L’AUDIOPHILE, LES RADIOS LOCALES, LA RUSSIE ENNEIGEE ET LES ESPIONS BRITANNIQUES

TromperieTROMPERIE
« Je suis un écouteur, un audiophile, un fétichiste du verbe ». Célèbre écrivain américain, exilé, en 1987, à Londres, Philip reçoit régulièrement sa maîtresse, une ravissante Anglaise de 35 ans, dans son bureau. Arnaud Desplechin adapte Deception, le livre (paru en 1990) de Philip Roth et propose une construction subtile et élégante sur les aléas du cœur racontés à travers l’histoire d’une liaison sur une année, un temps assez long pour que Philip et son amante anglaise puissent se livrer, avec une délectation certaine, aux joies du sexe mais aussi disserter de tout. Des femmes qui jalonnent la vie de l’écrivain, de littérature, de fidélité à soi-même, d’antisémitisme ou de l’identité juive… Bien plus qu’une romance bourgeoise et adultérine, Tromperie est un jeu permanent sur les mots dont Philip (Denis Poldalydès remarquable) se régale avec gourmandise. Autour de lui, Léa Seydoux, Anouk Grinberg, Emmanuelle Devos, Rebecca Marder sont magnifiques ! (Le Pacte)
MagnétiquesLES MAGNETIQUES
Entre la radio pirate installée dans le grenier d’un bar d’amis, le garage du père et la menace du service militaire en Allemagne, Philippe (Timothée Robart) et son frère Jérôme (Joseph Olivennes), dans leur petite ville de province, ignorent qu’ils vivent là les derniers feux d’un monde sur le point de disparaître. Pour son premier long-métrage, Vincent Maël Cardona transporte le spectateur au début des années 80 dans un récit d’initiation lumineux et mélancolique. Véritable ode à une époque révolue – celle des radios locales, celle des cassettes audios qu’on enregistre au magnétophone et qu’on rembobine au crayon– le film met en scène une jeunesse pleine d’espoir et de doutes, pour une œuvre hypnotisante, à la fois poétique, romantique, drôle, nostalgique et dramatique. César 2022 du meilleur premier film. (Blaq Out)
Compartiment 6COMPARTIMENT N°6
À bord du train Moscou-Mourmansk, Laura, étudiante finlandaise, doit partager une voiture-couchette avec Ljoha, un mineur russe. A Mourmansk, Laura veut découvrir les pétroglyphes et l’art rupestre alors que Ljoha s’y rend pour son travail. Adaptant un livre de Rosa Liksom, le réalisateur finlandais Juho Kuosmanen organise un périple fascinant en direction de Mourmansk, au nord du cercle Arctique où deux « copains » improvisés (la Finlandaise Seidi Haarla et le Russe Youri Borisov) tissent quelques liens éphémères… Sur fond de pandémie, s’entremêlent de petites histoires de camaraderie maladroite, de promiscuité ou d’attirance sexuelle… Salué par la critique et plébiscité par le public, ce bouleversant périple vaporeux à travers la Russie enneigée des années 90 a obtenu, en 2021, le Grand prix du Festival de Cannes. (Blaq Out)
Kings Man Premiere MissionTHE KING’S MAN: PREMIERE MISSION
Alors que les pires tyrans et les plus grands génies criminels de l’Histoire se réunissent pour planifier l’élimination de millions d’innocents, un homme se lance dans une course contre la montre pour contrecarrer leurs plans. Ayant redoré le blason du film d’espionnage avec la saga Kingsman (Services secrets en 2015 et Le cercle d’or en 2017), Matthew Vaughn signe un troisième opus sous la forme d’un « préquel », qui se propose de revenir aux origines de l’organisation en ciblant, avec une efficacité virtuose qui n’hésite pas à en mettre plein la vue, le film de guerre. Avec un casting renouvelé (Ralph Fiennes, Harris Dickinson, Gemma Arterton, Rhys Ifans), voici un pur divertissement d’action sur les combats de 14-18, sur fond de vaste complot politique. Enlevé et toujours portée par une loufoquerie bienvenue ! (Universal)
Homme Pousse PousseL’HOMME AU POUSSE-POUSSE
Conducteur de pousse-pousse, Matsugoro est apprécié des habitants de sa ville à cause de sa vivacité d’esprit et de son tempérament aussi impétueux qu’attachant. Un jour, il se porte au secours d’un garçon blessé, Toshio Yoshioka dont les parents lui demandent de le conduire chez le médecin… Matsugoro se prend d’affection pour cette famille. Quand le père de Toshio meurt subitement, le conducteur de pousse-pousse devient comme un père de remplacement. Auprès de cet homme, l’enfant craintif et réservé va progressivement s’épanouir. Dans une belle restauration, voici, réunies dans un même coffret, les deux versions inédites en DVD et Blu-ray, de cette aventure intime et touchante mise en scène par Hiroshi Inagaki. En 1943, le film est interprété par Tsumasaburo Bando, grande vedette du film de sabre puis, quinze ans plus tard, en 1958, par l’immense Toshiro Mifune, interprète fameux de Kurosawa dans Les sept samouraïs. Un modèle inégalé de mélodrame doté d’une forte identité visuelle… Le coffret est accompagné de bons suppléments. (Carlotta)
Singing RainCHANTONS SOUS LA PLUIE
