TROIS FEMMES FORTES ET UNE AMÉRIQUE BOULEVERSÉE

Leçon PianoLA LEÇON DE PIANO
Au 19e siècle, Ada MacGrath, jeune femme écossaise, est envoyée par son père en Nouvelle-Zélande avec sa fille de neuf ans, Flora, pour y épouser, au fin fond du bush, un colon, Alistair Stewart qu’Ada ne connaît pas et qui n’a rien à faire d’elle. Son nouveau mari accepte de transporter toutes ses possessions, à l’exception de la plus précieuse : un piano, qui échoue chez George Baines, un voisin illettré. Ne pouvant se résigner à cette perte, Ada accepte le marché que lui propose Baines, homme frustre mais fascinant : regagner le piano, touche par touche, en se soumettant à toutes ses fantaisies… Selon ce que sa fille Flora aime à raconter, Ada n’a pas dit un mot depuis que son premier mari est mort foudroyé alors qu’ils chantaient tous deux dans la forêt. Ada aurait été chanteuse d’opéra et son mari était son professeur de piano. Mais en réalité, c’est pour une « raison inconnue » qu’elle n’a pas dit un mot depuis l’âge de six ans, et qu’elle a recours à la langue des signes pour s’exprimer (sa fille lui sert d’interprète), ainsi qu’à son piano. Le piano et la musique représentent Ada, ses émotions, ce qu’elle exprime. Palme d’or du Festival de Cannes en 1993, La leçon de piano est le troisième film de la cinéaste néo-zélandaise Jane Campion, après les remarqués Sweetie et Un ange à ma table. La scénariste-réalisatrice joue brillamment avec les codes du classicisme pour raconter l’histoire de ce triangle amoureux à haute tension érotique, magnifiquement incarné par Holly Hunter (Ada), Harvey Keitel (Baines), Sam Neill (Alistair) et Anna Paquin (Flora). Avec ses paysages ensorcelants et sa musique enivrante, La leçon de piano est une peinture aussi délicate qu’embrasée de la passion amoureuse. Numéro #30 (avec un visuel exclusif de l’illustratrice Haley Turnbull) de la passionnante collection Ultra collector, La leçon de piano sort pour la première fois en 4K Ultra HD et Blu-ray dans sa nouvelle restauration 4K supervisée et approuvée par Jane Campion et le directeur de la photographie Stuart Dryburgh. Comme il se doit pour une édition Ultra collector, les suppléments sont abondants ! On y trouve une conversation inédite (2022), dans laquelle Jane Campion et la critique de cinéma Amy Taubin discutent de la production et du succès de La Leçon de piano, un entretien inédit (10 mn) dans lequel Stuart Dryburgh aborde l’identité visuelle du film et sa collaboration avec Jane Campion, les coulisses du tournage (16 mn), Le journal de l’eau (18 mn), un film de Jane Campion où Ziggy, une adolescente de 11 ans, raconte, dans son journal, les moments douloureux qu’elle a vécus pendant la plus terrible sécheresse de l’histoire. Enfin Il y a une silence : la leçon de piano de Jane Campion est un ouvrage inédit (200 p., plus de 40 photos d’archives) de Mélanie Boissonneau, enseignante-chercheuse à l’université Sorbonne Nouvelle, qui inscrit le film au sein de la riche carrière de Jane Campion, revient en détail sur le travail de la cinéaste et de son équipe, ainsi que sur le statut du film et les questions contemporaines – du féminisme au décolonialisme – que le long-métrage soulève depuis sa sortie. Magnifique ! (Carlotta)
CarolCAROL
Bourgeoise séduisante mais prisonnière d’un mariage source de frustrations, Carol Aird fait ses courses de Noël dans un grand magasin de Manhattan. Elle y croise Thérèse Belivet, une jeune employée, qui la trouble profondément. Dans l’Amérique conservatrice et étriquée des années 50 qui ne fonctionnait que sur un « modèle unique », Todd Haynes donne, avec Carol, un superbe mélodrame qui prend des allures de road-movie initiatique. A travers un vaste flash-back, Haynes, auteur du mélancolique Loin du paradis (2002), raconte comment deux femmes, de conditions différentes, sont emportées dans un tourbillon amoureux irrépressible et succombent à la loi du désir. Dans une mise en scène magnifique dont certains plans font penser à l’oeuvre d’Edward Hopper, Carol et Thérèse s’abandonnent à une puissante et tragique passion saphique. Quand deux femmes sont contraintes de ruser avec la société pour s’aimer. Le cinéaste reconstitue brillamment une époque mais il construit aussi des images qui, à travers une fenêtre, une embrasure de porte, une glace de voiture, un miroir, enferment Carol et Thérèse dans une relation taboue. Les deux femmes vont finalement prendre la route. De motel en motel, elles savourent des moments qu’elles savent rares avant de succomber au sexe… A son mari qui lui reproche d’être envoûtée, Carol dira: « Je n’ai jamais été aussi lucide… » Avec son faux air d’Audrey Hepburn, Rooney Mara est une Thérèse timide et solitaire. La rencontre avec Carol lui révèle sa vraie nature et elle choisit, malgré les conventions de l’époque, de l’assumer. Face à cette « drôle de fille tombée du ciel », Cate Blanchett, une nouvelle fois magnifique de sensualité retenue, est une Carol lumineuse et désespérée, mûre et vulnérable. Adapté du second roman de Patricia Highsmith, Carol est, sur une mise en scène raffinée, un bijou d’élégance. Rooney Mara fut récompensée par le prix d’interprétation féminine à Cannes et le film y reçut aussi la Queer Palm. L’année suivante, Carol fut sacré Meilleur film LGBT de tous les temps au Festival du film gay et lesbien de Londres. Présentée pour la première fois en 4K à l’occasion des dix ans du film, cette histoire d’amour intemporelle sort en deux superbes éditions avec plus de trois heures de suppléments. On y trouve notamment les commentaires de différents membres de l’équipe technique sur le film, le making-of (17 mn), des interview du réalisateur (45 mn) et des comédiennes Cate Blanchett (14 mn) et Rooney Mara (8 mn) et du directeur de la photo Edward Lachman (7 mn). L’édition collector contient aussi une livre (100 p.) et l’édition limitée numérotée (500 ex.) tout le contenu de l’édition collector, le vinyle de la BO et le lookbook de Todd Haynes. Filmé comme un fresque intime digne du Hollywood de l’âge d’or, Carol est un grand film d’amour! (Bubbelpop’)
EddingtonEDDINGTON
