LA MERE MEURTRIERE, LA TABAC FORCE ET LES VOLEURS DE BEBES

Saint OmerSAINT OMER
Dans la nuit, à la faible lumière de la lune, une femme marche sur une plage… On entend le bruit sourd et lointain des vagues. Un enfant dans les bras, la femme, filmée de trois quarts dos, avance, suivie en travelling, vers la mer tandis que le grondement de la marée montante devient plus puissant… Romancière et universitaire, Rama se rend à Saint Omer pour assister au procès de Laurence Coly. Devant la cour d’assises, cette jeune femme est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France. Le premier long-métrage de fiction d’Alice Diop (après des documentaires de société comme La mort de Danton (2011), Vers la tendresse (2016) ou Nous (2021), tous récompensés dans des festivals du cinéma du réel) est une plongée terrible dans l’inconcevable et l’horreur. Tandis que l’accusée (Guslagie Malanda) semble complètement refermée sur elle-même, la cinéaste sonde ses traits fermés. Écoutée avec attention par la présidente de la cour, interrogée sans ménagement par un procureur qui la croit manipulatrice et affabulatrice, défendue par une avocate empathique, Laurence Coly tarde à se « dévoiler », à tomber le masque. Sur fond de préjugés racistes, elle semble vouloir se dédouaner de son crime en se cachant derrière des actes de sorcellerie, du maraboutage et des sorts lancés par les siens demeurés au Sénégal… Comment peut-on être amenée à tuer son propre enfant ? Le fait-divers introduit une tragédie qui vient révéler quelque chose de nous-mêmes, d’Alice Diop et du spectateur… (Blaq Out)

Fumer Fait TousserFUMER FAIT TOUSSER
Sur la route des vacances, un gamin a envie de faire pipi. Dans la voiture, la radio susurre « Dieu est un fumeur de havanes » de Gainsbourg. Soudain, le môme aperçoit les cinq membres de la Tabac Force aux prises avec une tortue géante. Qu’ils vont ventiler, façon puzzle. Du sang et de la viande volent alentour, ce qui n’empêche pas la famille de faire une photo souvenir avec la Tabac Force. Benzène, lui, prend le gosse à part et lui conseille de ne pas faire comme son crétin de père qui tire sur sa clope. « Fumer, ça fait tousser. C’est nul ! » Réalisateur, scénariste et aussi artiste de musique électronique, Quentin Dupieux tient une place à part dans le paysage du cinéma français. On l’a découvert en 2010 avec Rubber (tourné à Los Angeles en 14 jours avec deux appareils photo) qui racontait l’histoire d’un… pneu aux pouvoirs psychokinétiques pris d’une frénésie meurtrière en plein désert californien. On a pu le vérifier récemment avec Incroyable mais vrai et sa villa à l’étrange conduit rajeunissant… On sait que le cinéma de Quentin Dupieux est complètement déjanté. C’est encore le cas, ici, avec l’improbable aventure de justiciers nommés Benzène, Méthanol, Nicotine, Mercure et Ammoniaque. Si les thèmes abordés sont connectés au monde contemporain, le récit est du pur délire. A savourer sans modération avec Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Anaïs Demoustier et les autres. (Gaumont)
Bonnes EtoilesLES BONNES ETOILES
Un soir de pluie, une jeune mère dépose son bébé dans une « boîte » destinée à recueillir les enfants abandonnés. Les deux hommes de l’association chargée de récupèrer les bébés, décident de le garder. Sang-huyn (Song Kang-ho), porte-bébé sur le ventre et sourire attendri collé au visage, n’a pas le profil d’un trafiquant d’enfant. C’est pourtant ce qu’il est, patron d’un pressing endetté et roublard. Il est surveillé par deux policières qui veulent l’arrêter en flagrant délit. Les choses se compliquent quand la mère du bébé revient le chercher. Pour son second film tourné hors de son Japon natal après La vérité (2019), en l’occurrence en Corée, Hirokazu Kore-eda retrouve sa thématique favorite : la famille et ses tourments. Sous la forme d’un road-movie insolite, l’auteur d’Une affaire de famille (Palme d’or 2018) évoque, avec empathie et délicatesse, des personnages englués dans leurs secrets et leurs souffrances. (Metropolitan)
