PETROV, LE DONBASS, LES BOURGEOIS IRANIENS ET LE BIJOUTIER JUIF

Fievre PetrovLA FIEVRE DE PETROV
En compétition à Cannes cette année avec Zhena Chaikovskogo (La femme de Tchaïkovsky), le cinéaste russe Kirill Serebrennikov est très attendu tant on avait remarqué, à Cannes 2021, sa Fièvre de Petrov qui sort désormais en dvd. Affaibli par une forte fièvre, Petrov (Semion Serzine) est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, entre rêve et réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent… Remarqué d’abord avec Leto (2018) sur l’émergence de la scène rock underground de Leningrad, Kirill Serebrennikov (dont les démêlés avec les autorités russes sont récurrents) adapte librement un roman d’Alexei Salnikov et propose, autour d’un auteur de bandes dessinées séparé de sa femme et hanté par un souvenir douloureux, un spectacle baroque et étourdissant où le cinéaste russe multiplie les trouvailles visuelles épatantes sans jamais oublier de se concentrer sur ce Petrov qui a avalé de l’aspirine périmée depuis 1977… (Condor)
Cacophonie DonbassLA CACOPHONIE DU DONBASS
En 1930, le cinéaste russe Dziga Vertov réalise La symphonie du Donbass où il évoque notamment le travail des mineurs de ce bassin houiller d’Ukraine et la trajectoire du mineur Alexei Stakhanov, admirable héros socialiste du travail, dont l’aventure a été entièrement organisée… par la propagande soviétique ! En s’appuyant sur les (belles) images de Vertov, le réalisateur ukrainien Igor Minaev s’applique d’abord à déconstruire cette propagande fondée sur le mythe de l’ouvrier modèle avant d’évoquer, avec des images d’archives, les grandes grèves de 1989 et 1990 résultant de l’exploitation des mineurs. En s’appuyant sur des témoignages, Minaev se penche, dans la seconde partie de ce sobre documentaire, sur la guerre du Donbass qui oppose, depuis 2013, l’armée ukrainienne aux séparatistes pro-russes soutenus par Moscou, une crise qui ne faisait qu’annoncer le conflit actuel en Ukraine… (Rimini Editions)
Echiquier VentL’ÉCHIQUIER DU VENT
Après la mort de son épouse, Haji Amou, commerçant traditionaliste, patriarcal et corrompu, projette de se débarrasser de sa belle-fille, héritière en titre de la fortune et de la luxueuse maison dans laquelle ils vivent… Pour faire face au complot de son beau-père, cette femme moderne et émancipée qui, paralysée, se déplace en fauteuil roulant, sollicite l’aide à sa servante. Mais elle ignore que cette dernière joue sur les deux tableaux. Quand la violence fait irruption dans l’intimité d’une famille bourgeoise en Iran… Réalisé en 1976 par Mohammad Reza Aslani, ce conte gothique sulfureux et visuellement superbe, est un bijou du cinéma iranien d’avant la révolution. Bien restauré, ce film, où chaque plan ressemble à un tableau, évoque l’univers d’un Visconti ou d’un George A. Romero. Dans les suppléments, on trouve notamment un documentaire (51 mn) qui fait retour sur une formidable aventure artistique… (Carlotta)
Adieu M.HaffmannADIEU MONSIEUR HAFFMANN
Modeste bijoutier à Paris, Joseph Haffmann comprend, en mai 1941, que l’existence des Juifs est menacée. Il fait partir sa famille vers la zone libre et prévoit de vite les rejoindre. Hélas, il va se retrouver prisonnier dans sa propre cave tandis que son employé, François Mercier, est devenu patron de la boutique. Quitte à tout remettre en ordre après la guerre. Avec Daniel Auteuil (Haffmann) et Gilles Lellouche (Mercier) ainsi que Sara Giraudeau, Fred Cavayé signe un thriller intime. Tandis qu’Haffmann est sous la menace de la Shoah, le destin de Mercier, face à une situation inédite, bascule d’autant que germe, dans la tête de cet homme stérile, une folle idée : se servir du malheureux Haffmann pour donner un enfant à sa femme. Un huis-clos étouffant autour de la sinistre tentation de la Collaboration. (Pathé)
DementiaDEMENTIA
