LE GAMIN, LAURE CALAMY, MI-AOUT, LE CHAMPION ALCOOLIQUE ET BORIS KARLOFF

THE KID
The KidLe 6 février 1921, l’Amérique découvre sur ses grands écrans The Kid, le premier long-métrage de Charlie Chaplin qui sera assez largement considéré par la critique comme l’une des plus grandes œuvres du muet. Enorme succès de 1921, cette histoire de bébé abandonné par sa mère et recueilli par Charlot ne cesse toujours, 100 ans plus tard, d’émouvoir. Le bébé devenu un gamin (Jackie Coogan) et le vagabond font équipe pour gagner leur vie en cassant puis en réparant les vitres du quartier. Mais lorsque l’enfant tombe malade, les services sociaux tentent de les séparer. Pour le centenaire du Kid, on peut se replonger dans la belle version restaurée 4K qui contient, outre d’excellents bonus, la musique originale de Chaplin pour son film, restaurée, adaptée et dirigée par Timothy Brock, enregistrée en 2016 par l’Orchestre du Teatro Comunale de Bologne. (Potemkine)
ANTOINETTE DANS LES CEVENNES
Antoinette CevennesA l’heure des grandes vacances, Antoinette Lapouge apprend que son amant (et père de l’une de ses élèves de primaire) ne partagera pas la semaine de villégiature qu’ils avaient prévu ensemble. Comme il part en randonnée dans les Cévennes avec son épouse et sa ille, Antoinette, mortifiée, décide d’en faire autant. Commence alors, dans la lumière estivale d’une nature superbe et sur les pas de Stevenson, une épopée à la fois tendre et picaresque où Antoinette et son âne Patrick entreprennent un cheminement qui devient vite existentiel. Caroline Vignal réussit une excellente et réjouissante comédie pleine d’humour et d’émotion. Quant à la géniale Laure Calamy, omniprésente à l’écran dans son plus beau rôle, elle nous fait partager avec bonheur cette ode à la liberté ! (Diaphana)
MADE IN HONG KONG
Made Hong KongGrand adolescent passablement voyou, Mi-Août (le dégingandé Sam Lee) est collecteur de dettes pour un gangster nommé Wing. Son existence va être bouleversée par deux rencontres, celle de Jacky, un paumé handicapé mental et de la ravissante Ah Ping atteinte d’une maladie incurable. Mi-Août est aussi hantée toutes les nuits par le « fantôme » de Boshan, une lycéenne qui s’est jetée d’un immeuble. A l’heure de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, le cinéaste hongkongais Fruit Chan signe, en 1997, son troisième film en forme d’errance urbaine (dans une belle version restaurée) à l’écriture brillante et audacieuse. Quand un trio de jeunes désoeuvrés, dont le malaise est palpable, pensent autant à l’amour qu’à la mort, au meurtre et au suicide… (Carlotta)
JUDO
JudoMaître du polar d’action (Breaking News, Mad Detective, Vengeance), le Hongkongais Johnnie To rend, en 2004, hommage à La légende du grand Judo, premier long-métrage réalisé en 1943 par Akira Kurosawa. Mais la dédicace au maître nippon ne fait pas de Judo un remake. C’est l’évocation de trois personnages à la dérive qui tentent de donner corps à leurs rêves. Dans une ville, la nuit, To chorégraphie avec brio les déambulations nocturnes de Sze-to, ancien champion de judo devenu alcoolique et dirigeant d’un club de jazz, du jeune Tony qui veut constamment le défier et finira par y parvenir au milieu d’herbes géantes et enfin de la gracile Mona bien décidée à faire carrière dans la chanson. Au cœur de la mégapole hongkongaise, le cinéaste rend ces trois paumés très touchants. Mieux encore, To les amène, avec tendresse, vers la rédemption. (Carlotta)
LA MAISON DE LA MORT
Maison MortPar une nuit de très mauvais temps, les Waverton et leur ami Penderel demandent l’hospitalité dans une grande maison perdue dans la campagne galloise. On a cru The Old Dark House perdu… C’est donc une rareté que l’on retrouve dans une belle version restaurée. En 1932, James Whale retrouve Boris Karloff qu’il avait dirigé, l’année précédente, dans l’admirable et toujours culte Frankenstein. Le visage couturé, Karloff est à nouveau magnifique en majordome inquiétant ne s’exprimant que par des borborygmes. Autour de lui, gravitent les figures apeurées des visiteurs (dont Charles Laughton) et celles, bien dérangées, des habitants du manoir. Sur fond d’inégalités sociales et de religion, un petit bijou d’horreur gothique. Dans les bonus, on trouve un intéressant entretien avec la fille de Boris Karloff qui revient sur le film mais aussi, avec tendresse et humour, sur la carrière de son père. (Carlotta)
LA FEMME QUI S’EST ENFUIE
Femme EnfuieSon mari parti en voyage d’affaires, Gam-hee en profite pour rendre visite à trois de ses amies dans différents quartiers de la périphérie de Séoul, avec le mont Inwang en toile de fond … Un homme surgit parfois de manière inattendue (un voisin ronchon ou un ex-amant envahissant) pour interrompre leurs tranquilles conversations. Figure majeure du cinéma sud-coréen, le prolifique Hong Sang-soo (couronné meilleur réalisateur à la Berlinale 2020) distille à nouveau sa petite musique faite de notations quasiment anodines qui dessinent pourtant avec précision un « paysage » féminin plein de douceur et de mélancolie. Une œuvre minimaliste mais qui fascine pourtant par la justesse de son ton… En bonus, une analyse du film par Jacques Morice. (Capricci)