Dans un paysage de désolation, tandis que le vent balaye de longues rues vides, un pauvre bougre en haillons traverse ces larges espaces en vociférant à l’envi des propos incompréhensibles mais qui pourraient bien être des menaces… Est-ce l’alcool, la drogue, la colère, le désespoir, la schizophrénie qui animent ce type ? En tout cas, dans Eddington, ses cris ne semblent pas surprendre plus que cela. Et si ce malheureux, outsider à la dérive, était emblématique de beaucoup de gens frustrés en Amérique ? Quelque part, au coeur du Nouveau-Mexique, Eddington est un grand bled sans attrait particulier. Pourtant la localité va connaître une aventure de plus en plus chaotique lorsque Joe Cross, le shériff local, décide de s’opposer, dans la course à la mairie, au maire sortant Ted Garcia (Pedro Pascal). Le shériff (Joaquin Phoenix) semble manquer d’arguments politiques pour engager ce combat mais cela ne l’empêche en rien de relever le gant. D’ailleurs, il a déjà transformé son véhicule de police en… panneau électoral. Avec des arguments plutôt douteux. Eddington va se transformer en véritable poudrière. Quatrième long-métrage de l’Américain Ari Aster, Eddington, qui sort en édition limitée Blu-ray 4K Ultra HD, répond à la vieille envie du cinéaste de réaliser un western contemporain. A partir du conflit entre le shérif et le maire, le film apparaît comme une relecture contemporaine du genre, miroir d’un combat plus large pour l’âme du pays. Le film troque les lassos et les hors-la-loi pour les armes symboliques de l’époque actuelle, Aster évoquant les périls que fait courir à la société le progrès technologique quand il est hors de contrôle. Maelstrom cauchemardesque et comédie grinçante et audacieuse jusqu’à susciter le malaise, Eddington décrit l’Amérique profonde avec des gens ordinaires, faillibles, qui croient sincèrement défendre le bien commun. Et que dire de la femme du shériff (Emma Stone) qui a sombré dans un univers proche de l’idéologie Qanon. « À mes yeux, explique Ari Aster, l’ennemi commun dans le film, c’est la ‘distraction’. On vit dans un système en déliquescence, où les combats politiques nous hypnotisent pendant que la tech et le capital resserrent leur emprise. Les gens sont impuissants dans ce système et qu’ils ont été privés de tout levier d’action réel sur le monde. (…) La pandémie a coupé le dernier lien. Pourtant, un pouvoir – un pouvoir immense – s’exerce sur la société et on n’a pas encore trouvé le moyen d’y faire face. Mais il va falloir qu’on y arrive. » En cherchant à affronter ce pouvoir, justement, les personnages d’Eddington basculent dans une forme de folie. Et le tableau donne singulièrement le frisson. (Metropolitan)
Neant ShoahJE N’AVAIS QUE LE NÉANT – SHOAH PAR LANZMANN
Longue méditation douloureuse sur la singularité des crimes nazis et la douleur de l’Homme survivant, Shoah (sorti sur les grands écrans en 1985), le film de Claude Lanzmann prend le parti de n’utiliser aucune image d’archives. Seuls des témoignages de rescapés, de contemporains ou d’assassins sont montrés. Quelques séquences ont été rejouées ou préparées (ainsi le récit poignant d’un coiffeur, Abraham Bomba), mais la plupart ont été tournées en caméra directe, traduites à la volée par l’un ou l’une des protagonistes. D’une durée de près de dix heures, cette œuvre est construit en quatre volets : la campagne d’extermination par camions à gaz à Chełmno; les camps de la mort de Treblinka et d’Auschwitz-Birkenau et le processus d’élimination du ghetto de Varsovie. Récompensé d’un César d’honneur en 1986, Shoah est inscrit en 2023 au registre de la Mémoire du monde de l’UNESCO. Cité à de nombreuses reprises dans les listes des meilleurs films de tous les temps, cette œuvre-monument marque une date importante dans la représentation et la diffusion de la mémoire de l’Holocauste. La réalisation de Shoah de Claude Lanzmann est une aventure en elle-même. Douze années de travail, des milliers d’heures de préparation, des voyages aux quatre coins du monde, des dizaines de témoins… et autant de doutes, de déboires, d’impasses, mais aussi de moments de grâce. À partir des 220 heures de rushes non utilisés au montage du film et en s’appuyant sur les Mémoires de Claude Lanzmann (1925-2018), le documentariste Guillaume Ribot raconte la production d’une œuvre majeure du cinéma, au plus près des obsessions de celui qui entreprit de faire émerger la vérité du néant. Disponible pour la première fois en édition Blu-ray, le film (1h34) adopte la forme d’un road-movie archivistique, mêlant making-of et devoir de transmission pour explorer les coulisses de la création de cette œuvre monumentale sur la Shoah. Guillaume Ribot n’est pas un novice dans le domaine. En 2009, il réalise son premier documentaire en se penchant sur son histoire familiale. Sa grand-mère lui avait confié avoir caché des enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Il débute alors son travail de recherches sur ses bribes de souvenirs. En fouillant dans les tiroirs chez son grand-oncle, en Lot-et-Garonne, il découvre le cahier d’une jeune écolière de 11 ans : Susi Feldsberg. Le réalisateur décide de partir sur les traces de la famille Feldsberg. Pendant plus de quatre ans, il va enquêter en France, en Belgique, en Autriche, en République tchèque et en Pologne pour réaliser Le cahier de Susi. Il découvrira qu’ils ont tous été déportés et assassinés à Auschwitz en septembre 1942 depuis le camp d’internement de Drancy. (MK2/Carlotta)
Coup CoeurCOUP DE COEUR
Las Vegas, un 4 juillet, jour de l’Indépendance des États-Unis. Hank (Frederic Forrest) et Franny (Teri Garr), usés par une vie de couple faite de routine et de banalité, décident de se séparer, le jour anniversaire de leurs cinq ans de rencontre. Chacun s’en va vivre une nuit d’errance, de rêve et de désir avant, peut-être, de mieux se retrouver. Sorti de l’expérience éreintante d’Apocalypse now, Francis Ford Coppola est désireux de choisir un sujet plus léger pour son prochain film. Il rêve aussi d’un studio de cinéma qui rassemblerait des réalisateurs soucieux de maîtriser totalement leurs films. C’est ainsi qu’il rachète Hollywood General Studios à Los Angeles pour entamer la seconde ère de son studio Zoetrope. Coup de cœur sera le premier film de cette nouvelle usine du cinéma. Il s’agit aussi de la toute première œuvre cinématographique de l’ère électronique : en effet, le cinéaste a mis sur pied le Silver Fish, un bus équipé