MOONLIGHT

MoonlightAux derniers Academy Awards, Moonlight s’est imposé, pour l’Oscar du meilleur film, au nez et à la barbe de poids lourds comme La La Land (Damien Chazelle), Manchester by the Sea (Kenneth Lonergan), Fences (Denzel Washington) ou Tu ne tueras point (Mel Gibson). Rien pourtant de scandaleux tant le film de Barry Jenkins -devenu le premier film centré sur un personnage gay à remporter la fameuse statuette- est une oeuvre à la fois puissante, intimiste et bouleversante. En trois épisodes (certains critiques ont évoqué la trilogie père, fils, saint-esprit) le cinéaste américain de 37 ans suit le personnage à trois étapes cruciales (9-10 ans, 16-17 ans et dix ans plus tard) de sa jeune existence. Dans un quartier difficile de Miami, le petit Little tente difficilement de trouver sa place dans le monde. Ses camarades de classe lui mènent la vie dure et il faudra que Juan, un dealer, et sa gentille épouse lui offrent régulièrement l’hospitalité pour que le gamin fragile puisse quasiment survivre. A l’adolescence, Chiron est toujours la victime désignée d’une troupe d’élèves de son collège. Mais Chiron va aussi, une nuit sur la plage, croiser Kevin, une rencontre qui le révèle encore plus à lui-même. Enfin, jeune adulte, Black s’est transformé après un séjour en prison. Il est devenu dealer et vit seul. Une nuit, Black reçoit un coup de fil de Kevin…
Pour traiter tour à tour de l’appartenance communautaire, de l’identité sexuelle, de la masculinité, des liens familiaux et des relations amoureuses, Barry Jenkins peut s’appuyer sur la poésie des visages de ses comédiens et, évidemment, sur trois acteurs (Alex R. Hibbert, Ashton Sanders et Trevante Rhodes) incarnant tous Chiron avec le même trouble intérieur. Si les hommes sont magnifiquement traités, le cinéaste réussit aussi deux belles figures maternelles. Avec Teresa, la femme de Juan d’une part mais aussi avec Paula, la mère de Chiron, une femme qui va s’enfoncer dans la drogue et ne plus pouvoir assurer son rôle auprès de Chiron…
Porté par une riche b.o. où se côtoient Aretha Franklin, Boris Gardiner, Jidenna, Gaetano Veloso et Mozart, Moonlight est un drame dont l’intrigue puise dans la réalité mais qui distille aussi une authentique dimension onirique. Presque conçu comme une série d’hallucinations, le film s’offre des échappées lyriques jusqu’à cet ultime plan (quasiment identique à celui des 400 coups de Truffaut) où un gamin va vers la mer et se retourne pour nous regarder dans les yeux. En supplément: vingt minutes de making of du film.

(Studiocanal)

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