Dans la collection Ultimate Collector, voici l’occasion, avec un beau coffret 4K, de se replonger, à l’occasion du 70eanniversaire de sa sortie, dans un film-culte que l’American Film Institute a classé première plus grande comédie musicale du 7e art ! En 1927, Don Lockwood (Gene Kelly), star du cinéma muet, a pour partenaire Lina Lamont (Jean Hagen), une actrice à la voix de crécelle. Celle-ci est persuadée que la relation amoureuse qui les unit à l’écran les unit aussi dans la vie. Mais les jours du cinéma muet sont comptés lorsque sort Le chanteur de jazz, premier film parlant de l’histoire du cinéma. Les studios Monumental Pictures décident de tourner un film de cape et d’épée selon ce nouveau procédé. Las, la voix de Lina Lamont est trop désagréable… Elle sera donc doublée par Kathy Selden (Debbie Reynolds), jeune danseuse à la voix chaleureuse, dont Don est déjà amoureux. Singin’ in the Rain (sorti en 1952), réalisé par Stanley Donen et Gene Kelly, est un must ! (Warner)
Place AutreLA PLACE D’UNE AUTRE
Dans la France de 1914, Nélie Laborde, une jolie bonne, se rebelle contre son bourgeois de patron et se retrouve à la rue. Bientôt la misère guette… Engagée contre infirmière bénévole à la Croix-Rouge, elle croise, dans la forêt vosgienne, non loin du front, Rose Juillet qui doit rejoindre un poste de lectrice chez Madame de Lengwil à Nancy. Lorsque Rose est mortellement blessée dans les combats, Nélie décide de prendre sa place… En s’inspirant d’un roman britannique de l’époque victorienne et en s’appuyant sur Lyna Khoudri (Nélie) et Sabine Azéma (Mme de Lengwil), Aurélia Georges réussit, avec aisance, une film d’époque romanesque et palpitant sur le mensonge, ses pièges et la place que chacun doit occuper. Surtout lorsque, de manière quasi-fantastique, Rose (Maud Wyler) revient d’entre les morts… (Pyramide)
Mari CoiffeuseLE MARI DE LA COIFFEUSE
Antoine connaît ses premiers émois amoureux dans le fauteuil du salon de coiffure de la plantureuse madame Sheaffer. Depuis lors, il s’est fait une promesse : quand il sera grand, il épousera une coiffeuse. Devenu adulte, il rencontre en Mathilde la coiffeuse de ses rêves. Le coup de foudre est réciproque. Ils se marient et vivent quotidiennement un amour simple et fusionnel, charnel et spirituel… Avec une Anna Galiena magnifique en vivant fantasme érotique et un Jean Rochefort complètement halluciné (ses danses orientales dans le salon sont un pur délire), Patrice Leconte réussit, en 1990, une pure fantaisie ! Selon les souvenirs même du cinéaste, les slips de bain en laine portés par les acteurs (enfants), quand ils jouent sur la plage de Luc-sur-Mer, ont été tricotés par sa propre mère. Le film qui décrocha (ex-aequo avec Le petit criminel de Jacques Doillon), le prix Louis Delluc, est accompagné de suppléments dont le court-métrage Le batteur du boléro (1992) avec Jacques Villeret. (Rimini Editions).
Parfum YvonneLE PARFUM D’YVONNE
Au début des années 1960, un jeune comte qui se prétend d’origine russe et rentier, en villégiature sur les bords d’un lac (le tournage eut lieu à Évian), tombe amoureux d’une sublime jeune femme, Yvonne, toujours accompagnée d’un dogue allemand et d’un vieil homme excentrique, le docteur Meinthe. Peu à peu, le comte va découvrir la singularité de ces êtres, et recevoir en particulier bien des mises en garde au sujet de la jeune femme qu’il souhaite épouser et emmener en Amérique pour y faire éclater son talent d’actrice. En 1994, Leconte adapte un roman de Patrick Modiano et raconte les aventures (dans le livre, l’action se déroule durant les Accords d’Evian) d’un étrange trio. L’homosexualité du Dr. Meinthe, se nommant lui-même la reine des Belges, est plusieurs fois évoquée, sur un ton insultant… Souvent déroutant, le film n’a pas rencontré le public. Il n’en reste pas moins, qu’avec trois bons acteurs (Sandra Majani, Hippolyte Girardot et Jean-Pierre Marielle) et des images superbes d’Eduaordo Serra, cette histoire dégage une envoûtante poésie. (Rimini Editions)
Grands DucsLES GRANDS DUCS
Georges Cox, Victor Vialat et Eddie Carpentier sont de vieux comédiens au chômage, minables et fauchés. Ils réussissent à se faire embaucher dans un spectacle médiocre, en l’occurrence une comédie de boulevard intitulée Scoubidou, en partance pour une tournée… Imprésario escroc et producteur ruiné, Shapiron (Michel Blanc) va tout faire pour saboter le spectacle afin de toucher l’assurance. C’est sans compter avec les trois comédiens, qui, reprenant à l’improviste mais avec panache leurs trois petits rôles, ne sont pas disposés à laisser passer la dernière chance de leur vie. Vingt-deux ans après Que la fête commence de Tavernier, Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret et Jean Rochefort sont à nouveau réunis, en 1996, devant la caméra. Devant notamment faire face aux doutes de Noiret sur sa performance, Leconte ne réussit pas là son plus grand film mais c’est toujours un bonheur de voir Noiret-Marielle-Rochefort à l’œuvre, y compris dans le cabotinage ! (Rimini Editions).