LES APPARENCES
ApparencesGrâce à son mariage avec Henri Montlibert, prestigieux chef d’orchestre, Eve papillonne avec délices dans la bonne société des « expats » de Vienne. Mais cette existence sans fausses notes va se lézarder. Henri cache une maîtresse (Laetitia Dosch, épatante de mystère) et Eve, désemparée, se laisse aller, un soir dans un bar, à une rencontre avec un jeune Viennois qui se révèlera toxique. Entre thriller, drame sentimental et étude de moeurs, Marc Fitoussi réussit un bon polar aux accents chabroliens. Benjamin Biolay est parfait en chef distant et Karin Viard excelle dans un personnage d’épouse aux abois. Pour préserver les apparences, Eve Montlibert est prête à tout, y compris à organiser de diaboliques stratagèmes… (M6)
LE TEMOIN A ABATTRE
Temoin A AbattreEn 1973, Enzo G. Castellari, auteur de multiples westerns spaghetti, signe son premier « poliziottesco » avec l’histoire du commissaire Belli (Franco Nero) aux prises avec des trafiquants de drogue qui mettent Gênes à feu et à sang. Dans l’Italie des années de plomb marquées par la violence et le terrorisme, ce film d’action sombre, intense et violent, dont la rapidité du récit est remarquable, dénonce la corruption à l’œuvre partout dans la société transalpine. Flic incorruptible mais singulièrement enragé (on songe parfois au Dirty Harry incarné par Clint Eastwood), Belli incarne l’impuissance de la police face à des personnages douteux et prêts à tout pour garantir leur impunité. Sur fond de conflit entre la loi et la justice, une nouvelle pépite dans la collection Make my Day de Jean-Baptiste Thoret. (Studiocanal)
EMA
EmaAprès avoir traité des destins de Pablo Neruda et Jackie Kennedy, le cinéaste chilien Pablo Larraín emporte le spectateur dans le drame d’Ema et Gaston. Elle est danseuse, lui chorégraphe. Ensemble, ils ont adopté le petit Polo. Après un grave accident, ils ont décidé de rendre l’enfant… D’entrée, Larrain, avec l’appui de deux comédiens brillants (Mariana Di Girolamo et Gael Garcia Bernal) plonge dans la tourmente sentimentale d’un couple déchiré qui tente de trouver des réponses autant dans la danse que dans un sexe destructeur. La mise en scène, qui magnifie les images de Valparaiso, se joue de la chronologie mais développe un charme hypnotique qui doit beaucoup à sa comédienne principale. (Potemkine)
CHAINED / BELOVED
Chained BelovedRemarqué avec Ajami (2009) co-réalisé avec Scandar Copti et couronné de la prestigieuse Caméra d’or cannoise, le cinéaste israélien Yaron Shani propose, cette fois en solo, un passionnant diptyque qui se répond à distance autour de la complexité des sentiments. Rashi est policier, Avigail infirmière et les deux s’interrogent sur leur relation amoureuse. Chained va dévoiler le point de vue masculin et Beloved, le regard féminin d’une même histoire. Rashi (Eran Naïm), le balèze macho et flic aux méthodes parfois douteuses et Avigail (Stav Almagor), la douce infirmière de gériatrie s’imposent comme des personnages très attachants. (Arte)
MIGNONNES
MignonnesAmy a 11 ans et elle étouffe entre les murs d’un appartement sans joie, auprès d’une mère très croyante qui vit tristement le fait que son mari va épouser une seconde femme… La préadolescente saisit une échappatoire auprès des Mignonnes, un groupe d’élèves de son collège qui répètent des chorégraphies en vue d’un spectacle. Avec ces nouvelles copines, Amy va trouver une « libération » passablement toxique. Dans un propos aussi courageux qu’engagé, la cinéaste Maïmouna Doucouré (remarquée pour le court Maman(s) donne un bon film féministe qui met en lumière le sujet complexe de l’hypersexualisation des filles à la préadolescence… (Blaq Out)
MON COUSIN
Mon CousinL’un est un grand patron, l’autre un doux dingue. Pierre et Adrien sont cousins mais ne se sont pas vus depuis des lustres. Des modifications de capital de l’entreprise familiale vont les réunir. On se souvenait du Jan Kounen du rude Dobermann (1997). On le retrouve dans le registre de la comédie, façon « Buddy movie » sinon que ces deux-là se prennent longuement la tête avant d’aller vers une réconciliation reposant sur un rude souvenir du passé. Ce sont évidemment Vincent Lindon et François Damiens qui portent le film à bout de bras. Le premier incarne avec aisance un PDG stressé à mort, le second est épatant en type fragile et excessif. (Pathé)
ANTEBELLUM
AntebellumEsclave noire dans une plantation de Louisiane, Eden prépare une évasion… Faulkner disait : « Le passé n’est jamais mort, il n’est même pas passé » et le thriller horrifique des scénaristes/réalisateurs Bush + Renz se développe entre passé et présent. D’une part, l’Amérique esclavagiste d’antan, de l’autre, Veronica (la belle Janelle Monàe dans un double rôle) militante féministe dans l’Amérique contemporaine. Dans le sillon codé du cinéma de genre, les cinéastes observent le racisme systémique de la société américaine… Un double combat à la résonance particulière entre Autant en emporte le vent et Black Lives Matter… (Metropolitan)

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