L’union fait la force

Prenez un Premier ministre honni -on parle évidemment de Margaret Thatcher-, une équipe d’activistes gays et lesbiens et des mineurs du fin fond du Pays de Galles. Vous appliquez là-dessus un cinéma social qui a fait ses preuves chez Frears ou Loach et vous aurez ce qui devrait être un joli succès populaire!

En 1984, le Syndicat National des Mineurs du Royaume-Uni se lance dans une grève nationale en signe de protestation contre la fermeture programmée des mines de charbon partout dans le pays. Le gouvernement Thatcher y répond par une fermeté qui confine souvent à la brutalité. Différents groupes viennent en aide à des mineurs dont la situation empire au fil des semaines. Parmi ces groupes, une association de militants gays et lesbiens londoniens qui, suite à la Gay Pride, décide de lever des fonds pour venir en aide aux grévistes. Ils estiment avoir les mêmes adversaires que les mineurs: le gouvernement Thatcher, la police et la presse à scandale.

Sous le sigle LGSM (Lesbians and Gays Support the Miners), une poignée de garçons et de filles recueillent des dons que le Syndicat des mineurs, hostile et inquiet, va refuser. Alors, les membres de LGSM vont embarquer à bord d’un vieux minibus et mettre le cap sur le Pays de Galles afin de remettre, en mains propres, l’argent récolté aux grévistes…

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Imelda Staunton (de dos), Bill Nighy, Andrew Scott, Dominic West et Paddy Considine. DR

Et c’est ainsi que naîtra un magnifique histoire d’amitié et de solidarité. Même si d’entrée de jeu, on se regarde un peu en chiens de faïence. Car Pride raconte l’étonnante et véridique aventure de deux communautés que tout sépare et qui vont se retrouver autour d’une cause commune. Il en va, en effet, ici, des droits civiques. Ceux des mineurs confrontés aux ravages du libéralisme galopant, celui des homosexuels qui, au mitan des années 80, risquent encore en Grande-Bretagne de lourdes peines de prison à cause de leur orientation sexuelle…

Sur un scénario de Stephen Beresford qui parvient toujours à concilier la dimension collective de cette aventure avec les portraits de quelques uns de ses héros, le réalisateur Matthew Warchus, venu du théâtre, a réussi un film à la fois touchant et énergique, émouvant et engagé. Ken Loach disait que son cinéma devait « maintenir chez les gens la colère ». Pride, qui met en scène une minorité face à la violence sociale et deux communautés animées par la compassion, montre, à tout le moins, une union assez révolutionnaire pour l’époque. Et les spectateurs d’aujourd’hui se diront sans doute que bien du chemin a été parcouru depuis que LGSM s’appliquait à faire tomber les barrières et les préjugés. Mais Pride montre aussi que ces années 80 étaient marquées par une forte volonté de passer à l’action, de s’investir…

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Joe (George MacKay) dans la Gay Pride de juin 1985. DR

Et puis Pride (fierté en v.f.) pourrait aussi être une… comédie romantique. Elle en a la fantaisie, les rebondissements, le récit fluide, les gags et un humour plein d’espoir et d’optimisme. Elle en a aussi les personnages. Ainsi le petit village gallois voit débarquer Mark Ashton, jeune belle gueule et leader charismatique de LGSM ou encore Jonathan Blake qui va, avec ses déhanchements suggestifs sur le tube « Shame, Shame, Shame », se mettre dans la poche les femmes d’abord, les rieurs ensuite et les machos gallois enfin. Les costauds buveurs de bière voient soudain dans les talents de danseur de Jonathan, l’occasion d’apprendre à emballer leurs belles… Mais cette danse de Jonathan, dans un contexte encore tendu entre homosexuels et mineurs, est aussi un acte politique provocateur. Alors que ses amis de LGSM se demandent d’abord s’il ne faut pas afficher profil bas, Jonathan, lui, affirme: je suis comme je suis et il faut me prendre comme je suis…

Pride comprend encore une large galerie de personnages attachants comme le jeune Joe qui découvre à peine son homosexualité ou encore Gethin, qui tient la librairie Gay’s World, qui fait le pont entre LGSM et les mineurs. A cause de son homosexualité, il a quitté son pays de Galles natal et n’a plus revu sa mère depuis une quinzaine d’années… Enfin, du côté des mineurs, il y a la forte silhouette de Cliff (Bill Nighy) ou celle, pétulante, d’Hefina incarnée par Imelda Staunton…

S’achevant comme une fête, Pride évoque l’extraordinaire Gay Pride de juin 1985 à Londres. Les mineurs gallois, avec leurs grandes bannières, défilèrent en tête de la manifestation arc-en-ciel. Une belle émotion!

PRIDE Comédie (Grande-Bretagne – 1h58) de Matthew Warchus avec Bill Nighy, Imelda Staunton, Dominic West, Paddy Considine, Andrew Scott, George MacKay, Joseph Gilgun, Ben Schnetzer. Dans les salles le 17 septembre.

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