d’une régie ultra sophistiquée afin d’imaginer son film sous tous les angles. Il en résulte une œuvre cinématographique aux prouesses techniques indiscutables, aux images sublimes et révolutionnaires. Si le film n’a pas eu le succès espéré lors de sa sortie, il est aujourd’hui totalement réévalué. Beaucoup parlent de chef d’œuvre et le considèrent comme l’un des plus beaux films de son auteur. Œuvre singulière dans la filmographie de Coppola, Coup de cœur est une véritable déclaration d’amour au pouvoir du cinéma. Entièrement filmé dans une Las Vegas reconstituée en studio, baignée de néons et de lumières irréelles, le film marie l’émotion la plus intime à une mise en scène ample et lyrique. Audacieux, ce film musical, bercé par les chansons de Tom Waits (qui incarne un joueur de trompette), est une rêverie mentale photographiée par l’un des plus grands opérateurs du cinéma, l’Italien Vittorio Storaro (Le conformiste, Apocalypse now, Reds…). Coup de cœur se déploie comme un poème visuel, une fable moderne et mélancolique sur les secondes chances et les errances du cœur. Le film est ici également disponible dans sa versions Reprise, un remontage exclusif de 2024, approuvé et supervisé par Coppola lui-même. Ce nouveau montage, qui selon le réalisateur affine et enrichit le récit d’origine, redonne toute sa force émotionnelle et esthétique à cette œuvre singulière. Film de mise en scène, Coup de coeur rappelle les classiques d’Hollywood comme Chantons sous la pluie ou Un Américain à Paris. Une pure merveille intemporelle qu’on ne se lasse pas de revoir. Le film est accompagné d’abondants suppléments. On y trouve Le studio de rêve (29 min), Quand la vidéo rencontre le cinéma (9 min), le Motion Control, par Robert Swarthe (3 min), Tom Waits et la musique du film (13 min), le making-of (23 min), le clip This one’s from the heart réalisé par Gian-Carlo Coppola (4 min), des scènes inédites (25 min), l’esthétique de Coup de cœur (17 min, inédit), le casting du film (21 min, inédit), la chorégraphie (24 min, inédit) ou Réinventer la comédie musicale : Baz Luhrmann parle de Coup de cœur (25 min, inédit). (Pathé)
TuckerTUCKER
Preston Tucker est un inventeur passionné, déterminé à bouleverser l’industrie automobile avec la Tucker Torpedo ’48, une voiture audacieuse, novatrice, en avance sur son temps. Le succès prévisible déclenche une contre-attaque immédiate du Big Three (General Motors, Chrysler et Ford) pour tuer le projet dans l’œuf. Face aux lobbies automobiles de Detroit et à l’hostilité du gouvernement, le rêve de Tucker se heurte à un système décidé à l’écraser. Mais cet homme déterminé est décidé à ne pas se laisser faire et à faire aboutir son projet : il doit absolument réaliser cinquante exemplaires de sa voiture pour que celle-ci existe de fait. Ce biopic flamboyant retrace le destin brisé de Preston Tucker, concepteur automobile visionnaire dont l’ambition s’est heurtée à la toute-puissance des géants américains du domaine. Dans la lignée des films de Franck Capra (La vie est belle, 1946), Coppola raconte comment un homme s’accroche à son rêve grâce au soutien indéfectible de sa famille, quelques collaborateurs dévoués et un sens inné de la publicité. Peint avec les couleurs intenses d’un magazine comme Life, ce portrait d’un bricoleur de génie est aussi une critique de l’Amérique : celle d’un pays où, après-guerre, les petits inventeurs se trouvent écrasés par une industrie gigantesque. Comment ne pas penser à Coppola lui-même, obsédé par l’indépendance de sa création face aux majors de l’industrie cinématographique ?Il s’agit en effet du projet le plus personnel du cinéaste, produit par un certain… George Lucas. A l’époque de l’échec de THX 1138, Coppola avait relancé sa carrière en produisant American Graffiti. C’est désormais au tour de Lucas, devenu indépendant grâce à la saga Star Wars, de relancer son ami. Porté par Jeff Bridges dans le rôle-titre (qui avait été proposé à Brando et Nicholson), Tucker est une superbe déclaration d’amour à l’Amérique des années 40, combattante et dynamique. Images spectaculaires en Technicolor, montage tonitruant volontairement artificiel et publicitaire, Coppola signe ici un film enjoué et euphorisant, filant à toute allure. C’est son chant d’amour aux utopistes et aux rêveurs mais aussi sa réponse aux critiques et aux studios. Dans les suppléments, on trouve le commentaire audio de Francis Ford Coppola, une introduction au film (3 min), une sène coupée : The Stove (4 min), Under the Hood : Making Tucker (10 min) ainsi que Tucker : The Man and the Car, un film promotionnel de 1948 avec commentaire audio de Coppola (15 min). (Pathé)
Boogie NightsBOOGIE NIGHTS
Plongeur dans une boîte de nuit dans la banlieue de Los Angeles, Eddie Adams n’a pas une vie de famille très rose entre un père muet et une mère hystérique qui lui reproche d’être un raté. Nous sommes à la fin des années 1970 et le jeune Eddie va croiser la route de Jack Horner. Réalisateur de films X, Horner, ayant remarqué le potentiel viril du gaillard, va le propulser dans le monde du cinéma porno. A une époque où le sexe est un plaisir sans danger et le plaisir une industrie, Eddie devient une star internationale sous le nom de Dirk Diggler. Le succès arrive rapidement. Deux années consécutives, Eddie est primé pour ses films. Diggler va trouver sa place dans le milieu. Il devient ami avec d’autres acteurs et des membres de l’équipe technique, s’achète une voiture de luxe et s’installe dans une nouvelle maison. Les années 1980 arrivent, et lorsque Jack recrute un nouvel acteur, Eddie sent son statut menacé. A la suite d’une altercation avec Jack, il décide d’abandonner le porno pour se lancer dans la musique. Mais devenu accro à la cocaïne, il dépense tout l’argent prévu pour l’enregistrement d’un album en drogues et finit par tomber dans la prostitution. Pendant ce temps, le marché du X connaît des jours de plus en plus sombres… Pourtant, après avoir frôlé la mort dans une affaire de revente de drogue avariée, Eddie retourne voir Jack, s’excuse. Ils vont reprendre ensemble le tournage de films pornographiques. Après un premier film qui connut beaucoup de problèmes, Paul Thomas Anderson (actuellement à l’affiche dans les salles avec Une bataille après l’autre) tourne, en 1977, cette histoire qui s’inspire de l’acteur John Holmes (1944-1988) apparu dans quelque 2500 films X. Le cinéaste s’appuie sur un court-métrage réalisé à l’âge de 17 ans, The Dirk Diggler Story, un documentaire fictif sur un acteur de films pornographiques. Pour le film, le cinéaste bénéficie d’un gros casting avec Mark Wahlberg (Diggler), Julianne Moore, Burt Reynolds, John C. Reilly, Philip Seymour Hoffman ou William H. Macy. Entre glamour et décadence, Boogie Nights, présenté dans un steelbox 4K Ultra HD, est un film ambitieux qui raconte à la fois une époque (1977-1984), un business qui fascina l’adolescent Anderson et des destinées personnelles. Une immersion dans l’âge d’or du cinéma… et de l’excès. Dans les suppléments, on trouve notamment une séance de questions-réponses à l’American Cinematheque avec le réalisateur et John C. Reilly ainsi que des scènes supplémentaires… (Warner)
