AMOUR EPHEMERE, GENTLEMAN BANDIT ET GLACANT RACISME…

Chronique LiaisonCHRONIQUE D’UNE LIAISON PASSAGERE
« J’avoue j’en ai bavé pas vous – Mon amour – Avant d’avoir eu vent de vous – Mon amour… » Ecrite un jour d’été 1962, la fameuse Javanaise de Serge Gainsbourg, chanson offerte à Juliette Gréco, son tout nouvel amour, ouvre le nouveau film d’Emmanuel Mouret. Le temps d’une chanson, c’est presque le temps de cette histoire d’amour éphémère qui a saisi Charlotte et Simon. Elle est mère célibataire, lui est un homme marié. Ils deviennent amants en s’engageant à ne se voir que pour le plaisir et à connaître une relation sans engagement où ils n’éprouveraient aucun sentiment amoureux, sans projection dans le temps. Pour son 11e long-métrage, Emmanuel Mouret fait du Mouret pur jus. Bon choix de musiques, dialogues élégants, comédiens brillants (Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne), délicieux fantasmes et situations volontiers loufoques, le cinéaste de 52 ans filme l’être-ensemble contre le reste du monde. Tendre et sensuel, ce cinéma, entre ce qu’il dissimule et ce qu’il dévoile, semble toujours cultiver un côté « l’air de rien » qui joue avec l’attente du spectateur et active son imaginaire… C’est bien agréable de se laisser emporter. (Pyramide)
Grey FoxTHE GREY FOX
En 1901, après trois décennies dans la prison de San Quentin, Bill Miner est rendu à la liberté. Ce spécialiste des braquages de diligences est résolu à se ranger des voitures. Revenu auprès de sa sœur, Miner, qui subit le dédain de son beau-frère, va cependant se laisser tenter par l’action et songer à attaquer un train… Surnommé « Le gentleman bandit », Bill Miner, qui a réellement existé, fut une vraie star au Canada. Sur une bonne musique des Irlandais de Chieftains, Philippe Borsos met en scène, dans de beaux paysages, un western atypique et largement teinté de mélancolie. L’excellent et trop rare Richard Farnsworth (on se souvient avec émotion de son ultime apparition chez David Lynch dans Une histoire vraie en 1999) campe, avec brio, ce bandit d’un autre temps, un Robin des Bois réputé pour ses bonnes manières. Les agents de la société Pinkerton qui le traquaient, affirmaient qu’il était l’auteur de la formule « Haut les mains ». Une vraie légende… (Carlotta)
RMNR.M.N.
Dans un paysage de forêt enneigée, un gamin marche, son sac de classe sur le dos… Soudain l’enfant s’arrête, fixe avec une crainte certaine dans le regard, un hors-champ dont on saura rien. Sinon, qu’au lendemain de cette « rencontre », le jeune Rudi ne parlera plus… Revenu d’Allemagne après une bousculade dans l’abattoir industriel où il était employé, Matthias Auer tente de retrouver ses marques dans son village roumain entre son épouse lasse d’élever seule leur fils et Csilla, sa petite amie. Palme d’or à Cannes 2007 avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le cinéaste roumain Cristian Mungiu livre un constat glaçant sur le racisme ordinaire dans une petite communauté enracinée dans ses traditions séculaires et rattrapée par les effets de la mondialisation. Car la direction de la boulangerie industrielle installée dans le village, en embauchant des ouvriers venus du Sri Lanka (« Que viennent faire ici ces types avec leurs maladies et leurs virus? ») va déclencher la tempête. Une superbe réflexion sur les dilemmes de la société actuelle : la solidarité face à l’individualisme, la tolérance face à l’égoïsme, le politiquement correct face à la sincérité… (Le Pacte)
Secrets Mon PereLES SECRETS DE MON PERE
« Pourquoi vous avez tous un numéro tatoué sur le bras ? » Et pourquoi Auschwitz est un mot interdit dans la maison d’Henry Kichka ? En s’appuyant sur la bande dessinée de Michel Kichka, Véra Belmont, réalisatrice notamment de Milena et Survivre avec les loups, deux films avec le nazisme en toile de fond, signe son premier film d’animation. Elle évoque, avec pudeur et retenue, le passé d’Henri Kichka, ancien déporté, hanté pour toujours par la Shoah mais aussi, dans la Belgique de 1959, le présent de ses fils Michel et Charly, à qui leur père n’a jamais rien raconté de son calvaire et s’éloigne d’eux à force de vouloir les protéger. Si le sujet a souvent été abordé au cinéma, ce film émouvant est à voir comme un précieux témoignage sur la mémoire. (Le Pacte)
Narrow MarginNARROW MARGIN
