscrit dans la droite lignée des séries B horrifiques de l’époque, derrière ce thriller gothique se dessine pourtant les prémices d’un futur grand cinéaste. Faisant preuve d’un sens certain de la mise en scène, le jeune Coppola réussit à instaurer un malaise palpable tout au long de son film. Incontestablement inspiré par Hitchcock, le réalisateur fait preuve d’une grande inventivité, que ce soit dans le choix des angles de prise de vue ou la bande originale angoissante, le film fourmille de trouvailles de mise en scène. « Je pense, disait le cinéaste, que c’était prometteur, plein d’imagination. Ce n’était pas tout à fait une succession de clichés. Il y a de très belles images. A bien des égards, certaines images comptent parmi les plus belles que j’ai jamais tournées. Principalement parce que j’ai composé le moindre plan. Dans les circonstances actuelles, vous n’avez jamais le temps de le faire. Donc vous laissez cela à d’autres. » Dementia 13 est présentée en Blu-ray dans une restauration 4K ultra HD. Dans les suppléments, on trouve trois inédits avec le commentaire audio de Francis Ford Coppola, une introduction du film par le cinéaste et un prologue (6 mn) « Etes-vous prêts à voir Dementia 13 » (Pathé)
MY FATHER’S SON
Jeune homme de 18 ans fraîchement diplômé de l’université, Qiao Zou doit prononcer l’éloge funèbre de son père, Zou Jiantang, un homme brutal et secret passionné de boxe et grand admirateur de Mike Tyson. Submergé par l’émotion, Qiao n’arrive pas à parler et prend la fuite… Des années plus tard, devenu ingénieur, Qiao développe un logiciel d’entraînement de boxe utilisant l’intelligence artificielle. Il modélise un adversaire virtuel reprenant les traits de son père, qui bientôt lui échappe… En se souvenant de son propre père disparu quand il était jeune, le réalisateur chinois Qiu Sheng a imaginé un drame intimiste et futuriste qui explore la relation complexe entre un père et son fils, ainsi que la mémoire numérique dans une société en pleine mutation technologique. Le cinéaste s’est aussi inspiré de l’histoire vraie d’une mère coréenne qui a utilisé la réalité virtuelle pour redonner vie à sa fille décédée et converser avec elle. Autour le la relation père-fils, du travail de deuil et de mémoire, My Father’s son interroge l’impact de la technologie sur les souvenirs et les relations familiales. Le film utilise ainsi des éléments de réalité virtuelle et d’intelligence artificielle pour explorer ces thèmes, offrant une méditation poétique et émotionnelle sur l’héritage paternel et la reconstruction des liens brisés. Loin d’un cinéma chinois à forte connotation sociale (voir, plus haut Black Dog), Qiu Sheng invite à une réflexion intime et familiale bienvenue même si le scénario comme la mise en scène sont parfois déroutants. (Blaq Out)
JURASSIC PARK RENAISSANCE
Il faut se rendre à l’évidence, les dinosaures n’intéressent plus grand-monde. D’ailleurs le florissant Jurassic Park a (tristement?) fermé ses portes. Pire, notre planète s’est révélée de plus en plus inhospitalière pour ces grosses bêtes. Les dinosaures -et parmi eux les bêtes les plus dangereuses- qui subsistent vivent désormais isolés dans des environnements réduits aux confins de l’Equateur dont les climats sont proches de ceux dans lesquels ils s’épanouissaient autrefois. Ces zones-là sont strictement interdites à tous les humains. Mais il se trouve qu’un grand groupe pharmaceutique ambitionne de créer un médicament-miracle qui permettrait de lutter contre les maladies coronariennes de la planète et même de carrément sauver l’humanité. Pour cela, il faut prélever du sang sur trois spécimens différents parmi les créatures les plus monstrueuses de cette biosphère tropicale… Une équipe est chargée de cette mission ultra-confidentielle. On y trouve Zora Bennett, une ex des forces spéciales reconvertie dans les opérations secrètes et rentables, son bras droit Ducan Kincaid ou encore le docteur Henry Loomis, un spécialiste de paléontologie… Lorsqu’ils arrivent sur site, en l’occurrence en pleine mer, ils tombent sur une famille de civils naufragés dont l’embarcation a été renversée par des dinosaures aquatiques en maraude. Tous vont être bloqués sur une île non répertoriée qui abritait autrefois un centre de recherche secret… Le temps est déjà loin où Steven Spielberg ouvrait les portes de Jurassic Park (1993). Jurassic World : Renaissance est déjà le septième opus d’une saga à succès. Autant dire qu’on est en pays de connaissance. Les dinosaures ne nous surprennent plus vraiment même si le premier qui entre en piste dans