UN CAPITAINE AMOUREUX, UN PATRON DE PUB ET UN ATOMISTE PARANOIAQUE  

RemorquesREMORQUES
Capitaine du remorqueur Le Cyclone, André Laurent assiste avec son équipage à la noce d’un de ses marins, avant d’être appelé en urgence pour secourir les passagers d’un cargo en détresse. A bord, se trouve notamment Catherine, l’épouse du commandant. Alors que sa femme Yvonne lui dissimule sa maladie et le supplie de prendre sa retraite, André tombe follement amoureux de Catherine, avec laquelle il débute une liaison… Réalisateur de Remorques, Jean Grémillon est reconnu, par les historiens comme par la critique, comme l’un des maîtres du cinéma français entre le milieu des années 20 et les années soixante. Mis en chantier en juillet 1939, Remorques connut une production très accidentée. Le tournage commence en Bretagne pour une quinzaine de jours d’extérieurs. De retour à Paris, l’équipe reprend le travail en août 1939 aux studios de Billancourt pour des scènes d’intérieurs. Las, le 3 septembre 1939, tout s’arrête. La France entre en guerre. Grémillon est mobilisé. Tout comme Jean Gabin, l’interprète du capitaine Laurent. Le tournage reprendra brièvement en avril 1940 grâce à une permission exceptionnelle accordée au cinéaste et à l’acteur. A nouveau interrompu en juin 40, la dernière image de Remorques sera enregistrée début septembre 1941. Le film sort finalement fin septembre 1941 dans les salles françaises et connaît le succès ! Pourtant, malgré ces films et ces réussites, Grémillon fait figure de cinéaste « maudit », probablement victime de classifications hâtives et de malentendus tenaces. En fait, ce cinéaste contemporain de Jean Renoir, Marcel Carné ou Julien Duvivier, n’eut, entre 1937 et 1943, qu’une seule période faste où il réalisa cinq films : Gueule d’amour, Lumière d’été, Le ciel est à vous, L’étrange Monsieur Victor et évidemment Remorques que le cinéma français classa tout de même parmi ses chefs-d’œuvre. Dans un témoignage retrouvé par Bertrand Tavernier alors qu’il préparait son magnifique Voyage à travers le cinéma français, Charles Spaak, scénariste attitré et ami de Grémillon, disait : « Il était intelligent, cultivé, il savait écrire, peindre, composer de la musique. Il était beau, généreux, faisait très bien la cuisine, adorait la vie. Il avait tout pour réussir et il a eu une existence contrariée, sans arrêt marquée d’échecs. Cela venait un peu de son caractère : il aimait travailler avec les scénaristes, avec les acteurs, il était passionné par le montage. Malheureusement, il n’aimait pas les producteurs, et ils le lui ont toujours bien rendu ! » Avec Remorques, Grémillon donne une symphonie sur les thèmes du destin et de l’amour fou. Pour cela, il reforme le couple du Quai des brumes avec Jean Gabin (qui retrouve le réalisateur après Gueule d’amour) et Michèle Morgan, de nouveau amants tragiques. Et Grémillon excelle à mettre en scène avec la même intensité la violence des éléments naturels et celle des sentiments humains… (Carlotta)
The Old OakTHE OLD OAK
Sur la côte nord-est de l’Angleterre, des réfugiés syriens, notamment des femmes et des enfants, descendent d’un bus. Dans les rues de cette cité modeste où s’alignent les maisons de briques rouges, la présence de ces étrangers n’augure rien de bon… Un grand type aviné arrache un appareil photo des mains de Yara, l’une des réfugiées, qui le prenait en photo… L’appareil est brisé. C’est une catastrophe parce que Yara n’a pas les moyens de le faire réparer mais plus encore parce l’objet est lié à la mémoire de son père, emprisonné dans les geôles syriennes et dont elle n’a aucune nouvelle. Après Moi, Daniel Blake (2016) puis Sorry, we missed you (2019), Ken Loach, 87 ans, est revenu tourner dans le nord-est de l’Angleterre mais, après ces deux films qui se terminaient tragiquement, il montre des gens forts et généreux qui réagissaient avec courage et détermination face à l’adversité actuelle. Au coeur du village, The Old Oak, le pub tenu par Tommy Joe Ballantyne, dernier lieu public encore ouvert et menacé de fermeture, est seulement fréquenté par une dernière poignée d’habitués. Yara en pousse la porte. Le pub va devenir le lieu de tous les débats et même d’une forme de réconciliation… Chantre d’un cinéma du réalisme social, Ken Loach s’est souvent penché sur les situations difficiles de la classe ouvrière britannique, créant un immédiat lien d’empathie du spectateur pour ses personnages… Avec The Old Oak, on s’attend à voir « du Loach » et c’est bien « du Loach » qui se déroule sur l’écran. Notamment à cause de beaux personnages comme Yara (Ebla Mari dans ses débuts au cinéma) mais aussi de Dave Turner, le syndicaliste retraité, qui incarne TJ, un type au bout du rouleau. Par son enthousiasme douloureux, Yara lui donne un coup de pied aux fesses. Alors TJ pense qu’il peut y avoir de l’espoir. Un espoir que Loach réussit à faire partager au spectateur qui, à l’instar de Yara, peut aussi dire: « Choukrane, Mister Ballantyne »  (Le Pacte)
Inconnu ShandigorL’INCONNU DE SHANDIGOR
« Je n’aime pas l’humanité. Je l’aime dans un bocal d’arsenic ! » Herbert Von Krantz a inventé l’Annulator, un procédé révolutionnaire capable de désamorcer les armes nucléaires, ce qui ne manque pas de susciter la convoitise des services secrets de puissants États comme d’étranges groupuscules terroristes. Savant infirme et à demi fou, Von Krantz s’est enfermé dans sa demeure, véritable bunker protégé par un terrifiant système anti intrusion. Une maison bientôt cernée par des espions de tout poil. Sylvaine, la fille (probablement le seul être humain de l’aventure) du savant et son assistant Yvan sont enlevés pour servir de monnaies d’échange aux assaillants prêts à tout pour récupérer les plans du fantastique Annulator. Chaînon manquant entre Docteur Folamour, Alphaville et la saga James Bond, L’inconnu de Shandigor est le premier long-métrage de Jean-Louis Roy, cinéaste et membre du Groupe 5, l’équivalent suisse de la Nouvelle Vague, aux côtés de Claude Goretta, Michel Soutter ou Alain Tanner. Avec humour, Jean-Louis Roy (1938-2020) affirme ainsi qu’il n’a aucune envie de faire un cinéma suisse « avec des vaches et des petites fleurs ». C’est donc dans un film d’espionnage avant- gardiste, véritable ovni cinématographique mâtiné de science-fiction et de bande dessinée, qu’il se lance en 1967. En jouant allègrement sur les poncifs et les clichés du genre, Roy exploite à merveille et avec un sens aïgu de la parodie, un univers qui pourrait être celui, comme l’a dit un critique, de 007 revisité par Durrenmatt ! Dans cette mosaïque d’intrigues où se croisent des espions à chapeau mou et lunettes sombres, Jean-Louis Roy met en scène de bons comédiens comme l’admirable Daniel Emilfork, grand habitué des méchants fous (et qui sera, en 1995, le savant Krank dans La cité des enfants perdus de Jeunet) mais aussi Jacques Dufilho, Howard Vernon, Marie-France Boyer ou Serge Gainsbourg, qui composa et interpréta pour l’occasion la chanson Bye, Bye Mister Spy. Disponible pour la première fois en Blu-ray dans une belle restauration 4K, L’inconnu de Shandigor est accompagné, en supplément, d’un extrait de l’émission suisse Cinéma-Vif dans laquelle le cinéaste parle de la genèse de son film. (Carlotta)
OnibabaKuronekoKANETO SHINDO
D’abord assistant-décorateur à la compagnie Shochiku dans les années trente puis assistant de Mizoguchi pour lequel il écrit plusieurs scénarios parmi plus d’une centaine, Kaneto Shindõ (1912-2012) est également un théoricien du 7e art et surtout un cinéaste majeur. Il fut découvert en Occident au début des années soixante grâce à L’île nue, film sans dialogue qui raconte l’histoire d’un couple d’agriculteurs qui cultive difficilement sa petite île aride, contraint à de fastidieux voyages sur le continent pour chercher, en barque, de l’eau douce… Au fil d’une oeuvre indépendante, audacieuse et variée, on trouve aussi deux perles fantastiques, désormais réunies dans un beau coffret. Dans Onibaba (1964) et Kuroneko (1968), le fantastique se mêle à une humanité crue, le surréalisme s’ancre dans des décors sobres et uniques, tandis qu’une sublime photographie noir et blanc achève d’emporter le spectateur dans ces mondes hybrides. Avec Onibaba, Shindo plonge dans le 14e siècle japonais et une guerre entre samouraïs qui ruine le pays. Alors que les hommes ont été pris par la guerre, deux femmes, belle-mère et belle-fille, se terrent dans une petite hutte au milieu des hautes herbes. Elles survivent en traquant les samouraïs blessés pour les achever et vendre leurs effets au marché noir. Expertes dans ce jeu de massacre, elles jettent les dépouilles de leurs victimes dans un trou dont les toutes premières images du film nous disent qu’il est «profond et noir », véritable bouche de l’enfer cachée par les hautes herbes. Mais Hashi, un voisin, revient des batailles. Il fait des avances pressantes à la jeune femme qui, contre les avertissements de sa belle-mère, finit par lui céder. Chaque nuit, quand la vieille dort, la bru court à corps perdu dans les herbes retrouver son amant. Pour tenter de séparer les amants, la vieille se transforme en véritable démon… Dans Kuroneko (initialement sorti sous le titre Les vampires), Gnitoki, un samouraï engagé dans l’armée, découvre les corps de sa mère et de son épouse violées et assassinées. Il rencontre deux femmes qui leur ressemble étrangement. Il s’avère bientôt que ces deux créatures sont les fantômes des défuntes qui cherchent à se venger. Dans les suppléments du coffret, on trouve l’analyse des deux films par Stéphane du Mesnildot, spécialiste du cinéma japonais, un portrait du cinéaste par Clement Rauger et enfin un portrait par Pascal-Alex Vincent de la comédienne Nobuko Otowa, présente dans les deux films et muse de Shindo pour lequel elle tourne plus de quarante films. (Potemkine)
Dieu Noir Diable BlondLE DIEU NOIR ET LE DIABLE BLOND
Manuel et Rosa sont un couple qui vit dans la misère sur les plaines arides du Sertão. Désirant s’émanciper de leur situation accablante, Manuel tente de revendre deux vaches à son propriétaire, qui, profitant de la toute-puissance de sa condition, use de contraintes qui amènent le paysan à commettre un meurtre. Ils s’en remettent alors à deux personnages exaltés, violents et mystiques symbolisant la révolte : Sebastião, l’incarnation de Dieu, qui promet une île, terre de paradis où règnerait la justice lorsque « la terre et la mer se réuniront » et Corisco, un « cangaceiro », bandit, pilleur et violeur, celle du diable. Le Brésilien Glauber Rocha (1939-1981) devient, dès les années 1960, un pilier du mouvement Cinema Novo, qui puise son inspiration dans le néoréalisme italien et la Nouvelle Vague française. « Le cinéma novo existe, dit le réalisateur, il est une réponse créatrice, une pratique active dans un pays riche en possibilité et en équivoques. » En 1964, Le dieu noir et le diable blond, véritable date dans le cinéma brésilien, est projeté au Festival de Cannes alors qu’un coup d’état militaire instaure la dictature au Brésil. En novembre 2015, Deus e o Diabo na Terra do Sol figure à la secponde place de la liste établie par l’Association brésilienne des critiques de cinéma des cent meilleurs films brésiliens de tous les temps. Le film qui sort pour la première fois en Blu-ray, dans une version restaurée, est accompagné de différents suppléments dont des analyses par le réalisateur Jean-Pierre Thorn et l’écrivain et historienne Gabriela Trujillo ainsi qu’une rencontre avec Paloma Rocha, la fille aînée du réalisateur et le producteur Lino Meireles. (Capricci).
Smooth TalkSMOOTH TALK
Connie Wyatt, une jeune fille de quinze ans, passe l’été en Californie du nord dans la maison de campagne familiale avec ses parents, Katherine et Harry, et June, sa sœur. Horrifiée à l’idée de passer du temps en famille, la lycéenne en pleine crise d’adolescence passe son temps libre à traîner dans le centre commercial avec ses deux meilleures amies et à flirter avec les garçons. Elle finit par éveiller la curiosité d’Arnold Friend, jeune homme charismatique et enjôleur aux desseins ambigus qui a adopté le look et les manières de James Dean. Arnold se montre tour à tour séducteur et menaçant. Avant d’inspirer de nombreux cinéastes comme Laurent Cantet (Foxfire, confessions d’un gang de filles) ou Andrew Dominik (Blonde), l’univers singulièrement torturé de la romancière américaine Joyce Carol Oates avait déjà fait, en 1985, l’objet d’une remarquable adaptation par la réalisatrice américaine Joyce Chopra. Cette dernière ne tournera ensuite plus qu’un seul film pour le cinéma (The Lemon Sisters en 1989 avec Diane Keaton et Carol Kane) avant de se consacrer à la télévision. Dans cette chronique sensible sur l’adolescence qui passe du doux fantasme à la menace sourde, pour aboutir à un final troublant d’ambiguïté, on remarque dans le rôle de Connie la comédienne Laura Dern, âlors âgée de 18 ans et qui deviendra bientôt l’actrice fétiche de David Lynch avec Blue Velvet puis Sailor et Lula mais aussi le professeur Sattler dans la saga Jurassic Park. Arnold Friend est, lui, incarné par Treat Williams, disparu l’an dernier. L’acteur avait alors déjà son actif de beaux personnages dans Hair et 1941 en 1979 mais aussi le policier Daniel Ciello dans Le prince de New York (1981) de Sidney Lumet ou le syndicaliste O’Donnell dans Il était une fois en Amérique (1984) de Sergio Leone. Grand Prix du Jury au Festival de Sundance 1986, Smooth Talk est à découvrir pour la première fois en Blu-ray dans sa nouvelle restauration 4K. (Carlotta)
Cité MagiqueLA CITE MAGIQUE
Ancien joueur de baseball, Rip Smith dirige désormais un institut de sondage d’opinions. Au bord de la faillite, il doit en renflouer les caisses et en dynamiser la réputation en mettant ses méthodes de travail à l’épreuve du terrain. Pour y parvenir, il décide de sélectionner une ville dont l’opinion publique est en tout point conforme à celle du reste des États-Unis. Cet endroit, c’est Grandview, une petit localité tranquille. Dans le plus strict anonymat, il s’y installe avec son équipe. Mais, très vite, il va se heurter à Mary Peterman, la rédactrice en chef du journal local. Car celle-ci milite pour un Grandview autrement plus progressiste et moderne que l’image figée dans le temps que Rip Smith voudrait en donner… Célèbre pour Wings (Les ailes) qu’il réalise en 1927, William A. Wellman connut une carrière qui s’étendit sur quatre décennies. C’est en 1947 qu’il dirige James Stewart en sondeur dans une ville-test où il va affronter la pugnace Marie bien décidée à réveiller la cité assoupie. Le scénario est signé Robert Riskin, un collaborateur de longue date de Frank Capra et Stewart vient de tourne La vie est belle du même Capra. On ne peut donc s’empêcher de songer à l’univers de Capra mais Wellman, plus porté sur un cinéma sobre et réaliste, n’a pas la fantaisie caractéristique de l’auteur de New York Miami. Le film fut un échec commercial car, après guerre, l’optimisme d’un film comme M. Smith au Sénat avait fait place à un certain désenchantement. Il n’est reste pas moins que le duo (évidemment promis à une romance) entre Stewart et Jane Wyman (qui allait rejoindre Hitchcock pour Le grand alibi) fonctionne bien au coeur d’une comédie romantique nostalgique. Enfin le thème de la fiabilité des instituts de sondage demeure d’actualité. (Sidonis Calysta)
Linda PouletLINDA VEUT DU POULET
Non, ce n’est pas Linda qui a pris la bague de sa mère Paulette ! Cette punition est parfaitement injuste ! Et maintenant Paulette ferait tout pour se faire pardonner, même un poulet aux poivrons, elle qui ne sait pas cuisiner. Mais comment trouver un poulet un jour de grève générale ? De poulailler en camion de pastèques, de flicaille zélée en routier allergique, de mémé en inondation, Paulette et sa fille partiront en quête du poulet, entraînant toute la « bande à Linda » et finalement tout le quartier. Mais Linda ne sait pas que ce poulet, jadis si bien cuisiné par son père, est la clef de son souvenir perdu… Au fait, quelqu’un sait tuer un poulet ? « Ça a existé quand on ne se souvient pas ? » demande Linda, 8 ans, à sa maman. Récompensé du Cristal du long-métrage au Festival du film d’animation d’Annecy et désormais César 2024 du meilleur film d’animation, l’oeuvre de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach est joyeusement décalée, follement inventive avec un rythme effréné et une animation virevoltante. Ses graphismes atypiques, avec des dessins esquissés volontairement inachevés, intriguent au début puis laissent place à l’imagination grâce à leur fluidité. Chaque protagoniste a sa couleur, et tandis que Linda entraîne une pléiade de personnages attachants dans une folle farandole existentielle, c’est toute une joyeuse palette de couleurs acidulées qui s’anime. Belle pépite de l’animation française, Linda veut du poulet est une comédie tendre et loufoque sur le deuil, l’absence et le souvenir mais aussi une ode à la vie, à la liberté, au désordre et à l’entraide. En bonus : le making of et une interview des cinéastes ! (Blaq Out)
Eaux ProfondesEAUX PROFONDES
À Jersey, Mélanie et Vic forment un couple psingulier, même s’ils sont bien intégrés dans la population locale. Mélanie séduit d’autres hommes et Vic regarde son épouse dans les bras des autres, sans manifester extérieurement la moindre jalousie. Il s’arrange toutefois pour faire peur aux prétendants et les éloigner de sa femme. Un jour, celle-ci s’éprend du pianiste Carlo. Lors d’une soirée, Vic le tuera en faisant croire à une mort accidentelle dans une piscine. L’enquête conclut à l’accident, mais Mélanie accuse son mari. Arrive alors un Canadien, que Mélanie séduit à nouveau. Vic le tue également, faisant disparaître le corps. Mélanie accuse à nouveau son époux, mais l’enquête est close, faute de cadavre. Mélanie se remet alors à aimer son mari et ils forment à nouveau un couple idéal. Disparu l’an dernier à l’âge de 91 ans, Michel Deville distillait un cinéma mêlant la poésie et l’humour. Ici, en 1981, il donne au thriller psychologique avec une forme d’élégance sobre qui était sa marque de fabrique. Il permet aussi à Jean-Louis Trintignant (Vic) de construire un personnage impassible et grave en même temps qu’il est « diabolique ». Isabelle Huppert est une séductrice et une femme-enfant incapable de s’assumer. Une partie de cache-cache mortelle (adaptée de Patricia Highsmith) autour de la vérité et du mensonge où le cinéaste distille ses informations avec parcimonie pour créer le trouble. Une réussite. (Gaumont)
Passion Dodin BouffantLA PASSION DE DODIN BOUFFANT
Dans la France de 1885, Eugénie travaille depuis vingt ans comme cuisinière pour le célèbre gastronome Dodin. Elle est considérée comme excellente dans son domaine. Cela s’explique notamment par le temps qu’Eugénie a passé en cuisine avec Dodin, gastronome réputé dans la France du XIXe siècle. Au fil des années, une passion affectueuse s’est développée entre eux. De leur amour commun pour la gastronomie naissent des plats uniques, savoureux et délicats. Femme éprise de liberté, Eugénie n’a cependant jamais voulu épouser Dodin. Elle tombe malade. Il décide alors de cuisiner lui-même pour la première fois pour sa bien-aimée… Pour écrire le scénario de son septième long-métrage (parmi lesquels L’odeur de la papaye verte en 1993), le cinéaste Tran Anh Hung s’est inspiré du roman éponyme de l’auteur suisse Marcel Rouff, paru en 1924, et de l’écrivain français en gastrosophie Brillat-Savarin (1755-1826). Tourner un film sur la cuisine, les goûts et les saveurs est souvent l’occasion de séduire le spectateur en vantant la beauté des saveurs ou en chantant le bonheur des papilles. D’ailleurs, c’est un maître, le chef français Pierre Gagnaire (récompensé par quatorze étoiles au Michelin) qui a servi de conseiller technique pour les plats présentés dans le film… Entre casseroles et marmites, voici donc un beau voyage dans les gestes méthodiques et précis qui font le mystère de la grande table. Le cinéaste s’appuie, ici, sur un duo en verve : Juliette Binoche et Benoît Magimel, tous deux brillants et pudiques sur fond d’amour et de délices. Choisi par la France pour la représenter à l’Oscar du meilleur film étranger (pour lequel il n’a pas été retenu), le film a été l’objet de lazzis, beaucoup s’attendant à voir Anatomie d’une chute être en lice. (Gaumont)
Abbe PierreL’ABBE PIERRE : UNE VIE DE COMBATS
Élevé dans le catholicisme dans une famille bourgeoise, Henri Grouès, né en août 1912 à Lyon, est déterminé à devenir prêtre malgré son renvoi du couvent des Capucins de Crest. La Seconde Guerre mondiale va l’en empêcher. À la tête d’un régiment, il est longuement hospitalisé durant la guerre. Il entre ensuite dans la Résistance tout d’abord en aidant les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Il y fait la connaissance de Lucie Coutaz, qui lui donne le nom d’Abbé Pierre et qui fondera avec lui en 1949 le mouvement Emmaüs. Pendant la guerre, il voit l’horreur de la guerre et perd un ami au front. Jusqu’à sa mort en 2007, il va mener de nombreux combats, comme s’il avait de nombreuses vies. Grande figure de la lutte contre la pauvreté et les injustices, l’abbé Pierre est aussi un homme engagé dans de multiples combats, qu’il s’agisse de résister au nazis, de se battre, comme député, à l’Assemblée nationale, voire même se se battre avec sa santé fragile qui le fit échouer dans la vie contemplative des Capucins… Réalisateur de L’affaire SK1 (2014), Sauver ou périr (2018) et Goliath (2022), Frédéric Tellier s’attelle à un gros morceau avec ce biopic sur l’abbé Pierre tant la vie de cet homme de bien a été riche dans un cheminement autant spirituel que politique et social. Même si certains événements sont seulement esquissés, l’essentiel est de faire la part belle à tous les combats menés. Et le film contient des scènes fortes comme, bien sûr, le fameux appel sur Radio-Luxembourg en février 1954 lorsqu’il s’écrie sur les ondes : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… » Ceux qui connaissent mal l’abbé Pierre, le découvriront dans ce film honnête. Les autres se diront qu’il méritait bien ce portrait. Avec à ses côtés Emmanuelle Bercot dans le rôle de Lucie Coutaz, Benjamin Lavernhe offre une émouvante composition. (M6)
Theoreme MargueriteLE THEOREME DE MARGUERITE
Seule fille de sa promo parmi les garçons de Normale Sup’, Marguerite Hoffmann est une brillante matheuse dont l’avenir semble tout tracé. Elle termine une thèse sur la conjecture de Goldbach qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs lors d’un séminaire. Son directeur de thèse, Laurent Werner (Jean-Pierre Darroussin) l’informe alors qu’il vient d’accepter de superviser un autre doctorant, Lucas Savelli, brillant étudiant venu de l’université d’Oxford., Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer… Anna Novion, la réalisatrice dit : « Les gens qui ont une rapidité d’esprit hors du commun veulent être en permanence à la hauteur de leurs capacités ». Fascinée par les maths depuis sa plus tendre enfance, Marguerite est une forte personnalité peu à peu obsédée par ses recherches mathématiques qui menacent sa santé mentale. Il est nul besoin d’être doué en maths pour apprécier cette aventure intellectuelle mais aussi sensible puisque le film suit au plus une jeune femme qui va entièrement se remettre en cause. Elle s’installe en colocation avec Noa, très différente d’elle. Avec cette nouvelle complice, Marguerite va trouver, dans des parties clandestines de mahjong, l’occasion d’exercer son sens des chiffres et d’arrondir ses fins de mois. Et si le jeu chinois allait lui redonner l’envie de résoudre la conjecture de Goldbach, ce célèbre problème non résolu de la théorie des nombres et des mathématiques ? Belle interprète de Marguerite, la comédienne franco-suisse Ella Rumpf a obtenu récemment le César 2024 de la meilleure révélation féminine. Et c’est justice. (Pyramide)
ContagionCONTAGION
Peu après son retour d’un voyage d’affaires à Hongkong, Beth Emhoff (Gwyneth Paltrow) meurt subitement d’une forme inconnue de la grippe. Son jeune fils décède quelques jours plus tard. Mitch, leur mari et père (Matt Damon), semble immunisé contre cette maladie, qui a frappé les siens et semble se répandre à une vitesse effrayante. Pourtant, il faut plusieurs jours aux autorités sanitaires pour prendre la mesure de la gravité de la situation. C’est en 2011, donc bien après l’épidémie de SRAS et deux ans après celle du H1N1, que Steven Soderbergh met en scène Contagion dont l’écriture précise et sans lyrisme donne le sentiment de voir un documentaire avec l’émergence d’un virus mystérieux, le MEV-1 et la pandémie qui s’ensuit. A l’évidence, Contagion a été vu avec un regard neuf (et volontiers inquiet) lors du Covid-19 et le cinéaste américain a fait courir des frissons dans l’échine des spectateurs. On assiste en effet à la progression rapide d’un virus mortel qui tue les personnes contaminées en quelques jours. Dès les premières minutes, des gros plans sur des poignées de portes, des verres échangés, des boutons d’ascenseurs ou des cartes de crédit, suggèrent les supports de cette transmission. On mesure, par la mobilité des personnes, l’usage des transports publics, comment l’épidémie cesse d’être locale pour devenir pandémie. Et puis un complotiste (Jude Law) lance une campagne de désinformation à partir de la vidéo d’un homme s’effondrant dans le métro de Hongkong. Avec une intrigue qui ne laisse pas le spectateur le temps de souffler, un casting « deluxe » (Gwyneth Paltrow, Matt Damon, Jude Law, Kate Winslet, Laurence Fischburne, Marion Cotillard) voici un film-catastrophe terrifiant. (Warner)
Autre femmeL’AUTRE FEMME
Jeune décoratrice parisienne, Agnès Denis débarque sur une île espagnole à la suite d’une déception sentimentale. Sur le chemin qui mène du car à la villa de bord de mer prêtée par des amis, un inconnu l’aide à se protéger de l’orage et l’accompagne à sa demeure. Agnès voudrait savoir pourquoi tout le monde semble se défier de cet homme. Bientôt Agnès, obsédée par ce Daniel, n’aura de cesse de l’avoir revu. Autour de la Parisienne, gravitent différents comme Ricardo dont la femme, Léna, a disparu, assassinée par son mari disent les uns, conquise par une aventure amoureuse, disent les autres. Comme Daniel prétend que Léna est partie avec un autre homme, Agnès va mener son enquête. Elle connaîtra bien des rebondissements avant de la laisser, seule avec ses larmes, face à la mer. En 1964, François Villiers tourne son avant-dernier film et met en scène un drame que la critique de l’époque massacrera allègrement, parlant de film fade, sans vie, de scénario quelconque. Mais la presse note néanmoins que le film doit beaucoup à Annie Girardot, sa principale interprète, qui trouve, quatre ans après Rocco et ses frères de Visconti, un beau personnage fait d’amertume et de douceur. (Gaumont)
Monsieur Le MaireMONSIEUR LE MAIRE
Maire de Cordon, un petit village de montagne au pied du Mont-Blanc dans les Alpes, Paul Barral subit la désertification et le vieillissement de la population et doit se battre contre la fermeture des commerces et des salles de classe. Alors qu’il cherche désespérément comment attirer de nouveaux habitants, l’arrivée de mères célibataires en situation difficile constitue peut-être la clé pour ramener de la vie dans ce village peu habitué au changement et à l’agitation. Chanteuse au franc-parler, Joe-Lynn (Eye Haïdara), avec ses deux enfants, va vite faire des étincelles dans ce bourg paisible. Les réalisateurs Karine Blanc et Michel Tavares se sont inspirés de l’histoire vraie d’Arnaud Diaz, maire de L’Hospitalet-près-l’Andorre en Ariège, qui avait créé la Maison des Cimes, un centre d’accueil pour les familles monoparentales dont l’objectif est d’attirer de nouveaux habitants dans le village et de maintenir l’école locale en y scolarisant les enfants des familles. Avec Clovis Cornillac dans le rôle de Paul Barral, patron de scierie et maire surbooké, voici une comédie sympathique autour du thème de la désertification rurale. Et cela même si les non-natifs sont un peu caricaturaux. Mais, tout va bien se passer et tout finira bien. (UGC)
Pas Pitié CavesPAS DE PITIE POUR LES CAVES
À Montmartre, prostituées et proxénètes du quartier se retrouvent dans le bar de Victor. L’un d’eux, Charly, ancien musicien devenu un homme du milieu, s’éprend un jour de la belle Laurence, chanteuse de cabaret au Moulin de Montmartre. Mais Fernand, caïd revenant de Chicago pour mener ses activités de drogue et de traite des blanches, voit d’un mauvais œil son ancien acolyte quitter le milieu pour mener une vie honnête en compagnie de sa dulcinée, qu’il voudrait lui-même mettre sur le trottoir. Il exploite la jalousie de Jessy, maîtresse et gagne-pain de Charly, et place un revolver dans son sac. Cette dernière, piquée au vif, n’entend pas laisser sans lutter son homme prendre la tangente. Elle vient faire une scène chez Laurence et, folle de désespoir, finit par tirer sur Charly… Réalisateur de films comme Le collège en folie ou Pas de souris dans le bizness, Henri Lepage signe, en 1955, ce petit polar de série B en noir et blanc. Si tout cela ne vole pas bien haut, on a quand même le plaisir de retrouver des comédiens de ces années-là comme Dora Doll (Jessy), Colette Ripert (Laurence), Robert Berri (Fernand), Michel Ardan (Charly) ou encore Jean Tissier, Jacques Dynam, Max Amyl, Bernard Musson ou Sacha Briquet dont on connaît bien les têtes sans connaître leurs noms ! (Gaumont)

