Le King et le président

Rencontre au sommet dans le Bureau ovale.

Rencontre au sommet dans le Bureau ovale. DR

Elvis Presley faisant des pieds, des mains et… des billets verts pour rencontrer le 37e président des Etats-Unis, l’anecdote est savoureuse! Elle l’est encore plus lorsqu’on sait que la rencontre a réellement eu lieu le 21 décembre 1970… De ce court « fait historique », la cinéaste Liza Johnson a tiré Elvis & Nixon, une courte comédie agréablement loufoque même si l’argument est quand même singulièrement ténu.

Dans les années 1970, le King est au sommet de sa gloire. Il enchaîne les concerts, tourne des films, séduit le public de Las Vegas où il a introduit le rock… Richard Milhous Nixon, lui, est un jeune président (il a prêté serment fin janvier 1969). Ces deux-là n’avaient sans doute aucune raison de se rencontrer d’autant que Nixon n’avait guère de goût pour le rock. Et c’est là qu’Elvis vient déposer, aux portes (bien gardées) de la Maison Blanche, un courrier de six feuillets adressés au président où il sollicite un rendez-vous rapide. Pour Dwight Chapin, le secrétaire de Nixon chargé du planning et des déplacements comme pour Egil ‘Bud’ Krogh, collaborateur de Chapin et responsable du protocole, la requête de ce mythe vivant qu’est Elvis est une formidable aubaine. Mais Nixon balaye de la main cette demande de rendez-vous. Les deux conseillers, manifestement fans du King, tentent de convaincre Bob Haldeman, le chef de cabinet de Nixon, mais celui-ci n’est pas plus intéressé que son patron. Il faudra que Chapin et Krogh fassent miroiter à Nixon le bénéfice à tirer de la rencontre auprès d’un électorat jeune et sudiste qu’il ne séduit pas pour que les portes du fameux Bureau ovale de la Maison Blanche s’ouvrent à l’homme de Graceland. Car, comme le disent en duo les conseillers: « Tout le monde aime Elvis ». Et c’est Julie, la fille de Nixon, qui achèvera de convaincre son père en lui ordonnant de récupérer un autographe et une photo du King…

Elvis (Michael Shannon) et ses groupies.

Elvis (Michael Shannon) et ses groupies. DR

Avec cette historiette, Liza Johnson a construit un film, parfois un peu hésitant dans son écriture, qui joue la carte du (faux) documentaire avec incrustation de dates, de lieux et d’heures mais qui opte aussi pour la fiction dans la mesure où le film entre, pour quelques heures, dans l’intimité d’Elvis Presley. On le retrouve ainsi, enfoncé de dos dans un profond fauteuil dans sa salle de projection de Graceland. Il regarde des écrans sur lesquels passent des images du Dr Folamour de Kubrick mais aussi des actualités avec des manifestations des Black Panthers ou des opposants à la guerre du Vietnam et finit par dégainer un énorme calibre pour exploser le poste… La cinéaste va montrer un Elvis souffrant de n’être qu’un objet, un produit mais aussi un artiste qui déclenche instantanément l’hystérie des jeunes filles, enfin un personnage passablement perturbé qui dissimule, sous ses extravagantes tenues, de gros pistolets…

Kevin Spacey campe Richard Nixon.

Kevin Spacey campe Richard Nixon. DR

Si Elvis Presley tient tant à rencontrer Richard Nixon, c’est tout bonnement pour lui demander… un badge du FBI qui ferait de lui un agent fédéral infiltré! Car le roi du rock est désespéré par l’anarchie qui menace l’Amérique et il veut combattre, en secret, ceux qui nuisent à son pays. Carrément contraint d’accepter la rencontre, Nixon la fixe à cinq minutes précises. Ensuite Krogh viendra mettre un terme à l’entretien. Mais le King n’a que faire du protocole. Devant un Nixon d’abord incrédule, il s’assied à la mauvaise place, boit le soda et mange les M & M’s réservés au président et finira par lui faire une démonstration de karaté! Mais surtout, avant que ne soit faite la fameuse photo officielle (c’est toujours l’image la plus réclamée auprès de la Maison Blanche), les deux hommes passeront une petite heure ensemble. L’occasion pour Elvis de s’en prendre à tous ceux qui n’aiment pas l’Amérique, y compris John Lennon et des Beatles anti-américains. Et Nixon finira par s’enflammer: « Ces gens-là haïssent ce que nous représentons! »

Une photo pour la postérité!

Une photo pour la postérité! DR

Pour incarner le King, les producteurs ont choisi Michael Shannon qui ne ressemble pas physiquement à Presley mais qui réussit néanmoins à rendre palpable la personnalité d’Elvis. Quant à Richard Nixon (qui fut incarné par Anthony Hopkins dans le Nixon d’Oliver Stone (1995) et par Frank Langella dans Frost/Nixon de Ron Howard en 2008), il trouve en Kevin Spacey un interprète de qualité. Déjà président américain dans la série House of Cards, Spacey est, ici, un Nixon massif et presque simiesque, parfois inquiétant, à la limite de la vulgarité… Mais le personnage le plus dramatiquement réussi est celui de Jerry Schilling, le vieil ami d’Elvis que celui-ci appelle à la rescousse pour cette « mission secrète » à Washington DC. Un copain attentif et dévoué (Alex Pettyfer) qui lancera au King lorsque celui-ci veut lui offrir une maison pour renoncer  à un dîner avec ses futurs beaux-parents: « Tu n’as pas besoin de m’acheter. Je suis déjà ton ami… »

Après cette rencontre longtemps oubliée, Nixon chutera dans l’affaire du Watergate qui emportera aussi Haldeman, Chapin et Krogh. Elvis, lui, cultivera son addiction aux armes et surtout aux médicaments avant de succomber en 1977. Plus qu’un grand film, Elvis & Nixon est une curiosité.

ELVIS & NIXON Comédie dramatique (USA – 1h26) de Liza Johnson avec Michael Shannon, Kevin Spacey, Alex Pettyfer, Johnny Knoxville, Colin Hanks, Evan Peters, Sky Ferreira, Tate Donovan. Dans les salles le 20 juillet.

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