F forFakeF FOR FAKE
« L’art est un mensonge qui nous fait comprendre la vie… » Vérités et mensonges (en vf) est l’un des ultimes moments dans l’oeuvre de ce monument qu’est Orson Welles ! Dans la gare d’Austerlitz, habillé en prestidigitateur, le cinéaste de Citizen Kane et de La dame de Shanghaï annonce qu’il va dire toute la vérité sur Elmyr de Hory. Emigré hongrois retiré à Ibiza aux Baléares, ce dernier est le plus célèbre faussaire du 20e siècle et ses œuvres, de Braque à Kees van Dongen en passant par Picasso, Matisse et Modigliani, abusèrent les meilleurs experts. Dans ce film-essai (sorti en 1973 et que François Reichenbach a achevé) Orson Welles interroge les rapports de l’art et de l’argent et questionne sa pratique du cinéma où la tricherie avec le réel révèle sa nature véritable… (Potemkine)
Serment PamfirLE SERMENT DE PAMFIR
Leonid, surnommé Pamfir, retrouve sa femme Olena et son fils Nazar dans un village de l’ouest de l’Ukraine, proche de la frontière roumaine. Nazar voudrait que son père reste au village pour participer ensemble au carnaval de Malanka, une fête traditionnelle. L’incendie d’une église va bouleverser leurs vies… Pour régler le problème, Pamfir (Oleksandr Yatsentyuk) va revenir à la contrebande qu’il pratiquait plus jeune. Mais M. Oreste, un caïd, ne l’entend pas de cette oreille. Pour son premier long-métrage, l’Ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, 40 ans, réussit un somptueux « western » à l’écriture stylisée qui réunit la tragédie grecque et les traditions slaves dans une superbe chronique familiale. (Condor)
HarkaHARKA
Jeune Tunisien d’une vingtaine d’années, Ali survit en vendant de l’essence de contrebande dans les rues. Il rêve d’une vie meilleure mais la mort soudaine de son père le laisse responsable de ses deux jeunes sœurs. Cinéaste anglo-saxon d’origine égyptienne copte, Lotfy Nathan se penche, dans les rues de Sidi Bouzid, berceau du Printemps arabe, sur une société en proie à la corruption et un environnement gangrené par la misère et l’absence d’espoir. A travers Ali (l’excellent Adam Bessa, comédien franco-tunisien vu dans Les Bienheureux, Mosul ou Haute couture) qui s’éveille à la colère, une fable humaniste et saisissante sur la Tunisie d’aujourd’hui et une jeune génération qui essaie toujours de se faire entendre… (Blaq Out)
Les PiresLES PIRES
A Boulogne-sur-Mer, dans le nord de la France, la cité Picasso va devenir, pour un temps, le plateau d’un tournage de cinéma. Le réalisateur (l’excellent Johan Heldenberg) fait passer un casting à le recherche de personnalités atypiques. Il choisit deux filles et deux garçons. Tout le monde dans la cité se demande pourquoi il a choisi les pires. Pour leur premier long-métrage, Lise Akoka et Romane Gueret font leur Nuit américaine avec le portrait de gamins « difficiles » comme Lily, jeune séductrice, Jessy, le poseur ou Ryan, gamin plein de rage. Quand la vie et la fiction fusionnent pour donner une œuvre touchante et généreuse… Prix Un certain regard au Festival de Cannes 2022. (Pyramide)
JoyLandJOYLAND
Sans emploi, Haider a le sentiment de ne rien maîtriser de sa vie. Il vit à Lahore avec sa femme Mumtaz qui, elle, a un travail, son père et son frère aîné. Il passe ses journées à s’occuper de ses nièces pour aider Nucchi, sa belle-soeur. Un jour, il est embauché comme danseur dans un cabaret. Aspirant à une liberté inédite, il s’éprend de la vedette des lieux, Biba, une femme transgenre.