 

UN DROLE DE CANDIDAT, LES MENSONGES DE LYDIA ET LE VISITEUR PASOLINIEN  

SecondTourSECOND TOUR
Devant une salle comble, un chauffeur de meeting s’égosille : « Voici celui que tout le pays attend ! Pierre-Henri Mercier ! Notre futur président ! » Dans le véhicule qui l’emporte après le meeting, le candidat voit s’afficher sur son téléphone des messages aussi sybillins qu’inquiétants : « Se doute de quelque chose », « Attention à vous », « Gardez votre sang froid ». Soudain une violente explosion souffle la voiture. Difficilement, le candidat s’extrait du véhicule sur le toit. Une explosion de gaz, d’après les premiers éléments relayés par les médias… Dans la rédaction d’une chaîne de télévision, Mademoiselle Pove, grande bringue frisée à lunettes, est à mille lieux de l’actualité politique. Une bêtise lui a valu d’être mutée au foot. Faute de journalistes disponibles, la chaîne a décidé de mettre la journaliste sur les derniers jours de la campagne présidentielle. Toujours flanquée de son fidèle Gus, cameraman, preneur de son et monteur, la reporter n’arrive pas à croire vraiment au côté bien trop lisse du candidat. Entre chronique politique, thriller et fable écologique, voici un réjouissant réseau d’histoires qui se croisent et s’enrichissent au fur et à mesure dans une sorte de bande dessinée très rythmée sur la politique avec ses discours formatés, ses hommes politiques passés dans le même moule, ses hommes de main, ses meetings, son grand débat. Ce n’est pas tant un « univers impitoyable » qu’un immense foutoir. Le cinéaste d’Adieu les cons se régale avec le savoureux duo Mlle Pove/Gus peu à peu embarqué dans une aventure de plus en plus loufoque, voire délirante où les coups de feu pleuvent, où passent deux agents du Mossad, un garde du corps mutique, un geek encapuchonné mais aussi un étrange et doux apiculteur… Avec Dupontel qui incarne le candidat, Cécile de France et Nicolas Marié, Second tour (dédié à Bertrand Tavernier, Jean-Paul Belmondo et Michel Deville), sans avoir la prétention d’être un film à message, se penche avec un humour grinçant, sur les maux et les dysfonctionnements de notre société mais en imaginant cependant un plan B. Ainsi Dupontel cite Hannah Arendt : « Je me prépare au pire en espérant le meilleur ». (Pathé)
RavissementLE RAVISSEMENT
Sale coup pour Lydia… Alors qu’elle ne s’y attend pas, son copain lui laisse entendre qu’il a eu une aventure amoureuse avec une autre fille. Blessée, Lydia coupe les ponts et trouve soutien et refuge chez sa meilleure amie Salomé. Celle-ci lui apprend qu’elle est enceinte. Les femmes enceintes, c’est le quotidien de Lydia, sage-femme dans un hôpital de la région parisienne et très investie dans son travail… Dans un état vague, Lydia traîne la nuit dans la ville et y rencontre Milos, machiniste de la RATP d’origine serbe. Lorsque Salomé (Nina Meurisse) accouche dans le service de Lydia, celle-ci est bouleversée par le nourrisson. C’est même Lydia qui va proposer un prénom pour la fillette : Esmée, autrement dit celle qui est aimée. Mais qui aime le plus la petite Esmée ? Ses parents ou Lydia ? Cette dernière va alors s’enfermer dans une dramatique spirale de mensonges… A propos du Ravissement, son premier long-métrage, Iris Kaltenbäck note : « Ce qui m’a tout de suite interpellée, c’est l’amitié qu’on devine entre ces deux femmes. J’ai moi-même vécu ce décalage étrange quand, il y a quelques années, une amie très proche est devenue mère à un moment où je ne me sentais moi-même pas du tout concernée par cela. On parle beaucoup de ce que provoque l’arrivée d’un enfant dans un couple, mais moins de ce que ça déclenche dans une amitié.» La cinéaste suit au plus près cette Lydia qui fuit devant ce qui la fragilise pour s’enfermer dans la solitude et le mensonge. Très seule et avec un besoin fou d’être aimée, Lydia se perd alors dans le regard des autres. Ainsi le regard de Milos (Alex Manenti) change au moment où il la voit comme une mère. Malheureusement pour elle, Lydia se laisse happer par ce regard et la redoutable spirale des affabulations va l’emporter. Un beau récit porté par la brillant Hafsia Herzi. Elle donne corps, douloureusement, à une Lydia qui s’enlise dans le faux avant de voir naître, dans le mensonge, une vérité. Et de la mystification initiale vont surgir de vrais sentiments. (Diaphana)
TheoremeTHEOREME
« Dans une famille bourgeoise, dit Pier Paolo Paslini, arrive un personnage mystérieux qui est l’amour divin. C’est l’intrusion du métaphysique, de l’authentique, qui vient détruire, bouleverser une vie, qui est entièrement inauthentique, même si elle peut faire pitié, si elle peut même avoir des instants d’authenticité dans les sentiments, par exemple, dans ses aspects physiques aussi » et le cinéaste italien d’ajouter, à propos du départ de l’étrange visiteur : « Et chacun, dans l’attente, dans le souvenir, comme apôtre d’un Christ non crucifié mais perdu, a son destin. C’est un théorème et chaque destin est son corollaire ». En 1968, Pasolini, cinéaste, dramaturge et poète (1922-1975) signe l’un de ses films les plus fameux où un étrange et séduisant « Visiteur » fait irruption dans la vie d’une famille milanaise de la grande bourgeoisie. L’énigmatique étranger produit aussitôt une étrange attraction sur tous les membres de la maison qui finissent par avoir des rapports sexuels avec lui: la bonne très pieuse, le fils sensible, la mère sexuellement refoulée, la fille timide et, enfin, le père, un industriel tourmenté. Les spécialistes du cinéma considèrent que le film est un commentaire sur la société bourgeoise et l’émergence du consumérisme, d’autres observent que Pasolini se penche, ici, sur l’incapacité de l’homme moderne — bourgeois — à percevoir, écouter, absorber et vivre le sacré. Comme beaucoup d’oeuvres de PPP qui la considère comme « symbolique », Théorème a fait scandale et a été jugé obscène par une partie de l’Église catholique. Malgré le temps qui a passé, ce faux drame bourgeois demeure toujours troublant. Dans les suppléments de ce film en format digibook avec un livre (60 pages) d’Hervé Joubert, on trouve un documentaire sur Pasolini par Laura Betti et des entretiens avec Henri Chapier et Pierre Kalfon. (Sidonis Calysta)
Annee DifficileUNE ANNEE DIFFICILE
Albert et Bruno sont surendettés et en bout de course, c’est dans le chemin associatif qu’ils empruntent ensemble qu’ils croisent des jeunes militants écolos. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, ils vont peu à peu intégrer le mouvement sans conviction… On avait applaudi largement le duo Eric Toledano/Olivier Nakache avec Intouchables (2011), leur hit qui atteint 19,4 millions d’entrées dans les salles françaises. Ils ont ensuite tourné Samba (2014) sur les sans-papiers ou encore Hors normes (2019) qui se penchait, à travers la comédie dramatique, sur les autistes. Ici, ils abordent un nouveau registre avec la surconsommation. Dans un centre commercial, le matin du Black Friday 2019, des activistes écologistes essayent d’empêcher la foule des clients de rentrer dans un magasin, afin de dénoncer la surconsommation. Leur discours passe mal auprès des nombreux clients bloqués, parmi lesquels se trouve Albert Laprade, venu acheter une télévision. La police intervient, le magasin peut ouvrir, et la ruée des clients en quête de prix bradés tourne au pugilat grotesque, avec  La valse à mille temps de Jacques Brel en fond musical. En se reposant sur le duo Pio Marmai – Jonathan Cohen, dans un exercice de losers magnifiques, le duo de cinéastes joue sur du velours même si le ton est quand même un peu trop à la caricature et aux clichés. Un film qui souhaite dénoncer un peu… Pourquoi pas ? (Gaumont)
Ciel RougeLE CIEL ROUGE
Leon et Felix se rendent dans une maison située sur la côte allemande de la mer Baltique et appartenant à la famille de Felix. En chemin, leur voiture tombe en panne, et ils doivent terminer le chemin à pied en portant leurs bagages. Lorsqu’ils arrivent, ils se rendent compte que la maison est déjà occupée, par une certaine Nadja, nièce d’une collègue de travail de la mère de Felix. Ils vont devoir se serrer, et l’humeur de Leon devient encore plus exécrable. Pour Leon et Felix, il s’agit de vacances studieuses : Leon, écrivain, veut travailler à son nouveau roman. Felix doit quant à lui préparer un dossier pour le concours d’entrée d’une école d’art. Mais cela ne l’empêche pas de profiter de la plage… Les relations des deux amis avec Nadja sont inexistantes les premiers jours, et celle-ci se signale surtout par ses ébats amoureux assez bruyants avec son ami Devid. La région est ravagée par des incendies hors contrôle. Mais Devid se veut rassurant : ils sont à quelques dizaines de kilomètres, et le vent souffle de la mer vers la côte. Le ciel rouge qu’ils aperçoivent la nuit au loin est tout de même angoissant. Auteur de films remarquables comme Barbara (2012), Phoenix (2014), Transit (2018) ou Ondine (2020) dans lequel on trouvait déjà Paul Beer, interprète, ici, de Nadja, Christian Petzold signe un conte sur le désir mais aussi sur tous les dérèglements, y compris climatiques. En s’appuyant sur un épatant quatuor de comédiens (outre Paula Beer, Thomas Schubert, Langston Uibel et Enno Trebs), le cinéaste allemand organise un récit fluide avec des dialogues brillants dans un été où rien n’est vraiment grave mais où l’air se charge de l’âcre fumée de feux de forêt. (Blaq Out)
Lune FroideLUNE FROIDE
Simon et Dédé, deux amis paumés et soudés l’un à l’autre par une quête d’oubli et d’exaltation, traînent dans la vie. La nuit, désinhibés par l’alcool et électrisés par Jimi Hendrix et le rock des années 1960, ces deux noctambules aigris enchaînent les rencontres insolites et déjantées jusqu’à un soir de pleine lune… Tiré de deux nouvelles de Charles Bukowski, Lune froide a été au départ un court-métrage puis a donné suite à un « long » (90 mn) étrange, dérangeant mais aussi terriblement drôle et jubilatoire, ne refusant pas certaines incursions poétiques, voire fantastiques. Ce film, dans un très beau noir et blanc, bouscula quelque peu les festivaliers cannois en 1991. De fait, Patrick Bouchitey (qui incarne aussi Dédé) a imaginé un film (dédié à Patrick Dewaere et à Xavier Saint-Macary) qui fait rire le spectateur et le captive tout en développant un récit où il est question du thème tabou de la nécrophilie. Dès le générique, les deux zonards montent à bord d’une vieille 404 et s’en vont aux accents de la musique de Jimi Hendrix pour une déambulation corrosive et transgressive. Dans le rôle de Simon, Jean-François Stévenin trouve, ici, l’un des plus beaux personnages de sa carrière. Un diamant sombre porté aussi par la musique originale de Didier Lockwood ou de grands groupes classiques des années soixante comme Procol Harum ou The Kinks. (Gaumont)
Fiancee PoeteLA FIANCEE DU POETE
Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille Stockaert s’accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes. N’ayant pas les moyens d’entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle a hérité, Mireille décide de prendre trois locataires. Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète… Comédienne formidablement poétique, Yolande Moreau est passée, pour la troisième fois derrière la caméra avec cette Fiancée… qui vient donc après Quand la mer monte… (coréalisé en 2004 avec Gilles Porte) et Henri (2013). C’est une photo de Shaun Greenhalgh parue dans une revue d’art qui est à l’origine de ce projet. Shaun Greenhalgh est un faussaire qui a dupé les musées du monde entier. L’hebdomadaire Newsweek le décrit comme « un homme trapu, blafard, qui n’a jamais eu d’emploi et avait échoué à entrer dans le corps des Royal Marines parce qu’il ne savait pas nager ». Plus loin, des œuvres qu’il avait copiées… Les œuvres de Shaun Greenhalgh vont de la peinture à la sculpture antique et ce travail est surprenant de beauté, de finesse, de talent et de savoir-faire… Yolande Moreau (qui incarne Mireille) ne voulait pas faire un film sur un faussaire : « J’avais plutôt envie de parler de notre besoin de rêver, de sublimer la réalité souvent pas très excitante ! Pas seulement à travers la peinture ou la sculpture, mais dans nos vies, au quotidien. Nous faisons tous des mensonges… Et si nos mensonges étaient de petits arrangements avec la réalité pour la sublimer ? » (Le Pacte)
Fille Roi MaraisLA FILLE DU ROI DES MARAIS
Aujourd’hui mariée à Stephen et maman d’une petite fille, Helena Pelletier apprend que son père, Jacob Holbrook, s’est évadé lors de son transfert en prison. L’homme, surnommé « le roi des marais » par la presse, avait jadis enlevée sa mère et Helena était née durant la captivité. Après avoir grandi dans les marais aux côtés de son géniteur, elle était parvenue à s’échapper avec sa mère. Aujourd’hui, Helena voit ressurgir ses vieux démons. Persuadée qu’il a l’intention de lui prendre sa fille, Helena décide de le retrouver et de l’éliminer elle-même. Réalisateur en 2016 du remake hollywoodien d’Intouchables de Toledano/Nakache, l’Américain Neil Burger adapte le roman éponyme de Karen Dionne et plonge le spectateur dans une forêt aussi belle qu’angoissante, devenue pour Helena, l’antre de l’horreur. Un labyrinthe dans lequel elle était prisonnière, sans espoir, face au regard avide de Jacob, monstre pervers. Connue pour avoir été Rey dans Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force (2015) puis dans Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi (2017) et enfin dans le dernier épisode de cette nouvelle trilogie, L’Ascension de Skywalker (2019), Daisy Ridley est Helena, cette enfant devenue adulte, qui découvre sa vérité à travers tous les journaux télévisés… L’excellent Ben Mendelsohn est parfaitement crédible dans le rôle du monstrueux Jacob Holbrook. Lorsque famille ne rime pas avec amour. (Metropolitan)
Pont Entre Deux RivesUN PONT ENTRE DEUX RIVES
Quinze ans après avoir épousé Georges, un homme dont la vitalité la fascinait alors qu’elle n’était encore qu’une jeune fille romantique et sentimentale, Mina est maintenant désillusionnée et prête à vivre l’aventure qui se présente à elle en la personne de Mathias, un ingénieur séduisant qui parcourt le monde en construisant des ponts. En 1984, entre Fort Saganne de Corneau et Police de Pialat, Gérard Depardieu passe pour la première fois derrière la caméra pour Le Tartuffe (dont il interprète aussi le rôle-titre) d’après la pièce de Molière montée par Jacques Lassalle au TNS de Strasbourg. Bien des années plus tard, en 1999, il réalise son second film (et dernier à ce jour) en filmant, du côté de Pont-Audemer et Gonneville-sur-Honfleur, en Normandie et avec la complicité de Frédéric Auburtin, une aventure sentimentale qui aura pu figurer dans la filmographie de François Truffaut. Carole Bouquet incarne une femme, mal dans sa peau, mal dans son couple, soudain bouleversée par un autre homme (Charles Berling)… Par ailleurs, son fils commence à faire sa crise d’adolescence, avec la rencontre d’une jeune fille (Mélanie Laurent, remarquée par Depardieu alors qu’elle accompagnait une amie sur le tournage d’Astérix et Obélix contre César) . Alors compagne de Depardieu, Carole Bouquet est radieuse en épouse qui choisit soudainement, quasiment telle une adolescente, de donner une nouvelle direction à son existence… Comme un cri d’amour de Depardieu à Carole Bouquet. (Gaumont)
Maison AssassinéeLA MAISON ASSASSINEE
En 1896, dans les hautes terres sauvages de la Haute-Provence, la famille Monge est sauvagement assassinée en pleine nuit par trois inconnus. Seul survivant de ce massacre alors qu’il n’était qu’un nourrisson, Séraphin Monge revient sur les lieux deux décennies ans plus tard, à sa démobilisation après la fin de la Grande Guerre. Séraphin est hanté par l’image de sa mère morte en essayant de l’atteindre une dernière fois. Pour tenter de retrouver la paix tout en cherchant à identifier les meurtriers pour venger sa mère, il entreprend de détruire sa maison. À sa grande surprise, un inconnu le devance sur le chemin de sa vengeance et massacre tous ceux qui semblent posséder une partie du puzzle de la sombre histoire des Monge. Revoici, dans un Blu-ray de qualité, ce film de 1988 qui s’inscrit dans la dernière partie de la carrière de Georges Lautner, durant laquelle le réalisateur des Tontons flingueurs n’a pas tourné beaucoup de succès. Ici, il adapte le roman éponyme de l’écrivain provençal Pierre Magnan. Si la mise en scène n’a rien de particulier, on apprécie, ici une atmosphère lourde sur fond de malédictions et de superstitions villageoises. Autour de jeunes comédiens comme Patrick Bruel dans le rôle de Séraphin Monge, Anne Brochet ou Ingrid Held (nommée aux César 1989 du meilleur espoir féminin), on retrouve avec plaisir nombre de visages connus du cinéma français des années 80, ainsi Yann Collette, Christian Barbier, Roger Jendly, Jean-Pierre Sentier, Martine Sarcey ou Jenny Clève… (Gaumont)
Expendables 4EXPENDABLES 4
L’histoire serait-elle un éternel recommencement ? Voilà 25 ans, Barney Ross n’avait pas réussi à mettre hors d’état de nuire un mystérieux terroriste nommé Ocelot. Revoilà donc les Expendables envoyés en Libye pour empêcher le mercenaire Suarto Rahmat de voler des têtes nucléaires pour le compte du redoutable Ocelot qui prévoit de provoquer la Troisième Guerre mondiale en laissant exploser les têtes nucléaires dans l’Extrême-Orient russe. Barney retourne donc au taf avec son habituelle équipe (Lee Christmas, Toll Road et Gunner Jensen) mais aussi quelques nouveaux venus… Cependant, ils sont mis hors d’état de nuire lorsque tous leurs véhicules sont détruits. Lorsque Rahmat abat leur avion, l’équipe trouve le corps brûlé de Barney dans les décombres, identifié par sa bague. Aux funérailles de Barney à La Nouvelle-Orléans, la team est rejointe par Marsh, nouvel agent de liaison de la CIA auprès des Expendables… Mais est-on bien certain que Barney est mort ? Le réalisateur Scott Waugh remet donc le couvert avec cette aventure dont on sait d’entrée où elle va nous mener. Mais les scènes d’action s’enchaînent et pour peu qu’on ne soit pas attentif à des transparences un peu indigentes ou des effets numériques « modestes », on peut jeter un œil. D’autant que ces Expendables sont l’occasion de retrouver Sylvester Stallone (Barney), Jason Statham (Lee Christmas), Dolph Lundgren (Gunnar Jensen), Randy Couture (Toll Road) avec de petits nouveaux comme Curtis « 50 Cent » Jackson, Megan Fox ou Andy Garcia. (Metropolitan)
24H NewYork24 HEURES A NEW YORK
Jeune homme trans, Feña mène une existence trépidante à New York. Au cours d’une seule journée, son père chilien, son ex-petit ami et sa demi-sœur de 13 ans refont surface dans sa vie. Ayant perdu contact avec eux depuis sa transition, Feña (l’acteur trans Lio Mehiel) va être contraint de réinventer ces anciennes relations, tout en gérant, au fil de 24 heures pleines de galères, les défis quotidiens liés à sa nouvelle identité… Dans son premier film, Vuk Lungulov-Klotz, réalisateur américain de 28 ans, retrace, à travers cette œuvre, son parcours d’homme trans. Une fiction très personnelle pour le cinéaste qui souhaite rendre cette histoire accessible à toutes et tous, y compris aux personnes non-trans. C’est ce qui fait la particularité du film puisqu’il se construit au fil des rencontres de Feña avec ses proches. Ainsi, on dispose du point de vue de chacun, mettant en lumière la complexité que le protagoniste peut vivre face aux regards des autres, cela de l’incompréhension au rejet en passant par des jugements violents. Autour de l’identité de genre -un sujet très présent aujourd’hui dans les débats de société- voici une œuvre attachante et même souvent bouleversante qui aborde, dans un récit fort, la question avec justesse et finesse. Mieux, avec une approche volontiers minimaliste mais très efficace, le cinéaste soigne une mise en scène reposant sur une belle photographie à la lumière veloutée. 24 heures riches en émotions et en tendresse pour faire vivre un message profondément humain. (Blaq Out)
Comme LouveCOMME UNE LOUVE
Lili est effondrée… Cette mère précaire et isolée de trois enfants, âgée de 26 ans, est accusée à tort de mauvais traitements envers ses petits. Les services sociaux lui retirent ses gamins. Complètement cassée, elle va heureusement pouvoir compter sur d’autres femmes qui la soutiendront dans sa bataille pour reconstruire sa famille… Grand reporter (pour les magazines Résistances ou Envoyé spécial) et documentariste, Caroline Glorion choisit, ici, la fiction pour mettre en lumière la difficile vie quotidienne de cette Lili qui n’arrive pas à se contrôler, ni prendre les meilleures décisions pour le bien des siens. Pourtant cette mère en détresse professe un amour sincère et inconditionnel pour des gamins qui sont le moteur de son existence et on ne peut s’empêcher de crisper les poings devant ce qui lui arrive même si on voit bien qu’elle a du mal à assurer le bien-être de ses petits. Entourée d’acteurs et actrices chevronnés (Sandrine Bonnaire, Laurence Côte, Naidra Ayadi, François Morel), Mathilde La Musse incarne impeccablement cette Lili pathétique. Enfin, on prête attention au personnage de l’avocate (Sarah Suco) qui observe qu’en France, les deux tiers des enfants placés le sont en raison de la situation sociale et économique de leurs parents. (Blaq Out)
Nuit CometeLA NUIT DE LA COMETE
À la suite du passage d’une comète à proximité de la Terre, presque toute la population de la planète est décimée. Regina et sa jeune sœur Samantha survivent et trouvent refuge dans le studio d’une radio locale. Elles y trouvent un chauffeur-routier qui, lui aussi, a survécu. Dans un monde désormais sans règles, les jeunes filles décident d’aller refaire leur garde-robe dans les centres commerciaux. Mais certains survivants, en partie irradiés, ont été transformés en zombies devenus agressifs… Dans la foulée du fameux Madmax (1979), s’ouvre, dans le cinéma, une vogue pour les sujets post-apocalyptiques dans laquelle s’inscrit la série B signée, en 1984, par Thom Eberhardt. Avec une mise en scène enlevée qui joue, avec un certain brio, sur les couleurs, le cinéaste américain s’intéresse, entre horreur et science-fiction, à deux sœurs qui n’ont rien de victimes puisqu’elles savent se défendre et tirer au pistolet mitrailleur Uzi. A la fois angoissant et léger mais sans tomber dans le parodique, Night of the Comet (en v.o.) a connu un joli succès dans les salles outre-Atlantique… En supplément, un livret (24 pages) de Marc Toullec décrypte la genèse du film. (Rimini Editions)

