Juge et avocat, père et fils

Le « film de tribunal » est quasiment un genre à part entière dans le cinéma américain. Probablement parce que le prétoire est un lieu qui se prête à merveille aux affrontements, sous le regard du jury, entre avocat et procureur, aux coups de théâtre à répétition, aux révélations réservées pour la barre, aux piques fielleuses assorties de la traditionnelle « Objection, votre Honneur! »

Hank Palmer (Robert Downey Jr.) est une vedette des prétoires. Mais cet avocat de talent est aussi un type puant. D’entrée de jeu, on le voit, dans les toilettes du tribunal, pisser sur le pantalon d’un de ses adversaires… Un peu plus tard, accusé de ne défendre que des coupables, il considère que les innocents n’ont pas les moyens de se payer ses services… Comme on est au cinéma, on se doute bien qu’il faudra à Hank déchanter largement. Lorsque son portable sonne et qu’il demande une suspension de séance au président, c’est parce qu’il vient d’apprendre le décès de sa mère. Son contradicteur, celui dont le pantalon vient seulement de sécher, pense qu’il s’agit encore d’une entourloupette. Mais Hank Palmer a bien perdu sa mère et le retour en Indiana va être une grande plongée dans des souvenirs que l’avocat de Chicago avait effacé de sa mémoire…

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Robert Downey Jr. DR

Honnête faiseur, le réalisateur David Dobkin (son film le plus connu est, en 2005, Serial noceurs) donne, avec The Judge, un film tout ce qu’il y a de plus classique. Il a même demandé à son directeur de la photo, Janusz Kaminski, collaborateur par ailleurs de Steven Spielberg, d’employer de la pellicule plutôt que d’avoir recours au numérique pour « patiner » son histoire. Car, sur les pas d’Hank Palmer, on va s’éloigner de Chicago pour traverser les champs de maïs et arriver dans un petit trou perdu, façon carte postale, de l’Amérique profonde.

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Robert Duvall. DR

Carlinville, c’est le territoire de l’honorable juge Joseph Palmer. Magistrat depuis 42 ans en Indiana, l’homme est intransigeant mais honnête. Mais lorsque ce vieil homme que ses amis appellent simplement Judge, est accusé de meurtre, tout s’écroule. A cause du sang sur le pare-choc de sa voiture, il peut d’ores et déjà tirer un trait sur son rêve secret: voir tous les drapeaux  de Carlinville mis en berne à sa mort…

Venu pour assister aux funérailles de sa mère, Hank Palmer, lui, n’a qu’une hâte: repartir au plus vite à Chicago. Aux obsèques, il est le seul à qui Joseph Palmer a simplement serré la main. Et la cohabitation avec ses deux frères devient vite douloureuse. Glen l’aîné aurait pu être un grand joueur de baseball si un accident de voiture, lors d’une sortie en famille, ne lui avait coûté son bras. Quant à Dale le benjamin, il est handicapé mental et se cache derrière sa petite caméra de cinéma pour tenter de faire face au monde…

Mais les souvenirs, y compris ceux d’une blonde petite amie, affluent en même temps qu’Hank comprend qu’il lui faudra rester sur les lieux de sa jeunesse pour défendre son père devant le tribunal. Mais ce père qui lui lance « J’aimerais t’apprécier davantage », lui cache bien des choses, notamment qu’il est gravement malade… Tout en conservant son côté « film de prétoire », Le juge glisse vers un face-à-face entre un père et un fils que tout, en apparence, sépare et même oppose. Pour Hank, le vieux magistrat se comporte comme un connard moralisateur et, pour Joseph, il n’est pas question de laisser son avocat de fils entacher sa réputation.

Grâce à Robert Downey Jr. en avocat « pourri » contraint d’affronter de rudes secrets de famille et au vétéran Robert Duvall, parfait en vieil homme réfugié dans ses certitudes, The Judge se regarde sans déplaisir. La révélation du dénouement judiciaire n’arrive pas trop facilement et Hank, le « mauvais fils » dont les frasques de jeunesse hantaient son magistrat de père, réussira à reconquérir l’estime de soi. On s’y attendait évidemment un peu quand même…

THE JUDGE Drame (USA – 2h21) de David Dobkin avec Robert Duvall, Robert Downey Jr., Billy Bob Thornton, Vincent D’Onofrio, Jeremy Strong, Vera Farmiga, Dax Shepard. Au cinéma le 22 octobre.

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