« L’histoire est une fiction, dit le cinéaste, mais les dynamiques qui se jouent dans cette famille sont similaires à celles que j’ai connues. […] Le Pakistan repose sur un système très patriarcal. Mais c’est aussi paradoxalement un endroit où les femmes trans sont très visibles et très importantes… […] La coexistence, bien qu’elle soit superficielle, existe bel et bien. » Premier film pakistanais présenté en sélection officielle au Festival de Cannes, le drame de Saim Sadiq est une magnifique (et culottée) réflexion sur le désir. Ali Junego (Haider) et Alina Khan (Biba) portent avec grâce et volupté cet hymne à l’amour délicieusement transgressif. Le film a obtenu la Queer Palm 2022. (Condor)
Nos FranginsNOS FRANGINS
Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Paris, lors des manifestations contre la loi Devaquet, Malik Oussekine, étudiant de 22 ans, meurt sous les coups de la police. A Pantin, la même nuit, Abdel Benyahia, Algérien de 20 ans, est tué par un policier ivre alors qu’il s’interpose dans une bagarre dans un bar. Rachid Bouchareb (qui connut un imposant succès en 2006 avec Indigènes) relie deux affaires qui n’ont rien à voir sinon à travers la détresse et l’incompréhension de familles meurtries. En s’appuyant sur des images d’archives, le cinéaste s’approche au plus près de la douleur et du drame. Il peut se reposer pour cela sur de solides comédiens : Reda Kateb, Lyna Khoudri, Samir Guesmi, Raphaël Personnaz… Le film a été sélectionné pour représenter l’Algérie en 2023 à l’Oscar du meilleur film international. (Le Pacte)
Annie ColereANNIE COLERE
Dans la France de 1974, peu de temps avant la loi Veil, Annie est ouvrière et travaille dans une usine de matelas. Elle a deux enfants, mais ne souhaite pas en avoir plus. Lorsqu’elle se retrouve involontairement enceinte, elle fait appel au Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) qui milite pour la légalisation de l’avortement en aidant des femmes à avorter ostensiblement. Le MLAC utilisa la méthode de Karman, par aspiration, avec l’aide de médecins et de bénévoles. Les femmes n’ont rien à payer, et si elles ont dépassé huit semaines de grossesse, le mouvement organise des voyages aux Pays-Bas où elles pourront avorter. L’avortement d’Annie se passe bien, elle est touchée par la bienveillance de l’accueil d’Hélène, infirmière, et de Monique. Dans un premier temps, elle estime ne pas avoir le temps de s’engager dans l’association car elle est déjà très occupée avec son travail et sa famille. Mais lorsque sa voisine Christiane meurt des suites d’un avortement clandestin, elle décide de s’engager… Avec une Laure Calamy magnifique d’émotion, Blandine Lenoir (elle a réalisé en 2017 Aurore avec une émouvante Agnès Jaoui) met en scène un combat indispensable, souligne la solidarité des femmes et signe un film militant et touchant sur la question du choix d’avoir un enfant ou pas… (Diaphana)
Epee SauvageL’EPEE SAUVAGE
Prêt à tout pour conquérir le royaume d’Ehdan, le tyrannique lord Cromwell songe même à recourir à la magie noire. Avec l’appui du sorcier démoniaque Xusia de Delos, il parvient à anéantir ses ennemis et à neutraliser le roi Richard et sa famille. Seul son fils Talon réussit à échapper au massacre. Onze ans plus tard, le jeune homme, devenu un guerrier redoutable armé d’une épée à trois lames, est de retour au royaume où un complot contre Cromwell se prépare… En 1982, alors cinéaste débutant, Albert Pyun signe une page d’heroïc fantasy sortie dans les salles à l’heure d’Excalibur et de Conan le barbare. Bien que bénéficiant d’un budget beaucoup plus modeste, The Sword and the Sorcerer a lui aussi marqué les esprits grâce à son inventivité et son savoir-faire rivalisant avec les grosses productions hollywoodiennes. Dans une nouvelle restauration 4K et présentée en éditions limitées Steelbook, voici une saga d’aventures, d’action et de monstres sauvages. Parmi les suppléments, on trouve Souvenirs d’un empire ancien dans lequel Albert Pyun revient sur sa première expérience de tournage… (Carlotta)
