Le long tunnel des Visiteurs

Godefroy de Montmirail (Jean Reno) et Jacquouille (Christian Clavier). Photo Nicolas Schul - Gaumont

Godefroy de Montmirail (Jean Reno) et Jacquouille (Christian Clavier). Photo Nicolas Schul – Gaumont

En 1993, un certain Jacquouille la fripouille faisait une entrée tonitruante sur les écrans français en poussant un « Okaayyyy » qui allait devenir un must des préaux scolaires. Une affaire juteuse puisque Les Visiteurs prenait, cette année-là, la tête du box-office français avec un total de 13,98 millions d’entrées. Forcément ce genre de réussite donne des idées aux producteurs. Un Visiteurs 2, en 1998, réunissait encore la bagatelle de huit millions de spectateurs. Un (moins bon) résultat qui pouvait cependant faire rêver bien des producteurs, des réalisateurs et des acteurs. Ensuite, en  2001, il y avait bien eu un Visiteurs en Amérique que, par charité, on oubliera…

Disons que c’est donc avec une certaine curiosité (mais sans se faire trop d’illusions non plus) qu’on est allé voir ce Jacquouille le retour. Histoire de retourner, 23 ans plus tard, dans les couloirs du temps. Autant le dire d’entrée, la désillusion est grande. Godefroy de Montmirail et son fidèle serviteur, passés par un 20e siècle dont ils avaient apprécié la modernité, sont projetés dans une époque de profonds bouleversements politiques et sociaux : la Révolution Française… Plus précisément, la Terreur, période de grands dangers pendant laquelle les descendants de Jacquouille La Fripouille, révolutionnaires convaincus, confisquent le château et tous les biens des descendants de Godefroy de Montmirail, aristocrates arrogants en fuite dont la vie ne tient qu’à un fil. Voilà pour le pitch.

Alors on s’embarque dans une aventure dont le début fait parfois penser aux Pardaillan ou Bossu de nos jeunes années. Mais, en moins bien. Ensuite, on lâche vite prise tant le scénario paraît inconsistant et la mise en scène d’une confondante platitude. Il faut se contenter d’un furoncle qui gicle, d’une perruque de voyage qui se gonfle ou se dégonfle, d’un personnage de soldat-concierge de couleur, de Marat dans son bain ou d’un dîner avec l’antipathique Robespierre qui consomme du boudin antillais très épicé et qui s’en trouve mal. Car, et c’est le trait principal de ces nouveaux Visiteurs, le propos est constamment prout-caca. On y parle de « merdasse royale », d’odeur suffocante de pieds crasseux ou d’âne mort, d’haleine putride et on en passe. On se demande si les scénaristes pensaient vraiment faire rire le public avec ces plaisanteries de latrines…

Karin Viard, Alex Lutz et Franck Dubosc. Photo Nicolas Schul - Gaumont

Karin Viard, Alex Lutz et Franck Dubosc. Photo Nicolas Schul – Gaumont

Avec ces péripéties d’aristos dont on se moque comme de sa première guillotine, il revient aux comédiens de boucher les trous. Jean Reno, tour à tour Godefroy de Montmirail, noble autrichien et tonnelier alsacien, a l’air de se demander ce qu’il fait dans cette galère. Quant au Jacquouille de Christian Clavier, il semble ne pas avoir changé d’un poil sinon qu’il a un peu forci. Le gueux aux dents cariées est toujours aussi bête, nauséabond, hystérique et couard. Comme pour se ménager un peu d’air, Clavier s’est offert deux parents de Jacquouille de plus: un commissaire du peuple corrompu et un châtelain collabo au temps de l’Occupation. Tous les autres comédiens semblent se contenter du minimum syndical en balançant des répliques qui semblent leur brûler les lèvres.

Dernière chose: il faut attendre la toute fin de ces Visiteurs pour entendre Jacquouille lâcher enfin son fameux « Okaayyy ». Mais on n’est pas obligé d’en arriver là.

 LES VISITEURS – LA REVOLUTION Comédie (France – 1h50) de Jean-Marie Poiré avec Christian Clavier, Jean Reno, Franck Dubosc, Karin Viard, Sylvie Testud, Marie-Anne Chazel, Ary Abittan, Alex Lutz, Pascal Nzonzi, Anne Gregorio, Lorant Deutsch, Frédérique Bel. Dans les salles le 6 avril.

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