L’OPTIMISME (MESURÉ) DE KAURISMAKI ET LA VÉRITÉ DE GOLDMAN  

Feuilles MortesLES FEUILLES MORTES
Diantre que la vie est triste en Finlande ! D’entrée, la caméra de Kaurismaki se plante dans un supermarché sans âme et elle glisse sur un chariot encombré de viande sous vide. Pas follement appétissant. Dans le vestiaire, une employée enfile un petit imper bleu pâle. « A demain ! » lance une collègue. Ansa rentre chez elle. La ville, la nuit. Un petit appartement aux murs bleus avec un canapé rouge. La radio raconte la guerre en Ukraine, les frappes russes, les morts, les blessés, la maison de Serguei détruite et les larmes de Tatiana. La femme éteint la radio. Sur un chantier, un homme en combinaison et casque intégral nettoie des pièces de métal. Il s’interrompt pour boire discrètement de l’alcool dans une petite fiasque. Plus tard, allongé sur son lit dans le dortoir de son usine, Holappa lit une bande dessinée. Deux personnes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki et chacun tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour. Mais la vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur. Le 19e opus d’Aki Kaurismaki est une pépite de plus. Le Finlandais avait annoncé sa retraite en 2017 à Cannes. Pour notre plus grand bonheur, il a choisi d’en sortir pour donner le dernier volet de sa trilogie du prolétariat entamée en 1986 avec Ombres au paradis et poursuivie en 1990 avec La fille aux allumettes. Comme à son habitude, le cinéaste semble se tenir, non pas à bonne distance mais à une distance pudique, comme pour ne pas empiéter sur l’existence de ses deux prolétaires qu’il observe avec un soin d’entomologiste. Ainsi, ces êtres fragiles nous deviennent complètement familiers. Ansa sera virée sans préavis, de son supermarché. Holappa le sera parce qu’il est surpris en train de boire sur les chantiers. Ansa et Holappa se sont croisés dans un bar-karaoké. Ils se sont regardés. L’une et l’autre ont pensé que, peut-être, un avenir pouvait s’ouvrir à eux. Au sortir d’une séance de cinéma, Ansa (Alma Pöysti) a confié son numéro de téléphone à Holappa. Mais celui-ci perd le bout de papier sur lequel était griffonné le précieux sésame. Ansa attendra un appel qui ne viendra pas. Et Holappa (Jussi Vatanen) reviendra régulièrement attendre devant le cinéma Ritz. Mais ces deux solitudes réussiront cependant à se reconnecter… Presque optimiste, Kaurismaki signe, avec de multiples références à ses passions cinéphiliques, une œuvre où deux êtres semblent seuls, voire étrangers au monde, filmés en plan fixe, frontalement, dans des décors souvent composés de grands à-plats colorés. Avec de la musique et un (indispensable) chien pour atténuer la solitude des humains. La fin est un bijou d’émotion. Rescapé d’un accident de train, Holappa retrouve Ansa. Sur une vaste esplanade, on les voit, de dos, s’éloignant vers la lumière… Chaplin-Kaurismaki, même combat. Celui des opprimés contre le monde. (Diaphana)
Procès GoldmanLE PROCES GOLDMAN
Extraordinaire parcours que celui de Pierre Goldman ! Né le 22 juin 1944 à Lyon, il est le fils de deux héros de la résistance juive communiste en France. Etudiant à la Sorbonne, il milite contre la guerre d’Algérie. Lorsqu’arrive mai 68, Goldman file en Amérique latine rejoindre Che Guevara. C’est un type amer, déprimé, déboussolé et démuni qui rentre en France en 1969. Le guérillero vire au gangster. Il commet plusieurs braquages, vole des sommes parfois dérisoires. Le 19 décembre 1969, son existence bascule… Il attaque une pharmacie du boulevard Richard Lenoir à Paris. Le hold-up finit dans le sang. Deux pharmaciennes sont tuées et un policier en civil, alors en repos mais qui se précipite sur les lieux, est sérieusement blessé. Arrêté en 1974, Pierre Goldman est condamné, pour ces faits, à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d’assises de Paris. En novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman. Il continue à clamer son innocence dans le dossier du double meurtre de la pharmacie du boulevard Richard Lenoir. C’est un véritable huis-clos judiciaire que propose Cédric Kahn avec cette plongée dans les arcanes d’un procès d’assises qui prend souvent une forme très houleuse… Le cinéaste découvre Goldman par son livre, Souvenirs obscurs d’un Juif polonais né en France et est frappé par sa langue, son style, sa pensée. Kahn estime que le film à faire, ce n’est pas le biopic mais le procès. On plonge ainsi dans une œuvre âpre, grave, sèche mais puissante qui s’en va chercher, si faire se peut, la vérité « à l’os ». Pas de flash-backs, pas d’images de braquage, pas de musique, pas de comédiens célèbres. Mais une mise en scène qui installe constamment la tension. Le cinéaste n’entend pas créer de point de vue ou de l’empathie mais placer le spectateur dans la position du juré. Sans fioritures. Dans ce théâtre de la justice, montent quasiment en scène les acteurs professionnels que sont le président, le procureur de la République ou encore les avocats de la partie civile ou de la défense. A l’audience, tous joueront leur rôle. Et puis, évidemment, il y a Goldman, accusé hors normes, qui donne à ce procès des accents impressionnants. Car ce militant d’extrême gauche, qui devint en quelques semaines l’icône de la gauche intellectuelle, est installé dans une posture de combat. Insaisissable et provocateur, vif et brillant dans ses répliques, Goldman lance aussi « Je suis innocent parce que je suis innocent ». Surtout Goldman (remarquablement incarné par Arieh Worthalter) est une « star » au charisme remarquable qui réussit à prendre, avec éloquence et verve, la main sur son procès. Un homme qui affirme « Je suis né et mort le 22 juin 1944 ». Car le film pose aussi la question de la judéité à travers un Goldman qui se définissait comme « un enfant de la Shoah ». L’aventure s’achèvera le 20 septembre 1979 lorsque Pierre Goldman est abattu en plein Paris. (Ad Vitam)
BernadetteBERNADETTE
Nous sommes le 7 mai 1995 et Jacques Chirac remporte, avec 52,64 % des suffrages, l’élection présidentielle face à Lionel Jospin. La droite a reconquis le pouvoir et s’ouvre, après deux mandats de François Mitterrand, les portes de l’Elysée. Chirac goûte pleinement son succès, reçoit longuement les vivats de la foule… A deux pas du président, Bernadette Chirac savoure, elle aussi, l’instant. Parce qu’elle sait quelle fut sa part dans l’accession de son mari à l’Elysée, parce qu’elle pense aussi obtenir enfin la place qu’elle mérite. Mais Jacques Chirac va plutôt la refroidir lorsqu’il lance « Souvenez-vous de la chance de m’avoir épousé ! » Bernadette avale une couleuvre de plus. Il est vrai que Bernadette, née Chodron de Courcel, élevée dans une famille catholique pratiquante, a reçu une éducation stricte et sévère. Chez les Chodron, une fille, ça se tait et ça écoute. Elle rencontre son Jacques en 1951 lorsqu’ils sont, tous les deux, étudiants à Sciences Po. Ils se marient en mars 1956 malgré les réticences de la famille de la mariée. Bien des années plus tard, Bernadette dira que ce n’était « pas qu’un mariage d’amour mais un mariage d’ambition ». C’est une femme effacée, cantonnée à un rôle qui ne lui convient pas, à laquelle s’attache, pour son premier long-métrage de fiction, Léa Domenach. En choisissant la comédie pour garder une bonne distance par rapport aux faits et à la vraie histoire, la cinéaste se concentre sur un personnage qu’elle ne perd jamais de vue. Bernadette Chirac est toujours au centre de ce récit où elle apparaît d’abord écrasée par son entourage, délaissée aussi, toujours reléguée dans l’ombre avant d’entamer une véritable éclosion. Elle va trouver, en Bernard Niquet (Denis Podalydès), un allié qui va favoriser une véritable révélation. La première dame sort du bois, prend le taureau par les cornes et s’impose comme une personnalité incontournable dans la galaxie Chirac. Bernie n’a pas sa langue dans la poche et Claude (Sara Giraudeau) tance sa mère : « Tu ne peux plus dire tout ce que tu penses ! » En jouant habilement sur le look et les sons des années 90 et 2000, Bernadette se déguste comme une satire bienveillante et volontiers attachante. S’étant rendue compte sur le tard qu’on ne la prenait pas au sérieux parce qu’elle était une femme, Bernadette Chirac, en montrant ses crocs, va affirmer un certain féminisme… Et le film ne pouvait trouver meilleure interprète que Catherine Deneuve. On suit avec bonheur la manière dont la brillante comédienne « réveille » littéralement sa Bernadette. Au passage, Léa Domenach étrille tant Chirac (Michel Vuillermoz) qu’une classe politique triviale et suffisante. Après la vision du film, on se réconcilie (quasiment) avec cette femme forte. (Warner)
Fleur Pale GonzaCOFFRET MASAHIDO SHINODA
Révélé au même moment que Nagisa Oshima ou Kiju Yoshida, le cinéaste japonais Masahiro Shinoda (qui avait été assistant de Yasujiri Ozu dans les années cinquante) fait partie de ces cinéastes exaltés et fiévreux qui éclosent au début des années 1960. Considéré comme l’un des meilleurs représentants de la nouvelle vague nippone, le réalisateur de Silence (1972) et L’étang du démon (1979) aime filmer la marge, les minorités, et le prouve de la plus belle des façons avec ces deux longs-métrages tournés à plus de vingt ans d’écart : Fleur pâle (1964), film noir flamboyant, et Gonza, le lancier (1986), sublime drame sur fond de code d’honneur, lauréat de l’Ours d’argent de la meilleure contribution artistique à la Berlinale de 1986. Dans Fleur pâle, Muraki, après avoir purgé une peine de trois ans pour homicide, réintègre son clan de yakuzas à Tokyo. En reprenant ses activités clandestines, il fait la connaissance de Saeko, qui fréquente son cercle de jeux. Il est bientôt fasciné par cette énigmatique jeune femme, elle-même irrésistiblement attirée par le monde de la nuit… Avec Gonza, le lancier, on suit les aventures de ce lancier de renom qui affronte Bannojo, un membre de son clan, pour avoir l’honneur d’accomplir la cérémonie du thé célébrant la naissance d’un héritier de leur seigneur. Pour voir les rouleaux sacrés détaillant les secrets de la cérémonie, Gonza promet d’épouser la fille de la famille qui les possède, bien qu’il soit déjà fiancé à une autre. Alors qu’il étudie les rouleaux avec Osai, la mère de la maison, Bannojo les espionne puis court proclamer dans toute la ville qu’ils ont commis un adultère… Un beau coffret regroupe ces deux œuvres fulgurantes et radicales à découvrir pour la première fois dans leur restauration 4K ! Dans les suppléments, on trouve Esthétique de la clandestinité (16 mn), un entretien filmé en 2006 où Shinoda évoque pêle-mêle l’esthétique des cartes hanafuda, l’influence des yakuzas sur la société et le monde politique japonais, ainsi que la réception de Fleur pâle, jugé « immoral » par la censure. Enfin Fleur du mal (24 mn) est un entretien avec Stéphane du Mesnildot, essayiste, spécialiste du cinéma asiatique. (Carlotta)
Visage EcritVISAGE ECRIT
A l’instar de ses confrères romands Soutter, Tanner ou Goretta, le cinéaste alémanique Daniel Schmid (1941-2006) est l’une des figures marquantes du nouveau cinéma suisse. Il donna des œuvres majeures comme La Paloma (1974), L’ombre des anges (1976), Violanta (1977) ou Hécate, maîtresse de la nuit (1982). Avant d’achever sa carrière en 1999 avec Beresina ou les derniers jours de la Suisse, une virulente comédie noire sur une call-girl russe débarquant dans un pays montagneux et féérique, Schmid avait signé, en 1995, Visage écrit, un documentaire qui constate l’agonie du monde des geishas et présente le portrait d’un acteur de kabuki ainsi que d’inoubliables moments de mime au crépuscule. Il y a bientôt quatre siècles, une loi impériale japonaise imposa que les rôles de femmes dans le théâtre kabuki soient tenus par des hommes, appelés onnagata. Visage écrit de Daniel Schmid est une tentative d’approche de Tamasaburo Bando, le plus prestigieux onnagata contemporain. Ce grand acteur de kabuki, qui a également tourné pour le cinéma (L’étang du démon de Masahiro Shinoda dont Carlotta sort par ailleurs deux perles rares), est considéré comme un véritable « trésor vivant », acclamé aussi bien par Rudolf Noureev que par Yukio Mishima. Dans ce film conçu en quatre parties, le réalisateur suisse livre une œuvre hybride qui abolit les genres et les codes, naviguant allègrement entre fiction et documentaire, Japon moderne et traditionnel. À travers les portraits croisés de Tamasaburo Bando et de ses illustres aînés, comme l’actrice Haruko Sugimura ou le danseur Kazuo Ohno, Visage écrit sonde l’âme de cet art en voie de disparition et rend hommage à ces figures éternelles de la culture nippone. À découvrir pour la première fois dans sa nouvelle restauration 4K. (Carlotta)
Air Mer Rend LibreL’AIR DE LA MER REND LIBRE
Rennes, de nos jours. Saïd habite encore chez ses parents. Le quasi-trentenaire vit une liaison secrète avec Vincent, un musicien de jazz. Incapable d’affronter sa famille, il accepte un mariage arrangé avec Hadjira. « Alors, les tourtereaux, ça va ? » La question de l’invitée à la noce n’est pas bien méchante mais pour les tourtereaux, elle résonne étrangement. Après une histoire d’amour malheureuse et quelques démêlés avec la justice, Hadjira aussi s’est résignée à obéir à sa mère. Piégés par leurs familles, les « tourtereaux » s’unissent malgré eux, pour retrouver, chacun de son côté, leur liberté. Après des films très remarqués comme Le harem de Madame Ousmane (2000), Viva Laldjérie (2004), Délice Paloma (2007) ou Lola Pater (2017), le cinéaste franco-algérien Nadir Moknèche signe une douloureuse chronique où il en va, in fine, de l’honneur des familles. Pour Saïd, sa famille, avec en tête Zineb, sa mère, et Mahmoud, son père, ne comprend pas qu’il soit toujours célibataire. Et ils trouvent même la chose anormale. Pour Rabia, la mère d’Hadjira, il importe de sauver la face. Car sa fille a eu le malheur de tomber amoureuse d’un dealer qui l’a entraînée dans ses embrouilles. Avec beaucoup d’humanité et de finesse, le cinéaste se penche sur Saïd et Hajira et observe comment ils tentent d’organiser, sans être franchement dupes l’un et l’autre, leur situation d’époux et d’épouse. Et il peut ainsi lutter contre les clichés, les à-priori et toutes les « bonnes raisons ». Face à des comédiens chevronnés comme Zinedine Soualem ou Lubna Azabal, Youssouf Abi-Ayad et Kenza Fortas (César du meilleur espoir féminin 2018 pour Shéhérazade) campent avec beaucoup de délicatesse deux personnages ballottés par les événements. (Pyramide)
Lost NightLOST IN THE NIGHT
Dans une petite ville minière du Mexique, Emiliano recherche les responsables de la disparition de sa mère. Activiste écologique, elle s’opposait à l’industrie minière locale. Ne recevant aucune aide de la police ou du système judiciaire, ses recherches le mènent à la riche famille Aldama. Au-delà des parents, le père est artiste, la mère actrice, il rencontre leur ravissante fille qui joue les influenceuses. Engagé par les Aldama, Emiliano (Juan Daniel Garcia Trevino) n’entend pas s’éloigner du but qu’il s’est fixé… Peut-être moins connu que ses confrères Cuaron, Del Toro ou Inarittu, le Mexicain Amat Escalante est cependant un cinéaste reconnu et apprécié des cinéphiles qui a été pas moins de quatre fois sur la Croisette, notamment en 2013 avec Heli, violente évocation du trafic de drogue, couronné d’un prix de la mise en scène. Du côté de la Mostra de Venise en 2016, Escalante avait surpris, cette fois, avec un conte fantastique (La région sauvage) sur fond de sexualité et de bête étrange. Avec Perdidos en la noche (en v.o.), Escalante était de retour au festival de Cannes avec un thriller social palpitant, qui emporte le spectateur au cœur d’un pays gangréné par la violence et les inégalités. Tour à tour satire noire de la société mexicaine, dénonçant les fléaux que sont la corruption, la violence policière, les narco-trafiquants, ou encore l’exploitation des pauvres par les riches, le scénario de Lost in the night s’élargit à des thèmes plus universels tels que les dérives liées aux réseaux sociaux, le profit avant l’écologie, voire même les excès de l’art contemporain. Bien photographiée, bien interprétée, voici une chronique criminelle sèche et brutale sur la noirceur de la société mexicaine. (Blaq Out)
Ete DernierL’ETE DERNIER
Avocate pénaliste renommée et spécialisée dans les violences sexuelles faites aux mineurs, Anne s’occupe d’un dossier qui finira aux assises où « souvent les victimes passent pour des accusés ». A sa cliente, elle donne un conseil : « Toujours dire la vérité ». Anne vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs deux jeunes fillettes. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre (Olivier Rabourdin) d’un précédent mariage, emménage chez eux. Odieux, Théo s’adoucit au contact d’Anne. Un jour, au gré d’une histoire de tatouages, s’installe entre les deux, un jeu de séduction qui les amène à une puissante relation charnelle… La réalisatrice de films jugés sulfureux (Breillat déteste le mot) comme Romance (1999) ou Anatomie de l’enfer (2004), reprend (librement) le thème d’un film danois (Queen of Hearts en 2019) et propose la chronique d’un amour « interdit » dans le contexte d’un milieu de nantis sans problème. Si on peut trouver que le drame bourgeois prend parfois des accents chabroliens, il faut dire que Catherine Breillat s’y entend pour filmer le désir et le plaisir dans de longs plans qui dilatent la sensation. En cédant à son beau-fils, Anne se précipite dans une liaison à laquelle elle voudra vite mettre fin. Mais Théo ne l’entend pas de cette oreille et il intrigue auprès de son père, flairant qu’Anne demeure bouleversée par leur liaison. La cinéaste se repose sur un fin duo d’acteurs avec Samuel Kircher en grand ado à la gueule d’ange et Léa Drucker brillante en executive woman énigmatique mais dévastée par une divine extase… (Pyramide)
Regne AnimalLE REGNE ANIMAL
Alors que le monde s’est déjà habitué à une épidémie de mutations qui transforment les humains en animaux, François doit déménager dans le sud de la France pour se rapprocher de sa femme Lana, touchée par ce mal mystérieux et envoyée dans un centre spécialisé. Sur place, lui et son fils Émile doivent se réinventer dans un monde qui se peuple de créatures d’un nouveau genre. Dans leur voiture, le père tente de dialoguer avec son fils qui regarde par la fenêtre et soupire. Il est question de la mère d’Emile… Sur l’autoroute, ils sont coincés dans un embouteillage. Banal et agaçant. Mais soudain, François et Emile observent, à deux pas d’eux, une ambulance violemment secouée de l’intérieur. La porte s’arrache. Une créature mi-homme, mi-oiseau s’enfuit… Les monstres sont (déjà) là ! Après Les combattants (2014) couronné d’un César du meilleur premier film, Thomas Cailley, qui s’appuie sur une idée de Pauline Munier, fait un retour en force avec un thriller réaliste doublé d’une touche de teen-movie mais surtout d’une fable fantastique impressionnante où les « humains » se métamorphosent inexplicablement en bêtes sauvages… Avec un excellent tandem de comédiens (Romain Duris et le jeune Paul Kircher), le cinéaste aligne les moments de bravoure au service d’un conte audacieux qui va suivre l’épopée d’un adolescent qui va se métamorphoser aussi… (Studiocanal)
Entre LignesENTRE LES LIGNES
Au printemps 1924, Jane Fairchild, jeune domestique au sein d’une famille anglaise endeuillée, devient la maîtresse de Paul Niven, un jeune homme de la haute bourgeoisie, fils des voisins de ses patrons. Des années plus tard, devenue écrivaine, Jane se remémore ce jour de fête des mères où pendant que les propriétaires partaient à un pique-nique, elle retrouvait secrètement cet amant… Remarquée avec Les filles du soleil sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes 2018, la réalisatrice française Eva Husson a signé ensuite Mothering Sunday (en v.o.) qui met en scène, un peu dans l’esprit de Downton Abbey, l’aventure amoureuse d’une bonne et d’un jeune de la haute, lui-même promis à une autre femme de son rang. En adaptant un roman de Graham Swift, la cinéaste s’attache à une relation ténébreuse entre deux amoureux qui bravent les interdits d’une société organisée en classes. Déjà, dans Bang Gang (une histoire d’amour moderne), son premier long-métrage, en 2015, Eva Husson s’attachait à explorer la sexualité et les relations amoureuses chez de grands adolescents. Ici, encore, en travaillant de belles lumières, elle maîtrise les scènes intimistes en s’appuyant sur deux jeunes comédiens Odessa Young (Jane) et Josh O’Connor (Paul) dont la spontanéité de jeu, avec de nombreuses scènes de nudité, est remarquable. Enfin, la cinéaste peut se reposer sur un casting british de qualité avec notamment Colin Firth (le père de Paul), Glenda Jackson (Jane Fairchild âgée) et surtout l’excellente Olivia Colman (Oscar de la meilleure actrice pour La favorite en 2018), épatante en mère cynique et meurtrie à l’idée de perdre son fils unique… (Condor)
Mystere VeniseMYSTERE A VENISE
Dans la Venise de 1947, Hercule Poirot a choisi de prendre une retraite paisible. Le célèbre détective belge repousse fermement tous ceux qui sollicitent ses services. Pourtant, il prête l’oreille à Ariadne Oliver, la plus grande écrivaine de romans policiers au monde. Mais sa visite n’a rien à voir, dit-elle, avec un crime… Après Le crime de l’Orient-Express (2017) et Mort sur le Nil (2022), Kenneth Branagh s’attaque à nouveau à Agatha Christie en adaptant Hallowe’en Party, un roman tardif publié en 1969. Le film transpose l’action d’un manoir anglais à un palazzo vénitien mais le scénario de Michael Green s’appuie volontiers sur le goût de la romancière pour le surnaturel. Par une sombre nuit de tempête, Poirot se retrouve dans une maison (soit-disant) hantée mais, avec la mort violente d’une voyante, l’enquête prend une vilaine tournure. Il fait boucler toutes les portes. Le piège est refermé. L’assassin est dans les lieux… Bientôt une seconde mort brutale survient… Avec un récit soigné et des images léchées, Branagh réussit un agréable huis-clos où, comme à son habitude, il réunit un large casting (Kelly Reilly, Michelle Yeoh, Riccardo Scamarcio, Camille Cottin, Jamie Dornan, Tina Fey) et s’offre, avec une évidente gourmandise, un Poirot à l’accent français appuyé. Ah oui, Poirot va résoudre l’énigme ! (Fox)
Nouveau DepartNOUVEAU DEPART
« A l’éternelle jeunesse de la femme que j’aime ! » Alain lève son verre à Diane dont il est amoureux comme au premier jour. Lui a traversé la crise de la cinquantaine sans coup férir. Pour Diane, c’est moins évident. « Après trente ans ensemble, on n’est plus amoureux. On est un couple… » Et elle nie la réalité quand son généraliste lui parle de ménopause. Diane a la sensation de s’ennuyer dans son couple comme dans son travail dans le journalisme. Pour attirer l’attention de ses collègues, elle prétend avoir une liaison avec Stéphane, son jeune et nouveau supérieur. Alain, qui voit pour la première fois son couple vaciller, estime qu’il faut se poser les questions essentielles. Et s’il prenait le risque, après trente ans de vie commune, de quitter Diane pour réveiller la flamme et l’envie de se retrouver. Quitte ou double ? En s’inspirant du film argentin Retour de flamme de Juan Vera, Philippe Lefebvre (Le siffleur, Faites des gosses) orchestre une rencontre inattendue entre Karin Viard et Franck Dubosc qui partagent l’écran pour la première fois. En s’appuyant sur des comédiens qui semblent manifestement s’amuser, le cinéaste réussit des situations cocasses et des dialogues enlevés. Une bonne comédie agréable avec un propos dans l’air du temps. (Orange Sudio)

 

