Sur les traces d’un serial killer

« L’homme est le seul prédateur qui s’attaque à sa propre espèce… Et Guy Georges en est le parfait exemple. » Avis d’expert!

A Paris, en 1991, Franck Magne, policier trentenaire, arrive au très fameux 36 Quai des Orfèvres, siège de la Police judiciaire. Il entre comme cinquième dans l’un des groupes d’enquête de la Crim’, la Brigade criminelle. Surnommé Charlie (parce que le sobriquet est une tradition chez ces flics), prié de porter désormais la cravate (autre tradition du lieu), l’inspecteur, en guise de premiers pas, va se plonger dans les dossiers en cours de son groupe. Rapidement, il s’attache à une affaire d’assassinat. Celui, particulièrement sauvage, de Pascale Escarfail, belle jeune femme massacrée par son agresseur… Et puis, parce qu’il a un oeil neuf et un vrai flair de flic, Charlie va « connecter » des dossiers démontrant peu à peu l’existence d’un serial killer s’attaquant et égorgeant des victimes qui avaient notamment la particularité d’être de jolies jeunes femmes…

Olivier Gourmet et Raphaël Personnaz. DR

Olivier Gourmet
et Raphaël Personnaz. DR

Avec L’affaire SK1, Frédéric Tellier, pour son premier long-métrage de cinéma (il signa notamment à la télévision la série Les hommes de l’ombre), réveille un dossier qui fit couler beaucoup d’encre, celui de Guy Georges surnommé « le tueur de l’Est parisien ». Entre 1991 et 1997, Guy Georges viola et assassina, selon un modus operandi quasiment identique, sept femmes. Arrêté à Paris en mars 1998, Guy Georges fut condamné, le 5 avril 2001, à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans.

S’ouvrant sur l’audience des assises devant laquelle comparaît Guy Georges, L’affaire SK1 s’applique à suivre tout à la fois le parcours des défenseurs du tueur, notamment l’avocate Frédérique Pons, et -principalement- Charlie Magne, le policier de la Crim’, peu à peu obsédé par son enquête. A ce flic qui garde une photo encadrée de Pascale Escarfail sur son bureau comme il aurait mis une photo de son épouse ou de ses enfants, ses collègues disent: « Essaye de garder un peu de distance sinon, elle va te démolir cette affaire. Nous, elle a nous démolie… »

Frédéric Tellier détaille avec un soin minutieux, la réalité du travail d’enquêteur (le manque de moyens, la bureaucratie), une enquête au long cours, la traque pendant huit ans d’un serial killer à la française mais aussi les pistes qui se brouillent, les opportunités qui échappent aux policiers (Guy Georges sera brièvement entre leurs mains au 36) ou la révélation, petit à petit, du visage anthropométrique de Guy Georges… Et puis, on voit aussi apparaître, ici, la part que va prendre l’ADN dans les enquêtes criminelles. Pour arriver à ses fins, la PJ mettra d’ailleurs en place une enquête scientifique inédite (et, à l’époque, contraire à la loi) de comparaison d’ADN à l’échelle nationale. Enfin le cinéaste évoque aussi une certaine forme de guerre des services, sinon des polices, entre des groupes de la Crim’ soucieux sans doute d’arrêter le tueur pour en retirer une gloire professionnelle.

Adama Niane, Nathalie Baye et William Nadylam. DR

Adama Niane, Nathalie Baye et William Nadylam. DR

Pour illustrer l’enquête la plus complexe et la plus vaste qu’ait jamais connu la police judiciaire française, Frédéric Tellier peut compter sur une équipe de comédiens qui fait bien le boulot. Raphaël Personnaz est un Charlie Magne charismatique et passablement torturé. Autour de lui, Michel Vuillermoz ou Olivier Gourmet campent de solides silhouettes de flics. Quant à Nathalie Baye, elle est l’avocate Frédérique Pons, décidée à comprendre le destin de l’homme cabossé qui se cache derrière un assassin sans pitié. A Charlie qui constate: « Je suis juste celui qui a traqué le monstre… », elle répond: « Je suis celle qui traque l’homme derrière le monstre… »

Marianne Denicourt. DR

Marianne Denicourt. DR

Personnage récurrent du cinéma, notamment américain, le serial killer a donné, au fil du temps, une série d’oeuvres marquantes. On songe à Monsieur Verdoux (1947) de Charlie Chaplin, à L’étrangleur de Boston (1968) de Fleischer, au Silence des agneaux (1991) de Demme, à Monster (2003) avec Charlize Theron mais aussi à deux grands fleurons signés David Fincher: Seven (1995) et Zodiac (2007)… Le cinéma français est, lui, moins riche sur la question. On se souvient du Landru (1963) de Chabrol ou du Docteur Petiot (1990) de Christian de Chalonge mais également du très dépouillé Roberto Succo (2000) de Cedric Kahn.

Avec une volonté de bien reconstituer l’époque, Tellier livre un film qui, c’est son principal défaut, ne brille pas par son écriture. L’affaire SK1, c’est du beau téléfilm mais c’est un peu insuffisant cinématographiquement. Reste une scène très forte, celle où, dans la nuit tombée, dans un bureau mansardé du 36, Charlie « confesse » Guy Georges. Deux comédiens  remarquables sont face-à-face. L’un incarne un flic qui arrive au bout de sa quête. L’autre, un tueur, qui, enfin, se met à table et raconte ses forfaits. C’est glaçant et puissant à la fois…

L’AFFAIRE SK1 Policier (France – 2h) de Frédéric Tellier avec Raphaël Personnaz, Nathalie Baye, Olivier Gourmet, Michel Vuillermoz, Thierry Neuvic, Adama Niane, Christa Théret, William Nadylam, Marianne Denicourt. Dans les salles le 7 janvier.

Laisser une réponse