Sortant d’un cauchemar, la secrétaire du réalisateur John Parker le raconte à son patron qui décide, en 1955, d’en faire un film, le seul et unique de sa carrière… Dans une chambre d’hôtel miteuse de Venice, Californie, une jeune femme (Adrienne Barrett) se réveille brusquement… Armée d’un cran d’arrêt, elle se met à errer dans les ruelles glauques et croise de vrais salopards. Film maudit et inclassable (sa production a été un calvaire et sa sortie une bataille), cette aventure sans paroles (mais avec de bons accents jazzy) appartient au pur film noir et est une plongée délétère dans la conscience dévastée de l’héroïne. Longtemps oublié, le film sera redécouvert par John Waters ou Preston Sturges qui dira : « Il m’a fouetté le sang et purgé la libido ». Film hallucinant et hallucinogène, Dementia est maintenant une œuvre culte et underground. (Potemkine)
PlacesPLACÉS
Etudiant venu des cités, Elias (Shaïn Boumedine, le héros de Mektoub my love de Kechiche) est refusé à l’examen d’entrée à Sciences Po parce qu’il a oublié sa pièce d’identité. En attendant de pouvoir se représenter au concours, il accepte un boulot temporaire avec des éducateurs dans une Maison d’enfants à caractère social (MECS). Dans cet univers qui lui est complètement étranger au départ, il va faire de fortes rencontres… Pour son premier film comme réalisateur, Nessim Chikhaoui s’est inspiré de son propre vécu d’éducateur pendant une dizaine d’années. Entre comédie et drame, avec un bon rythme et des dialogues qui sonnent juste, voici un film de groupe qui s’attache à brosser le portrait attachant de « jeunes à problèmes »… (Le Pacte)
Little PalestineLITTLE PALESTINE, JOURNAL D’UN SIEGE
Ancien camp de réfugié palestinien en Syrie (le plus grand du monde), Yarmouk était devenu une ville populaire de la banlieue de Damas avant 2011. En 2011, au début de la révolution syrienne, dans le contexte des printemps arabes, la population de Yarmouk est considérée comme active dans les manifestations. Le régime de Bachar el-Assad et les services de renseignements répriment et assiégent la ville qui, comme bien d’autres villes de la banlieue de Damas, se retrouve coupée du monde. À partie de 2013, pendant le siège de Yarmouk par l’armée syrienne, le cinéaste palestinien Abdallah Al-Khatib filme, dans un témoignage puissant et brutal sur un drame humanitaire, le quotidien pour témoigner de la situation, transformant une réalité géopolitique lointaine en une expérience tout à la fois intime, poétique et poignante. Un récit de résistance qui rend notamment hommage au courage des enfants… (Blaq Out)
Twist BamakoTWIST A BAMAKO
En 1962, le Mali fête son indépendance récemment acquise. La jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d’Amérique. Fils d’un riche commerçant, Samba vit pleinement l’idéal révolutionnaire. Alors que, dans le pays bambara, le charismatique Samba vante les vertus du socialisme, il croise Lara, jeune fille mariée de force, dont la beauté le bouleverse. Chantre du cinéma humaniste, inspiré par les images du grand photographe malien Malick Sidibé, Robert Guédiguian filme la beauté de la jeunesse et capte son énergie à la fois dans l’engagement socialiste et la musique rock. En s’éloignant du berceau marseillais qui porte depuis des années ses œuvres, le cinéaste de Marius et Jeannette réussit, au plus près de ses personnages, une tragédie lyrique et solaire sur l’utopie du bonheur et de la révolution… (Diaphana)
Complot FamilleCOMPLOT DE FAMILLE
Vieille dame riche mais rongée par le remords, Julia Rainbird fait appel à une « voyante », Blanche Tyler : depuis des années elle fait le même cauchemar, dans lequel sa défunte sœur la hante afin qu’elle retrouve le fils adultérin dont cette dernière avait dû se séparer par crainte des on-dit. Chargée de retrouver, moyennant une belle récompense, ce neveu perdu, Julia et son ami George vont découvrir que le neveu a changé de nom et qu’il mène, avec sa compagne Fran, de solides activités criminelles… En 1976, Sir Alfred Hitchcock, quatre ans avant sa disparition, signe son ultime film. La critique le considéra comme une œuvre mineure, probablement parce que le spectateur n’est pas vraiment impliqué dans les enjeux du scénario. Ici, Hitch s’amuse à jouer avec le suspense, permet parfois à ses comédiens (Karen Black, Bruce Dern, Barbara Harris, William Devane) d’improviser et adresse un ultime clin d’œil à son public. (Universal)
Aventure AventureL’AVENTURE C’EST L’AVENTURE