DES PROFS SOLIDAIRES ET LE VIEIL EBENISTE EN DEUIL  

Metier SerieuxUN METIER SERIEUX
« Y’en a beaucoup qui bloquent ? » C’est le prof de maths qui pose la question à sa classe. Benjamin débute dans le métier, lui qui se destinait à des études de médecine pour faire plaisir à son père, se retrouve maintenant à embrasser le boulot de sa mère tout en menant, tant bien que mal, une thèse de physique. Comme sa classe est bruyante, son voisin, Pierre, vient restaurer le calme, non sans prendre Benjamin pour un surveillant. Pierre est un vieux de la vieille. Il a tout vu, tout bu, tout lu. Mais aujourd’hui, il s’inquiète. Et si son cours de français était ennuyeux ? Avec Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, Pierre forme un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils seront présents pour aider Benjamin, rapidement confronté aux affres du métier. A leur contact, le petit nouveau va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée… Thomas Lilti s’est fait remarquer avec Hippocrate (2014), Médecin de campagne (2016) et Première année (2018), trois films de cinéma (il a aussi signé trois saisons d’Hippocrate en série télé) qui traitent de la médecine. On est donc aussi surpris que ravi de le retrouver avec Un métier sérieux qui aborde l’univers des profs et de l’enseignement. Ravi parce que, comme pour ses précédentes œuvres, Lilti traite une nouvelle fois la fiction par le réel. Mais aussi par sa volonté de continuer à interroger la question de l’engagement à travers un (beau) métier. De fait, on sent dans Un métier sérieux une attention particulière à rendre le monde scolaire et la vie d’un collège les plus réalistes possibles. « L’école, dit le réalisateur, reste au cœur de nos vies que l’on soit enfant, adultes, parents, au fil des générations. Chacun y trouve une madeleine de Proust nous rappelant combien l’école est au centre de nos vies. » Sur la chanson de Sam Cooke, What A Wonderful World, le générique, avec ses images d’antan, nous le rappelle avec un soupçon de nostalgie. Voici, dans un récit éclaté, des portraits qui sonnent juste. Ses profs ne sont pas des saints mais des êtres qui ont la passion d’enseigner chevillée au corps. Ils ont la grandeur de ceux qui permettent de partager le savoir. Ils ont des faiblesses simplement humaines quand ils craquent devant des élèves assez paumés pour devenir insultants ou agressifs. On se plonge agréablement dans cette histoire d’autant plus qu’elle est défendue par de chouettes comédiens : Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin, William Lebghil, Lucie Chang, Théo Navarro-Mussy, Léo Chalié. On est prêt à retourner en classe avec eux. (Le Pacte)
La PetiteLA PETITE
Joseph Siprien est un taiseux. Veuf, ce solitaire de 68 ans ne sort guère de son atelier où il apporte toute son attention à de beaux meubles anciens. Sa vie organisée prend un terrible coup lorsqu’il apprend soudainement la mort de son fils, Manuel, et du compagnon de celui-ci, dans un accident d’avion. Même s’il n’était pas en bons termes avec son fils, Joseph gardait toujours espoir de pouvoir se réconcilier avec lui un jour. En découvrant que Manuel et son conjoint attendaient un enfant d’une mère porteuse en Belgique, le sexagénaire décidera de partir à la recherche de la jeune femme dans l’espoir de pouvoir prolonger l’existence de son fils à travers cet enfant. Mais, pour cela, il devra convaincre la mère, une jeune femme méfiante, peu accueillante et persuadée qu’elle s’est fait « avoir ». « Je ne suis qu’une mule », dit-elle. Plus de père à l’horizon, un enfant sur les bras et sans doute plus moyen de récupérer le reste de la somme due pour la mise à disposition de son ventre. Guillaume Nicloux est un cinéaste qui aime à s’aventurer sur les terrains les plus variés notamment dans le domaine du thriller. La tour (2023), son précédent film, était un drame fantastique autour d’habitants coincés dans leur immeuble par un inquiétant brouillard opaque. Cette fois, il adapte Le berceau (2018), le roman de Fanny Chesnel (qui collabore au scénario) pour mettre en scène une attachante comédie dramatique avec deux personnages qui ne devaient évidemment jamais se rencontrer. Car Joseph, contre l’avis de sa fille (Maud Wyler) mais aussi des parents du compagnon de Manuel, est décidé à retrouver la mère porteuse puis de jouer son rôle de grand-père. Pour cela, il s’en va à Gand où vit Rita Vandewaele, apparemment employée chez un loueur de vélos… Mais la rencontre avec Rita ne part pas sur de bons rails. Pour porter cette histoire intime, à laquelle il imprime quelques touches d’humour mais sans entrer dans un débat sur la GPA, le cinéaste peut compter sur deux excellents comédiens. En mère porteuse, la comédienne belge Mara Taquin (vue dans La syndicaliste de Jean-Paul Salomé) compose un beau personnage fragile et attachant. Dans le rôle de Joseph, Fabrice Luchini incarne un homme face au deuil. Le comédien est constamment dans la nuance. Et il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il œuvre dans ce registre. (M6)
AcideACIDE
Selma, adolescente de 15 ans, grandit dans le Nord de la France, entre ses deux parents séparés, Michal et Elise. Alors que des nuages de pluies acides dévastatrices s’abattent sur leur région, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter une catastrophe climatique et tenter de survivre dans un monde qui va bientôt sombrer. Avec La nuée (et ses inquiétants criquets), son premier long-métrage en 2020, Just Philippot s’impose comme chef de file du nouveau cinéma de genre français. Ici, autour de pluies si corrosives qu’elles dévorent les chairs, le cinéaste entraîne le spectateur, à la fois captivé et terrifié, dans une ambiance cauchemardesque de fin du monde où Michal et Elise se retrouvent emportés dans une course haletante contre la mort. Tandis que le ciel se charge d’énormes nuages menaçants, comme beaucoup d’autres, père, mère et fille sont jetés sur les routes, traversant des forêts au coeur desquelles galopent des chevaux blessés et fous de douleur, pour atteindre un lieu peut-être sûr… Entre le road-movie apocalyptique, le drame domestique et le film d’horreur, Acide distille, surtout dans sa première partie, une angoisse qui met les nerfs à vif. Guillaume Carnet incarne, avec une remarquable intensité, ce Michal qui n’en plus d’entendre annoncer, « la fin du monde tous les jours » mais qui va se grandir dans l’épreuve. A ses côtés, Patience Munchenbach (Selma) et Laetitia Dosch (Elise) participent bien à ce cauchemar éveillé. Un film-catastrophe qui interroge sur le vrai monde en proie au dérèglement climatique. (Pathé)
Coup ChanceCOUP DE CHANCE
Mariée à un richissime homme d’affaires qui la dorlote comme une femme trophée, l’épouse qui se veut rebelle et libérée s’ennuie ferme dans le monde chic et clinquant des beaux quartiers. Pour mieux s’intégrer, Fanny travaille dans une galerie de l’avenue Montaigne. C’est dans cette rue qu’elle se fait apostropher par Alain, écrivain bohème qui s’était follement entiché d’elle au lycée. Ces retrouvailles proustiennes se font sous le signe de l’insouciance et du désir. Bientôt inséparables, ces deux-là flirtent au Jardin des Plantes, déjeunent et flânent dans les rues d’un Paris aux teintes mordorées filmées par le maître Vittorio Storaro. Ils finiront par consommer un adultère presque innocent. Bien sûr, Fanny continue de jouer à l’épouse modèle dans les réceptions mondaines et les week-ends de chasse à la perdrix organisés par son mari. Pour son 50e long-métrage, Woody Allen tourne, pour la première fois, en français et il retrouve aussi la France où il avait mis en scène, dix ans auparavant, son Minuit à Paris. A 87 ans, le maître new-yorkais n’a rien perdu de sa verve et il orchestre une comédie de mœurs où l’humour, voire le sarcasme, s’insinue dans l’intrigue avant qu’elle ne tourne quasiment au thriller. On retrouve, ici, un beau casting français avec Lou de Laâge, Melvil Poupaud, épatant en mari possessif, bientôt manipulateur et vengeur, Valérie Lemercier, Niels Schneider, Gregory Gadebois ou Elsa Zylberstein. Coup de chance a été ovationné à la Mostra de Venise même si la projection a été perturbée par des manifestantes. On ne sait si ce conte agréablement féroce est le dernier Allen. Mais il laisse la porte ouverte « au cas où l’on viendrait le trouver avec un nouveau financement ». (Metropolitan)
Traitre TexasLE TRAITRE DU TEXAS
La guerre de Sécession a pris fin. Cavaliers sudistes démobilisés, les frères Hammond reviennent au Texas dans le ranch familial. Si le cadet Neil envisage de continuer l’exploitation avec son père Ira, l’ainé Dan est plus ambitieux et veut faire fortune le plus rapidement possible, sans s’embarrasser de scrupules. Lors d’une partie de poker en ville, il se heurte à Cord Hardin, l’homme le plus riche d’Austin qui n’apprécie pas qu’il fasse les yeux doux à son épouse Lorna. Hardin force Dan à s’endetter au jeu et l’humilie publiquement. Dan quitte la ville et prend le commandement d’un groupe de réprouvés, mêlant anciens déserteurs et délinquants. Il organise avec eux un trafic de bêtes volées qu’il revend dans une zone franche contrôlée par un général mexicain, puis s’enrichit par diverses spéculations et entreprend de spolier les petits propriétaires de la région pour rivaliser avec la domination territoriale d’Hardin… Considéré comme l’un des grands du western américain avec Ford, Hawks, Mann, Sturges et Daves, Budd Boeticher signe, en 1952, une remarquable variation autour du difficile retour des soldats à la vie civile mais aussi sur les conflits familiaux qui les opposent. Dans un technicolor flamboyant et en s’appuyant sur un solide scénario de Louis Stevens, Boetticher est aussi à l’aise avec des scènes intimistes sur de forts liens familiaux qu’avec des séquences d’action. Par ailleurs, il peut compter sur d’excellents comédiens, Robert Ryan en tête dans le rôle de Dan, personnage torturé qui affirme : « Cruauté et ambition sont ancrées en moi ». A ses côtés, on trouve Rock Hudson (Neil Hammond) et aussi la belle Julie Adams qui incarne Lorna, une femme libre. Les seconds rôles (Raymond Burr, John McIntire, Dennis Weaver) sont excellents aussi. (Sidonis Calysta)
VisionsVISIONS
Pilote de ligne expérimentée, Estelle alterne les vols long-courriers et sa vie de couple avec son mari Guillaume. Malgré le jet lag et quelques troubles du sommeil, Estelle a une vie parfaite et bien organisée. Tout cela va être chamboulé du jour au lendemain quand, à l’aéroport de Nice-Côte d’Azur, Estelle retrouve par hasard Ana, une photographe avec laquelle elle était en couple il y a plus de 20 ans… Dans son précédent film, Boîte noire (2021), Yann Gozlan plongeait déjà dans l’univers de l’aéronautique avec l’enquête d’un agent du BEA (Pierre Niney) sur la chute mystérieuse et suspecte d’un vol Dubaï-Paris en Haute-Savoie. Le cinéaste retrouve donc ce monde à travers un thriller qui débute dans le cockpit d’un long-courrier. Mais cette fois, pas d’Emergency, emergency ! Le vol commandé par le commandant Estelle Vasseur se déroule sans anicroches. Mais le poste de pilotage finira, au gré de l’état psychologique d’Estelle, par devenir quasiment un personnage de l’intrigue. Yann Gozlan maîtrise sa mise en scène et, en cinéphile, parsème son propos de références à ses maîtres (Brian de Palma, notamment pour son goût du voyeurisme) et forcément à Sir Alfred. Estelle n’est pas grande, blonde et un peu glacée par hasard. Visions est un thriller fantastique de belle tenue. Mathieu Kassovitz incarne Guillaume, le mari tandis qu’Estelle (Diane Kruger) et Ana (Marta Nieto, vue, excellente, dans Madre de Sorogoyen) sont emportées dans la tourmente des sens. (M6)
Livre SolutionsLE LIVRE DES SOLUTIONS
Rude journée pour Marc Becker ! En réunion avec ses financiers, le cinéaste s’entend dire, tout de go, que son film est un pur navet. Et qu’on arrête les frais. Bien sûr, il accuse le coup mais Becker n’est pas prêt à se laisser abattre. Avec ses deux collaboratrices, il embarque le banc de montage, le charge dans une camionnette et en route pour la campagne française, entre Lozère et Gard. Le voilà dans le petit village cévenol où vit sa tante Denise (la merveilleuse Françoise Lebrun). Notre artiste, qui décide de noter ses pensées dans son livre des solutions, est alors assailli par un million d’idées, toutes plus baroques les uns que les autres qui le plongent dans un absolu chaos ! C’est dans la maison de sa tante Suzette, sa plus inconditionnelle admiratrice, que Michel Gondry a tourné Le livre des solutions. Avec son douzième long-métrage, le réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) ou Soyez sympas, rembobinez (2008) évoque un épisode lors de la post-production de L’écume des jours (2013) où il était sous médicaments et assailli d’obsessions intenses l’empêchant carrément de vivre. Lorsqu’il entreprend le montage du film, il arrête son traitement. Et son esprit explose dans un mélange de mégalomanie et de terreur. Par moments, il se sent faire partie de l’Histoire et capable de créer des choses totalement innovantes. Peu après, un psychiatre le diagnostique bipolaire. Tout cela figure en longueur dans cette comédie bien barrée (qui aurait sans doute gagné à être plus rythmée) dans laquelle Pierre Niney, le regard halluciné, s’en donne à coeur joie dans le délire créatif. C’est déroutant, burlesque, loufoque, poétique, parfois un peu pathétique… (The Jokers)
RealityREALITY
Le 9 mai 2017, Reality Winner, linguiste spécialiste du persan et du pachto pour le compte de la NSA, ancien membre de l’US Air Force, regarde les actualités, qui parlent du renvoi de James Comey, directeur du FBI, par Donald Trump. Le 3 juin, à Augusta, des agents du FBI se présentent chez elle, perquisitionnent sa maison et la soumettent ensuite à un interrogatoire courtois, mais serré, au sujet de la fuite de documents classifiés liés à un rapport concernant des accusations d’ingérences russes dans l’élection présidentielle américaine de 2016, dont ils savent qu’elle l’a consulté et imprimé au début du mois de mai. Avec Reality, Tina Satter se penche sur le cas de Reality, une jeune lanceuse d’alerte âgée de 25 ans. La cinéaste américaine utilise, pour ses dialogues (elle l’indique dès le générique) la transcription précise et exacte de l’enregistrement audio réalisé par le FBI, installant ainsi le spectateur dans une fiction qui n’échappe jamais à la réalité qu’elle veut remettre en scène. Reposant sur une réelle étrangeté et distillant une atmosphère particulièrement anxiogène, Reality -qui documente brillamment les méthodes psychologiques du FBI- montre les agents amenant doucement la jeune femme à se livrer. On parle, de façon tout à fait badine, des animaux domestiques de Reality ou des courses qu’elle doit mettre au frigo. Et puis, lentement, les policiers vont faire émerger la vérité cachée de Realty soupçonnée d’avoir violé le fameux Espionage Act en faisant fuiter un document classifié, révélant une tentative de piratage russe du système de vote électronique lors de l’élection qui a sacré Donald Trump, un an plus tôt… La comédienne Sydney Sweeney (vue dans les séries Sharp Object, Euphoria, The White Lotus) est impressionnante en personnage bousculée qui finit par lâcher : « Est-ce que j’irai en prison ce soir ? » (Metropolitan)
Toni FamilleTONI EN FAMILLE
Dans la voiture où s’empilent littéralement ses cinq enfants (qui va prendre place dans le -vaste- coffre?), Toni craque devant les « Ouais ! » et les « Mais j’ai rien fait ». Elle crie qu’elle ne veut plus les entendre et menace : « Je vais changer de famille ». Mots en l’air ! Parce qu’Antonia, dite Toni, les aime trop. Même si Mathilde, Marcus, Camille, Timothée et Olivia lui donnent bien du fil à retordre. Parce que ce sont simplement (?) de petits et de grands adolescents. Alors Toni fait face. Elle occupe tous les jobs de mère au foyer, tâche de joindre les deux bouts et, le soir, chante dans le bar d’une amie. Mais Toni est épuisée. Ses deux grands s’apprêtent à quitter la maison, l’une pour une compagnie de danse à Budapest, l’autre pour l’université. Alors Toni s’interroge : que fera-t-elle quand toute sa progéniture aura quitté le foyer ? A 43 ans, est-il encore temps de reprendre sa vie en main ? A 18 ans, Nathan Ambrosiani signait son premier long-métrage (Les drapeaux de papier en 2018) et il enchaîne avec une très belle chronique familiale portée par le personnage, à la fois drôle et pathétique, de Toni. Le cinéaste peaufine un portrait tout en nuances de cette Toni qui a connu la gloire avec une chanson qui a très bien marché au box-office. Mais c’était il y a 20 ans et elle ne regrette rien. Aucune nostalgie pour son ancienne notoriété. Elle continue à chanter parce que c’est son gagne-pain. Et elle regrette de laisser ses enfants seuls le soir pour aller faire ce travail dont elle n’a plus envie. Lorsqu’elle décide de devenir enseignante, c’est une nouvelle course d’obstacles qui se présente à elle. Voilà le temps des bilans de compétences, des demandes de soutien financier… Mais Toni s’accroche. Entre grosse fatigue et éclats d’énergie, Camille Cottin, tout en langueur mêlée d’autorité et de tendresse, est remarquable et porte parfaitement cette aventure intime. (Studiocanal)
Fille Belle StarrLA FILLE DE BELLE STARR
Après que sa mère, la hors-la-loi Belle Starr, ait été tuée, sa fille Rose décide de marcher sur ses pas et de rejoindre la bande de Bob Yauntis qui multiplient les coups de force et les attaques meurtrières. Son objectif : se venger du marshall Tom Jackson qu’elle croit coupable du meurtre de la femme qui l’a mise au monde. Peu à peu, elle se rend compte qu’elle est dans l’erreur, que c’est son « ami » Yauntis qui est le tueur et non point Jackson qui, d’ailleurs, ne fait pas mystère de ses sentiments à son égard. Voici un film sur lequel plane l’ombre de Belle Starr (1848-1889), l’une des plus célèbres femmes hors-la-loi de l’Ouest américain. Sur le grand écran, elle fut incarnée par Gene Tierney en 1941, Elsa Martinelli en 1968 et Elizabeth Montgomery en 1980 et, ici, Isabel Jewell qui avait déjà tenu le rôle deux ans plus tôt dans Badman’s Territory. Déjà présent deux fois dans la collection western de Sidonis Calysta (avec Fort Yuma et La loi du scalp), c’est Lesley Selander, l’un des plus prolifiques réalisateurs de western, qui, en 1948, est derrière la caméra pour cette aventure portée par Ruth Roman (L’Inconnu du Nord-Express, Je suis un aventurier ou Dallas, ville frontière) qui fait face à deux solides vedettes westerniennes, George Montgomery (Tom Jackson) et Rod Cameron (Bob Yauntis). Dans la collection Westerns de légende, La fille de Belle Starr parait pour la première fois en Blu-ray. (Sidonis Calysta)
Veuillez Nous ExcuserVEUILLEZ NOUS EXCUSER POUR LA GENE OCCASIONNEE
Contrôleur de train à la SNTF, Sébastien est un bon professionnel qui rêve d’être muté dans le sud de la France. Pour valider sa mutation, il doit effectuer, au départ de la Belgique, un dernier trajet sous la supervision de Madeleine, une inspectrice qui ne va pas le lâcher. Evidemment, tout va… dérailler. Avec un conducteur de train qui pense conduire un avion de chasse, avec Simon, un collègue très jaloux qui pensait bien décrocher le poste de Sébastien et qui, désormais, n’a plus qu’une obsession : envoyer tous les passagers à la mort. Et, parmi ces passagers, Sébastien va être confronté à une série de « gros cas ». Pour les amateurs de comédies joyeusement déglinguées, le nom de Nicolas Van Hoofstadt n’est pas inconnu. C’est lui qui, en 2006, signa le savoureux Dikkenek dans lequel François Damiens livra un grand numéro de délire ! Le cinéaste belge remet le couvert avec une aventure saugrenue qui réunit cette fois Artus et l’humoriste Benjamin Tranié en compagnie d’Elsa Zylberstein dans un rôle aux antipodes de ses précédents personnages puisqu’elle incarne une Madeleine hystérique et sociopathe. Autour de Sébastien et Madeleine et de wagons en wagons, les gags s’enchaînent mais le film peine cependant à trouver le bon rythme. Bien sûr, Van Hoofstadt entend pousser le politiquement correct dans ses retranchements et il tape dans tous les sens. Mais ça fait vite un peu trop. (Seven 7)
FreelanceFREELANCE
Quelques années après avoir pris sa retraite des forces spéciales américaines, Mason Pettits mène une vie classique dans une banlieue américaine où il travaille désormais comme avocat. Mais le gaillard s’ennuie ferme. Lorsque se présente une opportunité de retrouver un peu d’action, il n’hésite pas. Le voilà chargé de la protection de Claire Wellington, une journaliste qui doit se rendre en Paldonie, un petit pays d’Amérique du Sud, pour y interviewer le président Juan Venegas. Las, un coup d’Etat éclate en plein milieu de l’entretien. Tandis que l’armée prend le pouvoir, Mason doit fuir dans la jungle avec Claire et le président déchu. Il fut un temps (lointain) où, sur les grands écrans, une star bien musclée menait le bal de comédies d’action plus ou moins bien ficelées qui avaient nom Commando ou Piège de cristal. C’est bien de ce côté-là que lorgne le Français Pierre Morel (Banlieue 13 ou Taken) avec cette aventure où un malabar (quasiment increvable) se retrouve avec un dictateur bien tordu et une journaliste américaine (Alison Brie) plutôt téméraire (ou inconsciente ?) sur les bras. L’agent Pettits avec ses gros muscles et sa gueule cabossée, c’est John Cena, ancien catcheur professionnel, qui vient se promener sur les plates-bandes de Dwayne -The Rock- Johnson. Alors, bien sûr, on sait précisément à quoi on s’expose dans le genre vu et revu. Mais si on décide de rester, le produit tient aussi bien la route que bien d’autres. (Metropolitan)
Gold RunGOLD RUN – LE CONVOI DE L’IMPOSSIBLE
Le 9 avril 1940, les troupes allemandes entrent dans Oslo, la capitale de la Norvège… Les nazis visent trois cibles : le roi, le gouvernement et… la réserve d’or du pays. En quelques heures chaotiques, Fredrik Haslund, un simple secrétaire parlementaire, est promu d’urgence par le ministre des Finances, à la tête d’une mission d’intérêt national : empêcher 50 tonnes d’or de tomber entre les mains du Reich. Haslund réunit une équipe improbable, composée de sa sœur Nini Haslund Gleditsch, de quelques employés de banque, de chauffeurs de camion et du célèbre poète Nordahl Grieg. Objectif : mener à bien une opération top secrète et périlleuse : déplacer cinquante tonnes en lingots à travers le pays pour atteindre la côte et un convoi maritime allié. En s’appuyant sur des faits réels, le cinéaste Hallvard Braien a imaginé, à la manière d’une course contre la montre, un solide casse de banque… à l’envers. L’action ne baisse jamais de rythme dans ce thriller à la fois angoissant et passionnant. Les personnages (incarnés par des comédiens scandinaves) sont héroïques à souhait et les nazis de misérables prêts à toutes les vilenies. La mise en scène est agréable et la reconstitution d’époque tout à fait réussie. La manne enlevée aux nazis permettra la reconstruction du pays après guerre. (Condor)