l’océan semble faire un petit clin d’oeil à une autre star spielbergienne, le fameux requin des Dents de la mer. Bref, on suit tout cela du coin de l’oeil, en appréciant paisiblement les scènes d’action (avec Scarlett Johansson en baroudeuse malicieuse) et en devinant, de manière un peu cynique, quels personnages vont passer à la casserole. Dernier clin d’oeil, parmi les dinosaures mutants qui peuplent l’île perdue, on a remarqué une (grosse et sale) bestiole qui ressemble étrangement au monstre imaginé par le Zurichois H.R. Giger pour le premier Alien (1979). Vérification faite, Spielberg n’est pas dans le coup d’Alien. C’est donc un pur hommage à un grand film de terreur! (Universal)
BRIDE HARD
Meilleures amies depuis plus de 30 ans, Sam et Betsy constatent cependant que leur amitié montre des signes de faiblesse. La carrière à haut risque de Sam en tant qu’agent secret, travaillant pour une agence de renom sur des missions classifiées, a pris le pas sur tout le reste dans sa vie, y compris ses responsabilités en tant que demoiselle d’honneur de Betsy. Sam tente tant bien que mal de gérer sa double vie, organisant l’enterrement de vie de jeune fille de Betsy à Paris tout en menant une opération clandestine à quelques rues de là. Cependant, lorsque les demoiselles d’honneur Lydia et Zoe remarquent que Sam les a abandonnées sans explication, Betsy nomme sa future belle-sœur, Virginia, très tendue, comme nouvelle demoiselle d’honneur… Connu pour le gros succès de Lara Croft : Tomb Raider (2001), le cinéaste britannique Simon West dirige, ici, dans une comédie qui mélange le film d’action et le film de mariage, la tonique actrice australienne Rebel Wilson, tour à tour espionne et demoiselle d’honneur de sa meilleure amie d’enfance incarnée par la blonde Américaine Anna Camp. Et lorsque le somptueux mariage de Betsy est pris en otage par un groupe de mercenaires, Sam va montrer qu’elle sait monter au combat. Un scénario de série B pour un divertissement léger. (Metropolitan)
I LOVE PERU
Lancé dans une course effrénée vers le succès, et une fois césarisé, un comédien biscornu abandonne ses plus fidèles amis, devient lourdingue et se fait larguer par sa petite amie. Seul face à lui-même, il rêve qu’il est un condor et décide de se lancer dans une quête spirituelle, qui l’amène au Pérou. Voilà une entreprise qui a le mérite de l’originalité. Avec une équipe réduite, un budget annoncé à 400 000 euros et un appareil photo pour tourner de façon minimaliste, Raphaël Quenard (et Hugo David comme co-réalisateur) donne, en toute liberté, spontanéité et avec un sens certain de l’autodérision, un mélange de documentaire et de fiction hybride et décalé, pensé comme une quête existentielle et un moyen de fuir l’image médiatique du succès. Il est vrai que Raphaël Quenard doit désormais en connaître un rayon sur cette question du succès, lui qui est apparu soudainement en 2023 dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand et dans Yannick de Quentin Dupieux. Nommé aux César 2024 pour ces deux films, respectivement comme meilleure révélation masculine et meilleur acteur, le comédien remporta le César de la meilleure révélation masculine pour Chien de la casse. Le cinéaste donne aussi une suite de portraits décalés avec la participation amicale de Jean-Pascal Zadi, Michel Hazanavicius, Jonathan Cohen, Emmanuelle Devos, François Civil, Eric Judor, Benoît Poelvoorde, Gustave Kervern, Marina Foïs, Gilles Lellouche et le Mulhousien Grégory Weill, le plus grand agent d’acteurs du cinéma en France. Imparfait, provocateur, jubilatoire, bien barré. (Le Pacte)
THE THINGS YOU KILL
Après plusieurs années aux Etats-Unis où il a enseigné les sciences du langage à l’université, Ali retourne s’installer en Turquie avec Hazar, son épouse. Dans sa ville natale, il retrouve sa famille qui vit un enfer sous le joug terrible de son père. Aussi, lorsque sa mère décède dans des circonstances suspectes, Ali soupçonne-t-il rapidement Hamit, son père avec lequel il est déjà en froid. Aidé par Reza, un mystérieux rôdeur qu’il engage comme jardinier, le jeune homme mène une quête vengeresse qui va le confronter au pire des secrets… Coréalisateur (avec Ali Asgari) des Chroniques de Téhéran en 2023, le cinéaste iranien Alireza Khatami était poussé, pour The Things…, par un besoin personnel de se réconcilier avec son histoire, la violence qui régnait au sein de sa famille. Le film était aussi, dit-il, « une tentative de régler mes comptes avec moi-même, de confronter les ombres qui persistent pour comprendre comment elles m’ont