Des femmes et des hommes qui rêvent

Paul Coutard (Max Boublil) et ses footballeuses. DR

Paul Coutard (Max Boublil)
et ses footballeuses. DR

BALLON.- Alors que le fameux Stade de Reims tombe tristement en deuxième division, Paul Coutard, journaliste sportif au quotidien Le Champenois, s’en prend au président du club rouge et blanc. Du côté de la rédaction en chef du Champenois, on n’apprécie que modérément l’algarade. Pour « punir » Coutard, on lui confie l’organisation de la kermesse annuelle du journal. L’année d’avant, le temps fort avait été un combat de catch entre nains… Emmanuelle Bruno, la secrétaire de direction, est sommée d’assister Coutard. Mais la discrète Emmanuelle n’a guère d’estime pour ce séducteur invétéré. Comme une mauvaise idée marrante, surgit l’idée d’un match de foot entre filles. Nous sommes en 1969 et le ballon rond est une stricte affaire de garçons. Confronté à des oppositions multiples et à des ricanements consternés, Paul Coutard se pique au jeu. Avec des recrues qui se demandent parfois ce qu’elles font là, Coutard va lancer la première équipe féminine de football de France. Mieux, il va trouver en Emmanuelle, une alliée de taille. Car Emmanuelle, fille d’un grand footballeur italien d’antan, taquine à merveille le cuir…

« Non, ce ne sont pas des féministes politiques! Juste des filles de Reims qui avaient envie de taper dans un ballon et surtout de conquérir un droit! » Forcément, par les temps qui courent, Comme des garçons (France – 1h30. Dans les salles le 25 avril) semble résonner de préoccupations bien contemporaines et le cinéaste revendique volontiers un féminisme… pratique. Car voilà des femmes qui disent zut à leur mari, à leur frère, à leur petit ami, à la société machiste du milieu des années soixante pour enfiler des shorts et courir derrière un ballon. « A l’époque, elles ont ausi eu des problèmes avec le MLF. Elles étaient entraînées par un homme et jouaient devant des hommes… »

Emmanuelle Bruno (Vanessa Guide) et Paul Coutard (Max Boublil). DR

Emmanuelle Bruno (Vanessa Guide)
et Paul Coutard (Max Boublil). DR

Venu aux Rencontres du cinéma de Gérardmer 2018, Julien Hallard, qui signe là son premier long-métrage, raconte qu’il a entendu parler, dans une émission de radio, des filles de Reims et de l’histoire de Pierre Geoffroy, journaliste sportif à L’Union de Reims qui avait passé une petite annonce pour organiser un match de foot féminin. Contre toute attente, les footballeuses et le journaliste allaient devenir les pionniers d’un sport qui, aujourd’hui, passe à la télévision et a permis à l’équipe de France d’Eugénie Le Sommer, Gaëtane Thiney, Laura Georges ou Amandine Henry de figurer dans le top international… Avec Comme des garçons, Hallard a construit une histoire d’époque (la reconstitution est soignée, l’ambiance musicale de qualité de la chanson du titre de Sylvie Vartan à Respect d’Aretha Franklin en passant par une b.o. confiée à Vladimir Cosma) qui voit Coutard recruter des joueuses, leur apprendre les bases du foot (les comédiennes ont répété pendant trois mois à raison de trois entraînements par semaine) et les lancer dans l’aventure face à des équipes de garçons qui n’apprécient que modérément de se faire bouger par des filles ou de subir un petit pont. Pour éviter tout à la fois l’écueil du film choral et celui du film de sport (à part ceux consacrés à la boxe, ils sont généralement médiocres), Julien Hallard a opté pour la comédie romantique. Il a pris aussi quelques libertés avec les faits réels, créant les personnages d’Emmanuelle, la secrétaire  effacée et de Coutard, le dragueur tête à claques par lesquels arrivent le décalage et une part de burlesque. Ironie: c’est quand même par le fait d’un playboy inconséquent et mysogyne que triomphe la cause des femmes… Si Max Boublil (Coutard) en fait trop, les comédiennes, Vanessa Guide en tête, apportent une sympathique fraîcheur à cette bluette footballistique qui cultive une certaine liberté de ton sur le thème « Crampons – nichons ».

