Elle est libre, Angélique

« Sauvage et mal élevé », disait, à Cannes en mai dernier, Nicole Garcia, présidente de la Caméra d’or, en proclamant le prix attribué à Party Girl. Une récompense prestigieuse et qui met la barre drôlement haut pour le trio de jeunes réalisateurs lorrains… Mais qu’on se le dise, Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis ont réussi une belle histoire de cinéma avec l’aventure d’Angélique, fille de cabaret et « papillon de nuit », qui, la maturité venue, cède au désir d’un ancien client régulier. Michel veut « la marier » et Angélique se laisse faire. Pour faire une fin? Parce qu’en tout cas, le temps a passé, qu’il a fait rudement son oeuvre, parce qu’elle veut peut-être être une mère honorable pour ses quatre grands enfants…

Petit matin dans une rue, quelque part en Allemagne, juste de l’autre côté de la frontière, quelque part vers la Lorraine et Forbach. Un groupe de femmes déambule. Elles rient, sont peut-être un peu saoules. Parmi ces entraîneuses revenant du boulot, il y a Angélique qui se souvient qu’elle a habité pratiquement partout dans cette rue: « Là où on danse, on habite… » Elle a les yeux étonnamment clairs, Angélique, mais un bon kilo de kohl sur les paupières. Et des bracelets plein les bras, des bagues plein les doigts, des tenues pas possibles où le cuir rivalise avec les motifs panthère. Angélique revendique d’appartenir à la nuit. C’est là qu’elle est bien. Pas forcément pour l’atmosphère rose et plutôt glauque des boîtes mais pour ses copines. Bien sûr, elles tortillent des fesses, bien sûr, elles se déhanchent autour de barres de danse, bien sûr elles sont là pour faire boire les hommes mais elles forment un petit monde, une famille, où elles se sentent bien. On n’ose pas dire qu’elles sont heureuses mais pourquoi pas…

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Angélique Litzenburger. DR

Avec Party Girl, le trio Amachoukeli-Burger-Theis tient donc une magnifique matière romanesque. Et, avec Angélique, un personnage hors normes. A 60 ans, Angélique aime toujours la fête, les hommes, l’alcool, la nuit. C’est elle que la caméra va suivre au plus près pour débusquer sa part de mystère. Qu’est-ce qu’elle veut, Angélique? Et pourquoi dit-elle oui à Michel, son vieil habitué qui en a marre de venir au cabaret: « Je dois payer juste pour te voir… » Michel en a marre de boire du mauvais champagne. Il veut une épouse et plus encore une femme dans son lit. Allez, sans le dire vraiment, il fantasme, Michel, sur les talents de cette belle de nuit qui, pourtant, entre dans la chambre à coucher dans un pyjama boutonné jusqu’au cou. Elle a dû en avoir des hommes, Angélique. Mais voilà, ça coince quand elle tente de se glisser dans la peau de la mariée. Bref, elle n’arrive pas à « coucher » et cela, le malheureux Michel, le considère comme une trahison.

Si Party Girl est un fameux portrait de femme et Angélique Litzenburger une étonnante comédienne, le film vaut aussi par le contexte dans lequel il se déroule, cette Lorraine des mines fermées, de la difficulté de vivre. On songe alors à ces films anglais qui, eux aussi, racontent des histoires de mineurs. Mais on revient toujours à Angélique, entraîneuse, mère, séductrice et bientôt jeune mariée. Elle voudrait bien se ranger, Angélique et elle fait tout ce qu’elle peut pour reconstituer sa propre famille et réunir ses enfants autour d’elle et notamment la blonde Cynthia qu’on lui a retirée, voilà dix ans, pour la placer dans une famille d’accueil…

Avec une série de personnages qui jouent leur propre rôle (c’est le cas des enfants d’Angélique, notamment de Samuel Theis, l’un des trois réalisateurs), Party Girl avance sur un fil ténu entre réalité et fiction. L’exercice pourrait être casse-gueule mais l’implication de ces comédiens (même s’ils ne jouent pas toujours juste) emporte l’adhésion et provoque une réelle empathie. Quant à Angélique Litzenburger, elle est simplement « bigger than life ». Trop exubérante, trop rentre-dedans (devant Michel, elle ne peut s’empêcher de faire du gringue à un jeune musicien), complètement spontanée ou complètement inconséquente. Au matin de sa nuit de noces, dans son « uniforme » panthère, elle part dans la rue… Chinawoman chante « Party Girl », une party girl, une crazy girl, une sexy girl, fragile et sauvage. Le conte de fées d’Angélique est tombé à l’eau. Mais elle est libre, Angélique. Le coeur en vrac mais libre sans doute.

PARTY GIRL Comédie dramatique (France – 1h35) de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis avec Angélique Litzenburger, Joseph Bour, Mario Theis, Samuel Theis, Séverine Litzenburger, Cynthia Litzenburger. Dans les salles le 27 août.

 

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