Comme une chanson populaire…

Guy Jamet (Alex Lutz) en scène. DR

Guy Jamet (Alex Lutz) en scène. DR

Jeune journaliste, Gauthier apprend par sa mère qu’il serait le fils illégitime de Guy Jamet, un artiste de variété française qui tenait le devant de la scène entre les années 60 et 90. Alors que Jamet est justement sur le point de sortir un album de reprises et d’entreprendre une tournée, Gauthier décide de le suivre, caméra au poing, dans sa vie quotidienne et ses concerts de province, pour en faire un portrait documentaire…

Strasbourgeois bon teint, Alex Lutz a découvert le théâtre sur les planches du Théâtre Jeune Public, le TJP cher à André Pomarat avant de faire ses gammes du côté de Brecht, Lagarce ou Heiner Müller dans la troupe des Foirades avec Pascale Spengler. Bernard Verley lui propose ensuite d’intégrer la série télé Malone sur TF1… Alors qu’il mène un carrière dans le one man show, on le remarque au cinéma en 2009 dans le rôle d’un fils de nazi dans OSS 117: Rio ne répond plus. Le succès du film d’Hazavanicius lui permet de devenir un second rôle apprécié dans la comédie… Mais c’est la télévision et Canal+ qui lui apporte la reconnaissance d’un large public avec, à partir de 2012 dans Le petit journal, le personnage de Catherine la secrétaire dans la pastille humoristique La revue de presse de Catherine et Liliane ensuite renommée simplement Catherine et Liliane.

Guy et Anne-Marie (Dani), son ex-épouse. DR

Guy et Anne-Marie (Dani), son ex-épouse. DR

En 2015, Alex Lutz est passé pour la première fois derrière la caméra en réalisant Le talent de mes amis dont il interprète aussi le premier rôle, en compagnie de Bruno Sanches, son binôme de Catherine et Liliane, et d’Audrey Lamy, Anne Marivin, Sylvie Testud et Julia Piaton. Si Le talent de mes amis peut clairement être considéré comme un cuisant échec, force est de dire qu’Alex Lutz réussit clairement son second « long » en forme de faux documentaire.

Tournant le dos à une certaine causticité, voire même au brin de vulgarité que véhicule sa Catherine télévisuelle, Lutz donne, avec Guy, un film tendre, parfois grinçant mais le plus souvent mélancolique. Car, au-delà de la chanson populaire, il en va ici d’une réflexion sur le temps qui passe et fait son œuvre, de la notoriété qui est venue et qui n’est plus, d’une mise en abyme aussi de tous ceux qui, pour cause de spectacle, sont amenés à s’exposer…

Pour ce crooner fictif qu’est Guy Jamet, Alex Lutz, omniprésent à l’image, cultive avec aisance l’art du portrait. Et c’est bien cela qui fait le charme essentiel de Guy, en l’occurrence observer un artiste qui se sait scruter par une caméra forcément intrusive (Gauthier est incarné par Tom Dingler, ami d’enfance d’Alex Lutz et fils de Cookie, auteur de l’immortelle Femme libérée) et qui décide de jouer le jeu… Sent-il, au passage, que ce jeune journaliste qui ne le lâche pas d’une semelle, est peut-être son fils? Le cinéaste a la bonne idée de ne pas enfoncer, ici, le clou.