The OutsidersTHE OUTSIDERS
A Tulsa, dans l’Oklahoma, au milieu des années soixante, deux bandes rivales s’affrontent régulièrement. D’un côté, les Greasers, délinquants issus des quartiers pauvres, adeptes de la gomina et des blousons en cuir. De l’autre, les Socs, gosses de riches arrogants qui roulent en Cadillac. Membre des Greasers, Ponyboy rencontre Sherry « Cherry » Valance (son surnom vient de ses cheveux rouges) qui veut lui prouver que les Socs ne sont pas tous pareils. Au cours d’une bagarre, Johnny, un jeune Greaser, tue un membre des Socs… Suite à l’échec commercial de Coup de cœur (voir ci-dessus), Coppola réalise dans la foulée The Outsiders, tiré du très populaire roman de Susan Eloise Hinton. Avec cette histoire de bandes rivales et d’adolescence rebelle, le cinéaste retrouve des thèmes qui lui sont chers depuis longtemps. The Outsiders, sorti en 1983, rend hommage à des chefs-d’œuvre du cinéma américain comme La fureur de vivre (1955) de Nicholas Ray ou West Side Story (1961) de Jerome Robbins et Robert Wise. Le film de Coppola deviendra lui-même une référence pour d’autres cinéastes comme Gus Van Sant ou Leos Carax. Ici, Coppola revisite tout le cinéma de Nicholas Ray avec des acteurs aux gueules d’ange. On croise Matt Dillon, Tom Cruise, Rob Lowe et Patrick Swayze qui font leurs premiers pas au cinéma mais aussi Diane Lane, C. Thomas Howell ou Emilio Estevez dont Coppola avait dirigé le père (Martin Sheen) dans Apocalypse now. Emilio Estevez y avait d’ailleurs un petit rôle coupé au montage. Dans la plus pure tradition du teen movie mais, dans un registre sombre, ces gamins grandissent en bande, sans famille ni avenir, déshérités par leur pays, et pourtant tous animés d’une rage de vive. Avec The Outsiders, présenté ici dans son montage original et sa version Complete Novel, le réalisateur livre l’un de ses films les plus romanesques et continue d’innover en développant les techniques de tournage et d’enregistrement mises au point pour Coup de cœur. Avec ce cinéma électronique, Coppola veut faire entrer le cinéma dans une nouvelle phase et y parvient avec maestria. Ce film lyrique à la beauté crépusculaire surprend. Le cinéaste soigne ses décors, et s’il filme de nouveau en extérieurs la nature et les espaces, il s’autorise les couchers de soleil en studio et les silhouettes découpées sur l’horizon, hommage aux classiques du vieil Hollywood. Cette sortie est accompagné de beaucoup de suppléments avec notamment des commentaires audio du réalisateur ainsi que de plusieurs comédiens, le making-of Rester de l’or : retour sur The Outsiders (26 min), une interview de Diane Lane (19 min), la romancière S.E Hinton sur le lieu du tournage à Tulsa (7 min), une rencontre de Coppola avec les étudiants de la Fémis (22 min), des scènes inédites ainsi que des inédits comme l’introduction de Coppola à The Outsiders : The Complete Novel (11 min) ou une rencontre avec Stephen H. Burum, le directeur de la photo, qui se souvient du film (12 min). (Pathé)
DraculaDRACULA
Au 15e siècle, au fond des Balkans, Vlad, prince de Valachie, est un seigneur redouté pour ses qualités de combattant. Une fois de plus, pour défendre son territoire, il est amené à combattre un ennemi qu’il met en déroute. Hélas, Vlad ne peut rien contre la perte d’Elisabeta, la femme de sa vie, tuée sous ses yeux par des soldats. Il implore un prêtre de demander à Dieu de ramener celle qu’il aime à la vie. Mais le prêtre décline et Vlad le transperce avec sa crosse… Frappé d’une malédiction, il devient le prince Dracul, un vampire avec pour seul but dans l’existence : retrouver son amour perdu. Dans son château, il reçoit Jonathan Harker, un clerc de notaire, qui vient lui proposer une demeure à Paris. Jonathan porte autour du cou un collier avec une médaille qui contient la photo de Mina, sa fiancée. Vlad est bouleversé. Et si cette Mina n’était autre que la femme de sa vie ! 400 ans plus tard, à Paris, Vlad croise la fragile Mina qui ressemble, effectivement, à sa chère Elisabeta… Le cinéma aime le bon vieux vampire cher à Bram Stocker. Après Tod Browning, Terence Fisher, Francis Ford Coppola ou encore Robert Eggers, c’est donc Luc Besson qui s’y colle ! L’idée de son Dracula est née, semble-t-il, d’une discussion avec le comédien américain Caleb Landry Jones, qui tint en 2023 le rôle principal du DogMan de Besson. Le cinéaste et l’acteur évoquaient les potentiels rôles qui pouvaient convenir à Landry Jones. Et voilà comment le nom de Dracula apparut et comment Luc Besson se mit à écrire un scénario d’après Bram Stocker. Avec un budget de 45 millions d’euros, Dracula est le film français le plus cher de 2025 même si on est loin des 197 millions d’euros du blockbuster de Luc Besson Valerian et la Cité des mille planètes (2017). Mais, de fait, l’argent, incontestablement, est sur l’écran ! Le réalisateur du Grand bleu n’a pas lésiné sur les costumes, les perruques, les maquillages, les décors, les effets visuels et il peut même proposer une b.o. écrite, dans une première collaboration entre les deux artistes, par Danny Elfman, le compositeur fétiche de Tim Burton… L’aventure est aussi gothique que kitsch. Mais Besson a toujours été un baroque et son objectif, c’est de faire du spectacle. Donc, sur un fond de drame romantique amoureux, le cinéaste distille sa propre vision vampirique fortement saturée. Avec son faux air de Willem Dafoe, Caleb Landry Jones est un Dracula qui vaut bien ses prédécesseurs face à Christoph Waltz en prêtre exorciste sûr de son fait et convaincu que la gousse d’ail ne fonctionne pas contre les suceurs de sang. Tape-à-l’oeil mais efficace. (M6)