Après 1968, devant un monde en apparente effervescence, Lino, Jacques et Simon, trois truands et leurs deux sous-fifres, Aldo et Charlot, revoient leurs méthodes traditionnelles de gangsters et décident de jouer la carte de la politique pour leurs méfaits : enlèvement de Johnny Hallyday (avec sa complicité, pour une campagne promotionnelle), mercenaires pour des révolutionnaires d’Amérique du Sud, détournement d’avion etc. Mal accueilli par la presse à sa sortie, traité de réactionnaire et de navet, ce Lelouch, réalisé en 1972 (il fit l’ouverture de Cannes et réunit un million de spectateurs dans les salles) a été réévalué… au point de devenir culte. Même si le rythme de cette histoire est inégal, on prend néanmoins un certain plaisir aux aventures de pieds nickelés incarnés par Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Denner, Aldo Maccione et Charles Gérard… (Metropolitan)
Amour Mieux VieL’AMOUR C’EST MIEUX QUE LA VIE
Avec sa passion de l’amour vécu à fond, le cinéaste d’Un homme et une femme a remis le couvert dans son 50e film en dissertant sur les gens qui s’aiment, les copains qui ne peuvent pas se passer les uns des autres ou… Jésus et le diable. Comme son titre l’indique, le film chante les vertus de la passion qui vous déboule dessus et qui vous fait perdre, un peu, vos repères. La fin de Gérard Prat (Gérard Darmon) est proche. Alors, Ari (Abittan) et Philippe (Lellouche), les deux copains connus autrefois à la Santé, ont décidé de lui offrir un dernier grand moment d’amour. Ils contactent Sandrine (Bonnaire) qui tient une société d’escorts… Dans cette « comédie pas si dramatique que ça », Gérard Prat qui manifestement a l’air d’aimer les aphorismes, fait observer à la lumineuse Sandrine, sa nouvelle dulcinée : « Tuer le temps, c’est se mettre en couple, chacun accusant l’autre du crime ». (Metropolitan)
ScreamSCREAM
Vingt-cinq ans après que la provinciale petite cité de Woodsboro a été frappée par une suite de meurtres violents, un nouveau tueur remet le masque de Ghostface et cible un groupe d’adolescents, déterminé à faire ressurgir les sombres secrets du passé. A quatre reprises, entre 1996 et 2011, Wes Craven fit peur avec les aventures de Ghostface. Craven disparu en 2015, c’est le duo Bettinelli-Gillett qui réveille le tueur. Neve Campbell, Courteney Fox et David Arquette retrouvent leurs personnages originels dans un film qui combine à nouveau le slasher, la comédie noire et le « whodunit ». Des retrouvailles plutôt enlevées et accompagnées d’une foule de suppléments… (Universal)
Crocs DiableLES CROCS DU DIABLE
Dans un pays d’Amérique du Sud en proie au chaos, le dictateur Arévalo fait régner la terreur. Malgré les meurtres et les exactions, une révolution s’organise à partir de réseaux et de groupes armés…  Pour ses partisans, Arévalo est « le bienfaiteur ». Ses détracteurs, eux, le surnomment « le chien ». Les opposants sont emprisonnés à San Justo où Zancho, le gardien-chef sadique, lance son redoutable berger allemand contre ceux qui tentent de fuir. En 1976, avec Jason Miller, Léa Massari et Marisa Parédès, l’Espagnol Antonio Isasi mêle la parabole politique au thriller animalier, façon Dressé pour tuer. Son efficace film d’action à la réalisation musclée et efficace (El perro en v.o.) exploite la figure du chien pour dénoncer les dictatures d’Amérique latine ou de l’Espagne franquiste. Restauré HD et inédit en DVD et Blu-ray. (Carlotta)
Land Of The SonsLAND OF THE SONS
Dans le futur, un mystérieux fléau a mis fin à la civilisation. L’humanité a presque disparu. Dans ce monde abandonné devenu hostile, un père et son fils luttent pour leur survie. Lorsque le premier finit par mourir, il laisse derrière lui le journal qu’il tient secrètement depuis des années. Mais incapable de lire, le jeune homme se lance en quête d’un adulte qui pourrait lui en révéler le contenu. Claudio Cupellini, avec ce voyage vers l’inconnu où chaque rencontre peut être la dernière, adapte le roman graphique multi-récompensé de l’auteur italien Gipi. Inédit en France, le film, tourné dans les décors naturels de la plaine du Pô, est un conte d’initiation noir et mystérieux mais aussi un récit d’aventures épique et passionnant qui évoque l’importance de la mémoire et l’avenir que nous laisserons à nos enfants… (Condor)