Témoin d’un meurtre commis par un gangster, Carol Hunnicut prend la fuite et se cache dans les Montagnes rocheuses… L’assistant du procureur Caulfield part à la recherche de ce témoin capital. Ensemble, ils vont prendre un train qui doit les ramener à Vancouver mais des tueurs à la solde du gangster sont également à bord. En 1990, Peter Hyams tourne le remake de L’énigme du Chicago Express mis en scène en 1952 par Richard Fleischer. Il réussit un suspense ferroviaire prenant et même haletant par moments, porté par un bon duo d’acteurs : Anne Archer et Gene Hackman. Ce polar en quasi huis-clos est présenté dans la bonne collection Make my Day dirigée par Jean-Baptiste Thoret. (Studiocanal)
Maria ReveMARIA REVE
Femme de ménage réservée, timide et maladroite, Maria, mariée depuis 25 ans, ne quitte jamais son carnet à fleurs dans lequel elle écrit des poèmes en secret. Lorsqu’elle est affectée à l’École des Beaux-Arts, elle rencontre Hubert, le gardien de l’école, et découvre un lieu fascinant où règnent la liberté, la créativité et l’audace… En s’appuyant sur Karin Viard et Gregory Gadebois, excellents tous deux en personnages un peu décalés, Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller réussissent une très charmante comédie romantique. Au contact du fantasque Hubert, Maria s’initie à l’art contemporain. Et cette femme discrète va doucement se laisser envahir par la vie… (Universal)
Enfants AutresLES ENFANTS DES AUTRES
Lors d’un cours de guitare, Rachel, enseignante de la quarantaine, rencontre Ali, un père célibataire. Ils tombent amoureux et se pose bientôt pour l’une la question de savoir quand rencontrer l’enfant de l’autre. Avant de décider s’il est encore temps d’en faire un à soi. Connue pour Belle épine (2010) et Grand central (2013), Rebecca Zlotowski s’empare d »un questionnement à la fois intime et universel pour explorer, de manière souvent bouleversante, la manière dont Rachel (Virginie Efira) va se rapprocher de Leila, la fillette d’Ali (Roschdy Zem) tout en se demandant qu’elle sera sa place, non dans le couple, mais dans la famille en devenir… (Ad Vitam)
RodeoRODEO
Jeune marginale, Julia vit d’expédients et voue une passion presque animale pour la moto. Un jour d’été, elle rencontre une bande de motards adeptes du cross-bitume, cette mode consistant à rouler à pleine vitesse et effectuer des figures acrobatiques avec sa machine, la plupart du temps sans casque. La sortie du film a donné lieu à une polémique, pourtant Lola Quivoron ne glorifie en aucune manière les rodéos urbains, comme on a voulu le laisser entendre. En s’inscrivant dans une veine naturaliste et dans une mise en scène nerveuse, ce thriller urbain et pétaradant brosse le bon portrait d’une femme (Julie Ledru, impressionnante) qui s’impose dans un milieu exclusivement masculin… (Blaq Out)
Sans FiltreSANS FILTRE
Au sortir de la Fashion Week, Carl et Yaya, mannequins et influenceurs, ont été invités à faire une croisière de rêve sur un yacht de luxe. Sur le superbe bateau (le fameux Christina O qui appartint au milliardaire grec Onassis), les riches vacanciers se régalent avec un personnel aux petits soins pour des clients pleins aux as. Les choses se gâtent avec un capitaine perturbé qui refuse de quitter sa cabine pour le traditionnel dîner de gala. De plus, une tempête en approche… Déjà palmé à Cannes avec The Square en 2017, le Suédois Ruben Ostlund a récidivé en 2022 avec une satire sur ceux qui sont gâtés par une richesse obscène et influencés (pourris?) par les privilèges dont ils bénéficient. Construit en trois parties, cette comédie grinçante (qui n’évite pas le spectacle de… vomissements) s’achève dans une sorte de délire à la Robinson Crusoe. Pour Ostlund, le cinéma se doit d’interpeller… (M6)
Gorky ParkGORKY PARK
Trois corps défigurées, impossibles à identifier, ont été retrouvés dans le parc Gorki à Moscou (reconstitué en… Finlande). Responsable de la police locale, Arkady Renko (William Hurt) se retrouve avec un dossier compliqué sur les bras. D’autant que le KGB semble vouloir lui mettre des bâtons dans les roues, voire attenter à sa vie tout en menaçant la jolie Irina Asanova (Joanna Pacula), témoin des faits… Renko (William Hurt) découvre que des Américains sont mêlés à l’affaire à travers un trafic de zibelines. En 1983, Michael Apted signe un thriller dans le froid moscovite avec des personnages inquiétants à souhait comme Lee Marvin en homme d’affaires peu scrupuleux. Palpitant. (L’Atelier d’images)