Next DoorNEXT DOOR
Connu comme comédien (Good Bye Lenin !, Rush, Inglourious Basterds ou La vengeance dans la peau), l’Allemand Daniel Brühl passe pour la première fois derrière la caméra avec une comédie noire… Acteur célèbre, Daniel vit à Berlin dans un bel appartement avec sa femme, ses deux enfants et leur nounou. Il doit partir à Londres pour le casting d’un film de superhéros. En attendant le taxi qui doit le conduire à l’aéroport, il entre au bar du coin. Où le suit Bruno, son mystérieux voisin (Peter Kurth). La conversation s’engage et les échanges se font de plus en plus vifs… Outre une réflexion malicieuse sur le métier d’acteur, voici un thriller où le voisin, déterminé à lui faire vivre l’enfer, va pousser le comédien dans les recoins les plus sombres de son intimité. Un portrait cruel où se mêlent supériorité et rancœur… (Eurozoom)
TemoinLE TEMOIN
Notable rémois et florissant homme d’affaires, Robert Maurisson mène une vie sans histoires. Il invite un jour son ami italien Antonio à venir restaurer les peintures d’une chapelle. Antonio va être, malgré lui, le témoin d’une affaire sordide car Maurisson a étranglé une jeune fille avec laquelle il avait eu une relation pédophile…  En 1978, Jean-Pierre Mocky, cinéaste pamphlétaire, signe un film qui part sur un ton léger avant de virer au pur malaise autour de la grande bourgeoisie de province. Car la jeune fille assassinée ayant servi de modèle à Antonio, les soupçons se portent sur lui. Pour une fois, Mocky (1929-2019) nuance sa satire quand il évoque les mœurs dépravées de la bourgeoisie tout en proposant un plaidoyer contre la peine de mort. Le cinéaste trouve deux grands comédiens, Philippe Noiret et Alberto Sordi, pour servir cette œuvre, éreintée à sa sortie, mais qui demeure l’une des meilleures de son auteur… (ESC Editions)
MemoriaMEMORIA
« Au lever du jour, j’ai été surprise par un grand Bang et n’ai pas retrouvé le sommeil. A Bogota, à travers les montagnes, dans le tunnel, près de la rivière… » Voilà pour le pitch du dernier film d’Apichatpong Weerasethakul, premier cinéaste thaïlandais à avoir remporté, en 2010, la Palme d’or cannoise avec Oncle Boonmee. Avec une imagerie poétique, le cinéaste développe une œuvre contemplative qui cultive le mystère, la mémoire et la lenteur. Ici, Tilda Swinton incarne Jessica, une Ecossaise cultivatrice d’orchidées qui va à Bogota rendre visite à sa sœur malade. Elle devient amie avec Agnès, une archéologue chargée de veiller sur la construction interminable d’un tunnel sous la cordillère des Andes. Elle se lie aussi d’amitié avec un musicien, le jeune Hernán. Mais, toutes les nuits, elle est dérangée dans son sommeil par des bruits étranges. Hantée par ce son monstrueux qu’elle est la seule à entendre, Jessica veut en percer l’origine. Dans des paysages luxuriants, un voyage en forme d’expérience du lâcher prise… (ESC Editions)
My KidMY KID
Aaron a consacré sa vie à élever Uri, son fils autiste. Ensemble, ils vivent une routine coupée du monde réel. Mais Uri (Noah Imber), qui regarde en boucle Le Kid de Chaplin sur sa tablette, est devenu un jeune adulte… Alors qu’ils sont en route vers l’institut spécialisé qui doit désormais accueillir Uri dans « un lieu qui lui corresponde » selon les mots de sa mère, Aaron (Shai Avivi) décide de s’enfuir avec lui, convaincu que son fils n’est pas prêt pour cette séparation. Commence alors un périple à travers le pays, de Haïfa à Bee’r Sheva, Eilat, Tel Aviv… Avec un père trouvant à chaque instant des solutions comme fabriquer un flip book avec les images du Kid quand le chargeur de la tablette est en panne ou se mettant à danser avec Uri, sur Gloria, dans une fête foraine. Connu pour être le co-créateur de la série israélien devenue En thérapie en France, Nir Bergman signe un road-movie à travers Israël où un père courage se met en quatre pour surmonter ses peurs et permettre bientôt à Uri de pouvoir vivre loin de lui… Drôle et émouvant. (Blaq Out)

Laisser une réponse