Manuela (Bérengère Krief)
et Hubert (André Dussollier). DR

Lorsqu’une comédie démarre en mettant immédiatement les rieurs de son côté, on ne peut pas encore être certain qu’elle tiendra ses promesses jusqu’au bout mais elle marque d’emblée des points… C’est le cas d’Adopte un veuf qui s’ouvre, dans la semi-obscurité de ce qu’on imagine être un bel appartement, sur la tête d’un type avachi dans son canapé, le regard las et la mine défaite. Et pendant ce temps, Charles Trenet chante son très fameux Y’a de la joie, bonjour bonjour les hirondelles – Y’a de la joie dans le ciel par-dessus le toit…

Il ne faut pas se fier à Adopte un veuf car le titre -qui sonne quand même bien à l’instar d’Adopte un mec.com- ne reflète pas vraiment la teneur de cette histoire. Certes, Hubert Jaquin est veuf mais son aventure va plutôt être celle d’un père dans une famille très recomposée. Parce qu’il a perdu le goût à la vie, Hubert n’a pas grand’chose à faire des autres. Mais voilà, il va tomber, par hasard, sur Manuela, une véritable pile faite étudiante, qui va le baratiner et lui faire admettre que se loger à Paris est un authentique enfer pour les jeunes. Obstétricien à la retraite et propriétaire d’un immense appartement haussmannien dans les beaux quartiers de Paris, Hubert Jaquin va se laisser faire. Un petit coup de chantage affectif et voilà Manuela, locataire d’une chambre. « C’est du dépannage », prévient Hubert…

PG, Marion, Manuela et Hubert
se partagent l’appartement… DR

En prenant appui sur un sujet de société -la difficulté de se loger quand on est jeune- déjà abordé dans L’étudiante et M. Henri ou dans Five avec Pierre Niney, François Desagnat réussit un film rythmé et tout à fait sympathique qui réussit à être divertissant justement parce qu’il évite le jeunisme et rompt avec la dimension « sociologique » pour emprunter la tournure « familiale ». Hubert retrouve des couleurs dans son inattendu rôle de père et reprend goût à l’existence en se confrontant aux problèmes, aux habitudes, voire aux mauvaises idées de  Manuela puis de Paul-Gérard et de Marion…

Adopte un veuf est une comédie qui tient agréablement la distance en jouant sur une suite de situations qui tiennent du running gag (les apparitions de l’inénarable Nicolas Marié), du sketch (la sélection des candidats à la colocation), du quiproquo quasiment scabreux (la séquence du sèche-cheveux) ou encore de la pure fantaisie avec un passage dans une animalerie tropicale et son lot foisonnant de criquets en folie.

André Dussollier, Bérengère Krief, Nicolas Marié, Julia Piaton et Arnaud Ducret. DR

En plus, les quatre personnages sont dessinés avec soin. Tout en pudeur et en générosité discrète, le parfait André Dussollier est un Hubert qui se requinque à vue d’oeil même si la cohabitation est loin d’être aisée. Desagnat lui fait porter une veste jaune qui est un clin d’oeil à La Grande Bellezza et à Jep Gambardella, le séducteur latin à la flamboyance disparue…

A ses côtés, dans la posture d’une fille qu’Hubert n’a jamais eue, Bérengère Krief est une Manuela drolatique, clairvoyante, solaire et libre, débordante d’énergie mais pas aussi mature qu’elle le croit. On découvre aussi Julia Piaton qui campe une Marion très premier degré, naïve, droite, ayant peur de tout mais capable de se passionner pour la… literie.

Hubert (André Dussollier) ou le retour à la vie. DR

Quant à Arnaud Ducret, il est connu pour son Gabriel, père et grand enfant dans la série télé Parents, mode d’emploi. Ici, il compose un PG à la fois gauche dans ses mouvements, savoureux lorsqu’il commence à se décoincer et pathétique en père en instance de divorce, craignant de perdre la garde alternée de son gamin. Et même les courtes apparitions de Blanche Gardin en boulangère sont épatantes.

Bref, Adopte un veuf est exactement le genre de comédie qui fait passer un très bon moment au cinéma!

ADOPTE UN VEUF Comédie (France – 1h37) de François Desagnat avec André Dussollier, Bérengère Krief, Arnaud Ducret, Julia Piaton, Nicolas Marié, Blanche Gardin. Dans les salles le 20 avril.

FRANCOIS DESAGNAT: « NOUS AVONS BEAUCOUP TRAVAILLE SUR LE RYTHME… »

Venu aux 20e Rencontres du cinéma de Gérardmer pour présenter Adopte un veuf, François Desagnat a reçu un bel accueil au cours d’une avant-première très applaudie… Le cinéaste a confié que le  film était née d’une idée originale du producteur Jérôme Corcos. « Au départ, ce devait être, explique François Desagnat, une histoire de colocation improbable entre un veuf malheureux et une jeune étudiante qui sème la pagaille dans sa vie… » Mais le cinéaste y a plutôt vu l’histoire d’un homme qui n’a jamais eu d’enfant et qui, tout d’un coup, va devenir père. Si le cinéaste avoue que les rapports familiaux, et notamment les relations père-fils le touchent particulièrement, c’est peut-être parce qu’il vient d’une famille d’artistes. Son frère Vincent est acteur (on le voit dans Adopte… en patron d’hôtel teigneux) et son père Jean-Pierre, s’il n’a pas fait que des chefs d’oeuvre au cinéma (Pas de roses pour OSS 117 en 1968 ou Les Charlots contre Dracula en 1980), peut se targuer d’être le réalisateur de Janique Aimée, la première série, en 1963, de l’histoire de la télévision française… François Desagnat a également souligné qu’il avait pu, en amont du tournage, répéter une semaine durant avec les acteurs: « André Dussollier est arrivé en connaissant l’intégralité des dialogues! C’est un grand travailleur et un grand pro! »  Le réalisateur confie aussi avoir eu de réelles sueurs froides: « Lorsque j’ai vu le premier montage du film, c’était une catastrophe. Nous avons beaucoup travaillé sur le rythme. Mais le tempo du film vient peut-aussi de référence inconscientes à la comédie américaine contemporaine, aux frères Farrelly, à Noah Baumbach, Alexander Payne et également au cinéma de Francis Veber… »