Belle CourseUNE BELLE COURSE
Chauffeur de taxi à Paris, Charles Hoffman n’a pas vraiment le moral, plombé par des soucis financiers. Madeleine Keller a décidé, malgré elle, de quitter sa maison de Brie-sur-Marne. Elle commande un taxi pour la déposer dans une résidence de Courbevoie où elle finira ses jours. Christian Carion filme un voyage à travers Paris où une vieille dame croise un taxi bougon. Ensemble, ils vont musarder dans la capitale pour retarder le moment de la séparation tandis que Madeleine se souvient d’une existence pas toujours heureuse avec un mari violent mais aussi un grand béguin, sur fond de guerre, pour un GI prénommé Matt qui retourna aux USA en lui laissant un cadeau « genre trois kilos cinq ». Line Renaud et Dany Boon sont touchants à souhait dans une comédie dramatique tendre et agréablement enlevée… (Pathé)
KoatiKOATI
Jeune coati orphelin et solitaire, Nachi vit au cœur de la forêt tropical dans le pays de Xo. Alors qu’une catastrophe naturelle approche, Saina, un serpent déloyal, tente de tourner à son avantage la confusion qui règne dans le pays et de s’emparer du pouvoir. Mais le vieux sorcier Cocopa voit en Nachi un espoir pour rétablir l’équilibre. Le jeune coati part donc dans une quête dangereuse et mystérieuse, accompagné par Pako, une grenouille hyperactive, et par Xochi, un papillon monarque intrépide. Alerte et cocasse film d’animation mexicain, Koati aborde sans mièvrerie les thèmes de la solidarité, de la tolérance et de la communauté dans une parabole sur le réchauffement climatique. Avec un héros attachant et un bon vrai méchant, l’intrigue tient le rythme d’autant qu’elle se déroule dans une nature qui permet de magnifiques dessins hypercolorés… (Orange Studio)
DegustationLA DEGUSTATION
Caviste passablement misanthrope, Jacques voit bien que sa cave est au bord de la faillite. Pour avoir droit à des abattements fiscaux, il est contraint d’embaucher Steve, un jeune garçon en réinsertion. Parallèlement, il rencontre Hortense, une jeune femme « très catho » célibataire endurcie en quête d’amour. Quand cette dernière jette son dévolu sur lui, et cherche à faire une dégustation de vin, leur vie va basculer à tous les deux. Réalisateur notamment de L’étudiante et Monsieur Henri (2015) et Venise n’est pas en Italie (2019), Ivan Calbérac met en scène, d’après sa propre pièce de théâtre éponyme (couronnée aux Molières), une agréable comédie romantique sur l’amour et le partage. Même s’il joue sur des sentiments un peu tièdes, le cinéaste peut s’appuyer pleinement sur l’alchimie entre Isabelle Carré et Bernard Campan. (Studiocanal)
Blade RoninBLADE OF THE 47 RONIN
Yurei, sorcière maléfique, dont l’ancêtre a été tué par l’un des 47 Ronin il y a 300 ans, refait surface à Budapest. Elle veut exterminer les derniers samouraïs en réunissant les deux moitiés du puissant sabre Tengu. Une prophétie prédit que seul un descendant des 47 Ronin pourra empoigner la lame et vaincre le mal. Luna, une New-Yorkaise, est identifiée comme l’incarnation de la prophétie. Les samouraïs restants vont mettre en oeuvre toutes leurs compétences en arts martiaux pour former Luna. Dans cette suite de 47 Ronin (2013), Ron Yuan mélange les genres, associant arts martiaux, action, horreur et cyberpunk… (Universal)
Jumeaux Mais Pas TropJUMEAUX MAIS PAS TROP
Après un test ADN de la justice, Anthony — âgé de 33 ans — découvre qu’il a un frère jumeau. Nés sous X, les deux frères auraient été séparés à la naissance. Anthony découvre avec d’autant plus de surprise que son frère est blanc, alors que lui est noir. De plus, il s’agit de Grégoire Beaulieu, candidat star des élections législatives à venir. Pour approcher son frère, Anthony va se faire engager comme chauffeur, sans révéler tout de suite qui il est réellement. Olivier Ducray et Wilfried Méance signent une comédie de la gémellité autour de deux types diamétralement opposés tant sur le plan physique que… politique. Ahmed Sylla (L’ascension ou Inséparables) partage la tête d’affiche avec Bertrand Usclat, connu pour la série parodique Broute… (M6)

 

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