ZatoichiLA LÉGENDE DE ZATOÏCHI : LES ORIGINES DU MYTHE
En 1962, la Daiei produit La légende de Zatoïchi – le masseur aveugle. Ce film à petit budget, en noir et blanc, va pulvériser le box-office et marquer irrémédiablement l’histoire du cinéma japonais. Vingt six films et cent épisodes de série TV suivront, faisant de Zatoïchi, l’une des sagas les plus retentissantes mais aussi les plus complètes du cinéma japonais. Le masseur aveugle, ancien yakuza devenu vagabond errant, aux techniques de sabre redoutables, est interprété par Shintaro Katsu, qui jouera ce personnage jusqu’en 1989. Aux commandes des films, on trouve des réalisateurs de légendes tels que Kazuo Mori, Kenji Misumi ou Tokuzo Tanaka. Un coffret collector (illustré par Péchane) contenant cinq Blu-ray (films 1 à 3 en noir et blanc, films 4 et 5 en couleurs) rassemble les quatre premiers films de la saga ainsi que Le bandit aveugle, un film précurseur qui présente une première itération du personnage. Les origines de Zatoïchi – Le bandit aveugle (1960) : Avant de devenir Zatoïchi, Shintaro Katsu incarne Suginoichi, un bandit aveugle froid et ambitieux, prêt à tout pour s’emparer du pouvoir, au détriment de ceux qui l’entourent… Le studio Daiei dévoile la première version d’un personnage à la fois proche et éloigné du Zatoïchi à venir. La légende de Zatoichi – Le masseur aveugle (1962) : Le masseur aveugle Zatoïchi rend visite à un chef yakuza. Bientôt entraîné dans un conflit avec un clan rival, il se lie d’amitié avec un samouraï malade du camp adverse, tandis que la guerre entre les deux factions devient inévitable. Un premier volet fondateur qui révèle le sabreur aveugle Zatoïchi. La légende de Zatoichi – Le secret (1962) : Les tensions entre deux gangs rivaux éclatent au grand jour. Chaque chef désigne son champion : un ancien samouraï devenu pêcheur, porteur d’un lourd secret, et Zatoïchi, joueur invétéré et masseur, dont le sabre frappe avec la fulgurance de l’éclair. La légende de Zatoichi – Un nouveau voyage (1963) : Zatoïchi tente de se retirer dans son village natal, mais la violence le rattrape lorsqu’il se retrouve mêlé à un conflit entre un clan de yakuzas et des villageois opprimés. La légende de Zatoichi – Le fugitif (1963) : À son arrivée dans la ville de Shimonita, Ichi apprend qu’un chef yakuza local a mis sa tête à prix. Pris au piège, il découvre qu’un ancien amour a été assassiné. Dévoré par la colère, il part affronter les meurtriers : un rōnin mercenaire et son clan. Dans les bonus, on trouve la présentation des films par Clément Rauger, La Naissance du mythe, un entretien avec Fabien Mauro, la présentation du film Le masseur aveugle par le réalisateur nippon Takashi Miike et l’essai Le guerrier handicapé : un grand mythe du cinéma martial. (Roboto Films)
GameraGAMERA
La tortue Gamera, elle, fête cette année ses 60 ans ! C’est en effet en 1965 que la Daiei, plutôt spécialisée dans les films de sabre, lance son monstre maison pour concurrencer le Godzilla de la Tohu. Entre destruction spectaculaire, imagination débridée et un charme naïf typique du kaiju-eiga, les films japonais de monstres des années 60, les trois premiers Gamera posent les bases d’un mythe qui marquera le genre. Après un premier film en noir & blanc où la tortue cracheuse de feu menace Tokyo, Gamera affrontera d’autres créatures géantes en couleurs, dont Gyaos, une sorte de chauve-souris géante assoiffée de sang, ou Barugon, une créature reptilienne mythologique. Avec douze films au total, la tortue a marqué le genre du kaiju-eiga. Gamera s’offre une nouvelle jeunesse avec une restauration en 4K supervisée par Shinji Higuchi (directeur des effets spéciaux de la trilogie Heisei de Gamera, et co-réalisateur de Godzilla Resurgence), le tout dans deux beaux coffrets Blu-ray ou UHD comportant les trois premiers films de l’ère Showa accompagnés de dix cartes postales, un livret de 60 pages et un poster. Gamera – Daikaiju Gamera (1965) : Suite à une explosion nucléaire, une tortue préhistorique émerge de l’océan et détruit des villes au large du Japon. Son nom est Gamera. Gamera contre Barugon (1966) : Barugon, créature reptilienne mythologique, ravage le Japon. Gamera, protecteur de la Terre, se mettra au travers de sa route… Suite au succès du premier Gamera, la Daiei propose cette fois une suite en couleurs, dans laquelle Gamera affronte un monstre à sa hauteur. Gamera contre Gyaos (1967) : Une créature volante nommée Gyaos terrorise le Japon en se nourrissant d’énergie humaine. Alors que des scientifiques essayent de comprendre l’origine de Gyaos, Gamera intervient pour sauver l’humanité. Dans ce troisième volet, la Daiei introduit Gyaos, nemesis de Gamera. Dans les bonus, on trouve la présentation de chaque film par Fabien Mauro, un essai de Jordan Guichaux intitulé Gamera création du concurrent idéal et des interview de Shinji Higuchi et Shunichi Ogura, superviseurs de la restauration. (Roboto Films)
Si VersaillesSI VERSAILLES M’ETAIT CONTÉ
L’histoire du château de Versailles, depuis l’instant où, enfant, le futur roi Louis XIII découvre le site, jusqu’aux années cinquante où le château de Louis XIV est devenu un musée. À l’origine, Louis XIII fit élever un pavillon de chasse dans la forêt de Versailles, que son fils Louis XIV transforma en un château somptueux. Le faste du train de vie du monarque et de sa cour éveilla la colère du peuple, qui fit trembler les murs du palais… Qu’ont en commun Tino Rossi, Brigitte Bardot, Jean Marais, Bourvil, Claudette Colbert, Gérard Philipe, Édith Piaf, Annie Cordy, Charles Vanel, Jean Richard, Orson Welles, ou encore Micheline Presle ? Toutes ces stars sont au générique de Si Versailles… à côté de bien d’autres comédiens encore ! C’est assurément ce casting… royal qui a contribué au succès de ce classique.
On nous dit que nos rois dépensaient sans compter,
Qu’ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils.
Mais quand ils construisaient de semblables merveilles,
Ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté ?
