Le grand voyage du petit d’homme

Neel Sethi incarne Mowgli. DR

Neel Sethi incarne Mowgli. DR

La fréquentation de certains films tient parfois du pélerinage! Car, lorsqu’il est question de Mowgli, voilà que reviennent instantanément les souvenirs musicaux et dansants du Livre de la jungle (1967) signé Wolfgang Reitherman et appartenant à l’époque classique des studios Walt Disney… Le joyeux Baloo s’y dandine avec son ventre rond, le roi Louie a les bras interminables de l’orang-outang et Kaa, le serpent au regard hypnotique en spirale, susurre son fameux « Aie confiance » avec la voix du génial Roger Carel…

Forcément, on avait envie de voir ce que Disney, avec son sens aigu du recyclage des grands classiques, promettait à la nouvelle génération de spectateurs. Et, force est de dire, que l’on n’est pas déçu… La bonne idée de Jon Favreau et de son équipe est d’avoir tourné le dos à la comédie musicale en dessin animé telle que l’avait voulue Walt Disney pour ancrer, cette fois, le récit dans la dimension, parfois très sombre, du film d’aventures… Comme le dit la voix off qui ouvre ce nouveau Livre de la jungle: « On raconte toutes sortes d’histoires sur cette jungle. Mais nulle n’est aussi étrange que celle de Mowgli… »

Bagheera, la panthère noire, mentor de Mowgli. DR

Bagheera, la panthère noire, mentor de Mowgli. DR

Clairement, ce Jungle Book revendique l’héritage de Rudyard Kipling et des deux livres de 1894 et 1895 pour donner une dimension mythique à ce conte initiatique universel. Et il a même la bonne idée d’oublier les discours (trop) pontifiants des productions Disney. Il y a longtemps, dans la jungle, un homme, accompagné d’un bébé, est attaqué par un tigre. Il réussira à blesser la bête avec une torche enflammée mais succombera à ses griffes. C’est ainsi que le tout petit Mowgli se retrouvera seul dans un monde inconnu et hostile. C’est la panthère noire Bagheera qui recueillera le petit d’homme et le confiera à une meute de loups dans laquelle, sous le regard bienveillant et attentif de Raksha, sa nouvelle mère, Mowgli grandira parmi des animaux sauvages qui ne l’intimident pas… Mais Shere Khan, le tigre borgne, voue une haine absolue  à cet improbable rejeton et exige, sous la menace, de la meute de loups qu’elle rejette ce « louveteau »… Prêt à le broyer entre ses crocs et convaincu que le petit d’homme n’a pas sa place dans la jungle, Shere Khan (dont la brutale première apparition colle carrément toute la salle à son fauteuil) va pourchasser Mowgli pour le pousser vers le village des hommes…

Baloo et Mowgli. DR

Baloo et Mowgli. DR

Il ne manque rien à ce Livre de la jungle pour emporter les jeunes spectateurs (mais pas avant six-sept ans) et les plus grands dans un récit épique où Mowgli n’a pas souvent le temps de souffler. S’il s’amuse au début avec ses frères loups, il lui faudra partir dans une course éperdue devant Shere Khan, plonger dans un vaste fossé boueux et n’avoir la vie provisoirement sauve qu’en slalomant entre des buffles lancés à vive allure avant de s’accrocher à leurs cornes pour être emporté. Formé au film d’action -il a signé Iron Man 1 et 2- Jon Favreau a mis les petits plats dans les grands en s’appuyant sur les moyens techniques les plus modernes. Si quelques décors sont réels, l’essentiel relève d’un environnement numérique crédible et indécelable, mêlant l’animation photoréaliste ou la motion capture. Plus de 100.000 photographies ont, par exemple, été réalisées dans des lieux réels des jungles d’Inde pour créer un vaste catalogue d’images sources. De la même manière, travaillant avec des spécialistes de la faune, les équipes techniques ont conçu 70 espèces animales en images de synthèse. Et là encore, le réalisme est bluffant, qu’il s’agisse des mouvements glissants de Kaa, le python ou du pelage de Baloo et de Bagheera…

Fort heureusement, ces prouesses technologiques n’obèrent en rien la magie du voyage initiatique de Mowgli… Si on scrute volontiers les détails des images de jungle (certains coins bien colorés sont des clins d’oeil à l’univers de Disney), on oublie assez rapidement ces prouesses pour se laisser captiver par les aventures d’un petit bonhomme intrépide, audacieux et plein d’astuces… humaines. Pour incarner Mowgli, le seul personnage réel du film, la production a recruté Neel Sethi, un jeune New-Yorkais de 12 ans dont la ressemblance avec le Mowgli du dessin animé de 1967, est étonnante. D’ailleurs, Jon Favreau a pris soin, dans cette histoire dramatique, de conserver une place pour des souvenirs qui ont marqué des générations de spectateurs. On est ravi ainsi d’entendre Baloo se lancer, sur des rythmes New Orleans, dans son fameux « Il en faut peu pour être heureux » ou de voir l’indécrottable amateur de miel emporter Mowgli sur son ventre au fil de la rivière…

Mowgli et le roi Louie. DR

Mowgli et le roi Louie. DR

On l’a dit, on se laisse agréablement emporter dans les pages de ce Livre de la jungle. Ici, un impressionnant glissement de terrain, là l’évocation du passé de Mowgli et de la « fleur rouge » dans l’oeil de Kaa, plus loin la mission Miel confiée à Mowgli par un Baloo très intéressé ou encore l’armée des singes entraînant Mowgli vers un temple sur lequel le gamin verra, pour la première fois, des représentations humaines, sont de très bons moments de cinéma. Et que dire du roi Louie, énorme gigantopithèque, dont l’apparition fait clairement songer à celle du colonel Kurtz (Marlon Brando) dans l’obscurité inquiétante d’Apocalypse now

« C’est toujours un grand moment, celui où l’on quitte l’enfance… » est-il dit dans Le livre de la jungle. Heureusement que, dans le noir complice de la salle, on peut encore prolonger un peu notre part d’enfance.

LE LIVRE DE LA JUNGLE Aventures (USA – 1h46) de Jon Favreau avec Neel Sethi. Voix françaises: Lambert Wilson, Bernard Gabay, Daniel Lobe, Cécile de France, Leïla Bekhti, Eddy Mitchell. Dans les salles le 13 avril.

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