UN VRAI FAUSSAIRE

Un vrai faussaireC’est dans la salle où sont stockés les scellés au tribunal de Creteil que s’ouvre Un vrai faussaire… Dans une semi-obscurité, un employé -qui ne semble pas toujours très sûr des noms qu’il prononce- présente des tableaux. Il y a là Manet, Matisse, Degas, Fujita, Picasso, Léger et d’autres. Point commun: ils sont tous faux et ont été saisis. Ils ont valu à Guy Ribes d’être condamné à trois ans de prison. Le faussaire a été jugé et condamné et Jean-Luc Léon, le réalisateur de cet étonnant documentaire, a pu le rencontrer et ramener cet homme de l’ombre dans la lumière. Il signe le portrait attachant d’un artiste de talent dont on admire le coup de patte lorsqu’il réalise un Chagall (« il me fallait trois quarts d’heure et je prenais quinze briques ») ou qu’on écoute, incrédule, lorsqu’évoquant le catalogue raisonné en trois volumes de Raoul Dufy, il glisse: « Il y en a quarante à moi là-dedans… »
Avec parfois un faux air de Depardieu, le gouailleur Guy Ribes parle aussi de son enfance entre un colosse de père qui tenait un bordel et un cinéma près de Roanne et une mère gitane et médium. Il dessine à 10 ans, peint à 14 puis s’engage dans la marine: « A ma première perm, mon père a tué trois voisins. J’ai quitté la marine pour la Légion. » Il vend des objets pour un receleur, casse un peu et se met à peindre des faux, d’abord par jeu puis par admiration, dit-il, pour le peintre Claude Weisbuch. Une connaissance de Ribes avait envie d’un Weisbuch mais ne pouvait se l’offrir. Qu’à cela ne tienne, Ribes lui en fabriqua. Avec humour, le faussaire raconte: « Weisbuch m’a dit: Guy, maintenant tu arrêtes! » Un vrai faussaire permet donc de voir à l’oeuvre un faussaire qui ne copiait pas servilement une pièce de Picasso ou de Chagall mais réalisait des pastiches, mêlant différents thèmes et… imitant la signature: « En une nuit, je faisais un Miro ». Pendant trente ans, Guy Ribes a inondé le marché de l’art. Si la police a saisi quelques centaines de faux, un expert estime  que 1000 à 2000 Ribes sont toujours dans la nature. Comme le dit un proverbe chinois: « Les récits des faussaires sont parfois aussi vrais que leurs oeuvres ». Remarquable!

(Pretty Pictures)

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