Ce sont les premiers mots du quatrain que Guitry dit en ouverture du film… À travers les grandes figures qui l’ont habité, Sacha Guitry se réapproprie, avec pas mal de fantaisie, l’histoire du célèbre château en lui rendant un formidable hommage. Entre La vie d’un honnête homme (1953) et Napoléon (1955), Sacha Guitry donne une superproduction qui, entre faits historiques, dialogues raffinés et reconstitutions somptueuses, retrace l’histoire du château de Versailles avec humour et pédagogie. Cette fresque flamboyante sort pour la première fois en édition collector restaurée 4K + 2 Blu-ray. Premier film en couleurs de Guitry, Si Versailles… fut un énorme succès avec plus de sept millions d’entrées en France en 1954. Le contrat d’autorisation de tournage allouait un pourcentage des recettes au Château de Versailles. En trois semaines d’exclusivité à Paris, les premières recettes rapportèrent plus de 56 millions d’euros au monument, contribuant ainsi largement à sa restauration. Dans les suppléments, on trouve notamment Si Versailles m’était conté… : l’Histoire selon Sacha Guitry, par Noël Herpe, historien du cinéma. (39 mn), des anecdotes et souvenirs par Albert Willemetz, président de l’Association des Amis de Sacha Guitry (24 mn), A vous aussi Versailles sera conté, une archive INA diffusée pour la première fois en 29 décembre 1953 (32 mn). (Rimini éditions)
Sorry BabySORRY, BABY
Quelque chose est arrivé à Agnès. Tandis que le monde avance sans elle, son amitié avec Lydie demeure un refuge précieux. Entre rires et silences, leur lien indéfectible lui permet d’entrevoir ce qui vient après… Loin des récits de souffrance traditionnels, Sorry, Baby se distingue par son regard tourné vers la guérison et la résilience. Eva Victor, pour un premier film, évoque des événements proches de sa propre expérience, fait preuve d’une grande sensibilité et dépeint une amitié féminine sincère, faite de complicité et de soutien. Dans un propos emprunt d’émotion et de tendresse, la cinéaste réussit une œuvre profondément humaine et nécessaire. En suivant Agnès (incarnée par Eva Victor), une doctorante trentenaire, violée par son directeur de thèse, la réalisatrice développe cinq chapitres non chronologiques, couvrant, par touches successives, cinq années de la vie d’Agnès. En privilégiant « la guérison » à « la violence ». C’est Barry Jenkins, le scénariste et réalisateur de Moonlight (2016), Oscar du meilleur film 2017, qui, ayant découvert les vidéos humoristiques d’Eva Victor en ligne, lui proposa, dans un geste de confiance, de produire son premier film à condition qu’elle en assure elle-même la réalisation. Présenté à la Quinzaine des cinéastes de Cannes, Sorry, Baby a été couronné pour son scénario par le jury de Sundance qui a souligné « son honnêteté étonnante et son humour emprunt d’émotion ». Le sujet du film habitait Eva Victor depuis longtemps, mais ce n’est qu’après avoir découvert de manière autodidacte le cinéma qu’elle s’est sentie prête à aborder cette histoire d’une jeune chercheuse qui, suite à une agression sexuelle, renoue avec sa propre identité, avec une dose d’humour noir et grâce à l’amour et au soutien d’une amie. « Je me suis retrouvée à écrire le film dont j’aurais eu besoin quand j’ai traversé une crise proche de celle d’Agnès », explique la cinéaste. « Plus que de filmer la violence ou les agressions, c’était la guérison qui m’intéressait. Je tenais à explorer ce sentiment d’impasse, le fait de voir les gens qu’on aime aller de l’avant tandis qu’on reste coincé dans le souvenir de ce qu’on a vécu. J’ai voulu faire ce film pour la personne que j’avais été. » Un délicat récit de survie ! (Wild Side)
Miroirs N°3MIROIRS N°3
Jeune femme plutôt mystérieuse, Laura accepte d’accompagner son compagnon et des amis pour une excursion. Mais elle change d’avis. Son ami accepte de la ramener à Berlin. Sur une étroite route de campagne, la voiture se retourne dans les champs. Le chauffeur est tué sur le coup. Laura sort, presque miraculeusement, indemne de l’accident. Transportée dans une maison voisine, la jeune femme, très secouée, demande à y rester. Betty, qui avait vu passer la voiture, juste avant le drame, accepte. Fragile, affaiblie, abattue, Laura passe son temps entre le lit et la fenêtre de son refuge sous le regard d’une Betty qui lui apporte soutien et réconfort. Petit à petit, une cohabitation s’installe. Mais Laura découvre bientôt de sombres secrets et doit se rendre à l’évidence : quelque chose ne va pas dans la famille. Les raisons qui les poussent à s’occuper d’elle ne sont pas aussi honorables qu’il n’y paraît. On a remarqué l’Allemand Christian Petzold avec des films comme Barbara (2012) ou le récent Ciel rouge dans lequel on trouvait déjà l’excellente Paula Beer qui est, ici, cette Laura, pianiste ambitieuse, qui a l’impression que la musique et sa vie lui échappent. Miroirs n°3, dont le titre fait référence à la pièce pour piano éponyme de Maurice Ravel, s’applique à distiller une atmosphère presqu’inquiétante entre Laura et Betty tandis que Richard, le mari et Max, le fils de Betty, tous deux travaillant dans un garage situé dans un hameau proche, se tiennent présents à quelque distance. Dans cette maison perdue en pleine campagne, Laura va devenir une sorte d’enjeu qui pourrait permettre à Betty et aux siens de reprendre goût à l’existence. Si, in fine, la raison qui pousse Betty à accueillir Laura, apparaît assez banale, c’est bien le sentiment que la jeune femme n’est pas vraiment présente au monde, qui intéresse le cinéaste. Dans la voiture fatale, elle passe devant une maison et le regard d’une parfaite inconnue, une femme vêtue de noir qui peint une clôture, la fixe. « Elle est en quelque sorte choisie, comme dans les contes. Cette femme avec son pinceau à la main s’offre une princesse pour sa maison de sorcière. » Sous la férule de Betty, Laura refait un parcours biographique qui n’a rien à voir avec sa vie antérieure. En saisissant avec finesse des échanges de regards qui alternent des points de vue objectif et subjectif, Petzold montre comment, dans le comportement de Betty (remarquable Barbara Auer) puis des deux hommes, Laura devient l’objet de la famille… Avant de pouvoir, probablement, revenir littéralement à la vie. (Blaq Out)

Epreuve FeuL’EPREUVE DU FEU