façonné. » En déployant plusieurs motifs récurrents comme l’eau (symbolisée par les puits, la noyade, la soif), les fantômes ou les choses enfouies, Alireza Khatami va à la recherche de ce qui se cache sous la surface, à la fois littéralement et émotionnellement : Jusqu’où devons-nous aller pour trouver la vérité, et à quel point voulons-nous la déterrer ? Lorsque les personnages essaient d’enterrer des choses, qu’il s’agisse de secrets ou de corps, elles semblent toujours ressurgir, comme l’eau qui trouve son chemin à travers la terre. Les fantômes dans l’histoire ne sont pas juste surnaturels, ce sont les vérités enterrées qui continuent de hanter les personnages jusqu’à ce qu’ils les affrontent. A propos de ce film qui commence comme un rêve et s’achève comme un cauchemar, qui passe d’un terrain familier à l’inconnu, le metteur en scène dit encore : « Ce qui est crucial, c’est de comprendre que toute violence a une histoire et ne vient pas de nulle part. Hamit a été battu par son père, qui a probablement été battu par son père… Alors quand nous parlons de tuer, nous parlons en réalité d’héritage, de la manière dont la violence se transmet jusqu’à ce que quelqu’un trouve une façon de la transformer. » (Le Pacte)
L’AVENTURA
« Ça y est, ça enregistre ! » Claudine empoigne son iPhone et capte l’histoire d’un voyage en Sardaigne… Qui commence dans une gare parisienne puis dans les couchettes d’un train et va se poursuivre dans une voiture à bord de laquelle on trouve Sophie, Jean-Phi son ami ainsi que Claudine, la jeune adolescente et Raoul, un petit bonhomme de trois ans. Qui va donner bien du fil à retordre à tous ceux qui l’entourent… Avec L’aventura, Sophie Letourneur tourne son sixième long-métrage et donne le second voyage d’une trilogie italienne entamée avec Voyages en Italie (2023) et dans lequel la cinéaste incarnait déjà Sophie, avec Philippe Katerine dans le rôle du lunaire Jean-Phi. Sous ses allures de comédie ensoleillée, cette Aventura (clin d’oeil à la célèbre chanson de Stone et Charden de 1971 qu’on entend au générique de fin) est une sorte de « famille au bord de la crise de nerfs » pendant un périple transalpin. Entre « Merde, il est en train de faire caca sous la table », « Maman, j’ai envie de faire pipi », « Attention, le verre, il va tomber ça c’est sûr », « J’en peux plus de la chaleur », « Pourquoi j’ai un trou dans tous mes slips » ou « Je pense que les amortisseurs sont morts », Sophie Letourneur construit un kaléidoscope de moments, d’éclats, reliés non pas par une narration classique, mais par des liens plus souterrains. Au fil de ce voyage inattendu et parfois franchement agaçant, Sophie Letourneur se penche sur des personnages pris dans les affres de leurs névroses, offrant aussi un portrait de chacun des rôles qu’on peut avoir au sein d’une famille, dans la fratrie, la parentalité, et aussi la place qu’on se donne à soi-même. Tous les personnages sont en transition. Claudine quitte l’enfance, mais est-elle déjà une ado ? Raoul devient un petit garçon qui va faire des phrases et gagner en autonomie. Bientôt la fin des couches et l’entrée à l’école, ce qui va permettre à Sophie d’avoir un petit peu moins de charge mentale, de récupérer un peu plus son corps et son espace qui sont accaparés pendant tout le film. Le couple va aussi pouvoir sortir la tête de l’eau pour décider ou pas de se quitter. Quand ils feront le point, ils diront : « C’était bien. Y’a rien à dire ? » (Arizona Distribution)
LA TOURNÉE
Acteur vieillissant et dont la carrière est quasiment au point mort, Marius de Villeduc n’a pas tourné depuis trois ans. Il croule sous les dettes et harcèle Grégory Laurent, son agent afin qu’il lui trouve du travail. Ce dernier le met en relation avec Richard Favard, réalisateur-acteur qui prépare son sixième film. Pour ce tournage de Dialogue avec mon voisin, Marius touchera 60 000 euros, dont la moitié après avoir effectué la tournée de promotion. Un an plus tard, armés d’un distributeur peu impliqué, Marius et Richard entament la série d’avant-premières, accompagnés de Colette, leur attachée de presse, et Lulu, le chauffeur de leur van. Après de premières déconvenues en termes de nombre de spectateurs dans les salles, ils sont rejoints par Fanny, ancienne stagiaire chez Grégory Laurent, ayant eu son premier rôle d’actrice dans le film, qui va les aider à mieux communiquer…C’est une bonne idée que de se glisser dans les coulisses du cinéma. Et cela a donné d’excellents films, de La nuit américaine à Boulevard du crépuscule. Ce n’est probablement pas là, l’ambition de