Guy Jamet, un artiste qui a eu son heure de gloire… DR

Guy Jamet, un artiste
qui a eu son heure de gloire… DR

Lutz préfère se concentrer sur un vieux briscard de la scène qui connaît tous les trucs de métier et à qui on ne la fait plus, un crooner qui va moins vite qu’avant dans sa vie privée mais qui retrouve la pêche quand la lumière s’allume et qu’importe si c’est dans une salle de sous-préfecture. Car Guy Jamet tient quelques tubes qui « marchent » (dont l’entraînant Dadidou) et qui mettent son public en joie ou en émotion. Pour les besoins du film, Vincent Blanchard et Romain Greffe ont écrit plus d’une dizaine de chansons de variétés qu’Alex Lutz interprète lui-même en jouant d’ailleurs sur différents registres de voix selon l’époque où Jamet les interprète…

Enfin, Guy dépasse la prouesse transformiste (les cinq heures de maquillage étaient certes bien là) et si l’on remarque la peau tavelée, la lippe un peu de travers, l’élocution molle ou les semblants d’absences, Jamet, chanteur démodé mais touchant,  pratique encore l’humour vachard et n’est jamais dupe de ce qu’il a été et de ce qu’il est. Mieux encore, cet homme à femmes reprend instantanément du poil de la bête avec ces dames!

On en est certain, Guy Jamet a eu bien raison de faire son come-back! Car, comme le dit Dadidou: « C’est notre chanson, mon cœur, qui nous remplit de bonheur… »

GUY Comédie dramatique (France – 1h41) de et avec Alex Lutz et Tom Dingler, Pascale Arbillot, Nicole Calfan, Dani, Elodie Bouchez, Marina Hands, Brigitte Roüan, Julie Arnold, Patrick de Valette, Vincent Heden, Nicole Ferroni, Anne Marivin. Dans les salles le 29 août.

ALEX LUTZ: « GUY EST EVOCATEUR DE GRANDS ARTISTES POPULAIRES »

Aux Rencontres du cinéma de Gérardmer, il régnait une petite atmosphère de mystère autour de Guy… On annonçait la venue, en quasi-voisin, du Strasbourgeois Alex Lutz pour une présentation très en avant-première de son second film comme réalisateur mais, en même temps, les organisateurs ne voulaient pas trop… en parler car le film était, alors, promis à une présentation à Cannes. Ce qui fut, finalement, chose faite avec une sélection comme film de clôture à la 57e Semaine de la Critique. A Gérardmer, Alex Lutz s’est aimablement livré au jeu de l’interview, un exercice qu’il maîtrise et qu’il apprécie: « J’ai imaginé Guy comme une personne existant par elle-même. S’il est référencé, c’est plutôt par son époque. Bien sûr, il est évocateur de grands artistes populaires. Il y a chez lui du Herbert Léonard, du Guy Marchand, du Michel Delpech, du Julien Clerc aussi et même du Franck Michael qui a toujours son cortège de fans et blinde les salles… » Pour se glisser dans la peau de Guy Jamet, Alex Lutz est aussi passé, tous les jours, par une phase maquillage de… cinq heures! « Il n’y a pas moins de quinze prothèses. C’est dur et long. On râle évidemment mais ensuite je faisais mon courrier, mes mails, je parlais aux assistants, je dormais… Finalement, c’est un excellent souvenir. » Avec ce portrait d’un chanteur qui a eu son heure de gloire mais qui s’est éloigné de l’œilleton médiatique, Alex Lutz, intarissable sur ses éclectiques goûts musicaux, rend aussi un hommage au monde de la variété: « C’est une histoire de divertissement qui devient aussi l’histoire avec un grand H. On sait tous ce qu’on écoutait au moment du Bataclan ou de la mort de Pompidou… » Et le réalisateur-comédien-humoriste tire aussi un coup de chapeau à Montréal, l’emblématique chanson de Robert Charlebois: « C’est la chanson que Mme Reinbolt, mon institutrice à l’école élémentaire du Conseil des Quinze à Strasbourg, nous a apprise en CM1… C’était une époque où j’étais joyeux d’aller à l’école… » Et quand on lui parle des 40 ans qui approche (il les a eu le 24 août), Alex Lutz saisit la balle au bond: « Si je suis comme ça, à son âge, ça me va! »

Guy Jamet (Alex Lutz) dans ses jeunes années. DR

Guy Jamet (Alex Lutz)
dans ses jeunes années. DR

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