Le père, le fils aux accents de Mahler

Victor (Romain Paul), Nadia (Clotilde Hesme) et Miguel (Victor Sanchez) autour d'un cadeau d'anniversaire.

Victor (Romain Paul), Nadia (Clotilde Hesme)
et Miguel (Victor Sanchez)
autour d’un cadeau d’anniversaire.

Quelque part, au bord de la Méditerranée, pas très loin de Montpellier, vivent Nadia et Victor, mère et fils. Elle ne travaille plus et lutte contre la maladie. Lui est un gamin de 13 ans, un peu bougon, qui porte le maillot de l’équipe de France de football championne du monde et se débrouille si bien avec un ballon rond qu’il pourrait bien intégrer le centre de formation du Montpellier Hérault Sport Club…

Victor et sa mère vivent dans une caravane posée sur une vaste plage battue par le vent. A côté d’eux, séjourne une famille espagnole. Victor fait réciter « Des milliers de fleurs au jardin » au jeune Miguel tout en n’étant pas insensible aux charmes de Luna, brune adolescente comme lui… Le soir, parfois, sur une télé, Victor, avec toute une bande de fans des Catalans, regarde jouer le Barça d’Iniesta et Messi. Mais il a aussi un oeil sur Luna qui déambule en short et en haut de maillot de bain…

Avec Le dernier coup de marteau, Alix Delaporte, ancienne journaliste cameraman à l’agence Capa puis chez Canal pour Nulle part ailleurs, signe son second long-métrage. On avait, en 2010, déjà remarqué son premier, Angèle et Tony, portrait attachant d’un marin pêcheur en panne de sentiments et d’une jeune femme qui a de bonnes raisons de se construire une nouvelle vie…

Curieusement mais sans que cela gène le moins du monde, la cinéaste a confié à nouveau ses deux rôles principaux adultes aux interprètes d’Angèle et Tony. Avec plaisir, on retrouve donc, ici, Clotilde Hesme incarnant une Nadia diaphane et fragile et l’imposant Grégory Gabebois, cette fois dans le costume sombre de Samuel Rovinski, chef d’orchestre venu à l’opéra de Montpellier pour donner la 6e symphonie de Gustav Mahler.

Autrefois, Samuel et Nadia se sont connus. Victor est né de cette rencontre. Aujourd’hui, Nadia a tiré un trait: « On n’attend pas dix ans pour dire à quelqu’un qu’il a un enfant… » Mais Victor, lui, veut savoir. Et Le dernier coup de marteau raconte cette quête du père.

Grégory Gabedois et Romain Paul.

Grégory Gabedois et Romain Paul.

Le titre du nouveau film d’Alix Delaporte qui a toujours voulu d’un chef d’orchestre comme personnage masculin principal, est né, avant même l’écoute de la 6e symphonie de Mahler (créée en 1906), de la découverte des trois coups de marteau qui interviennent à la fin de l’oeuvre. Pour le compositeur autrichien, ces coups étaient terriblement prémonitoires. Car l’année suivant la création de son oeuvre, il perdait sa fille de quatre ans, il était évincé de l’opéra de Vienne et on lui  diagnostiquait une maladie du coeur incurable. Par superstition, Mahler supprima le dernier coup de marteau de sa partition. Et c’est cette histoire, où il est évidemment question de conjurer le destin, que Victor racontera un jour à sa mère. Mais auparavant, le gamin aura doucement fait son chemin vers son père. Un père qui, d’abord, lui dit: « Je n’ai pas d’enfant » avant de doucement se laisser « amadouer »…

Victor (Romain Paul) et Luna (Mireia Villapuig).

Victor (Romain Paul) et Luna (Mireia Villapuig).

La force de ce film lumineux et sensible qu’est Le dernier coup de marteau réside dans la manière quasiment minimaliste mais toujours chaleureuse qu’a Alix Delaporte d »enchaîner des fragments de vie. Autour de Victor, gamin toujours en mouvement, elle raconte une sortie de Nadia et de son fils au bord de l’eau, un anniversaire où Nadia offre un scooter à Victor et bien sûr les rencontres entre le gamin et son père dans les coulisses de l’opéra, lors de répétitions où Victor découvre un univers inconnu tandis que son père semble peiner, justement à cet instant, à trouver le son juste pour sa direction d’orchestre…

Avec des séquences où Victor enfile un maillot de foot trop petit pour lui, où le petit Miguel lance à Victor: « Ta mère, elle va mourir… », où Luna esquisse un séduisant pas de flamenco, d’autres encore où Victor échange des regards avec les musiciens de l’orchestre, la cinéaste installe une atmosphère dense et légère à la fois reposant sur des sentiments forts et exacerbés. Et, dans ce film où les mots sont plutôt rares, c’est la musique et son mystère qui président à la découverte commune  du père et du fils. Lorsque le premier dit: « Tu ressembles à ta mère », il va lui permettre de construire l’identité nécessaire au passage à l’âge adulte.

Aux accents de Mahler, Victor (Romain Paul, une belle découverte) s’entendra dire par son père que « la musique donne envie de déplacer des montagnes ». Et c’est toujours, avec Mahler, que Victor dira à sa mère: « On part où tu veux mais tu ne lâches pas ton traitement… » Alors, enfin, la mère et son fils se retrouveront, dans le soleil, au-dessus de Montpellier. Et ils souriront tous les deux.

LE DERNIER COUP DE MARTEAU Comédie dramatique (France – 1h23) d’Alix Delaporte avec Clotilde Hesme, Grégory Gadebois, Romain Paul, Farida Rahouadj, Candela Pena, Tristan Ulloa, Mireia Villapuig, Victor Sanchez, Farid Bendali. Dans les salles le 11 mars.

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