Daniel (Daniel Auteuil) n'en croit pas ses yeux! DR

Daniel (Daniel Auteuil)
n’en croit pas ses yeux! DR

CONTE.- Editeur à Paris, Daniel tombe un jour, au hasard d’une rue parisienne, sur son vieil ami Daniel qu’il n’avait pas vu depuis des lustres. Au fil de quelques mots échangés, Daniel invite Patrick à venir dîner à la maison. Patrick est d’autant plus ravi qu’il pourra ainsi présenter à son ami sa toute nouvelle et très belle compagne. Revenu chez lui, Daniel s’apprête à dire à sa femme Isabelle qu’il a invité Patrick à dîner. Mais au seul nom de Patrick, Isabelle explose: Patrick, ce sale type qui a laissé tomber ma meilleure amie! Mais Daniel s’y prendra si bien que Patrick et sa compagne sonneront finalement à la porte du couple. Si Isabelle accepte, très à contre-coeur, de jouer le jeu, Daniel est, lui, complètement étourdi devant la beauté éclatante de la jeune Emma. Daniel a beau être toujours très amoureux de sa femme, il a aussi beaucoup d’imagination. Alors que Patrick ne se rend compte de rien, Daniel va se mettre à fantasmer sur Emma. La voilà déjà qui retire son fourreau rouge pour apparaître nue devant lui… Mais la voix de Patrick le ramène soudain sur terre.

Daniel Auteuil avec le  public lors des Rencontres de Gérardmer. Photo Ava du Parc

Daniel Auteuil avec le public lors des Rencontres de Gérardmer. Photo Ava du Parc

« Je fais ce que j’ai envie de voir! » De passage, lui aussi, aux Rencontres de Gérardmer au début du mois d’avril, Daniel Auteuil définit ainsi son cinéma. A propos de Amoureux de ma femme (France – 1h24. Dans les salles le 25 avril), il ne triche pas sur la marchandise: « C’est léger ». De fait, le film l’est et donc de manière strictement revendiquée et le comédien/réalisateur d’ajouter: « J’aime la légèreté parce que la vie n’est pas légère ». Après avoir joué longtemps au théâtre L’envers du décor écrit par Florian Zeller, Auteuil a eu envie de transposer la pièce sur le grand écran. Mais, dit-il, l’adaptation en est très éloignée et permet de se fondre davantage dans les personnages: « On a aussi le temps de voir les acteurs à l’oeuvre et de se projeter en eux. » Entouré de Gérard Depardieu (Patrick), Sandrine Kiberlain (Isabelle) et la ravissante Adriana Ugarte (Emma) que le cinéaste a découvert dans Julieta (2016) de Pedro Almodovar, Daniel Auteuil signe une sorte de conte moral autour d’un homme dont les rêves le surprennent lui-même. Car Daniel rêve les yeux ouverts devant la beauté coruscante d’Emma. Et il se voit, soudain, lui faire l’amour dans des palais vénitiens ou sur des sables blancs. Du coup, Amoureux de ma femme (qui distille d’agréables mélodies jazzy signées Thomas Dutronc) brouille les pistes et le spectateur ne sait plus très précisément s’il assiste aux fantasmes de Daniel ou s’il est dans la « vraie » vie… où l’on désire toujours ce que l’on n’a pas. En imaginant cette rêverie amoureuse et en rêvant d’une autre vie, Daniel finira surtout par donner un coup de fouet à son couple. Tout va ainsi pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et si Daniel, autant d’ailleurs que Patrick, ont parfois l’air bien ridicule, Auteuil les absout: « Qu’est-ce que vous voulez, ce sont des hommes! » En 2019, Daniel Auteuil a prévu de jouer Le malade imaginaire au théâtre: « Pour un hypocondriaque, il y a de la matière! »

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