JEANNE AU COEUR DE L’HISTOIRE ET L’AMATEUR D’OEUFS SUR LE PLAT  

Affaire Jeanne ArcL’AFFAIRE JEANNE D’ARC
Antoine de Meaux, l’un des réalisateurs de L’affaire… raconte qu’un grand historien lui a avoué, un jour : « Je n’ai jamais travaillé sur Jeanne d’Arc parce que Jeanne d’Arc, c’est un sujet qui rend fou… » Autant dire que les auteurs de cette contre-enquête sur la pucelle d’Orléans, pièce incontournable du roman national, ont révélé un vrai défi. Guerre civile, batailles, manipulations politiques, procès truqué… Entre documentaire historique, spectaculaires images d’animation en 3D et enquête policière, L’Affaire Jeanne d’Arc: la contre-enquête, le film d’Antoine de Meaux et Sarry Long – porté par la voix de Laurent Stocker, de la Comédie-Française – dessine le portrait d’une jeune femme à l’incroyable destin et explore les zones d’ombre d’une légende. Jeanne d’Arc est d’évidence, l’un des personnages les plus marquants et les plus attachants de l’histoire de France. Une jeune paysanne de dix-sept ans surgie des confins de ce qu’est alors le royaume, au pire moment de la guerre de Cent Ans, va trouver le roi Charles VII et se prétend envoyée par Dieu pour lui venir en aide contre ses ennemis, Anglais et Bourguignons. Elle prend les armes, commande des troupes, libère Orléans assiégé, puis est capturée, jugée pour sorcellerie au cours d’un procès politique maquillé en procès religieux, et surtout entaché d’irrégularités, avant de connaître une fin terrible sur le bûcher. L’incroyable mais brève épopée de la jeune Lorraine fascine depuis des siècles. Tous les mystères ne sont pas encore levés. Qui était-elle vraiment ? Qui l’envoyait ? Pourquoi un tel acharnement de la part de ses ennemis à la discréditer et à la faire disparaître ? Pourquoi le roi n’a-t-il pas cherché à la sauver ? Pourquoi a-t-elle fini abandonnée de tous, exécutée de la plus cruelle des manières ? D’ailleurs, au-delà de son côté polar, ce passionnant travail de recherche méticuleux et rigoureux (situations et reconstitutions reposent sur les travaux des meilleurs historiens) s’appuie sur un événement méconnu : le procès en réhabilitation organisé à partir de 1455 par le pape Calixte III et le roi Charles VII. Vingt-cinq ans après le supplice de celle qu’on nommait « la Pucelle », l’Église prend la décision d’ouvrir un nouveau procès. Au fil d’une grande enquête à travers la France, l’inquisiteur de France, le moine dominicain Jean Bréhal, et son jeune assistant, Pierre Fournier – seul personnage fictif et narrateur sensible du film –, s’efforcent de reconstituer le puzzle de la courte vie de Jeanne dans l’espoir de la blanchir des accusations d’hérésie qui lui ont valu le bûcher. Enfin, au cœur même de l’animation, des images en prise de vues réelles permettent d’intégrer dans le récit les lieux arpentés par Jeanne d’Arc mais aussi les précieuses archives des procès de Jeanne d’Arc, en leur conférant toute la puissance de rayonnement qu’elles ont conservée malgré le passage du temps. (Arte)
Coffret LavardinCOFFRET INSPECTEUR LAVARDIN
Dans une petite ville de Normandie, Louis Cuno (Lucas Belvaux), un jeune postier au comportement curieux et sa mère (Stéphane Audran), infirme et à demi folle subissent les assauts répétés de trois notables locaux : Hubert Lavoisier (Michel Bouquet), le notaire, Philippe Morasseau (Jean Topart), le médecin et Gérard Filiol (Jean-Claude Bouillaud), le boucher, afin qu’ils acceptent de leur vendre leur propriété. La jeune postière délurée, Henriette Uriel (Pauline Lafont), qui sait bien ce qu’elle veut obtenir de Louis, noue une idylle avec lui. À la suite d’un accident mortel qui coûte la vie à Filiol, mais qui ressemble fort à un crime, l’inspecteur Jean Lavardin, amateur de bonne chère (notamment d’œufs au plat saupoudré largement de paprika), arrive pour enquêter. Ses méthodes peu orthodoxes lui permettent de bientôt mettre au jour une affaire très sérieuse de magouilles immobilières, émaillées par des morts mystérieuses, des disparitions et de sombres rancunes. En 1985, Claude Chabrol (qui a connu le succès, en 82, avec Les fantômes du chapelier) adapte un roman de Dominique Roulet pour mettre en scène Poulet au vinaigre. Il confie le rôle du peu orthodoxe Lavardin à Jean Poiret qui va réussir une délicieuse composition… Devant le succès rencontré par Poulet…, Chabrol récidive, l’année suivante, en envoyant, dans Inspecteur Lavardin, le flic teigneux enquêter chez des notables de province. Car le corps de Raoul Mons a été retrouvé nu avec le mot « Porc » inscrit en rouge sur son dos sur la plage de Saint-Énogat à Dinard, en Bretagne. Ecrivain catholique et personnage à la moralité douteuse, Mons venait de faire interdire une pièce de théâtre blasphématoire. Hélène, sa veuve l’est donc pour la seconde fois, son premier mari ayant disparu en mer. Mais surtout, Lavardin, secondé par un gendarme qu’il surnomme Watson, reconnaît, en Hélène, un amour de jeunesse. Poiret reprend le personnage de Lavardin, entouré, cette fois, de Bernadette Lafont, Jean-Claude Brialy et Jean-Luc Bideau. Dans les suppléments, Claude Chabrol décrypte longuement et avec malice, les tenants et les aboutissants de ce savoureux diptyque dans lequel on retrouve nombre des thèmes favoris du cinéaste… (Carlotta)
Ame SoeurL’AME SOEUR
Dans une ferme suisse en haute montagne, un couple et leurs deux enfants vivent très isolés, à l’écart du monde. Le père travaille dur et la mère, mélancolique, se réfugie dans la prière. Du coup, c’est Belli, la fille, qui materne et éduque le fils sourd-muet, der Bub (le « bouèbe »). Elle lui apprend, entre autres, à lire et à écrire. Entre le frère et la sœur (qui réalise sa vocation contrariée d’institutrice) s’installe une grande tendresse. Elle est aussi le rempart ultime aux crises inattendues du Bub que les parents n’arrivent plus à contrôler, sinon en réprimandes et privations. Devenu adolescent, le fils se heurte de plus en plus à son père et décide de s’enfuir vers les alpages, dans la montagne aride. Très inquiète, sa sœur le rejoint avec de la nourriture. Dans leur monde pur, originel, seuls, ils deviennent amants. Plus tard, Belli (Johanna Lier) réalise qu’elle est enceinte de son frère. Le père, fou de colère, prend son fusil pour tuer ses enfants incestueux. Le fils (Thomas Nock) se défend. Dans la bagarre, le coup part et le père est mortellement blessé. Devant ce spectacle, la mère a une attaque et meurt également. Après avoir enterré les parents, le nouveau « couple » attend son enfant… dans la maison familiale. En 1985, le cinéaste suisse Fredi M. Murer tourne, avec une équipe réduite, dans le canton d’Uri (où il a grandi du côté d’Altdorf) ce drame d’un inceste montagnard aux accents de tragédie grecque. Léopard d’or au Festival de Locarno de 1985, L’âme sœur est le plus grand succès du cinéaste helvète né en 1940 et connu aussi pour Zone grise (1979) et Vitus (2006). Dans ce huis clos à ciel ouvert, la beauté tranquille, voire l’enchantement pastoral, des paysages élève le quotidien, lui donne une couleur métaphysique. Au sein de cette famille de taiseux bientôt frappée par la tragédie, le réalisateur crée un espace de liberté pour l’épanouissement du langage corporel et cinématographique. Chef-d’œuvre absolu du cinéma suisse, l’envoûtante Ame sœur est à découvrir pour la première fois en Blu-ray dans sa version restaurée ! (Carlotta)
Chambre 666CHAMBRE 666 – CHAMBRE 999
Tournés à quatre décennies d’intervalle lors du Festival de Cannes, Chambre 666 et Chambre 999 s’intéressent à l’avenir du septième art du point de vue des cinéastes d’hier et d’aujourd’hui. Loin de s’appesantir sur une sempiternelle mort annoncée du cinéma, les films de Wim Wenders et de Lubna Playoust offrent de multiples pistes de réflexion et prouvent, s’il fallait en douter, le rôle essentiel des salles obscures dans la société. En mai 1982, pendant le Festival de Cannes (deux ans plus tard, il y remportera la Palme d’or avec Paris Texas), le réalisateur Wim Wenders loue la chambre 666 de l’hôtel Martinez, la dernière disponible. Dans un coin de fenêtre du célèbre palace de la Croisette, et devant une télévision qui diffuse, notamment, le tournoi de Roland-Garros, le dispositif filmique consiste en une caméra fixe et un magnétophone que l’« interviewé » (seul dans la pièce) peut arrêter. Sur une note manuscrite : « Quel est l’avenir du cinéma ? ». Seize cinéastes de nationalités et de notoriétés différentes se succèdent dans la pièce pour y répondre. Ce sont Jean-Luc Godard, Paul Morrissey, Mike De Leon, Monte Hellman, Romain Goupil, Susan Seidelman, Noël Simsolo, Rainer Werner Fassbinder, Werner Herzog, Robert Kramer, Ana Carolina, Maroun Bagdadi, Steven Spielberg, Michelangelo Antonioni et Yilmaz Güney (par l’intermédiaire d’un enregistrement, et présenté par Wim Wenders)… Quarante ans plus tard, Chambre 999, le film de Lubna Playoust, reprend le dispositif créé par Wim Wenders en 82. Seuls dans une chambre d’hôtel, à l’écart de l’agitation cannoise, des cinéastes (James Gray, Audrey Diwan, Rebecca Zlotowski, Albert Serra, Davy Chou, Alice Rohwacher, Asghar Farhadi…) ont carte blanche pour répondre à une question : « Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ? ». Tourné pendant Cannes 2022, le film commence par l’intervention de Wim Wenders qui, en marge du festival 1982, avait demandé à ses confrères leur avis sur l’avenir du cinéma. Wenders répond à la question par l’affirmative – oui, pour lui, le tout-numérique va tuer le cinéma. Son raisonnement pourrait être démoralisant s’il ne rajoutait que, pour lui, la jeune génération a tout de même les armes pour changer le cours des choses. Dans les suppléments, un entretien avec Wenders (21 mn) dans lequel il se souvient des raisons qui l’ont poussé à faire ce film et de la grande diversité des interventions enregistrées, puis parle de la suite tournée en 2022 par Lubna Playoust. (Carlotta)
AntiSquatANTI-SQUAT
Menacée d’être expulsée du logement qu’elle occupe avec Adam, son fils de 14 ans, Inès, ancienne agent immobilier, est recrutée par la société Anti-Squat qui propose d’héberger des personnes dans des bâtiments inoccupés pour les protéger des squatteurs et des dégradations. Son premier client lui confie un immeuble de bureaux. Elle doit recruter les résidents et leur faire respecter des règles strictes : les enfants et les animaux sont interdits, les fêtes sont interdites, il est interdit de s’absenter sans autorisation, etc. En outre, pour s’assurer que tout se passe au mieux, elle doit habiter sur place. Inès se trouve prise en étau entre son employeur qui exige toujours plus de fermeté de sa part et menace de ne pas renouveler son contrat, les résidents qui ont chacun des situations personnelles difficiles et vivent mal les contraintes imposées par Anti-Squat, une entreprise de gardiennage qui supporte mal cette concurrence nouvelle et tente de la déstabiliser, et enfin Adam qui ne comprend pas que sa mère participe à ce qu’il perçoit comme une injustice alors qu’il développe une conscience politique propre. Pour Inès (Louise Bourgoin), les enjeux sont immenses: en période d’essai, elle doit faire ses preuves afin d’obtenir un CDI, qui lui donnera accès à la location de l’appartement dont elle a urgemment besoin. Le film débute par un carton expliquant que la loi ELAN de 2018 a créé un dispositif visant à assurer la protection et la préservation des locaux vacants en les faisant occuper par des résidents temporaires. C’est ce cadre légal qui est exploité par la société fictive Anti-Squat dans le film. Cette disposition, initialement expérimentale, a été pérennisée par la loi n° 2023-668 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, publiée un mois avant la sortie du film. Nicolas Silhol (qui avait traité de l’univers des ressources humaines dans Corporate) a imaginé tourner, dans l’intéressant décor d’un immeuble désaffecté, une œuvre d’anticipation mais il signe une sorte de drame post-apocalyptique douloureux, angoissant et dérangeant où l’on voit le fossé se creuser entre les plus nantis et les autres… (Diaphana)
Pesquet MissionTHOMAS PESQUET – L’INTEGRALE DE LA MISSION PROXIMA
Proxima est une mission de l’Agence spatiale européenne réalisée par Thomas Pesquet (qui a choisi le nom de la mission parmi plus de 1300 propositions reçues dans le cadre d’un concours) lors de son séjour de six mois dans la Station spatiale internationale de novembre 2016 à mai 2017 dans le cadre des expéditions 50 et 51. Le Français de 45 ans contribua à 62 expériences coordonnées par l’Agence spatiale européenne et le Centre national d’études spatiales ainsi qu’à 55 autres expériences des agences spatiales américaine, canadienne et japonaise. Thomas Pesquet effectua des expériences précieuses pour l’Europe dans le laboratoire européen Columbus qui viseront à faire avancer la connaissance du corps humain, la physique et la biologie. Un beau coffret regroupe l’intégrale des documentaires retraçant, au jour le jour, les six mois de mission de l’astronaute français à bord de la Station Spatiale Internationale, depuis les derniers préparatifs avant le décollage jusqu’à son retour sur terre. Des images à couper le souffle, réalisées en grande partie dans l’espace. On y trouve 16 Levers de soleil, le long-métrage (117 mn) de Pierre-Emmanuel Le Goff, sorti en salles en octobre 2018, qui évoque la première mission spatiale de Thomas Pesquet qui, en orbite à 400 kilomètres de la Terre, dresse un parallèle avec l’œuvre de Saint-Exupéry qu’il a emportée dans la station… Egalement, dans le coffret, Thomas Pesquet, L’étoffe d’un héros (long métrage cinéma sur l’entraînement), Thomas Pesquet, L’envoyé spatial et Dans les yeux de Thomas Pesquet au format IMAX familial avec la voix de Marion Cotillard. Outre 80 minutes de suppléments, le CD de la bande originale de 16 Levers de soleil est également disponible dans la version combo DVD/Blu-Ray du coffret. Enfin le coffret collector, lui, reprend l’ensemble des éléments ci-dessus en plus d’un cardboard VR, une réplique de la figurine du Petit Prince emportée dans l’espace par Thomas Pesque, des cartes postales inédites créées à partir des films et un accès notre expérience VR Dans la peau de Thomas Pesquet, premier film en réalité virtuelle tourné dans l’espace. (La Vingt-Cinquième Heure)
RetributionRETRIBUTION
Brillant homme d’affaires américain travaillant à Berlin, Matt Turner circule en voiture pour accompagner ses enfants Emily et Zach à l’école, lorsqu’il reçoit un mystérieux coup de téléphone. Au bout du fil, un inconnu l’informe qu’une bombe est placée sous son siège et qu’elle explosera s’il n’exécute pas rapidement les ordres qu’il s’apprête à recevoir. Si Matt refuse, l’homme s’en prendra à ses proches. Commence alors une course contre la montre pour Matt, qui doit essayer de sauver ses enfants et de comprendre pourquoi cet ennemi lui en veut autant… Le cinéaste américano-hongrois Nimrod Antal (remarqué pour son thriller Kontroll en 2003) signe un thriller d’action, remake du film espagnol Appel inconnu de Dani de la Torre sorti en 2015 et « nominé » à huit reprises aux Goyas, l’équivalent de nos César. Comme l’action se déroule quasi-intégralement dans le cadre confiné de la voiture, le film prend la forme d’un solide huis clos passablement claustrophobique. Seuls quelques personnages évoluent à l’extérieur, Heaver Turner, l’épouse de Matt, ou Angela Brickman, l’agent d’Europol qui finit par s’intéresser à ce véhicule étrange roulant à vive allure et provoquant de nombreux dégâts sur son passage. Bien sûr, le scénario de Retribution fait un peu déjà-vu mais ce divertissement « à l’ancienne », avec un bon suspense, est agréable et efficace. D’autant que le cinéaste filme bien Berlin et ses architectures variées et qu’il peut compter sur l’inoxydable Liam Neeson en monsieur-tout-le-monde s’apprêtant à passer la pire journée de sa vie. (Studiocanal)
Equalizer 3EQUALIZER 3
Dans un vignoble au fin fond de la Sicile, Robert McCall tue le mafieux Lorenzo Vitale et ses sbires pour obtenir une clé du coffre-fort du vignoble et récupérer une mystérieuse cargaison. En quittant le vignoble, Robert est touché dans le dos par une balle tirée par le petit-fils adolescent de Vitale. L’ancien agent des Marines et de la Direction américaine du renseignement va tenter de retourner sur le continent. Mais, en conduisant sur la côte amalfitaine, McCall perd connaissance en raison de sa blessure. Il est secouru par un carabinier local qui le confie à Enzo, le médecin d’Altamonte, une petite ville côtière isolée. L’Américain contacte, à la CIA, Emma Collins (Dakota Fanning) pour la prévenir du rôle du vignoble dans le trafic de drogue illégal déguisé en transactions commerciales normales en Sicile… Mais les membres de la Camorra ne sont pas décidés à se laisser faire… et ils le feront savoir de manière très sauvage. Après un premier Equalizer en 2014 puis un second en 2018, on peut penser qu’Antoine Fuqua, toujours secondé par le scénariste Richard Wenk, achève, ici, sa trilogie… Même si ce n°3 n’a pas démérité au box-office, il est probablement temps. Même si Robert McCall s’est exporté en Europe, le personnage commence quand même à accuser le coup. D’ailleurs, plus marmoréen que jamais, Denzel Washington la joue… fatigué. Longtemps, McCall, évidemment en convalescence après ses blessures, ne semble plus être que l’ombre de lui-même. Mais il ne faut quand même pas le chercher ! Parce que le brave Robert sait donner du gun pour venir au secours de ses amis italiens… (Sony)
Reve DaisyLE REVE DE DAISY
La Cité Sanctuaire, ville majestueuse, multiculturelle et écologique, qui regorge de vie animale et dont l’architecture est inspirée de la nature elle-même, est en effervescence avec la préparation de la Coupe du Monde de la Peur, une sorte de compétition olympique regardée par le monde entier qui accueille les animaux les plus féroces, les plus mortels et les plus effrayants pour se disputer le titre convoité d’Animal le plus Effrayant du Monde. Alors que la Cité n’a pas organisé les Jeux depuis des décennies, elle voit arriver des champions internationaux : des lions, des tigres et… une adorable quokka souriante nommée Daisy. Lassée de la traditionnelle carrière réservée aux quokkas, des petits animaux mignons destinés à apparaître sur les selfies des touristes de sa petite ville côtière, Daisy a un rêve tout autre et diablement ambitieux : devenir l’Animal le plus Effrayant du Monde ! Avec l’aide peu enthousiaste, voire réticente, d’un ancien champion banni de la Cité, un crocodile d’eau salée nommé Frankie Lagrimpe, elle doit relever tous les défis que les célèbres Jeux lui lancent. La Coupe du Monde de la Peur, structurée comme une série de défis sportifs du type Ninja Warrior, exigent intelligence, force, férocité et ténacité pour atteindre le sommet. Daisy sera poussée dans ses retranchements face à un groupe d’animaux vraiment sauvages, déjantés et méchants, dont le terrifiant champion en titre, un dragon de Komodo maléfique du nom de Drago Modo. Daisy affrontera tous ses concurrents, s’efforçant de prouver à la Cité que les vrais champions existent dans toutes les tailles ! (M6)
Salon KittySALON KITTY
Quelques mois après le début de la Seconde Guerre mondiale, le Troisième Reich reprend en mains le plus luxueux des bordels berlinois, le Salon Kitty, dont la vocation n’est plus uniquement de pourvoir aux fantasmes de sa clientèle, mais de lui soutirer des confidences. Surtout lorsqu’il s’agit de dignitaires étrangers, d’hommes d’affaires et d’officiers allemands. Chargé, dans l’ombre, de diriger l’établissement, Wallenberg, un nazi arriviste, sélectionne les filles les plus belles et les plus fanatiques. À la fois prostituées et espionnes, elles remplissent parfaitement leur mission. Du moins jusqu’au jour où l’une d’entre elles, Margharita, tombe amoureuse d’Hans Reiter, un capitaine de la Luftwaffe hostile à Hitler. C’est en 1976 que le réalisateur italien Tinto Brass met en scène ce fleuron de la nazisploitation, « le mauvais genre par excellence ». On devine que le futur réalisateur de Caligula (1979) a aisément mesuré le potentiel de décadence et de dépravation de son sujet. En s’inspirant de faits réels (le salon Kitty fut en effet truffé de micros pour permettre l’espionnage politique sur… l’oreiller), Brass et son scénariste Ennio de Concini distillent la vision glaçante d’une sexualité détraquée… Pour ce faire, ils peuvent s’appuyer sur les beaux décors imaginés par Ken Adam (chef-décorateur sur sept James Bond dans les années 60-70) ou sur la photographie de Silvano Ippoliti. Comme le rapporte Olivier Père dans son ouvrage Tinto Brass, toutes les couleurs de l’érotisme (60 p.) qui accompagne le Digibook Blu-ray, « en imaginant la mort de Wallenberg froidement assassiné sur ordre des SS, victime d’un piège tendu par celles qu’il avait lui-même manipulées et trahies, grâce à son propre« modus operandi » (un enregistrement caché), Tinto Brass fait le choix de l’uchronie et décide de « venger l’Histoire » d’une manière ironique et provocatrice… » Enfin, le film doit beaucoup à son trio vedette : Ingrid Thulin en patronne de bordel, Ann-Teresa Savoy (Margharita) et Helmut Berger (Wallenberg), « capable, selon Visconti, d’incarner mieux que quiconque la perversion ». (Sidonis Calysta)
Lola FrivoleLOLA LA FRIVOLE
Jeune et jolie, l’affriolante Lola est fiancée avec Masetto, le fils du boulanger. Mais elle le trouve un peu vieux jeu, d’autant que le mitron est convaincu qu’ils doivent demeurer vierges jusqu’au mariage. On devine que la charmante Lola n’est pas de cet avis. Lola, qui circule souvent à vélo, histoire de montrer sa culotte blanche alentour, décide de multiplier les entreprises de séduction. Rien n’y fait, Masetto (clin d’oeil au Masetto, fiancée de Zerline, dans le Don Giovanni de Mozart?) résiste ! Lola, décidément frivole, se tourne alors vers André, un homme mûr et séduisant, possédant une solide expérience des aventures érotiques. Ses récits enflamment l’imagination de Lola qui commence à penser qu’il serait peut-être un bien meilleur amant que son Masetto… En 1998, Tinto Brass, aujourd’hui âgé de 90 ans, est en fin de carrière (il tournera encore quatre longs-métrages au début des années 2000) mais il conserve, avec Monella (en v.o.) sa manière délurée et volontiers humoristique de trousser des récits érotiques… Bien sûr, ses histoires ne frôlent pas les sommets du 7e art et Brass n’est pas réputé pour avancer sur la pointe des pieds. Mais il a le don de choisir des comédiennes capables, par leurs formes et leur panache, d’emporter aisément le morceau. On se souvient qu’en 1983, il fit, de Stefania Sandrelli dans La clé, une icône érotique. Ici, c’est la pimpante Anna Ammirati qui s’y colle. Force est de reconnaître qu’elle se sort à son avantage (et avec ses avantages !) de ce porno-soft sans prétention mais joyeusement épicurien. (Sidonis Calysta)