Ombre ViolenceL’OMBRE DE LA VIOLENCE
Ex-boxeur, Douglas Armstrong, surnommé Arm (bras) à cause de sa force de frappe, est devenu l’exécutant redouté de la famille Devers dont le méchant avorton Dympna (Barry Keoghan vu dans Dunkerque de Christopher Nolan) vend de la drogue. Dans une Irlande rurale et rugueuse, ce type tiraillé entre deux familles (il essaye aussi d’être un bon père pour son fils autiste de 5 ans), voit sa loyauté mise à l’épreuve lorsqu’on lui demande de tuer pour la première fois. Pour son premier long-métrage (Calm with Horses en v.o.), Nick Rowland met en scène, avec efficacité, des gangsters irlandais bas du front et peu sympathiques. Le chanteur et acteur britannique Cosmo Jarvis incarne le costaud emporté dans une tragédie. (Condor)
Meilleurs EnnemisMEILLEURS ENNEMIS
Bien décidée à réussir professionnellement sans pour autant compromettre son sens de l’éthique, Lucy se lance dans un jeu impitoyable de surenchère contre Joshua, son ambitieux collègue de bureau. Le problème, c’est que son attirance croissante pour cet homme qu’elle aime détester va venir compliquer leur rivalité. Après la fusion de leurs maisons d’édition respectives, la charmante Lucy (Lucy Hale, vue les sept saisons de la série Pretty Little Liars) et Joshua (Austin Stowell), deux assistants de direction, sont contraints de travailler ensemble alors qu’ils ne se supportent pas… Lorsque les deux sont en compétition pour le poste de directeur général, la bataille va faire rage. Bien sûr, dès les premières images, on a une petite idée de la manière dont va s’achever cette guerre sur fond de séduction… Une agréable comédie romantique où les dialogues acides font mouche. (Métropolitan)
RosyROSY
Alors étudiante, Marine, 21 ans, observe soudain un rétrécissement de son champ de vision. Diagnostic : elle est atteinte d’une maladie auto-immune incurable, la sclérose en plaques. Avec Rosy (le nom qu’elle donne à sa maladie), Marine Barnérias réalise un documentaire pour mieux accepter son destin. En 2015, elle décide de se lancer dans un voyage de neuf mois, traversant la Nouvelle-Zélande, la Birmanie et la Mongolie, pour tenter de trouver un nouvel équilibre… Si le propos est très centré sur la réalisatrice, il atteste aussi de son tempérament de battante. Entre combat, rage, épuisement, enthousiasme ou déni, une aventure individuelle singulière… (Gaumont)
355355
Une arme technologique capable de prendre le contrôle de réseaux informatiques est tombée entre de mauvaises mains. A Paris, où la clé a été localisée, les meilleures agentes des agences de renseignements du monde entier s’apprêtent à mener le combat… On retrouve là une Américaine (Jessica Chastain), une Anglaise (Lupita Nyong’o), une Allemande (Diane Kruger), une Colombienne (Penelope Cruz) et une Chinoise (Fan Bingbing) dans une aventure qui lorgne vers Jason Bourne et James Bond. Le film de Simon Kinberg est produit par Jessica Chastain, déterminée à offrir à ses partenaires des rôles qui dépassent le simple glamour. Et de fait, ces dames, constamment sur la brèche, vont devoir donner le meilleur d’elles-mêmes pour mettre les méchants au pas. Va pour la baston ! (M6)
Traqués An 2000LES TRAQUÉS DE L’AN 2000
Et si George Orwell croisait le chemin du comte Zaroff… Dans un futur proche, un gouvernement totalitaire fait incarcérer tous les individus considérés comme déviants ou résistants. Le camp de rééducation de Tchatcher est l’un des plus brutaux. Les prisonniers sont accueillis au camp par la formule « La liberté c’est l’obéissance, l’obéissance c’est le travail, le travail c’est la vie » qui n’est pas sans rappeler le « Arbeit macht frei » d’Auschwitz. Un jour, le directeur du camp décide d’organiser une chasse à l’homme. Les prisonniers sont relâchés dans une forêt pour servir de gibier. Dans le genre « Survival », une série B australienne des années 80 réalisée par Brian Trenchard Smith qui se régale d’une violence totalement décomplexée mais qui prend aussi un ton politique en dénonçant les méfaits d’un régime totalitaire… (Rimini Editions)

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