Comme il le fait depuis sa plus tendre enfance, Hugo, maintenant âgé de 19 ans, passe les vacances d’été sur l’île de Noirmoutier dans la petite maison de son grand-père. Mais, pour la première fois, il débarque en compagnie de Queen, sa flamboyante petite amie, originaire de Toulon et esthéticienne à Paris. En se baladant sur l’île, Hugo retrouve une bande d’amis d’enfance qu’il n’a pas vus depuis bien longtemps. Les copains d’Hugo sont aussi étonnés de retrouver un type bien dans sa peau, lui qui était autrefois le « gros » de la troupe. Avec eux, le jeune homme retrouve ses vieux réflexes, ses habitudes, ses complicités d’antan, ses souvenirs et ses secrets. Hugo et Queen n’ont prévu que de rester quelques jours à Noirmoutier avant de se rendre chez la grand-mère de Queen, à Toulon… Avec L’épreuve du feu (qu’il a basé sur son moyen-métrage Coqueluche, sorti en 2018), Aurélien Peyre signe un film sur la jeunesse en vacances confrontée à des « autres ». Les vieux cinéphiles se souviennent que Jacques Becker, en 1949, avait su capter l’air du temps et la jeunesse de l’après-guerre dans le lumineux Rendez-vous de juillet. Ici, la lumière et aussi la mer sont au rendez-vous mais dans une comédie douce-amère qui se déroule dans un clan de petits bourges préoccupés par le fait de savoir s’ils sortiront en mer sur le grand bateau de l’un d’entre eux. Dans ce contexte, Hugo, qui se sentait bien jusque là avec Queen, va se retrouver mal à l’aise. Comme si cette Queen aux ongles démesurées et au verbe enlevé (« Il ne faut pas juger un sac à son étiquette ! ») lui faisait pratiquement perdre la face. Sans jamais forcer le trait, le cinéaste observe avec justesse cette bande de copains et de copines qui ne sont pas prêts à s’ouvrir à une nouvelle venue qui ne fait clairement pas partie de leur milieu. Il y a alors de la condescendance, du mépris, voire de la cruauté dans l’air. Hugo réussira-t-il à se sortir du piège ? Félix Lefebvre (découvert dans Eté 85 de François Ozon en 2020) est un Hugo très convaincant dans ses atermoiements et Anja Verderosa est très bien en cagole de service (c’est elle qui le dit). Quant à Suzanne Jouannet (excellente en fille d’agriculteurs en route pour Polytechnique dans La voie royale en 2023), est Colombe, dessinatrice de talent qui va jouer la carte de la séduction avec Hugo… Un film juste et sincère sur la difficulté d’être adolescent dans le regard des autres. (Blaq Out)
PerlaPERLA
Dans la Vienne du début des années 1980, Perla, artiste peintre indépendante et mère célibataire atypique, s’est construite une nouvelle vie avec Josef, son mari autrichien, un homme intègre et paternel, et sa fille, Julia, 10 ans. Le jour où Andrej, le père de Julia, tente de la recontacter parce qu’il est atteint d’un cancer en phase avancée, c’est tout son passé qui va la rattraper… Car Perla, qui a fui le pays après l’invasion russe, décide de retourner en Tchécoslovaquie pour le voir, malgré les dangers que cela représente. Alors qu’elle s’épanouissait dans la capitale autrichienne, c’est un retour périlleux qui l’attend dans un pays muselé et auprès d’un homme tourmenté. La réalisatrice austro-slovaque Alexandra Makarová donne un film intimiste et poignant qui aborde des thèmes universels comme l’émigration d’un pays vers un ailleurs plus propice à la joie et la liberté, les liens profonds avec sa terre d’origine mais aussi les errements affectifs et amoureux avec encore en toile de fond la prédation masculine. De fait, lorsque Perla retourne dans son pays natal, le récit bascule dans la précarité, la peur et une violence sourde. En 2018, la cinéaste avait réalisé Zerschlag mein Herz qui racontait l’histoire de deux adolescents roms tombés amoureux. Ils quittent leur pauvre village dans l’est de la Slovaquie pour mendier dans les rues de la riche Vienne. Pour la première fois, ils ont un aperçu du bonheur mais l’impression est de courte durée. Ici, en s’appuyant sur Rebeka Poláková qui incarne une Perla impressionnante, elle signe un film qui séduit par sa photographie et sa bande-son et qui émeut en explorant les tensions entre le passé et le présent, entre deux cultures et deux idéologies. Car Perla est désormais tiraillée entre son désir de liberté et les souvenirs douloureux de son pays natal. Un mélodrame puissant. (Blaq Out)
John WickJOHN WICK
John Wick vient de perdre sa femme Helen, décédée des suites d’une longue maladie. Peu après l’enterrement, John reçoit un colis, contenant un chiot femelle beagle nommée Daisy et une lettre : il s’agit d’un cadeau posthume d’Helen pour l’aider à surmonter sa disparition. John s’attache à Daisy et l’emmène faire un tour à bord de sa Ford Mustang 1969. Arrêté à une station d’essence pour faire le plein, il croise un trio de mafieux russes, dont le meneur, Iosef, intéressé par la voiture, insiste pour que John la lui vende. Il refuse et répond à l’insulte en russe de Iosef dans la même langue. Le soir même, il est agressé dans sa maison par la bande de Iosef. Ils volent la Mustang et tuent Daisy. Le lendemain, Iosef apporte la voiture au garage d’Aurelio, afin de la modifier, mais ce dernier, comprenant à qui elle appartient et ayant appris la manière dont Iosef se l’est appropriée, le frappe et refuse de la prendre. Peu de temps après, Wick rend visite à l’atelier d’Aurelio qui lui apprend que Iosef est le fils de Viggo Tarasov, chef de la mafia russe et également son ancien employeur. Tarasov réprimande Iosef et lui explique que Wick, surnommé Baba Yaga, était son meilleur assassin avant de prendre sa retraite après être tombé amoureux d’Helen. Le chef de la mafia tente de raisonner Wick au téléphone, en vain… C’est en 2014 que Chad Stahelski (coordinateur des cascades sur la trilogie Matrix) met en scène Keanu Reeves dans le rôle d’un ancien tueur à gages retiré des affaires et contraint de reprendre du service pour retrouver celui qui l’a agressé, a volé sa voiture et a tué son chiot beagle.. Et ça, il ne fallait pas. Car John Wick, décidé à se venger, peut être extrêmement méchant. Pour fêter les dix ans de John Wick, voici une belle sortie Blu-ray 4K Ultra HD qui permet de se replonger dans le premier volet de ce qui va devenir une franchise à succès. Toujours en complet-veston, Wick (qui donnera une nouvelle impulsion à la carrière de Keanu Reeves) est un parfait héros de film d’action. Et, de fait, on se laisse très facilement embarquer dans cette histoire de furieux auquel John Wick va donner infiniment de fil à retordre. D’ailleurs, sans spoiler, on peut dire que notre héros va carrément mettre la misère totale à la mafia russe. Ils n’avaient qu’à pas toucher à la rutilante Mustang et à cette pauvre Daisy. C’est dégueulasse de tuer un chien ! Dans les suppléments, on trouve notamment le documentaire retrospectif Il était une fois John Wick (2h06). (Metropolitan)
A Toute EpreuveA TOUTE EPREUVE
