Non, Christian Grey ne fait pas l’amour…

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Faut bien dire qu’on est comme tout le monde. On le regrette mais c’est comme ça. A force d’entendre parler partout du premier Mummy Porn de l’histoire du 7e art, on voulait voir. Et on a vu. Quoi? Un solide film érotique avec de vrais morceaux de sexe dedans? Que nenni, mon prince. Disons-le de suite, dans l’histoire de l’érotisme au cinéma, Cinquante nuances de Grey sera classé dans la catégorie des gros nanars.

Déjà, ça commence bien. Un type qui fait du jogging dans la ville (comme dans Marathon Man) puis qui s’habille dans une penderie luxueuse (comme dans American Gigolo) et qui sort de là, vêtu d’une costume gris de bonne coupe. Lui, c’est donc Christian Grey, patron, à 27 ans, d’une très grosse boîte de communication et millionnaire assumé.

Anastasia Steele, ce n’est pas pareil. Vêtue d’une immonde et informe chemise à fleurs, cette étudiante en littérature anglaise est coincée de chez coincée. On ne sait toujours pas pourquoi elle a accepté de rendre service à sa blonde coloc en allant interviewer, pour un journal étudiant, l’inabordable Christian Grey. Forcément, elle tombe sous le charme du boss. A sa copine, l’oeil romantique, elle explique qu’il est « poli, courtois, très formel, clean, élégant, déterminé, intimidant, autoritaire, incroyablement sexy ». Ce qu’elle ne sait pas encore mais que tous ceux qui ont lu la trilogie d’EL James (et ils sont des millions), c’est que le gaillard cache un (lourd?) secret. D’ailleurs, il le laisse assez vite entendre à Ana: « Je ne fais pas dans le romantisme… » et encore « Mes goûts sont très particuliers… »

Dakota Johnson et Jamie Dornan.  DR

Dakota Johnson et Jamie Dornan. DR

Evidemment, Ana n’y comprend rien. Peut-être parce qu’elle est… vierge. « Ou étiez-vous? » lui demandera Christian. « J’attendais » répondra-t-elle. Ce qui, en passant, donne une idée assez juste de la qualité globale des dialogues.

Donc, là, il y a déjà une bonne demi-heure de film et, en matière de « porn », on commence à s’impatienter. Mais voilà, une petite scène dans la quincaillerie où Ana bosse pour gagner sa vie.  Christian débarque pour acheter des liens de serrage, de la corde et du ruban adhésif. On se dit qu’Ana va enfin saisir ce que sont les « goûts particuliers » du zig. Nous, on se dit surtout que, pour un big boss, il a vraiment du temps pour faire lui-même ses petites commissions!

Mais c’est un malin, ce Christian Grey. Comme plan drague, il a un petit « Je ne suis pas l’homme qu’il vous faut. Evitez-moi! » du meilleur effet. En plus, il dispose d’un hélicoptère et embarque la belle pour une promenade en planeur. Comme on a le temps, on apprécie la (légère) métaphore du « Comment s’envoyer en l’air ».

Bref, on passe sur la maman de Christian, l’invitation à déjeuner en famille, les voitures de luxe, le chauffeur mutique, la pub pour le Mac, les incrustations de sms dans l’écran, les pancakes du petit déjeuner, la promenade au jardin ou en forêt, le bel appartement au sol en marbre, vue imprenable sur Seattle et piano à queue. Car on attend enfin la révélation. Elle viendra au lendemain d’une fête très arrosée où Ana a perdu le contrôle d’elle-même. D’abord Christian lui lâche un sibyllin « Si vous étiez à moi, je vous corrigerais… » Puis ce terrifiant: « Je ne fais pas l’amour. Je baise brutalement ». Derrière moi, deux dames quinquagénaires ont poussé un soupir.

Jamie Dornan et Dakota Johnson.  DR

Jamie Dornan et Dakota Johnson. DR

« Vous êtes sadique? » demande Ana. « Dominant » répond Christian en lui montrant sa chambre rouge. Il paraît que les adeptes du SM appellent cela un donjon. On y trouve martinets, menottes, liens, cravaches… Christian pourra enfin  claquer (trois fois) les fesses de la belle puis fouetter avec une ceinture (six fois) le postérieur d’une Ana qui prend vaguement plaisir à la chose. De toute façon, à cet instant, Ana a déjà pris l’ascendant sur Christian. Le dominant a succombé et est soumis à l’amour sinon pur, du moins basique, de la petite étudiante.

Mais il n’est pas si méchant que cela, Christian Grey. Car il a eu une enfance malheureuse, le pauvre, avec une mère prostituée et accro au crack, morte lorsqu’il avait quatre ans. Pire, à 15 ans, il est tombé dans les rets d’une dominatrice, amie de sa mère, qui l’a initiée aux galipettes hot…

Avec un Jamie Dornan plus inexpressif que ténébreux et une Dakota Johnson qui se demande ce qu’elle fait dans cette galère, Cinquante nuances de Grey est une petite chose bien oubliable et surtout pas franchement érotique. Bref, pas de quoi fouetter un chat. Car depuis Basic Instinct ou 9 semaines et demi, on a déjà vu des amants attachés par des liens à un grand lit ou se caressant le nombril avec un glaçon…

Une seule scène est savoureuse, celle où, dans un rendez-vous d’affaires, Ana négocie avec Christian les termes du contrat qui doit lier ces deux adultes consentants dans leurs pratiques sado-maso.  Entre pages, paragraphes et annexes, Ana refuse le fisting anal, vaginal, les pinces génitales tandis que des inserts sur les documents contractuels nous laissent à penser qu’elle n’a rien contre la fellation ou le fouet. Et on se marre franchement quand elle demande: « C’est quoi, un plug anal? »

« La chair est triste et j’ai lu tous les livres » disait Mallarmé. Et penser -le dernier plan en atteste- qu’un Nuances 2 nous semble promis…

CINQUANTE NUANCES DE GREY Drame (USA – 2h05) de Sam Taylor-Johnson avec Jamie Dornan, Dakota Johnson, Jennifer Ehle, Eloise Mumford, Victor Rasuk, Luke Grimes, Marcia Gay Harden. Interdit aux moins de 12 ans. Dans les salles le 11 février.

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