LA DEFAITE D’UN COUPLE, LES AVENTURES D’APU ET LE CINEMA DE JEANNE  

Anatomie ChuteANATOMIE D’UNE CHUTE
Samuel est mort. Son corps git dans la neige au pied du grand chalet alpin dans lequel il s’était installé, il y a un an, avec sa femme Sandra et leur fils Daniel. Mais comment Samuel est-il mort ? A-t-il chuté du haut des combles ? Faut-il chercher une autre explication ? Et s’il s’agissait d’un homicide ? Car Sandra et Samuel n’étaient pas avares de disputes… Sandra, affolée, bouleversée, a appelé les secours. Les enquêteurs ont investi les lieux. Une autopsie a lieu. On parle de traumatisme crânien mais aussi de lésions à la tête antérieures au choc avec le sol. Désormais, l’affaire prend une autre tournure. Et Sandra Voyter fait figure de suspecte. A Vincent Renzi, un vieil ami avocat, Sandra dit fermement : « Je ne l’ai pas tué ! » L’engrenage de la justice s’est cependant mis en branle. La « machine », avec son impressionnant décorum, ne s’arrêtera plus. Mais l’essentiel du propos n’est pas là. Justine Triet le dit bien : « Je souhaitais faire un film sur la défaite d’un couple. L’idée, c’était de raconter la chute d’un corps, de façon technique, d’en faire l’image de la chute du couple, d’une histoire d’amour. » De fait, Anatomie d’une chute est à la fois un authentique film de procès et la fin d’une histoire d’amour vue à travers ses deux protagonistes principaux qui remontent le temps pour faire apparaître leurs blessures, leurs doutes, leurs désastres… La grande force du quatrième long-métrage de Justine Triet, c’est qu’il parvient, avec brio, à nous faire entrer, avec une précision rarement vue au grand écran, dans les arcanes d’un procès d’assises et à nous amener, dans un même mouvement, à partager le cheminement d’une femme accusée d’homicide. Le tribunal est un lieu où l’histoire n’appartient plus aux personnages puisqu’elle est jugée par d’autres qui doivent la reconstituer à partir d’éléments épars et ambigus. Devant ses juges, Sandra est ainsi brutalement mise à nu. Son intimité, sa bisexualité, tout y passe, tout explose, y compris cette utopie magnifique mais très difficile à atteindre qu’est l’égalité dans le couple. Dans le rôle de Sandra tour à tour bouleversante et inquiétante, l’actrice allemande Sandra Hüller est constamment au coeur du propos. Son jeu révèle (ou dissimule) les secrets et les angoisses d’une femme au coeur d’un chaos judiciaire et personnel. Swann Arlaud, comédien « hanté » tout en finesse et en regards, est l’avocat de Sandra. C’est à lui que cette femme, désormais brisée, livrera ce rude constat : « Quand on perd, on perd. Quand on gagne, on espère une récompense. Mais c’est juste fini ». Palme d’or à Cannes, Anatomie… a raflé récemment les prix du Cinéma européen. Une superbe réussite ! (Le Pacte)
 Trilogie ApuLA TRILOGIE D’APU
« Ne pas avoir vu le cinéma de Ray revient à exister dans le monde sans avoir vu le soleil ou la lune… » C’est le grand maître japonais Akira Kurosawa qui parle ainsi de son homologue bengali… En fait, en marge de Bollywood, Satyajit Ray (1921-1992) a fait découvrir au monde le cinéma d’auteur indien grâce à son premier film, La complainte du sentier en 1955. Avec L’Invaincu en 1956 puis Le monde d’Apu en 1959, il réalise une chronique à la profonde beauté de la vie d’Apu, de son enfance dans une famille pauvre du Bengale rural jusqu’à l’âge adulte à Calcutta, au rythme de l’inoubliable musique de Ravi Shankar. Cette trilogie mythique sort, pour la première fois, dans un coffret (trois disques) Blu-ray et dans une superbe restauration 4K. Première œuvre de Ray en 1955, La complainte du sentier (Pather Panchali) raconte la vie d’une famille pauvre dans un village du Bengale occidental, vers 1910. Elle a été obligée de vendre le verger qu’elle possédait. Leur petite fille, Durga, avec la complicité de la vieille femme Indir, de la famille du père, hébergée par eux, continue de prendre des fruits dans le verger. Le père, brahmane, lecteur de textes sacrés, qui travaille à Bénarès, rentre pour la naissance de leur deuxième enfant, Apu. Dans L’invaincu (Aparajito, 1956), nous sommes en 1920, Apu, âgé d’environ dix ans, vit avec ses parents installés à Bénarès, logés dans une ancienne maison au cœur de la ville. Tandis que le père, brahmane, officie sur les ghats sur les bords du Gange, Apu le regarde, observe les gens et la vie en ces lieux où, avec d’autres enfants, il se promène dans les ruelles étroites de la ville… Enfin, en 1959, Ray achève sa trilogie avec Le monde d’Apu (Apur Sansar) dans la Calcutta de 1930 où, Apu, qui vit dans une modeste chambre donnant sur une voie ferrée, doit renoncer à poursuivre ses études. Face aux réclamations pour des mois de loyers impayés, il vend ses livres pour avoir de l’argent et cherche du travail pour payer ses mois de loyer en retard. Pour réconfort, il reçoit une lettre l’informant que sa nouvelle, L’Homme de la terre, sera publiée. Riche de nombreux suppléments dont Satyajit Ray, documentaire-fleuve réalisé en 1985 (137 mn) par Shyam Benegal où l’illustre réalisateur revient en détail sur son parcours, son œuvre et sa vision de la mise en scène, illustrée par de nombreux extraits de films, le coffret est accompagné d’un livret inédit (80 pages) dans lequel Charles Tesson analyse comment les aventures du jeune Apu, adaptées d’un classique en deux tomes de la littérature bengalie, ont ouvert une nouvelle voie aux cinémas de l’Inde. (Carlotta)
Jeanne Moreau CineasteCOFFRET JEANNE MOREAU CINEASTE
Avec Simone Signoret et Romy Schneider, Jeanne Moreau (1928-2017) est l’une des plus grandes actrices du cinéma français. A travers plus de 130 films, dont Ascenseur pour l’échafaud, Les amants, Moderato cantabile, Jules et Jim, Eva, Le journal d’une femme de chambre ou La mariée était en noir, elle a imposé l’image d’une comédienne exigeante et brillante et d’une femme touchée par la grâce. Mais sait-on que l’actrice la plus libre du cinéma français a aussi écrit et réalisé trois films entre 1976 et 1983 ? Restaurés à l’initiative de la Fondation Jeanne Moreau, on découvre pour la première fois dans un coffret Blu-ray, ses deux longs-métrages de fiction ainsi que son moyen-métrage documentaire Lillian Gish. Autant d’attachants portraits de femmes ! Avec Lumière (1976), Jeanne Moreau met en scène le parcours sentimental et professionnel de quatre amies comédienne. Elles vivent intensément et font tour à tour face à différentes préoccupations, en tant que femmes et actrices. Leur solide complicité s’incarne dans la figure centrale de Sarah (Jeanne Moreau, cette fois, devant la caméra), la plus célèbre d’entre elles… Dans L’adolescente (1979), on partage l’été de Marie, 12 ans, qui, comme chaque année, s’apprête à partir, avec ses parents, pour les grandes vacances chez sa grand-mère paternelle (Simone Signoret) dans le centre de la France. Nous sommes en juillet 1939 et l’été de Marie sera marqué par la découverte de l’amour, alors que plane bientôt l’ombre de la guerre… Enfin Lillian Gish (1983) est un portrait-hommage dans lequel la cinéaste part à la rencontre de l’une des stars les plus marquantes du cinéma muet hollywoodien. La vedette d’ Intolérance, Le lys brisé, Naissance d’une nation ou encore La nuit du chasseur revient sur sa carrière depuis ses débuts en 1913 et sur sa passion pour le septième art, guidée par une curiosité insatiable… Le coffret est accompagné d’un livret rédigé par Jean-Claude Moireau, photographe et biographe officiel de Jeanne Moreau, illustré de nombreuses photos des films et enrichi de multiples suppléments sur le tournage de Lumière ou de L’adolescente mais aussi Vive le cinéma !: Jeanne Moreau et Orson Welles (Jacques Rozier, 31 mn) où les deux amis, au cours d’un dîner, se racontent des souvenirs d’enfance et de cinéma ou encore l’interview cannoise réalisée par Jeanne Moreau du réalisateur, producteur et acteur américain Clint Eastwood, alors président du jury du Festival de Cannes 1994. (Carlotta)
Coffret 100 ans WarnerCOFFRET 100 ANS DE LA WARNER
1923-2023 : en cent ans d’existence, la Warner Bros a su imposer sa marque de fabrique : l’ambition artistique des projets et la fidélité aux créateurs. Audacieux depuis toujours dans le choix des thèmes abordés, la Warner réussit à se réinventer au fil du temps et devient l’un des fers de lance du Nouvel Hollywood… Et la firme qui doit son nom aux quatre fondateurs Harry, Albert, Sam et Jack Warner, a su encore se réinventer au tournant du 21e siècle avec des sagas rapidement devenues légendaires. A l’occasion du centenaire, sort un imposant coffret Blu-ray Anniversaire Ultime qui réunit 100 films iconiques du studio. Ce coffret contient quatre collections de 25 films classés par genres : volume 1 Grands classiques, volume 2 Romances et comédies musicales, volume 3 Drames et thrillers, volume 4 Fantastique et science-fiction. Les quatre volumes sont également disponibles à l’achat séparément. A l’affiche : Casablanca ou Rio Bravo, Bonnie & Clyde ou Ben-Hur, Chantons sous la pluie ou Le bal des vampires, Sur la route de Madison ou Eyes Wide Shut, Les hommes du président ou La horde sauvage, Amadeus ou Mystic River, Vol au-dessus d’un nid de coucou ou Joker, 2001 ou Blade Runner, Orange mécanique ou Dune, Shining ou L’exorciste… Pour tout achat du coffret (499,99 euros), est offert un échantillon de pellicule 35 mm, avec certificat d’authenticité, de l’un des films suivants : La mort aux trousses, Les affranchis, Impitoyable ou Matrix. (Warner)
 YannickYANNICK
Sur la scène d’un théâtre parisien, trois comédiens jouent Le cocu, une pièce de boulevard, devant un public plutôt clairsemé. Le texte n’est pas très bon. Et c’est un euphémisme. Les comédiens le donnent mollement, sans y croire. C’est alors que se produit l’inconcevable. Dans les rangées, un type se lève et interrompt le spectacle. Il se prénomme Yannick, vit à Melun et est veilleur de nuit dans un parking. Il a pris un congé pour venir au théâtre. Pour ce faire, il a fait près d’une heure de transport en commun et de marche à pied. Alors, il le dit tout de go. Il n’aime pas la pièce. Il est venu pour se divertir, se changer les idées, oublier un quotidien sans joie. Et quoi ? On lui casse le moral comme jamais. Sur la scène, les trois comédiens sont bouchée bée. Ils se demandent quoi faire, comment réagir. Quentin Dupieux est décidément l’un des cinéastes les plus surprenants du cinéma français. D’abord, parce qu’il fait des films courts, ensuite parce qu’il en réalise beaucoup et enfin et surtout parce qu’il réussit, à chaque fois, à être parfaitement original. Yannick est une pure comédie qui a le mérite de poser la question du spectacle et du public. Et oui, si le public, à l’instar de Yannick, décidait d’intervenir, de donner son avis, de proposer sa propre vision des choses. Bien sûr, Yannick a des arguments « frappants » mais il va contraindre les comédiens, et en premier chef, Paul Rivière, à franchir un seuil, passer un cap, péter lui-même gravement les plombs. Tout cela est intense, rapide, efficace et très drôle. Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne sont drolatiques. Dupieux a écrit Yannick pour le plaisir de diriger Raphaël Quenard auquel il permet une composition mémorable. On se régale ! (Diaphana)
 Mission CleopatreASTERIX ET OBELIX – MISSION CLEOPATRE
L’histoire commence il y a bien longtemps, à Alexandrie (ou en Alexandrie, on peut dire les deux…) Jules César défie Cléopâtre de lui construire un palais en trois mois. Délai impossible à tenir pour Numérobis, l’architecte égyptien. Son seul espoir : Panoramix et sa potion magique. Avec Astérix, Obélix et Idéfix, nos héros vont devoir déjouer les plans du vil Amonbofis, l’architecte rival, jaloux de ne pas avoir été choisi… En 2001, Alain Chabat réalise la deuxième adaptation des aventures d’Astérix et Obélix sur grand écran. Ce nouveau volet est un triomphe avec presque quinze millions d’entrées. Sur les cinq adaptations réalisées à ce jour, l’Astérix de Chabat détient le record du box-office. Crépitant de vannes et de blagues scandées par un casting cinq étoiles, ce film-culte qu’on ne se lasse pas de revoir, a été rénové en totalité et en 4K. Après une ressortie en salle l’été dernier (plus de 400 000 spectateurs dans les salles), voici les aventures de l’inoxydable Gaulois disponible dans deux éditions : un coffret collector limité et numéroté ainsi qu’un Steelbook inédit contenant l’affiche de la ressortie en version rénovée 4K, un jeu inédit en forme de course contre le sablier pour construire le Palais à temps ! Plus de 450 questions sur le film, des défis, de bonnes ou mauvaises situations et même des trucs pointus (pour les experts en Mission Cléopâtre) ! En bonus, un documentaire sur la restauration du film (inédit), le commentaire audio d’Alain Chabat, le making of – « Le Comankonafé » -, des scènes inédites et le director’s cut… Pour finir, disons-le simplement, Mission Cléopâtre est le meilleur de tous les films sur Astérix ! (Pathé)
 Joanna HoggINTEGRALE JOANNA HOGG
Née à Londres en 1960, Joanna Hogg grandit dans une ville du Kent. Elle travaille comme photographe pendant quelques années avant d’intégrer la National Film and Television School dans les années 80. Elle travaille pendant vingt ans pour la télévision et la vidéo, avant de réaliser son premier film en 2007 avec Unrelated qui évoque Le rayon vert (1986) d’Eric Rohmer et offrira à Tom Hiddleston son premier rôle au grand écran avant de devenir célèbre en incarnant Loki, un super-méchant de l’univers Marvel. En 2019, elle réalise The Souvenir, un film autobiographique qui traite de l’emprise et de la relation toxique vécue lorsqu’elle était étudiante. Et, en 2022, elle met en scène, tel une mise en abyme, The Souvenir II qui suit Julie, étudiante en cinéma qui réalise son film de fin d’études, alors qu’elle sort tout juste de sa relation toxique. Dans les deux Souvenir, la cinéaste retrouve sa compatriote Tilda Swinton. Pour la première fois, Joanna Hogg se dévoile dans un coffret (trois dvd) reprenant l’intégralité de sa filmographie. Une carrière unique, pour une cinéaste avant-gardiste de l’introspection dont les discrets personnages, souvent en retraite, observent le monde autour d’eux. De cette réalisatrice ovationnée par ses pairs, on découvre aussi Archipelago (2010), Exhibition (2013) et The Eternal Daughter (2022) dans lequel Julie et sa mère âgée séjournent dans un hôtel de la campagne anglaise. Réalisatrice en plein doute, elle espère y retrouver l’inspiration. Sa mère est déjà venue dans sa jeunesse dans cet hôtel. Julie est saisie par l’étrange atmosphère des lieux où les couloirs sont déserts, la standardiste a un comportement hostile, et son chien n’a de cesse de s’échapper. La nuit tombée, les circonstances poussent Julie à explorer le domaine. Elle est alors gagnée par l’impression tenace qu’un indicible secret hante ces murs. (Condor)
Le ColibriLE COLIBRI
Une superbe villa, au bord de la mer… Début des années 70. C’est là que la famille Carrera passe ses vacances. Ce soir-là, les parents sortent dîner avec des amis. Leurs grands enfants, Marco, Giacomo et Irène, restent à la maison. Giacomo, l’alcool aidant, est effondré sur le sofa. Irène, qui souffre de problèmes mentaux, écoute de la musique. Marco, lui, doit retrouver discrètement Luisa, une jeune Française dont il est tombé amoureux. C’est un amour qui ne sera jamais consommé mais qui ne s’éteindra jamais… Mais, cette nuit-là, la tragédie survient… L’Italienne Francesca Archibugi adapte le best-seller éponyme de Sandro Veronesi paru en 2019. Au centre du livre comme du film, apparaît le personnage-pivot de Marco Carrera, un homme qui a un problème, non pas de courage, mais d’intégrité, de rectitude morale. Il crée le désastre en voulant le bien. « Il n’est pas en capacité, dit la cinéaste, de comprendre la portée de ses actes : on ne peut pas conserver en soi, comme prisonnier d’un coffre-fort ou d’un donjon, un tel sentiment amoureux, sans que cela mène à la catastrophe. » Grand mélodrame qui charrie un mäelstrom de sensations émouvantes, le film s’attache à un homme qui explose de désir contenu. Le sexe, c’est le désordre et il ne rêve que d’ordre. Cependant, lors d’une soirée de poker, Marco (l’excellent Pierfrancesco Favino) va comprendre qu’il n’est pas obligé de suivre les règles du jeu… (Orange Studio)
The HostTHE HOST
A Séoul, Park Gang-du tient un petit snack décrépi qui vend des calamars grillés au bord de la rivière où il vit avec sa famille, dont sa fille adorée Hyun-seo. Un jour, un monstre géant surgit des profondeurs de la rivière et attaque la foule. Gang-du tente de s’enfuir avec sa fille, mais elle est enlevée brusquement par le monstre, qui disparaît au fond de la rivière. La famille Park décide alors de partir à la recherche de la créature, pour retrouver Hyun-seo… D’autant qu’il reçoit un appel téléphonique de Hyun-seo, qui lui dit qu’elle est coincée quelque part dans les égouts avec la créature avant que son portable s’arrête de fonctionner… Remarqué en France avec Memories of Murder (2003), un polar ironique et très maîtrisé qui prenait brillamment ses aises avec le genre, Bong Joon-ho conserve son ironie mordante pour s’attaquer au film de monstre. Et il a frappé fort dans son pays, The Host établissant un record absolu avec 14 millions de spectateurs ! Il est vrai que la mise en scène est simplement époustouflante, les effets spéciaux épatants et le cinéaste n’oublie pas, tout en se régalant des codes du genre, de distiller un discours autour d’une machination politique et des risques écologiques. Car c’est bien le déversement dans le fleuve Han d’un produit très toxique qui a donné naissance au monstre… Cette très belle édition (en version restaurée 4K) sort, avec en suppléments, notamment le storyboard complet de 334 pages en coréen et traduit en anglais et français, Histoire(s) de famille, un documentaire exclusif (52 mn) réalisé par Jésus Castro qui revient sur The Host quinze ans plus tard, la masterclass donnée par Bong Joon-ho au Grand Rex en février 2023, des documents sur le tournage etc. The Host a été présenté en 2006 à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes. Bong Joon-ho reviendra sur la Croisette en 2019 pour rafler la Palme d’or avec Parasite ! (The Jokers)
 Voie RoyaleLA VOIE ROYALE
Brillante lycéenne, Sophie Vasseur, encouragée par son professeur de mathématiques, quitte la ferme familiale installée dans le Rhône pour suivre une classe préparatoire scientifique à Lyon. De succès en échecs, face à une compétition acharnée où tous les coups sont permis (ou presque), la jeune fille réalise que son rêve, en l’occurence intégrer Polytechnique, représente plus qu’un concours… un vrai défi d’ascension sociale. Après Complices (2008) et Moka (2016), le Suisse Frédéric Mermoud s’inscrit dans le genre du film d’apprentissage pour détailler le « chemin de croix » d’une jeune fille très douée qui décide de laisser derrière elle l’élevage de porcs de sa famille pour aller vers les grandes écoles. Révélée, en 2021, dans Les choses humaines d’Yvan Attal, Suzanne Jouanet incarne une bûcheuse qui s’avance, avec courage et ténacité, dans un système impitoyable. Mais le cinéaste, en cultivant une écriture à la fois romanesque et réaliste, ne fait jamais de Sophie, une victime. De par son parcours et ses racines, Sophie est moins consciente de certains enjeux sociaux que ses condisciples qui comprennent mieux qu’elle l’échiquier social et maîtrisent les codes qui le régissent. Sophie est elle-même son premier obstacle. Mais elle va chercher à bousculer ce qui lui semble prédestiné… Un film social aussi intelligent que son personnage central. (Pyramide)
BugBUG
Serveuse solitaire au passé tragique, Agnès loge dans un vieux motel peu fréquenté au bord d’une route perdue dans l’immensité de la plaine américaine. Elle vit dans la peur de Jerry Goss, son ex-mari violent qui vient d’être libéré sur parole. Par l’entremise d’une collègue, elle rencontre Peter, un nouveau client du bar. Agnès (Ashley Judd) retrouve espoir en esquissant une romance avec cet homme calme, excentrique et mystérieux, jusqu’à ce qu’il lui révèle que des insectes particulièrement rares s’introduisent sous sa peau… En 2006, alors qu’il est sur la fin de sa carrière (il ne tournera plus que deux films après Bug), William Friedkin, célèbre autant pour French Connection (1971) que pour L’exorciste (1973), met en scène un thriller adapté de la pièce de théâtre éponyme écrite en 1996 par Tracy Letts qui signe également le scénario du film. Ce drame doit beaucoup au personnage de Peter, cet ancien militaire (Michael Shannon, mystérieux à souhait) avec lequel Agnès se sent en sécurité au point d’accepter d’entrer dans son univers auto-destructeur… Une histoire allégorique sur le couple et une renaissance par l’amour… (Metropolitan)
HypnoticHYPNOTIC
Inspecteur au département de police d’Austin, Danny Rourke fréquente une ergothérapeute à laquelle il parle de l’enlèvement de sa fille Minnie, âgé de 7 ans, survenue il y a quelques années. Malgré la médiatisation de l’affaire et l’arrestation d’un suspect, son corps n’a jamais été retrouvé et cela a par ailleurs provoqué le divorce de Danny avec sa femme Viv. Reconnu apte à un retour au travail, Danny retrouve ensuite son partenaire, Randy Nicks. Leur service a été informé de manière anonyme que le coffre-fort d’une banque d’Austin va être cambriolé dans la journée. Alors que la police surveille les lieux, ils voient un mystérieux homme donner des instructions aux civils sur place, aux employés de banque et même à des policiers. Tous ont ensuite des comportements étranges dès que les braqueurs arrivent dans la banque. Dans le coffre-fort ciblé, Danny retrouve une photo de Minnie avec le message « Trouve Lev Dellrayne ». Réalisateur de Desperado (1995), Une nuit en enfer (1996) ou Sin City (2005), Robert Rodriguez signe, avec Ben Affleck en tête d’affiche, un solide thriller d’action qui multiplie les péripéties autour d’un mystérieux et délirant programme gouvernemental secret pouvant influencer le comportement et les agissements d’autrui… (M6)
Boris Vian CinemaBORIS VIAN FAIT SON CINEMA
À la fois écrivain, poète, parolier, chanteur, musicien, scénariste et acteur, Boris Vian est un artiste aux multiples talents. Bien qu’il ait toujours entretenu une relation passionnée avec le cinéma, il n’a jamais eu l’occasion de passer derrière la caméra. Avec Boris Vian fait son cinéma, voici une collection de courts-métrages, tous inspirés ou adaptés de scénarios du célèbre écrivain. Dès l’âge de six ans, Vian se passionne pour cet art naissant encore muet. Sous l’Occupation, alors que le jeune écrivain n’a encore rien publié, il s’essaye à composer ses premiers scénarios. Sa rencontre avec Raymond Queneau et le cinéaste Pierre Kast en 1945 va déboucher sur de vrais projets, dont hélas aucun n’aboutira. Pourtant, il reste fasciné par le 7e art : il participe à l’écriture de nombreux scénarios, fait de la figuration aux côtés de Jean Marais et Jeanne Moreau, et va même jusqu’à fonder une société de films ! Des décennies plus tard, les nouveaux talents de la scène française reprennent ses scénarios et les adaptent sous forme de court-métrages. Chaque film court est accompagné de la reprise d’une chanson de Boris Vian, rassemble de nombreux comédiens connus (Audrey Fleurot, Lou de Laâge, Hugo Becker, Claude Perron, Jean-François Galotte, Annelise Hesme) et respire le goût très vianesque de l’insolite, du rêve et de l’humour. Entre satire sociale, thriller, romance ou chronique parisienne, chacun de ces films illustrent une facette différente de l’artiste rappellent les trésors de fantaisie, d’inventivité et de liberté d’esprit de Vian. (Blaq Out)
 Silent LandSILENT ISLAND
Adam et Anna, charmant couple polonais, a loué une belle villa sur une île italienne, histoire de profiter pleinement d’un farniente ensoleillé. Mais ils déchantent en découvrant leur villégiature car la piscine est vide… Le loueur leur conseille d’aller se baigner dans la mer toute proche. Mais après avoir tergiversé, il envoie un ouvrier pour faire des travaux. Hélas, celui-ci se tue en tombant dans la piscine. Confrontés à la police et ne s’exprimant pas en italien, Adam et Anna perdent pied d’autant que les autorités se demandent s’ils sont intervenus pour porter secours… La cinéaste polonais Aga Woszczyńska s’empare d’un cadre paradisiaque pour sonder les secrets et les troubles d’un couple tandis qu’affleurent des questions et des fissures inattendues. D’autant que la présence d’un étranger -l’ouvrier réparateur- amplifie le sentiment d’insécurité d’Adam (Dobromir Dymecki) et d’Anna (Agnieszka Zulewska). Tandis que le couple tente de retrouver une existence normale en rencontrant un moniteur de plongée (Jean-Marc Barr) et en se livrant à des activités nautiques, un sentiment d’étrangeté permanent s’installe dans leur existence… On peut se demander si la cinéaste a été marquée par le cinéma de Michael Haneke ou par la trilogie Paradis d’Ulrich Seidl… En tout cas, Silent Land, jusqu’à son dénouement fantastique, est une aventure intime sur un couple en crise bien menée et qui réussit à distiller une atmosphère tour à tour angoissante et mystérieuse. (The Jokers)
Bete JungleLA BETE DANS LA JUNGLE
En s’inspirant librement de la nouvelle éponyme d’Henry James paru en 1903, le cinéaste autrichien Patric Chiha donne un voyage hypnotique à travers la musique et le temps en racontant l’histoire d’une errance en suspension : celle d’un couple d’amis, qui durant 25 ans, se retrouve tous les samedis dans une immense boîte de nuit à attendre un obscur événement, tout en tissant une romance obsessionnelle au rythme des époques musicales. Sélectionné au festival de Berlin, La bête dans la jungle est une expérience fascinante et unique par le son et l’image. Tandis que le monde réel change autour des protagonistes, la boîte de nuit devient une véritable capsule temporelle où la vie s’écoule comme dans un rêve. Un endroit hors du temps où les corps se font sensuels, langoureux, dans une insouciance purement juvénile. Le cinéaste peut compter, pour porter un récit magnétique, sur des interprètes incandescents avec Anaïs Demoustier (à l’affiche au cinéma, actuellement, dans Le temps d’aimer) à la beauté glamour et Tom Mercier, taciturne et mystérieux. Ils incarnent jusqu’à l’envoûtement deux êtres pris dans une relation unique et fusionnelle, mais passant à côté de leur vie, car bloqués dans une attente angoissée. Dans le rôle de la physionomiste du club, Béatrice Dalle est ténébreuse à souhait. (Blaq Out)
 Orgueil PassionORGUEIL ET PASSION
En 1811, les armées napoléoniennes se battent, depuis de longs mois, contre les Espagnols. Les Anglais, alliées des Espagnols, ont envoyé sur place le capitaine Anthony Trumbull avec pour mission de de s’emparer d’un gigantesque et puissant canon abandonné par l’ennemi. Tandis que la guerre gagne encore en intensité, Trumbull rencontre Miguel, le chef de la guérilla, ainsi que sa maîtresse Juana. En dépit de leur rivalité amoureuse et de stratégies différentes, Trumbull et Miguel se dressent avec détermination contre les troupes de l’empereur, parvenant à leur arracher le canon et à libérer la cité d’Avila. En 1957, l’Américain Stanley Kramer signe son second long-métrage en adaptant The Gun, un roman écrit en 1933 par Cecil Scott Forester. Le cinéaste (qui deviendra célèbre avec La chaîne (1958), Jugement à Nuremberg (1961) et Devine qui vient dîner (1967) donne une superproduction historique qui bénéficie d’une belle tête d’affiche avec Cary Grant, Frank Sinatra et Sophia Loren. (Sidonis Calysta)
 Sous TapisSOUS LE TAPIS
Odile se prépare à fêter son anniversaire. Alors que ses enfants et petits-enfants sont en route pour la soirée, Jean, son mari, décède brutalement. Incapable de faire face à cette réalité, elle le cache sous son lit… Comment réagir face au décès d’un proche ? Le deuil est au cœur de la première réalisation de l’actrice Camille Japy, (vue dans Alceste à bicyclette de Philippe Le Guay), qui entre au sein d’une famille où les secrets sont bien gardés. Comédie dramatique drôle, légère et audacieuse, Sous le tapis apporte un regard tout en délicatesse, sur la façon d’apprivoiser la mort. À la fois lumineux, subtil et émouvant, le film transporte le spectateur dans un véritable ascenseur émotionnel, le faisant passer du rire aux larmes en un instant. Les personnages ont, chacun, leurs propres réactions face au déni de deuil, à l’acceptation digne, au deuil festif ou encore face aux attitudes innocentes des enfants… La cinéaste peut s’appuyer sur un bon casting avec Ariane Ascaride et Bérénice Béjo dans un duo mère-fille tout en finesse, plein d’amour et de non-dits. Sur un musique de Matthieu Chedid, un hymne à la vie sur la force réparatrice de l’amour et des liens familiaux… (Blaq Out)
 Tournesols SauvagesLES TOURNESOLS SAUVAGES
Jeune Barcelonaise, Julia est tombée amoureuse d’Oscar, un garçon passionné et conflictuel qui vient de sortir de prison. Oscar oscille continuellement entre un amour ravi, des explosions de violence et un retour à l’amour aveugle. Une nuit, après une dispute de jalousie, tout se termine par une scène de violence conjugale. Quelques jours plus tard, Julia (Anna Castillo) décide de revenir vers Marcos, le père de ses trois enfants, jeune militaire affecté à Melilla, une enclave espagnole au Maroc. Quelques mois heureux s’écoulent avant que tout ne retourne à l’apathie et à une nouvelle séparation. Enfin, Álex, un ancien ami du lycée, devient son nouveau partenaire. En relatant, en 2022, la vie amoureuse de la solaire Julia découpée en trois parties dont chacune porte le nom d’un homme (Oscar, Marcos et Alex), le cinéaste espagnol Jaime Rosales, volontiers présenté comme le cousin ibérique de Michael Haneke, « livre le portrait empathique d’une fille tournesol, cherchant à se tourner vers un vrai soleil ». (Condor)
Continent Hommes PoissonsLE CONTINENT DES HOMMES POISSONS
Après le naufrage d’un navire qui se dirigeait vers le bagne de Cayenne avec une cargaison de déportés, le lieutenant Claude De Ros a la chance avec quelques-uns d’entre eux de gagner une île mystérieuse. Alors qu’ils recherchent de quoi manger, Claude et deux de ses compagnons tombent entre les mains d’Edmond Rackham, étrange personnage qui vit dans une villa de style colonial, protégé par Shakiva, une sorcière vaudou, chargée de surveiller la séduisante Amanda. De Ros comprend qu’il doit son salut au fait qu’il est médecin et qu’on lui confie la tâche de maintenir en vie le professeur Marvin, spécialiste en biologie et père d’Amanda. Attaché à Amanda, Claude découvre les laboratoires où Marvin a réussi à créer des créatures, croisement génétique entre les hommes et les poissons. Ceux-ci doivent récupérer un trésor enseveli dans les profondeurs souterraines de l’île. Sur fond d’Atlantide, l’Italien Sergio Martino tourne, en 1979, cette série Z de science-fiction dans laquelle on croise Joseph Cotten, le héros avec Orson Welles, du Troisième homme et, dans le rôle d’Amanda, Barbara Bach qui, fut en 1977, la Bond Girl de L’espion qui m’aimait… D’un autre maître italien du cinéma bis, en l’occurrence Lucio Fulci, Artus Films sort également Murder Rock (1984) dans lequel le propriétaire d’une prestigieuse école de ballet de New-York s’allie avec un mannequin masculin pour l’aider à résoudre une ténébreuse série de meurtres parmi ses étudiantes. (Artus Films )
Douce Nuit Sanglante NuitDOUCE NUIT, SANGLANTE NUIT
Enfants, Billy et Ricky ont assisté au meurtre de leurs parents par un criminel en cavale déguisé en Père Noël. Devenu adulte, Billy travaille dans un magasin de jouets. Un jour, il doit revêtir un costume de Père Noël. Les traumatismes du passé ressurgissent alors soudainement… Il se déguise en Père Noël pour tuer les personnes qu’il juge « vilaines », à commencer par la mère supérieure dont il fut le souffre-douleur pendant ses années passées à l’orphelinat… Sorti au cinéma en novembre 1984, le film de Charles E. Sellier Jr. rencontra un joli succès en salles avant de voir sa carrière rapidement stoppée. Son distributeur le déprogramma sous la pression de nombreuses associations de parents d’élèves. Bien qu’amputé de quelques minutes, le film fit scandale, accusé par l’Amérique conservatrice de dévoyer l’image du Père Noël en le montrant comme un serial-killer. Le thème servira ensuite à plusieurs reprises dans d’autres films… Fleuron de l’âge d’or du slaher, Silent Night, Deadly Night se place du point de vue du tueur et multiplie, avec imagination, les meurtres… Le film sort pour la première fois en HD et en version non censurée. Il est accompagné d’un livret (24 p.) sur la genèse de cette aventure. (Rimini Editions)
 Peche VenielPECHE VENIEL
Dans la station balnéaire de Versilia où il est en vacances,  le jeune Sandro, les hormones en effervescence, passe son temps à feuilleter des revues érotiques et à observer les filles sur la plage. Son frère ainé contraint de s’absenter, il porte toute son attention sur Laura, sa belle-sœur, une femme très attirante dont il est chargé de prendre soin. Sandro va se montrer fort attentionné à l’égard de la belle Laura… Ah, il faut le reconnaître, la plastique de Mademoiselle Antonelli est parfaite. On comprend aisément que Salvatore Samperi, l’un des maîtres de la comédie érotique italienne, ait voulu surfer sur le succès de Malicia (1973) qui rassembla plus de onze millions de spectateurs dans les salles italiennes. Un public qui vit naître, sur le grand écran, l’un des sex-symbols du cinéma transalpin. En 1974, il donne à nouveau Alessandro Momo pour partenaire à Laura Antonelli. On sait évidemment à quoi s’attendre dans le registre érotico-humoristico-matteur… (Sidonis Calysta)
 Malicia 2000MALICIA 2000
Riche oisif de la soixantaine, Ignazio La Brocca coule des jours heureux dans sa belle villa sicilienne avec Angela, son ancienne bonne devenue son épouse. Le jour où un jeune architecte s’y installe avec son fils Jimmy âgé de quinze ans, l’harmonie du couple se fissure. L’adolescent tombe sous le charme de la belle maîtresse des lieux et, pour la séduire, redouble d’imagination. S’il réussit à sortir son mari de sa maison en pleine nuit pour arriver à ses fins, il ne s’attendait pas à que ce soit son père qui profite des faveurs d’Angela. Aussi rusé qu’amoureux, Jimmy n’a pas dit son dernier mot… Malicia (1973) fut (voir plus haut) un imposant succès en Italie. En France, le film réunit aussi plus d’un million et demi de spectateurs. Comme les producteurs pensent que le succès appelle le succès, on décida donc, en 1992, de donner une suite à Malicia. Salvatore Samperi est toujours à la caméra et Laura Antonelli de la partie. Il manque Alessandro Momo qui s’est tué, à moto, en 1974, quelques mois après la sortie de Péché véniel. Fallait-il remettre le couvert autour des émois d’un adolescent devant une belle femme mûre ? On se doute de la réponse… Quant à la malheureuse Laura Antonelli, elle eut à souffrir de la chose. Pendant la préparation du film, un chirurgien esthétique pratiqua une injection de collagène sur son visage afin de masquer des rides. Hélas, l’injection provoqua une violente allergie qui lui laissa de lourdes séquelles… (Sidonis Calysta)