Florian Hessique, le réalisateur de La tournée et qui tient également le rôle de Richard Favard. Ici, les coulisses, ce sont les galères d’une tournée promotionelle d’un film à petit budget, ce qui veut pas dire, un « petit film ». En allant de situations cocasses en rencontres inattendues et en pointant différents travers de la profession du cinéma et des gens qui gravitent autour (on croque, ici, le journaliste qui fait une interview sans avoir vu le film), le film joue la carte de la comédie mais il souffre d’un manque de rythme et n’hésite pas à grossir parfois le trait jusqu’à l’outrance, voire à l’amertume… On croise, ici, beaucoup de comédiens qu’on apprécie comme Patrick Chesnais, Thierry Lhermitte, Richard Berry, Martin Lamotte et bien d’autres. (Blaq Out)
SABOTAGE
Ancien membre des Navy SEAL, les forces spéciales de la marine américaine, Michael Bishop a survécu à une prise d’otages en Bosnie après avoir reçu sept coups de feu. Seul survivant du commando anti-terroriste en Bosnie, Bishop travaille aujourd’hui comme garde du corps. Lors d’un déplacement, son employeur est abattu par un franc-tireur. Quelques jours plus tard, la veuve de son ancien patron échappe de justesse à un attentat. Bishop comprend qu’il se trouve au coeur d’une conspiration qui implique aussi bien le FBI et la CIA que des tueurs à gages. Avec l’aide d’un agent du FBI, Bishop va tenter de démanteler une organisation terroriste. Ils vont remonter jusqu’à Sherwood, un ex-agent qui avait déjà affronté Bishop en Bosnie… Même si son scénario n’est pas toujours simple à décrypter, Sabotage, réalisé en 1996 (et qui sort en Blu-ray HD) est un solide film d’action autour des thèmes du sniper et de la vengeance. La réalisation de Tibor Takacs est efficace (il joue même des effets « bullet time » chers à Matrix) et permet à des comédiens chevronnés de donner l’allant nécessaire à ce genre d’entreprise. Connu pour des films comme Crying Freeman (1995), Le pacte des loups (2001), tous deux réalisés par le Français Christophe Gans, John Wick Parabellum (2019) ou encore la série Hawaii 5-0, l’Américain Mark Dacascos endosse le personnage de l’indestructible Michael Bishop… (Metropolitan)

PAPRIKA – ALL LADIES DO IT
Après avoir débuté dans le cinéma en tant qu’archiviste à la Cinémathèque française et assistant de Joris Ivens, Alberto Cavalcanti et Roberto Rossellini, Tinto Brass s’est tourné, à partir des années 70, vers des films directement provocateurs, entre pornographie et esthétisme. On sait qu’il réalisa Caligula (1979) avant de refuser d’être crédité comme tel à la suite des rajouts de scènes pornographiques par le producteur Bob Guccione. Silencieux depuis 2005, le cinéaste milanais, aujourd’hui âgé de 92 ans, considéré comme le maître du cinéma érotique italien, a fait l’objet de plusieurs éditions chez Sidonis Calysta. En voici deux autres du début des années 90. Paprika (1991) est une libre adaptation des Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, le roman du Britannique John Cleland, publié pour la première fois en 1748 et dont l’action est transposée dans les années 1950. Jeune femme aux formes avantageuses, Mimma (Debora Caprioglio) décide de travailler pour une quinzaine de jours dans un bordel afin d’aider financièrement son fiancé Nino. Lorsqu’elle découvre la trahison de Nino, elle décide, sous le pseudo de Paprika, de poursuivre son expérience des maisons closes à travers l’Italie et l’Europe, juste avant la promulgation de la loi Merlin ordonnant la fermeture de tous les lupanars transalpins… Avec All Ladies do it (en v.o. Cosi fan tutte, 1992), voici l’histoire de Diana (Claudia Koll) qui vit à Rome, est heureuse avec son mari mais éprouve néanmoins le besoin, sans se sentir coupable, de séduire d’autres hommes… Elle se transforme donc en « belle de jour » et croise bien des mâles dont un certain Alphonse Donatien qui se présente comme un pirate de l’amour. Dans les suppléments des deux éditions, Jean-François Rauger, directeur de la programmation à la Cinémathèque française, décrit l’univers joyeux, grotesque et fantasmatique de celui qu’il qualifie de « Sergio Leone du sexe ». Il évoque autant sa passion pour les décors de Venise (« le sexe féminin de l’Europe ») que pour les lupanars qu’il fréquentait jeune. Mais c’est Tinto Brass, lui-même, qui révèle pourquoi les femmes dénudées qui peuplent ses films ont des poils pubiens sombres. « Parce que c’est impossible de faire le point, avec la caméra, sur des poils blonds ». Pas à mettre entre toutes les mains mais résolument allègre. (Sidonis Calysta)