Bataille Sans MerciBATAILLE SANS MERCI
Au lendemain de la guerre de Sécession, Ben Warren, ancien soldat, et son amie Jennifer Ballard font route vers la Californie où ils comptent s’installer. Leur diligence est attaquée par les soldats qui étaient censés la protéger. Ce sont en fait les hommes de Frank Slayton, un célèbre bandit, qui enlèvent Jennifer (Donna Reed). Laissé pour mort, Ben n’a plus qu’une idée en tête : retrouver sa compagne… En 1953, Raoul Walsh, l’un des maîtres du western de l’âge d’or américain, offre l’un de ses premiers grands rôles à Rock Hudson dans une aventure spectaculaire et menée à un rythme soutenu dans de magnifiques paysages de l’Arizona… (Sidonis Calysta)
One Piece Film RedONE PIECE FILM: RED
Sur l’île en ruine d’Elegia, Luffy et son équipage s’apprêtent à assister à un festival de musique attendu avec impatience. Complètement inconnue, Uta est devenue la coqueluche du monde entier en deux ans grâce à ses concerts diffusés via escargophone. Chanteuse désormais la plus populaire du monde, Uta va monter sur scène pour la première fois. Celle qui n’est autre que la fille du légendaire pirate Shanks Le Roux et l’amie d’enfance de Luffy va révéler la puissance exceptionnelle de sa voix qui pourrait bien changer le monde… Réalisateur de séries d’animation, le Japonais Goro Taniguchi signe le quinzième film fondé sur la série One Piece, d’Eiichirō Oda, dont il célèbre le vingt-cinquième anniversaire du manga. L’occasion de se glisser dans le meilleur de l’univers One Piece avec un nouvel opus au rythme explosif et une expérience visuelle et sonore spectaculaire. Avec la voix chantée d’Ado (version originale) et d’Hoshi (voix française) (Pathé)
Evadées Camp AmourLES EVADEES DU CAMP D’AMOUR
Au cœur d’une forêt tropicale se trouve un camp de détention pour femmes. Isolés du monde, les gardiens en profitent pour abuser des prisonnières, leur faisant subir les pires sévices. Ne supportant plus la cruauté dont elles sont victimes, un groupe de jeunes femmes va tenter de s’évader, avec l’aide du médecin du camp. Avec les succès de Salo de Pasolini, Portier de nuit de Liliana Cavani et surtout Salon Kitty de Tinto Brass, le cinéma bis va connaître son genre le plus sulfureux, lointainement inspirés par quelques bandes d’exploitation américaines des fifites. A la trilogie canadienne des Ilsa, l’Italie, ici avec Edoardo Mulargia, répond, dans les années 80, avec une douzaine de films mettant en scène des prisonnières toutes aussi belles et fragiles face à la cruauté de leurs geôliers nazis. La France ne sera d’ailleurs pas en reste avec une poignée de films produits par la firme Eurociné. Artus Films sort également, du même Edoardo Mulargia, sous le pseudonyme d’Edward G. Muller, Les tortionnaires du camp d’amour dans lequel on découvre qu’au coeur de la jungle amazonienne, le contrebandier Jordan utilise des femmes esclaves pour exploiter une mine d’émeraudes, leur faisant subir les pires sévices. Le révolutionnaire Laredo convoite la mine pour financer sa cause, et entreprend d’attaquer Jordan, comptant sur l’aide des prisonnières. (Artus Films)

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