LE TUEUR GLACIAL DE MELVILLE ET L’HIVER RUSSE DE BONDARTCHOUK  

SamouraiLE SAMOURAI
« Il n’y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï si ce n’est celle du tigre dans la jungle, peut-être… » Cette citation, prétendument issue du livre du Bushido mais écrite par Melville lui-même, s’inscrit au générique du film. Dans sa chambre aux murs gris, dont la sobriété monacale n’est troublée que par un petit oiseau en cage, Jef Costello se prépare à sa prochaine mission. Le tueur à gages solitaire doit liquider le patron d’une boîte de jazz. Soigneusement, Costello exécute son coup. Dans le club, personne ne le remarque sauf la pianiste qui le croise alors qu’il quitte la scène du crime… Arrêté pour vérification d’identité, il est relâché grâce à un solide alibi mis au point avec sa maîtresse Jane (Nathalie Delon). Pourtant persuadé que Costello est bien son homme, le commissaire de police (François Périer) n’entend pas le lâcher… Référence absolue du cinéma melvillien, du film noir et même du cinéma tout court, Le samouraï, écrit expressément pour Delon, est un chef-d’œuvre du 7e art qui a influencé et continue d’influencer des générations de cinéastes. Sorti en 1967, Le samouraï est le premier des trois films tournés par le duo Delon/Melville. Suivront Le cercle rouge (1970) et Un flic (1972). Le cinéaste avait très tôt repéré Delon et travailler avec lui avait tourné quasiment à l’obsession. Au-delà de sa place dans le 7e art, Le samouraï marque la rencontre entre deux monstres sacrés. Devant un metteur en scène passionné par la direction d’acteurs, Delon excelle à donner vie à un fascinant personnage impassible, inhumain et inaltérable. Dans sa chambre délabrée, enfilant son imper et lissant son chapeau feutre d’un geste lent, Jeff Costello, homme mystérieux, fermé, taciturne, impose pour toujours la figure du tueur froid, habité par aucune haine et aucun sentiment… Ce polar dépouillé et glaçant, sombre et énigmatique sort dans une nouvelle version 4K restaurée et présenté dans un coffret collector limité et numéroté à 1000 exemplaires. Le thème de la solitude qui traverse toute l’œuvre de Melville n’avait jamais été traité avec autant de rigueur. En faisant preuve d’une maîtrise formelle tant pour la mise en scène, le montage que l’esthétique, le réalisateur signe un polar poétique et blême d’une cruelle beauté. (Pathé)
Guerre PaixGUERRE ET PAIX
Alors que le Napoléon de Ridley Scott fait l’actualité dans les salles obscures, on retrouve aussi, en coffret collector, Guerre et paix, l’adaptation cinématographique soviétique du roman de Léon Tolstoï mise en scène par Sergueï Bondartchouk et sortie sur les écrans en 1966-67. L’histoire se déroule entre 1805 et 1820. Alors que Napoléon mène sa Grande Armée toujours plus loin en Russie, la vie continue pour l’aristocratie à Moscou avec ses mondanités et ses petits scandales. La bataille de la Moskova sera un carnage épique. Moscou est dévorée par les flammes. La retraite en hiver, soumise aux attaques des Cosaques, est un calvaire pour les troupes de l’empereur. À travers une épopée lyrique et étourdissante, cette fresque historique retrace, en quatre épisodes, l’histoire de deux familles de l’aristocratie russe bouleversée par la guerre. Tirant son origine du Guerre et paix (1956) de l’Américain King Vidor (qui connut un imposant succès dans les salles russes avec plus de 31 millions de spectateurs), le film est, à l’instar du livre, divisé en quatre parties totalisant 484 minutes (8h04) dans sa version longue. Œuvre cinématographique monumentale, le film est réputé pour la hardiesse de sa forme, la richesse des thèmes abordés (analyses psychologiques, éthiques, esthétiques, métaphysiques, géopolitiques, historiques) et la brillante complexité de son architecture. Le coffret contient d’abondants suppléments avec notamment le résumé de chaque épisode par Joël Chapron, spécialiste des cinématographies d’Europe de l’Est, des entretiens autour de la production du film et son réalisateur, le making of du film (30 mn, Mosfilm, 1969), un livre de 156 pages ou encore un portrait (dans l’émission Les Soviétiques (28 mn, 1968) de la comédienne russe Lioudmila Savelieva qui incarne le personnage principal de Natacha Rostov. Notons qu’avec humour, l’éditeur observe, dans sa communication, que le Napoléon de Scott utilisa mille figurants tandis que Bondartchouk (le film remporta l’Oscar du meilleur film étranger en 1969) oeuvra avec 100.000 figurants… (Potemkine)
Hello Actors StudioHELLO ACTORS STUDIO
À l’occasion de son 40e anniversaire, l’Actors Studio, le mythique laboratoire américain pour acteurs professionnels, a ouvert ses portes à Annie Tresgot, monteuse (notamment pour Jean Rouch) et réalisatrice française reconnue de documentaires, notamment sur Elia Kazan ou Billy Wilder. Hello Actors Studio (réalisée en 1987) est une plongée passionnante au cœur de la vénérable institution new-yorkaise, fondée en 1947 par des anciens membres du Group Theatre souhaitant diffuser la méthode d’interprétation dérivée de Stanislavsky. Paul Newman, Ellen Burstyn, Sydney Pollack, Shelley Winters, Arthur Penn, Gene Wilder, Robert De Niro et bien d’autres encore parlent de ce lieu atypique, véritable écrin de liberté et de création. Le film est constituée de trois épisodes : L’atelier des acteurs (58 mn), Une solitude publique (57 mn) et Une communauté de travail (56 mn). Hello Actors Studio est disponible pour la première fois dans sa nouvelle restauration… (Carlotta)
Master GardenerMASTER GARDENER
Narvel Roth est un type sombre, à l’allure raide, au regard inquisiteur et quasiment inquiétant. Il œuvre comme horticulteur dans la propriété de la très raffinée Mme Haverhill. Alors qu’ils préparent une grande exhibition florale, Norma Haverhill (Sigourney Weaver) demande un service à Narvel. Qui sait bien qu’il ne pourra pas dire non à son employeuse. Celle-ci lui demande de prendre sa petite-nièce Maya (Quintessa Swindell) comme apprentie… Bientôt le chaos s’installe car Narvel se retrouve déchiré entre deux femmes, l’une assez vieille pour être sa mère, l’autre assez jeune pour être sa fille. Paul Schrader (scénariste de Taxi Driver ou de Raging Bull (1980) pour Scorsese ou réalisateur de Blue Collar (1978), American Gigolo (1980) ou Mishima (1985) revient agréablement dans la lumière avec une réflexion sur un être très solitaire en quête de rédemption. Il s’intéresse à la dimension « toxique » d’une liaison entre Narvel et Norma qui signale par un « Mon trésor », le moment où elle souhaite « consommer » son jardinier. Ensuite, le film prend une tournure plus conventionnelle lorsque Narvel (Joël Edgerton) décide, en retrouvant ses réflexes criminels (lorsqu’il retire son t-shirt, ses tatouages ne laissent aucun doute sur son passé), de tirer Maya des griffes de dealers. (The Jokers)
Inferno RossoINFERNO ROSSO
Le Romain Aristide Massaccesi (1936-1999), connu sous le pseudonyme Joe D’Amato, est généralement considéré comme le cinéaste italien le plus prolifique de tous les temps, avec plus de 200 films réalisés, produits et photographiés. Maître du cinéma d’exploitation, D’Amato a souvent choqué (provoquant du coup les foudres de la censure) avec, par exemple, Viol sous les tropiques (1977) qui met en scène une journaliste prénommée Emanuelle découvrant un cas troublant de cannibalisme sur une jeune fille dans la forêt amazonienne ou encore Blue Holocaust (1979) qui traite de nécrophilie… Manlio Gomarasca, ardent défenseur du cinéma bis italien, et Massimiliano Zanin, auteur, en 2013, d’un documentaire sur le réalisateur Tinto Brass, se penchent, ici, sur un monument du cinéma et un artisan stakhanoviste de la pellicule souvent perçu comme un « roi du porno » ou, au mieux, un petit tâcheron de films bis. Ils ont choisi de raconter Joe D’Amato comme un personnage aux mille vies et autant d’histoires qui passent de l’érotisme soft – puis hard – au gore, et du cinéma post-apocalyptique à un retour forcé au porno. Ils ne traitent pas les périodes western et péplum, Le documentaire d’environ une heure donne aussi la parole, avec forces anecdotes et souvenirs, à des amis, des parents, des confrères, voire des fans… On découvre ainsi le parcours d’un autodidacte curieux de tout (qui fut assistant de Godard et Lizzani) qui se voulait artisan et dont le Strasbourgeois Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque française, dit « qu’il filme comme il respire »… Un cinéaste qui n’a jamais connu la reconnaissance de son vivant et qu’on (re)découvre ici avec intérêt. (Le Pacte)
Silver HazeSILVER HAZE
Aujourd’hui âgée de 23 ans, Franky soupçonne Jane, la meilleure amie de sa mère, d’avoir mis le feu au pub où elle dormait lorsqu’elle était enfant. Elle cherche à se venger. Lorsqu’elle rencontre Florence, une jeune fille dont elle tombe éperdument amoureuse, elle s’enfuit de chez elle. C’est dans une atmosphère british et dans le style du cinéma social anglais que la cinéaste hollandaise Sacha Polak installe son action qui tourne autour de personnages endurcis et profondément blessés. Dans le rôle de Franky, l’infirmière d’hôpital capable et pleine de compassion, la cinéaste retrouve Vicky Knight, comédienne non-professionnelle qui tenait déjà avec talent la vedette dans Dirty God (2019). Parmi les patients que suit Franky, se trouve Florence (Esmé Creed-Miles) en convalescence après une tentative de suicide. Lorsque les deux femmes deviendront amantes, c’est Florence qui fournira à Franky, avec sa maison de Southend-on-Sea, un lieu sûr pour se loger et la mettre à l’abri de l’homophobie de sa famille… Une œuvre âpre, pas sans défaut dans sa narration mais qui distille cependant des lueurs d’espoir… (The Jokers)
Initial DINITIAL D
Jeune étudiant livreur de tofu pour l’entreprise de son père, Takumi Fujiwara passe son temps à dévaler à toute vitesse les routes escarpées du Mont Akina à bord de sa voiture, une Toyota Sprinter Trueno AE86 blanche et noir. Lors d’une de ses livraisons matinales, ce type rêveur qui ne connaît rien aux voitures, croise la route d’un Street racer expérimenté qu’il bat avec une facilité déconcertante. Dès lors, les défis de professionnels et d’amateurs surdoués du drift lui sont lancés. Il va devoir se confronter à leurs talents et les vaincre pour s’affirmer comme le meilleur conducteur de la ville… Pour leur quatrième collaboration à la réalisation, Andrew Lau et Alan Mak adaptent avec brio le manga culte de Shuichi Shigeno. Dans la droite lignée de la saga Fast and Furious, Initial D plonge le spectateur dans l’expérience intense et palpitante des courses de voiture, au plus près du danger. Les réalisateurs de la trilogie Infernal Affairs offrent de purs moments d’adrénaline, aux fans du genre comme aux néophytes, grâce à une mise en scène parfaitement maîtrisée et visuellement captivante. Présenté pour la première fois en Blu-ray dans une nouvelle restauration 4K, Initial D (réalisé en 2005) est accompagné de suppléments comme L’envers de la course (21mn), un making-of dans lequel les membres de l’équipe – des réalisateurs au chef cascadeur en passant par les acteurs – racontent le tournage du film. Pour sa part, Andrew Lau détaille l’aventure de l’adaptation du célèbre manga au cinéma. (Carlotta)
Land of DeadLAND OF THE DEAD
Dans un avenir pas si lointain, une poignée de survivants barricadés dans une ville bunker vit encore dans le souvenir de l’ancien monde… Des zombies, qui désormais pensent et communiquent, s’organisent pour prendre d’assaut la ville bunker. Kaufman, autoproclamé chef des vivants, engage un commando de mercenaires pour contrer les attaques de ces morts-vivants d’un genre nouveau…Vingt ans après Le jour des morts-vivants, George A. Romero (1940-2017) faisait, en 2005, un retour par la grande porte avec le nouvel opus de l’œuvre de sa vie. Si le cinéaste est toujours aussi à l’aise dans le film de genre, son propos s’élargit à une lucide réflexion sociopolitique sur l’Amérique moderne et ses contradictions. Dans un monde envahi par des zombies de plus en plus intelligents et organisés, les riches humains se réfugient dans une tour d’ivoire tandis que les plus démunis vivent difficilement à la périphérie, tous se protégeant derrière des palissades électrifiées les séparant des morts-vivants. Alors que dans Zombie (1978), les morts-vivants apparaissaient comme une caricature de la société humaine, ils sont ici un peuple en train de se structurer, d’accéder à l’intelligence et aux sentiments : compassion et colère face à la manière dont sont traités leurs congénères, utilisés comme cibles « vivantes ». De son côté, Kaufman, dans le luxueux gratte-ciel nommé Fiddler’s Green, a reproduit tous les défauts de « l’ancien monde » : la corruption, la drogue, la prostitution, tenant le peuple par le pain et les jeux. Dans le rôle de Kaufman, le grand Dennis Hopper incarne un personnage à l’opposé de celui de ses débuts dans Easy Rider. (Wild Side)
The ChampionTHE CHAMPION – LE COMBAT DE LA LIBERTE
En 1940, le champion de boxe polonais Tadeusz « Teddy » Pietrzykowski est séparé de sa famille. Il tente de fuir en France mais est arrêté puis déporté à Auschwitz. Alors que les détenus luttent quotidiennement pour leur survie, sa condition physique lui permet de traverser les premiers mois de travaux forcés sans faire de vagues. Jusqu’au jour où, pris à parti par un Kapo, il est contraint de dévoiler sa vraie nature. D’abord tentés de le sanctionner sévèrement, les nazis lui proposent un marché : participer à des combats pour divertir les soldats, et bénéficier en échange de nourriture, de médicaments, et de tâches allégées. Discret et solitaire, Teddy y voit une opportunité d’améliorer les conditions de vie de ses camarades. Mais les geôliers voient d’un mauvais oeil la popularité grandissante du boxeur, devenu symbole d’espoir et de résistance. En 2020, avec Piotr Glowacki dans le rôle principal, le réalisateur polonais Maciej Barczewski déroule une aventure qui se déroule au plus fort de la Deuxième Guerre mondiale et suit le combat presque impossible de Pietrzykowski pour sa survie. Le cinéaste Barczewski a écrit le scénario en se fondant sur l’histoire vraie mais peu connue de Tadeusz Pietrzykowski (1917-1991). Surnommé le Weiss Nebel (brouillard blanc) en raison de son style de combat unique, « Teddy » n’aurait perdu qu’un seul combat pendant son séjour à Auschwitz. Transféré plus tard dans d’autres camps et finalement à Bergen-Belsen, il y sera libéré en avril 1945. Un drame sportif et historique. (Condor)
Sur La BrancheSUR LA BRANCHE
Elle ne va pas très fort, la pauvre Mimi ! A 30 ans, elle se demande toujours ce qu’elle pourrait faire quand elle sera grande. Elle pousse la porte d’un cabinet d’avocats mais Claire Bloch, avocate plutôt surmenée, n’a rien à lui proposer, sinon lui confier le soin d’aller récupérer un dossier au domicile de Paul, son ex-associé… La rencontre de Mimi et de Paul va faire des étincelles. Et lorsqu’il va s’agir de défendre Christophe Ajame, actuellement en détention, les choses vont partir en vrille, d’autant que Mimi tombe amoureuse de Christophe. Paul, lui, voudrait bien tourner la page mais Mimi bouscule l’existence d’un type au bout du rouleau, traqué notamment par deux harpies… Marie Garel-Weiss a imaginé une fiction autour de deux « inadaptés de la vie ». Mimi va au bout de ses obsessions et est totalement acceptée pour ce qu’elle est, alors que dans la vie, elle aurait probablement été vouée à l’enfermement. Assoiffée d’absolu, Mimi a compris qu’elle n’y arriverait pas de la même façon que les autres. Paul, lui, va entrer dans la sphère, à la fois jubilatoire et angoissante, de Mimi. On devine bien le potentiel de comédie qu’il y a dans ce sujet. Même si la cocasserie est parfois au rendez-vous, le film manque singulièrement de rythme et, in fine, on n’entre jamais vraiment dans ce mélange d’enquête et de comédie romantique. Pourtant les comédiens s’en donnent à coeur-joie. Daphné Patakia est une Mimi barrée à souhait. Benoît Poelvoorde est au diapason. (Pyramide)
Titeuf S3TITEUF – LA CONSPIRATION DES FILLES
Turbulent ado à la mèche blonde flamboyante, Titeuf est la star des cours de récré ! Toujours cerné de son indéfectible bande de copains, Manu en tête, il ne recule jamais devant une bonne bêtise, faisant des pieds et des mains pour attirer l’attention de la ravissante Nadia… Créé en 1992 par le Suisse Philippe Chappuis, alias Zep, la bande dessinée et son personnage culte aux expressions inoubliables, a connu un imposant succès (plus de 23 millions d’albums vendus). L’adaptation en série d’animation à partir de 2001 est restée fidèle à l’esprit de la BD avec son humour, ses gags hilarants, ses dialogues réussis et ses personnages attachants. Son héros y est un peu édulcoré, rendant la série ainsi accessible à des enfants un peu plus jeunes. L’adaptation animée est en effet recommandée dès 8 ans, quand la BD ne l’est qu’à partir de 10 ans. Titeuf raconte la vie quotidienne d’un garçon de huit à dix ans, de ses amis et de leur vision du monde des grands. Une grande partie de leurs discussions tourne autour du mystère des filles, de l’amour et du sexe. La troisième saison de la série est entièrement inédite en dvd. Le premier volume comporte 26 épisodes, pour plus de trois heures de bons rires. (Hopikid)
Sacre Pere NoelSACRE PERE NOEL
Mais que fait le Père Noël après la nuit du 24 décembre ? Comme chaque année, après avoir terminé sa livraison de cadeaux, il a quitté ses bottes et son manteau pour partir en vacances ! Son traîneau transformé en caravane, il vole à la découverte de la France et ses bons petits plats, de l’Ecosse et de Las Vegas. Un voyage mouvementé, mais qui ne fera pas oublier à ce bougon, grognon, glouton de revenir à temps pour ouvrir les premières lettres, préparer les cadeaux et décrasser son traîneau. Il faut vite reprendre le rythme, à renfort de chocolat chaud, pour organiser la nouvelle tournée et réveiller la magie de Noël. Plus de 40 ans après leur sortie, Sacré Père Noël et Les Vacances du Sacré Père Noël, les livres de Raymond Briggs sont des best-sellers internationaux qui s’attachent à démythifier le père Noël. Fidèle à l’oeuvre originale, l’adaptation animée, fluide et colorée (éditée en dvd pour la première fois en France), offre le portrait d’un vieil homme grincheux, un Père Noël qui n’aime pas l’hiver et rêve de vacances à la plage. Mais malgré son caractère bougon, le Père Noël s’avère touchant, drôle et attachant, et il reste dévoué à son travail : la féerie de Noël est préservée ! Un enchantement pour petits (dès 5 ans) et grands ! (Hopikid)
Blagues Toto 2LES BLAGUES DE TOTO 2
Toto part à la campagne pour cinq jours de classe verte avec ses camarades de classe. Il essaye de trouver de nouvelles blagues à tester. Comme les fermiers du coin lui semblent plutôt bizarres, le gamin est très tenté de trouver des secrets ou des mystères cachés… Trois ans après Les blagues de Toto (2020), Toto enchaîne de nouvelles blagues, cette fois-ci campagnardes dans une ferme bio. Pascal Bourdiaux est toujours derrière la caméra et il développe, avec son scénariste Mathias Gavarry, des thèmes autour de la pollution, l’agriculture biologique et le retraitement des déchets, bonne manière après tout de sensibiliser le jeune public. C’est désormais Hugo Trophardy qui incarne le personnage de Toto tandis qu’on retrouve, autour de lui, Guillaume de Tonquédec et Anne Marivin déjà présents dans le n°1. Si l’intrigue est gentille et la qualité des gags de Toto pas constante, ceux-ci devraient néanmoins divertir le jeune public. D’autant que le propos est positif, voire écolo-citoyen. Et, au total, voici un bon petit moment à savourer en famille. (M6)