Vers la fin des années 1990, alors que les Britanniques sont sur le point de rendre à la Chine une ville de Hong Kong gangrenée par le crime, le policier « Tequila » Yen enquête sur des trafiquants d’armes. Lors d’une transaction portant sur la vente de trois armes à feu, « Tequila» intervient avec un coéquipier. Une fusillade s’engage, son coéquipier et tous les trafiquants sont tués, ainsi qu’un policier infiltré dont Tequila n’avait pas connaissance. Alors que bien des policiers ont baissé les bras, un groupe d’inspecteurs inflexibles mené par « Tequila » décide de mettre fin à la suprématie des gangs. En 1992, John Woo est un cinéaste reconnu qui a marqué le cinéma d’action hongkongais avec des films comme Le syndicat du crime (1986), The killer (1989) ou Une balle dans la tête (1990), imprimant aussi une mise en scène marquée par des séquences d’action chaotiques, ses « impasses mexicaines » ou son usage fréquent du ralenti. Considéré comme le représentant officiel de l’Heroic Bloodshed, un genre tournant autour de scènes d’action stylisées et de thèmes dramatiques tels que la fraternité, l’honneur, le devoir, la rédemption et la violence, John Woo voulait, ici, tourner le dos aux films mettant en scène des criminels (ce qu’on lui reprocha) pour tourner une aventure policière à la manière de la saga américaine de L’inspecteur Harry. Si A toute épreuve est un succès commercial à Hong Kong, le film est surtout remarqué sur le marché occidental où l’on salue des scènes d’action de grande qualité. Le cinéaste donne le rôle principal de « Tequila » à Chow Yun-fat, l’un de ses acteurs favoris et vraie star hongkongaise vue dans Prison on fire (1987) ou Tigre et dragon (2000) mais aussi, à Hollywood, dans Ana et moi (1999) ou Pirates des Caraïbes (2007). Dernier film hongkongais de John Woo avant son départ à Hollywood, A tout épreuve, dans une édition limitée Blu-ray 4K Ultra HD, c’est du pur cinéma d’action, efficace, emballant et suffocant à souhait. Avec, en prime, une esthétique audacieuse et une réflexion bienvenue sur la noirceur de la nature humaine. (Metropolitan)
FêlésFÊLÉS
Lieu associatif de Marmande qui accueille des personnes ordinaires mais violentées par la vie, l’Arc-en-ciel est en péril. Pour les besoins de la création d’un parking, on menace d’expulser les adhérents qui se soutiennent mutuellement dans leur lutte contre les difficultés quotidiennes. Certes la maire (Charlotte de Turckheim) propose un nouveau local. Mais cette solution à première vue positive, déplait fortement à Pierre, le co-fondateur de l’Arc-en-ciel. En effet, l’idée de changer de lotissement l’affecte profondément, étant donné que c’est là que se trouve dispersées les cendres de son défunt amour, co-fondatrice de la structure. Il annonce alors se retirer de l’association. Mais un élan de solidarité s’organise autour de Pierre, pour sauver cette maison d’accueil unique à travers une cagnotte participative et autres actions… Réalisateur de Fêlés, Christophe Duthuron a commencé sa carrière comme comédien de théâtre. Il tient aussi quelques rôles au cinéma, notamment en 1977 dans Droit dans le mur réalisé par Pierre Richard. Lorsque cet admirateur de Pierre Richard monte à Paris, il va passer des heures sur le quai, en face de la péniche où habite l’acteur. Il parvient à attirer son attention et se fait inviter à monter à bord. De cette rencontre naîtra une amitié et une collaboration soutenue puisque Duthuron va notamment mettre en scène Le bonheur de Pierre (2009), Les vieux fourneaux (2018) ou Les vieux fourneaux 2 : Bons pour l’asile (2022), tous avec Pierre Richard. Le cinéaste retrouve à nouveau le comédien nonagénaire (entouré de Bernard Le Coq, Méliane Marcaggi, François Berléand, Emilie Caen) pour un film débordant de sensibilité et qui distille une belle et forte émotion. (Blaq Out)
Nuit ClownsLA NUIT DES CLOWNS
En 1991, un groupe d’écoliers de Kettle Springs, dans le Missouri, fait la fête près de l’ancienne usine de sirop de maïs de Baypen. Deux lycéens s’infiltrent dans le champ de maïs voisin et sont tués par Frendo le Clown, la mascotte de Baypen. Aujourd’hui, Quinn Maybrook s’installe dans la petite ville de Kettle Springs, où son père, Glenn, a accepté un nouveau poste de médecin municipal. Les relations entre les Maybrook sont tendues après la mort de Samantha, la mère de Quinn. Quinn se lie d’amitié avec Cole, le fils d’Arthur Hill, le maire de Kettle Springs et ses amis Janet, Matt, Ronnie et Tucker. Cole explique également à Quinn l’histoire de l’incendie de l’usine Baypen, que la ville impute au groupe. Alors qu’elle visionne une vidéo parodique d’horreur mettant en scène Frendo, Quinn aperçoit un deuxième Frendo mystérieux en arrière-plan. Pendant ce temps, Tucker est traqué devant chez lui par un autre Frendo, qui s’introduit discrètement et le tue. Lors du 100e festival de la Fête des fondateurs de la ville, Matt gâche les festivités. Le shérif de Kettle Springs accuse Quinn et ses amis de sabotage et les retient en prison, tandis que Matt est décapité par Frendo dans son garage. Cette nuit-là, Quinn et Cole s’enfuient à une fête dans une ferme isolée. Lorsqu’un des fêtards est tué à l’arbalète, tout le monde fuit, terrorisé, jusqu’à ce que le voisin de Quinn, Rust Vance, qui se révèle également être l’ex de Cole, tire sur Frendo avec son fusil de chasse… Quinn et tous ses amis, c’est sûr, ne sont pas au bout de leurs peines. Réalisé par l’Américain Eli Craig, La nuit des clowns est une adaptation du roman d’Adam Cesare Un clown dans un champ de maïs, un titre pas vraiment horrifique, il faut bien le dire. Cependant Clown in a Cornfield (en v.o.) est bien un solide slasher qui n’est pas sans rappeler, avec son clown tueur, la série de films Ça tirés de l’oeuvre de Stephen King. Même si parfois une pointe d’humour se glisse dans ce teen movie, il demeure sombre et terrifiant. Un régal pour les amateurs de clowns tueurs ! (M6)
Certains Aiment ChauveCERTAINS L’AIMENT CHAUVE
Tout juste trentenaire, Zacharie alias Zac file le parfait amour avec la charmante Romy. Cette dernière choisit pourtant de le quitter précipitamment lorsqu’elle apprend que son compagnon, atteint d’une calvitie précoce, sera, dans six mois, chauve comme un genou. Pour l’épauler, Zac contacte son oncle Joseph qui a fait face à ce même problème héréditaire dans le passé. Au fil de rencontres improbables, de traitements chocs et de stratégies bancales, il va devoir se battre contre son destin ! La calvitie est-elle vraiment un sujet tabou ? On peut imaginer qu’il y a des sujets qui méritent plus ce label… Mais qu’importe, s’il s’agit là de trouver la matière humoristique et décomplexée d’une comédie française sur fond d’embûches à gogo. Le réalisateur Camille Delamarre réunit, en tête (c’est le cas de le dire) d’affiche Kev Adams dans le rôle de Zac et Michael Youn dans celui de Joseph, l’oncle rockeur. Autour d’eux, on remarque Rayane Bensetti en frère de Zac et l’humoriste Chantal Ladesou en médecin spécialiste des problèmes capillaires. Adams et Youn font le job avec application et le second nommé est assez touchant dans la mesure où son Joseph refuse de reconnaître sa propre calvitie. Si on veut bien chercher, on trouve, ici, quelques réflexions sur la perte des cheveux et l’acceptation de soi ou encore sur les normes de beauté imposées par la société. Pour un petit moment de détente. Sans s’arracher les cheveux. (UGC)

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