DES AUTEURS, « OPPIE », UN WESTERN DE LEGENDE ET BARBIE  

Coffret HanekeMICHAEL HANEKE – L’INTEGRALE
Révélé au grand public en 2001 avec La pianiste, portrait d’une pianiste, victime de sa mère castratrice, couronné du Grand prix du jury à Cannes, Michael Haneke s’est imposé comme l’une des plus éminentes figures du cinéma d’auteur mondial. Le cinéaste autrichien, passé maître dans l’art de susciter l’inconfort du spectateur, fait partie de la poignée de réalisateurs à avoir obtenu deux Palmes d’or sur la Croisette, en 2009 pour Le ruban blanc puis en 2012 avec Amour. Son oeuvre d’une puissance inouïe traque le réel, la vérité, la complexité des êtres et ne cesse d’interroger la violence de la société. Ses mises en scène explorent une généalogie du mal ordinaire dans nos sociétés, que ce soit par la culture télévisuelle, le racisme et l’histoire refoulée, l’incommunicabilité, la pression socio-familiale et la névrose sexuelle, les diktats de la société de consommation, les dogmes religieux, ou encore la vieillesse et la dégradation tant psychologique que physique… Voici donc, pour ceux qui affectionnent la « cinéphilosophie », un indispensable coffret qui réunit l’intégrale à ce jour des longs métrages cinéma, ainsi que cinq films majeurs réalisés pour la télévision, dont quatre, outre Le château (1997), sont proposés, ici, pour la première fois, en l’occurrence Trois chemins vers le lac (1976), Lemmings1 – L’Arcadie et Lemmings 2 – Blessures (1979) et La rébellion (1993). Côté grand écran, l’intégrale, ce sont donc les douze longs-métrages à ce jour avec Le septième continent (1989) ou les diktats de la société de consommation, Benny’s Video (1993), réflexion sur le mal généré par la culture télévisuelle, 71 Fragments d’une chronologie du hasard (1994) ou le hasard et le déterminisme, Funny Games (1997) ou l’extrême violence « réaliste », Code inconnu (2000) ou l’incommunicabilité, La pianiste (2001) ou la névrose sexuelle, Le temps du loup (2003), Caché (2005) ou le racisme et l’histoire refoulée, Funny Games U.S. (2007), remake de la version européenne, Le ruban blanc (2009) ou les dogmes religieux, Amour (2012) ou la dégradation physique et psychologique et Happy End (2017) ou le manque d’amour et de partage dans la bourgeoisie. (Arte Editions)
Trilogie RouteLA TRILOGIE DE LA ROUTE
Dix ans avant sa Palme d’or cannoise pour son célèbre road movie américain Paris, Texas, Wim Wenders, fasciné par la puissance contemplative des paysages, s’était déjà essayé au genre avec sa Trilogie de la route. Tournés à travers l’Allemagne et aux États-Unis, avec Rüdiger Vogler dans le rôle de l’alter ego du réalisateur, Alice dans les villes, Faux mouvement et Au fil du temps déploient la métaphore de la route pour illustrer la découverte de soi et la transformation. Considérés comme des contributions significatives au mouvement du Nouveau cinéma allemand, traitant de l’errance existentielle dans un pays hanté par la guerre, les trois films sont réunis pour la première dans un coffret trois Blu-ray dans leur nouvelle restauration 2K et 4K… Dans Alice dans les villes (1974), Wenders suit Phillip Winter, journaliste allemand parti aux États-Unis pour les besoins d’un reportage. En panne d’inspiration, il décide de rentrer au pays. À l’aéroport de New York, alors que tous les vols à destination de l’Allemagne sont annulés, il fait la rencontre de Lisa et de sa fille de neuf ans, Alice. Le lendemain, Phillip découvre que la mère a disparu et qu’il va devoir ramener l’enfant en Europe… Pour Faux mouvement (1975), le cinéaste s’intéresse à Wilhelm Meister, aspirant écrivain, qui quitte sa ville natale pour Bonn, désireux d’élargir son horizon. Dans le train, il fait la rencontre d’un ancien athlète olympique accompagné d’une jeune acrobate. Ils seront bientôt rejoints par une actrice et un apprenti poète. Durant son voyage à travers l’Allemagne, qu’il parcourt du nord au sud, Wilhelm va être confronté à une série d’aléas… Enfin Au fil du temps (1976) s’inscrit dans les pas de Bruno, réparateur ambulant de matériel cinématographique. Il croise la route de Robert, qui a précipité sa voiture dans l’Elbe sur un coup de tête. Rapprochés par leur solitude commune, les deux hommes entament alors un périple les menant d’un cinéma rural à un autre, le long de la frontière entre l’Allemagne de l’Ouest et la RDA… Les trois films sont accompagnés de nombreux suppléments dont des entretiens avec Wenders, des scènes coupées et des courts-métrages du cinéaste. (Carlotta)
OppenheimerOPPENHEIMER
« Ton regard dépasse le monde dans lequel on vit » C’est l’un de ses proches amis qui lance ce propos à Robert Oppenheimer. Au mitan des années vingt, ce fils d’une famille juive fortunée de New York étudie à Cambridge. Après un passage par l’université allemande de Göttingen, « Oppie » revient aux USA où, dans la prestigieuse université de Berkeley, il s’applique à développer ses recherches sur la physique quantique… C’est en 1942, peu après l’entrée en guerre des USA que l’existence d’Oppenheimer bascule. Il est recruté pour diriger le projet Manhattan : développer la première bombe atomique de l’Histoire. Et « Oppie », qui sait pertinemment ce que les Juifs subissent dans l’Allemagne hitlérienne, est particulièrement motivé pour devancer les nazis sur leur programme d’armes nucléaires en cours… Douzième long-métrage de Christopher Nolan, Oppenheimer s’inscrit pleinement dans la veine du biopic d’un personnage d’exception ! Celui qui est régulièrement désigné comme « le père de la bombe atomique » est présenté, ici, comme un être hanté et dévoré par les questions, les doutes, les peurs. Avec Oppenheimer, Nolan donne son film narrativement le plus limpide et en même temps celui qui dégage le plus d’émotions. Le personnage d’Oppenheimer est passionnant et… troublant. Dans les semaines qui ont précédé l’essai Trinity, « Oppie » et son équipe prennent conscience qu’en appuyant sur le bouton et en déclenchant cette première bombe, il subsiste l’infime possibilité qu’elle embrase l’atmosphère et anéantisse toute la planète… En s’appuyant sur un Cillian Murphy volontiers halluciné, Nolan mène à bien une œuvre qui, de manière non-linéaire, évoque les années de formation, le rendez-vous dans le laboratoire secret de Los Alamos au Nouveau Mexique puis l’audition de sécurité en 1954, dans un contexte de maccarthysme débridé, déterminée à montrer qu’Oppenheimer était communiste. Oppenheimer est une œuvre remarquable sur un monde sans retour en arrière. Hiroshima et Nagasaki sont passés par là… (Universal)
Rio BravoRIO BRAVO
Dans la ville de Rio Bravo (comté de Presidio, Texas), le shérif John T. Chance arrête Joe Burdette, le frère de l’homme le plus puissant de la région. Il n’a pour alliés que Dude, un adjoint ivrogne, Stumpy, un vieillard boiteux, Colorado, un gamin virtuose du revolver, la mystérieuse Feathers, une joueuse de poker et un hôtelier mexicain, et contre lui une armée de tueurs. En 1959, Howard Hawks signe un western légendaire des années cinquante présenté dans une édition Steelbox en 4K-UHD. Tourné quelque sept années après Le train sifflera trois fois, le film est souvent considéré comme étant la réponse d’Hawks et John Wayne à Fred Zinnemann. Chez ce dernier, Gary Cooper essaie (en vain) d’obtenir l’aide de la population pour lutter contre le retour de tueurs. Dans la scène finale, il jette par terre son étoile de shérif, ce que John Wayne considérait comme une attitude anti-américaine. Le Duke incarne donc un shérif très professionnel, sûr de lui et droit dans ses bottes, prêt à assumer seul le poids de ses responsabilités, expliquant que les « pères de familles » n’ont pas à prendre les armes pour protéger la population. Sous ses abords rugueux, Chance s’efforce de permettre à ceux qui l’entourent de s’améliorer, de se repentir ou de retrouver une image satisfaisante d’eux-mêmes. John Wayne est entouré, ici, d’une brochette de comédiens qui apporte à Rio Bravo une bonne part de sa magie : Dean Martin, Ricky Nelson, Walter Brennan, Angie Dickinson… (Warner)
BarbieBARBIE
Parallèlement au monde réel, il existe Barbieland, un monde rose et parfait où les poupées Barbie vivent joyeusement, persuadées d’avoir rendu les filles humaines parfaitement heureuses. Mais un jour, Barbie stéréotypée commence à se poser des questions… Qu’en est-il de la mort ? De ces pensées morbides à l’idée de se frotter au monde humain, il n’y a qu’un pas. Dans le monde matriarcal de Barbie, toutes les poupées sont sûres d’elles, autosuffisantes et heureuses comme en attestent leurs éternels sourires. Alors que leurs homologues Ken passent leurs journées à se livrer à des activités balnéaires, les Barbie occupent tous les postes importants. Elles sont médecins, avocates, écrivaines, sirènes et même présidente. S’il n’est heureux qu’avec elle, Ken cherche une relation plus étroite mais Barbie n’en a cure, privilégiant son indépendance et des amitiés féminines. Greta Gerwig réussit, ici, un joli coup en s’emparant de l’univers Mattel pour distiller une brillante comédie -délibérément mais savoureusement- féministe qui casse joyeusement un univers aseptisé pour proposer une réflexion subtile -malgré le kitsch ambiant- sur la condition féminine, le tout dans un univers régressif dégoulinant de rose mais dans lequel Barbie fait exploser tous les codes. Applaudie dans Once Upon a Time… in Hollywood et Babylon, Margot Robbie se glisse avec aisance dans la peau de cette femme (im)parfaite. Ryan Gosling est simplement désopilant en Ken blond et con au coeur d’une démolition radicale du patriarcat orchestrée par une cinéaste en verve. (Warner)
Mission ImpossibleMISSION IMPOSSIBLE – DEAD RECKONING PARTIE 1
Au fond de l’océan, dans la mer de Béring, le sous-marin russe Sébastopol joue ou semble jouer au chat et à la souris avec un sous-marin hostile… L’avenir de la planète est clairement en péril. Mais (évidemment) Ethan Hunt et sa petite (mais très imaginative) équipe sont sur le pont. Ils vont se lancer dans leur mission la plus périlleuse à ce jour : traquer une effroyable nouvelle arme avant que celle-ci ne tombe entre de mauvaises mains et menace l’humanité entière. Le contrôle du futur et le destin du monde représentent un terrifiant enjeu. Hunt se rend à l’évidence : confronté à l’énigmatique et quasiment invincible Gabriel, il constate que rien ne peut se placer au-dessus de sa mission – pas même la vie de ceux qu’il aime. Septième opus d’une franchise à gros succès, Mission impossible – Dead Reckoning Partie 1 tient pleinement ses promesses, notamment pour ses scènes d’action franchement brillantes. Christopher McQuarrie, déjà à la manœuvre dans les épisodes cinq et six, connaît les recettes de la franchise. Tandis que les forces obscures de son passé remontent à la surface, il embarque le valeureux Ethan Hunt dans une course mortelle autour du globe avec des étapes à Amsterdam, Abu Dhabi, Rome, Venise et l’Orient Express lancé à vive allure vers Innsbrück… Tom Cruise alias Hunt for ever est au sommet de son art. Il faut voir comment il se sort de l’Orient Express ! Autour de notre héros, on remarque ses acolytes Benji (Simon Pegg) et Luther (Ving Rhames) et quelques belles (Rebecca Ferguson, Vanessa Kirby, Haley Atwell ou Pom Klementieff) qui lui donnent bien du souci ! Une édition avec des bonus à veux-tu, en voilà ! (Paramount)
Coffret BelaTarrCOFFRET BELA TARR – LE MAITRE DU TEMPS
Décrit comme un cinéaste radical, réalisant des films métaphysiques dans un noir et blanc charbonneux à l’instar de son chef-d’œuvre Sátántangó, le Hongrois Béla Tarr, 68 ans, débute sa carrière en 1977 en s’inscrivant dans la veine documentaire du réalisme social de « l’école de Budapest ». Disponibles pour la première fois en coffret (trois Blu-ray) dans leur restauration 2K et 4K, quatre films témoignent de l’incroyable trajet parcouru par ce cinéaste visionnaire, de la colère des premières œuvres (Le nid familial, L’outsider) aux fables magistrales et mélancoliques que sont Damnation et Les harmonies Werckmeister. Ces dernières marquent le tournant de la révolution stylistique que Béla Tarr poursuivra tout au long de sa filmographie. Premier long-métrage en 1977, Le nid familial (1977) montre une famille nombreuse de Hongrie vivant dans un petit appartement et rêvant d’un espace impossible à acquérir… L’outsider (1980) raconte la descente aux enfers d’un être asocial et alcoolique. Damnation (1988) décrit le parcours de Karrer, un homme solitaire et usé attiré par une chanteuse pleine de vitalité… Enfin Les harmonies Werckmeister (2000) décrit le désœuvrement et la perte d’identité d’une petite ville de la plaine hongroise. Dans les suppléments, on trouve des entretiens avec le cinéaste qui évoque le processus de fabrication et de la réception critique de Damnation, ainsi que de son attachement au format 35 mm et avec l’auteur-compositeur-interprète Mihály Víg qui parle de sa rencontre avec Tarr et son travail sur la musique de Damnation. Enfin un livret inédit (80 pages) écrit par Mathieu Lericq et Damien Marguet, spécialistes du cinéma de l’Europe de l’Est, revient sur le parcours du cinéaste et les métamorphoses de son œuvre, en partant des huis clos urbains d’inspiration documentaire des années 1970-1980, jusqu’aux fables métaphysiques conçues plus récemment avec l’écrivain László Krasznahorkai. (Carlotta)
HammerCOFFRET HAMMER – L’AGE D’OR
Mythique studio anglais fondé en 1934, célèbre pour ses films d’horreur, la Hammer s’est construit une place à part dans l’histoire du cinéma. Dans les années 60 et 70, l’écurie apporte de la modernité au genre : images chocs et gores, des méchants violents, des touches d’érotisme sans pour autant se départir d’une dose d’humour « so british ». Décrié par la critique de l’époque pour ses débauches de sang de nudité, voire de mauvais goût, la Hammer connut néanmoins un énorme succès populaire. Des réalisateurs de renom (Terence Fisher, Roy Ward Baker), des comédiens cultes (Christopher Lee, Peter Cushing, Ralph Bates), un soin particulier apporté aux décors et aux costumes, créent une ambiance gothique qui fut également la marque de fabrique du studio. Le coffret Hammer (tome 1) couvre l’âge d’or (1966-1969) et regroupe sept films en combo Blu-ray et DVD dans une édition limitée à 2000 exemplaires numérotés. Le coffret contient des cartes (14×19 cm) reproduisant les affiches originales des sept films ainsi qu’un livret de 52 pages et plus de six heures de bonus. Et donc, on se régalera avec Dracula, prince des ténèbres (1966) de Terence Fisher, Raspoutine, le moine fou (1966) de Don Sharp, Frankenstein créa la femme (1967) de Terence Fisher, La femme reptile (1966) de John Gilling, L’invasion des morts-vivants (1966) de John Gilling, Dans les griffes de la momie (1966) de John Gilling et Les vierges de Satan (1968) de Terence Fisher. De jolis trésors fantastiques et d’horreur ! (Tamasa)
Kenji MisumiKENJI MISUMI – LA LAME A L’OEIL
Prolifique cinéaste japonais (près de 70 films entre 1954 et 1974), Kenji Misumi (1921-1975) a été l’auteur de plusieurs films « Chambara » (des films de bataille de sabre, souvent comparés, dans le cinéma occidental, au genre cape et épée)… Un coffret, avec des visuels inédits de Tony Stella, réunit quatre films en Dolby Vision dont Zatoïchi, le masseur aveugle (1962) qui met en scène Ichi, un aveugle qui arrive dans la petite province de Shimosa et se fait vite connaître pour ses talents de masseur et pour son habileté surnaturelle aux dés. Mais les habitants se rendent compte d’un autre de ses talents, le maniement de l’épée… Après ce film de 1962, premier d’une série de 26 films avec le personnage de Zatoichi, Misumi va signer la trilogie de la lame avec Tuer (1962) : rescapé d’un massacre, Shingo a été élevé dans la résidence du samouraï Takakura. Adulte, il est devenu invincible au sabre et participe à de nombreux combats. Puis, deux ans plus tard, il réalise Le sabre (1964) avec, pour héros, Kokubu, capitaine et maître du club de Kendô à l’université de Tôwa. Pratiquant cette discipline avec ferveur. Mibu, nouveau membre du club, est en complète admiration devant son maître et va jusqu’à l’imiter dans sa manière de vivre. La trilogie se conclut avec La lame diabolique (1965) où Hampei, jeune jardinier très sportif, apprend le maniement du sabre. Se révélant alors un redoutable assassin, il devient l’homme de main d’un grand vassal du château. Le coffret est accompagné de bons suppléments. Ainsi un livret inédit de Robin Gatto (52 pages) ; le documentaire Kenji Misumi, Au fil du sabre (30min) ; la présentation de Zatoïchi par Takachi Miike et quatre entretiens avec Fabien Mauro : « Zatoichi: La Naissance du mythe », « Tuez: Un chambara poétiquement affuté », « Le Sabre : Conte cruel du Bushido », « La lame diabolique : Les grands malheurs du pouvoir… » (The Jokers)
Strange Way Of LifeTHE STRANGE WAY OF LIFE
Silva traverse le désert à cheval pour retrouver Jake qu’il a connu vingt-cinq ans plus tôt lorsqu’ils étaient tous deux tueurs à gages. Silva souhaite renouer avec son ami d’enfance désormais shérif mais ces retrouvailles ne sont pas sa seule motivation… Evènement du Festival de Cannes 2023, le nouveau moyen-métrage (31 minutes) de Pedro Almodóvar se présente comme un western fiévreux sur fond d’histoire d’amour inachevée. Le réalisateur met en scène deux excellents comédiens (Pedro Pascal et Ethan Hawke) et décrit un univers désertique inédit tout en portant les thèmes qui lui sont chers, faisant cohabiter l’amour, le désir et la mélancolie. A propos de son second film en langue anglaise (après La voix humaine en 2020), le cinéaste espagnol disait : « C’est un western queer, dans le sens où il y a deux hommes et qu’ils s’aiment. Il s’agit d’une question de masculinité au sens profond du terme, car le western est un genre masculin. Ce que je peux vous dire à propos du film, c’est qu’il reprend de nombreux éléments du western. Il y a le flingueur, le ranch, le shérif, mais ce que la plupart des westerns n’ont pas, c’est le type de dialogue que je ne pense pas qu’un film de western ait jamais saisi entre deux hommes ». Le film est accompagné d’1h30 de suppléments et notamment la Masterclass cannoise de Pedro Almodóvar et Ethan Hawke. (Pathé)
Ombres PersanesLES OMBRES PERSANES
À Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. Passé le trouble et l’incompréhension va naître une histoire d’amour… et de manipulation. Avec ses ellipses, ses images manquantes, ses hors-champs, Mani Haghighi a construit un film sur le mystère porté par une photographie à la fois réaliste et expressionniste. Le directeur de la photographie Morteza Nafaji l’opacifie brillamment en jouant sur des clairs-obscurs, des obscurités profondes interrompues par des sources de lumière très brusques comme un téléviseur allumé, des néons clignotants ou des éclairs hors champ… Alors, dans une capitale iranienne battue par une pluie sans fin, où tout semble prendre l’eau, Farzaneh et Jalal découvrent petit à petit l’existence d’un couple qui est son exacte réplique (les deux binômes sont d’ailleurs joués par le même duo de comédiens, Taraneh Alidoosti et Navid Mohammadzadeh) et, au contact les uns des autres, ils vont se métamorphoser. Les premiers, modestes artisans, attendent un enfant, tandis que les seconds, plus élevés socialement, se débattent avec un contentieux privé : le mari doit s’abaisser à présenter des excuses à la famille d’un collègue qu’il a passé à tabac et envoyé à l’hôpital. Dans un pays dont le système dit que le peuple n’a d’autre alternative que celle définie par le pouvoir et la croyance, l’idée du double va justement ouvrir la question de l’alternative. « Aborder cette question, dit le cinéaste, c’est déjà une critique du fondamentalisme ». Avec son huitième long-métrage, Mani Haghighi distille une étrange et angoissante fable sociale. (Diaphana)
Audrey RoseAUDREY ROSE
Janice et Bill Templeton forment, avec leur fille Ivy, une famille heureuse et sans histoire… jusqu’au jour où un mystérieux étranger se met à les suivre partout où ils vont. L’inconnu finit par leur proposer un rendez-vous et leur révéler que la jeune Ivy (Susan Swift) serait la réincarnation de sa propre fille, morte onze ans plus tôt dans un accident de la route… Au départ du projet, on trouve L’hallucinante histoire d’Audrey Rose, le best-seller de Franck de Felitta (également auteur du scénario) qui se penche sur le thème de la réincarnation. Lorsqu’en 1977, Robert Wise (West Side Story ou La maison du diable) se voit proposer le film, il fait à son tour un important travail de documentation qui donnera une remarquable authenticité à ce film fantastique qui, sans artifices outranciers, installe un climat très angoissant. Prenant et dérangeant, un thriller (dans lequel Anthony Hopkins tient l’un de ses premiers rôles) qui pousse à la réflexion sur le surnaturel. En bonus, Le cinéma d’horreur selon Robert Wise (17’30), par Stéphane du Mesnildot, historien du cinéma et Audrey Rose, une âme pour « deux », un livret (24 p.) écrit par Marc Toullec. (Rimini Editions)
Chili 1976CHILI 1976
Trois ans après le coup d’état de Pinochet, Carmen part superviser la rénovation de la maison familiale en bord de mer. Son mari, ses enfants et petits-enfants vont et viennent pendant les vacances d’hiver. Lorsque le prêtre lui demande de s’occuper d’un jeune qu’il héberge en secret, Carmen se retrouve en terre inconnue, loin de la vie bourgeoise et tranquille à laquelle elle est habituée. Thriller paranoïaque saisissant et d’une grande finesse psychologique, le premier long-métrage de Manuella Martelli plonge le spectateur dans une étrange atmosphère d’oppression, de suspicion et de terreur. A travers l’histoire d’une femme au foyer bourgeoise, qui se retrouve brusquement confrontée à la réalité politique de son pays, le film explore les conséquences dévastatrices de la dictature chilienne. Grâce à des cadres serrés et d’habiles jeux de miroir, la cinéaste insuffle la peur que ressent son personnage, pris au piège. En choisissant de garder la violence hors-champ, sous-entendue, elle retranscrit parfaitement une menace invisible, tapie dans l’ombre mais omniprésente. En supplément, la captation d’un débat avec la réalisatrice. (Blaq Out)
La MainLA MAIN
Un groupe d’adolescents découvre le moyen d’entrer en contact avec le monde des esprits grâce à une main embaumée. Règle absolue : ne pas tenir la main plus de 90 secondes. Comme l’expérience est devenue virale sur les réseaux sociaux, Mia, adolescente bouleversée par une tragédie familiale (elle a perdu sa mère), décide de tester l’expérience mais les conséquences vont être bien plus violentes et terrifiantes que prévu. Danny Philippou et Michael Philippou (connus pour leur chaîne RackaRacka sur YouTube) signent, avec un budget modeste, un bon petit film d’horreur soigneusement calibré pour distiller ce qu’il faut d’angoisse et de frissons autour du thème « Brrr, nous sommes allés trop loin… » Ce qui était une distraction pour les soirées entre ados, va devenir du pur cauchemar… Ce teen-movie d’horreur, traversé par quelques bons moments horribles, bénéficie d’un atout de qualité, en la personne de l’actrice australienne Sophie Wilde qui incarne une Mia en crise. (M6)
Horror HotelHORROR HOTEL
Chargée pour la fin de ses études d’une thèse sur la sorcellerie, Nan Barlow suit les conseils du professeur Alan Driscoll qui la dirige vers Whitewood, une localité où de nombreux bûchers ont été dressés au 17e siècle. Bien que son frère et son petit ami le lui déconseillent, l’étudiante s’y rend seule et découvre que les croyances païennes persistent dans la région, portées par la certitude de certains, que la sorcière Elizabeth Selwyn pourrait surgir du royaume des morts… Malheur à qui s’y intéresse de trop près ! Connu pour son travail à lé télévision sur des séries comme Chapeau melon et bottes de cuir, Mission impossible ou Deux flics à Miami, John Llewellyn Moxey, réalisateur anglais naturalisé argentin, aborde, en 1960 et dans un beau noir et blanc, l’horreur gothique dans la meilleure tradition british, avec une production Amicus, firme concurrente de la Hammer. Pour l’occasion, on retrouve, dans le rôle du professeur Driscoll, le grand Christopher Lee, star du fantastique et de l’horreur des années 1960 à 1980, légende vivante notamment au générique de nombreux Dracula, mais aussi de Frankenstein s’est échappé, de La malédiction des pharaons ou du Chien des Baskerville sans oublier Le seigneur des anneaux et les deux Star Wars. Ambiance lugubre et brume épaisse dans le cimetière… (Sidonis Calysta)
LifeforceLIFEFORCE
Churchill, la navette spatiale américano-britannique explore un immense vaisseau extra-terrestre, apparemment naufragé, dissimulé dans la queue de la comète de Halley. Trois êtres humanoïdes, une femme et deux hommes, apparemment en état d’hibernation, sont ramenés sur le sol britannique. Lorsque ceux-ci se réveillent, on découvre qu’ils « vampirisent » les êtres humains en leur soutirant non pas leur sang, mais leur « force vitale ». Les victimes de cette ponction, pour survivre, se voient obligés de vampiriser à leur tour, donnant ainsi naissance à une pandémie impossible à contenir. Réalisateur-culte de Massacre à la tronçonneuse (1974), l’Américain Tobe Hooper (1943-2017) adapte, ici, The Space Vampires, le best-seller du Britannique Colin Wilson pour donner, en 1985, une aventure mêlant science-fiction et horreur. Mécontents du film, les producteurs de la Cannon Group demandèrent des coupes… On découvre, ici, dans une édition collector 4K restaurée, la version américaine (101 mn) et, en Blu-ray, la version Director’s Cut (116 mn). Dans la distribution, on remarque, en femme extra-terrestre, la Française Mathilda May alors à ses débuts dans le cinéma. (Sidonis Calysta)

LA GRANDE DELPHINE, JEANNE ET LES FILLES PERDUES  

Delphine SeyrigCOFFRET DELPHINE SYRIG
Icône glamour du cinéma mondial et figure de proue (dans les films de Resnais, Bunuel ou Truffaut) du cinéma d’auteur des années 60/70, Delphine Seyrig a aussi été l’une des premières grandes actrices à défendre la cause féministe, au péril de sa propre carrière. Fille d’un archéologue natif d’Héricourt (Haute-Saône) et d’une mère suisse, navigatrice et spécialiste de Jean-Jacques Rousseau, la future comédienne voit le jour à Beyrouth en 1932. Celle qui disait : « Je ne suis pas une apparition, je suis une femme » a laissé un héritage cinématographique remarquable tandis que son parcours esthétique et politique aventureux continue à fasciner. Disparue en 1990, elle est, par sa modernité, plus que jamais notre contemporaine. Un beau coffret (6 Blu-ray) permet de se glisser dans les arcanes d’une œuvre aussi riche qu’exigeante. Le coffret regroupe six films dont La musica (1967) où Marguerite Duras réunit, dans une chambre d’hôtel un couple divorcé pour discuter de leur relation passée, explorant ainsi les complexités de l’amour. En 1971, Harry Kumel installe, dans Les lèvres rouges, Delphine Seyrig dans le rôle de la mystérieuse et sanglante comtesse Bathory. Guy Gilles raconte, dans Le jardin qui bascule (1975) , l’histoire de deux jeunes tueurs à gages qui parviennent à se faire inviter dans la villa de celle qu’ils sont chargés d’éliminer. Avec Aloïse (1975), Liliane de Kermadec lui offre le beau personnage d’Aloïse Corbaz. Cantatrice puis gouvernante, elle passe sa vie internée et se révèle par la peinture. Delphine Seyrig est aussi Jeanne Dielman (voir ci-dessous) et enfin Sois belle et tais-toi / Maso et Miso vont en bateau et S.C.U.M Manifesto, tous de 1976, sont trois films réalisés par l’actrice et le collectif féministe « Les Insoumuses » (Carole Roussopoulos, Ioana Wieder et Nadja Ringart). Le coffret comprend aussi cinq heures de suppléments dont des films inédits et extraits de films réalisés par Delphine Seyrig ; Qui donc a rêvé, court métrage inédit de Liliane de Kermadec avec Delphine Seyrig (1965, restauré en 4K) ; Delphine Seyrig dans… Aloïse, Le jardin qui bascule, Jeanne Dielman, La musica, Les lèvres rouges, par Virginie Apiou ; de nombreuses archives rares, sur les tournages ou en plateau, avec Delphine Seyrig ; Marguerite Duras, Chantal Akerman, Liliane de Kermadec, Claude Chabrol, Robert Hossein, extraits d’archives : Le cinéma au féminin, Le journal du cinéma, Féminin, Masculin, Actuel 2 ; L’avortement, bandes annonces originales restaurées, etc. (Arte éditions)
Jeanne DielmanJEANNE DIELMAN 23, QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES 
Veuve bruxelloise encore jeune et mère d’un adolescent, l’ordonnée Jeanne Dielman arrondit ses fins de mois en se prostituant à domicile, calant ses rendez-vous entre ses tâches ménagères, selon un emploi du temps immuable, répétée jour après jour. Un matin, le réveil sonne une heure plus tôt et dérègle cette mécanique sans vie, libérant d’un coup toute l’angoisse refoulée… En 1975, Chantal Ackerman (1950-2015) signe son huitième long-métrage avec cette évocation de trois jours hyper réglés de la vie d’une femme au foyer. Film décrit à sa sortie par le journal Le Monde, comme le « premier chef-d’œuvre au féminin de l’Histoire du cinéma ». Description méticuleuse, en illusion de temps réel (le film dure 201 mn) de l’aliénation, Jeanne Dielman est présenté par sa réalisatrice comme « un film sur l’espace et le temps et sur la façon d’organiser sa vie pour n’avoir aucun temps libre, pour ne pas se laisser submerger par l’angoisse et l’obsession de la mort ». En décembre 2020, le magazine de cinéma britannique Sight and Sound a classé Jeanne Dielman meilleur film de tous les temps. Dans un classement réalisé (par un panel de critiques essentiellement anglo-saxons) tous les dix ans depuis 1952 et longtemps dominé par Citizen Kane, le film de Chantal Ackerman s’impose devant Sueurs froides, Citizen Kane, Voyage à Tokyo ou In the Mood for Love… Ce classement 2022 a provoqué une polémique entre pro- et anti-Jeanne Dielman. Capricci sort une édition définitive (restaurée en 2K inédit en Blu-ray) augmentée de plus de trois heures de bonus parmi lesquels Saute ma ville (1968 – 13 mn), le premier film de la cinéaste belge et annonciateur de Jeanne Dielman. (Capricci)
Filles OlfaLES FILLES D’OLFA
La vie d’Olfa, mère célibataire de quatre filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux aînées disparaissent. Elles sont parties faire le djihad en Libye. « Elles ont été dévorées par le loup », explique pudiquement et mystérieusement un personnage. Pour combler l’absence des aînées, Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles. Nommée à l’Oscar du meilleur film étranger en 2021 avec L’homme qui a vendu sa peau et remarqué en 2017 avec le puissant La belle et la meute, la cinéaste tunisienne s’inscrit, ici,, dans une démarche cinématographique originale puisqu’elle mêle la fiction et la réalité, en évoquant un fait-divers qui a défrayé, voici quelques années, la chronique en Tunisie. C’est en entendant Olfa parler à la radio de l’histoire tragique de ses filles que la réalisatrice, fascinée par cette mère, a vu en elle un magnifique personnage de cinéma. Pour explorer l’histoire d’une terrible déchirure familiale et livrer aussi un film sur l’adolescence, la cinéaste confronte, avec la star tunisienne Hend Sabri, la vraie Olfa à un double fictionnel et fait naître un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité qui va questionner le fondement même de nos sociétés.. Habile et fascinant, le dispositif réalité/fiction, offre, dans la libération de la parole, d’extraordinaires moments d’émotion, qu’il s’agisse de larmes ou d’éclats de rire. (jour2fête)
JarmushCOFFRET JARMUSH
Véritable « fils de Cannes », Jim Jarmush, qui incarne le renouveau du cinéma américain des années 80, a souvent présenté ses œuvres sur la Croisette où elles ont glané nombre de récompenses, ainsi la prestigieuse Caméra d’or (qui couronne un premier film) pour Stranger than Paradise (1985), sachant que Permanent Vacation (1984) est considéré comme un film de fin d’études. Une comédie dramatique qui condense déjà des caractéristiques comme un travail dans l’ascèse, une appétence pour la description des marginaux et une tendance à montrer un quotidien étrange, décalé. Un coffret inédit rassemble les éditions Blu-ray des quatorze longs-métrages de l’iconique réalisateur américain. On y trouve ainsi, outre Permanent Vacation et Stranger…, Down by Law avec Tom Waits, John Lurie et Roberto Benigni (1986), Mystery Train avec Masatoshi Nagase, Youki Kudoh, Nicoletta Braschi (1989), Night on Earth avec Gena Rowlands, Winona Ryder et Lisanne Falk (1991), Dean Man avec Johnny Depp, Gary Farmer et Crispin Glover (1996), Ghost Dog avec Forest Whitaker, John Tormey et Cliff Gorman (1999), Coffee and Cigarettes avec Roberto Benigni, Steven Wright et Iggy Pop (2004), Broken Flowers avec Bill Murray, Jeffrey Wright et Sharon Stone (2005), The Limits of Control avec Isaach de Bankolé, Tilda Swinton et John Hurt (2009), Only Lovers Left Alive avec Tom Hiddleston, Tilda Swinton et Mia Wasikowska (2014), Paterson avec Adam Driver, Golshifteh Farahani et Rizwan Manji (2016), Gimme Danger avec Iggy Pop, Ron Asheton et Scott Asheton (2017) et The Dead don’t Die avec Bill Murray, Adam Driver et Tilda Swinton (2019). Le coffret comprend plus de dix heures de bonus exclusifs et un livret de 30 pages. (Le Pacte)
Bunker Palace HotelBUNKER PALACE HOTEL
Dans un pays inconnu d’un monde futuriste, une violente rébellion vient d’éclater, faisant vaciller un régime honni. Alors que le bien-aimé président demeure invisible, les hauts dignitaires fuient vers le Bunker Palace Hotel, un lieu clos profondément caché sous terre, destiné aux dignitaires de la dictature et conçu par l’architecte Holm, pour leur garantir le luxe auquel ils sont habitués… Clara, une espionne parvient cependant à s’infiltrer dans le bâtiment. En 1989, Enki Bilal, auteur de bandes dessinées à succès (il a déjà signé Les phalanges de l’ordre noir ou La foire aux immortels), se lance dans le cinéma. En retranscrivant parfaitement son univers graphique (beaucoup de plans sont composés comme des cases de BD) , il signe une fable politique grinçante et glaçante sur l’agonie d’un groupe de dirigeants, enfermés sous la surface d’un monde ravagé par la guerre civile, avec pour seule compagnie des androïdes donnant des signes de dysfonctionnement. Pour donner vie à ses apparatchiks automates en pleine confusion, Bilal peut compter, ici, sur un superbe casting. On croise ici Jean-Louis Trintignant (Holm), Carole Bouquet (Clara, la rebelle aux cheveux rouges), Benoît Régent, Yann Collette, Maria Schneider ou Jean-Pierre Léaud. Une vision visuellement époustouflante de l’humain aux prises avec une société qu’il a lui-même produite. Dans les suppléments, Enki Bilal raconte longuement la genèse de Bunker… Il se souvient de son inquiétude quand il rencontra Trintignant et lui annonça que son personnage serait… chauve. Après un instant, le comédien sourit : « J’ai attendu ça toute ma carrière ! » (Rimini éditions)
Vers Avenir RadieuxVERS UN AVENIR RADIEUX
Dans un quartier populaire de Rome, l’électricité illumine désormais les appartements et les rues. Pour fêter cette avancée, le Parti communiste italien a invité le cirque hongrois Budavari… C’est en fait un film dont l’action se situe en 1956 que tourne Giovanni (évidemment incarné par Nanni Moretti) homme-orchestre d’une délicate aventure artistique. Le torturé Giovanni a des soucis avec la fabrication de son film comme avec son couple en crise. Productrice depuis toujours des films de son mari, Paola consulte en cachette un psy. Car elle ne sait comment dire à Giovanni qu’elle est décidée à le quitter. Giovanni, lui, remarque surtout que Paola lui fait une « infidélité » en produisant le nouveau film d’un jeune réalisateur très porté sur le cinéma d’action. Moretti signe, ici, sa Nuit américaine  ou son Huit et demi. Il sol dell’avvenire (titre original) est bien l’histoire d’un cinéaste dont la vie a toujours été rythmée par le cinéma et dont les films ont toujours accompagné sa propre vie. Il croit fermement à son projet : mettre en scène l’histoire du PCI de l’époque et la façon dont le parti a raté l’occasion de se détacher de l’Union soviétique, pour enfin emprunter une voie indépendante. Alors qu’il pense faire un film politique, son actrice est convaincue qu’il tourne un film d’amour. Pour Moretti, c’est évident: les espaces vides de la vie devraient toujours être remplis par le cinéma. (Le Pacte)
Invasion ProfanateursL’INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES
Le petit Jimmy ne reconnaît plus sa mère. Wilma ne reconnaît plus son oncle. Pourtant, ni l’une ni l’autre n’ont changé. Médecin dans la petite ville de Santa Mira, proche de Los Angeles, Miles Bennell s’aperçoit que les habitants de cette cité tranquille se transforment en êtres dénués de toute émotion. Il découvre, avec effroi, que des extraterrestres s’emparent, pendant la nuit, du corps de ses concitoyens. En 1956, en pleine Guerre froide, période où l’Amérique voit des Rouges partout et ère marquante de la peur de l’autre, Don Siegel signe, dans un élégant noir et blanc, une œuvre qui deviendra culte dans l’univers de la science-fiction américaine. A la différence de ses confrères Jack Arnold ou Robert Wise, il ne montre pas d’inquiétants météorites ou des aliens descendant de soucoupes volantes. L’Américain (qui, en 1971, mettra en scène Clint Eastwood dans le fameux Inspecteur Harry) décrit, sans montrer de violence, une angoissante atmosphère paranoïaque autour de Terriens oppressés par un mal mystérieux dont le cinéaste tait les motivations réelles. D’ailleurs, ces extraterrestres ont-ils seulement des revendications ? Du coup, Invasion of the Body Snatchers (en v.o.) prend une dimension philosophique en posant la question de l’être et de la condition humaine, le docteur Bennell (Kevin McCarthy) devenant un rebelle solitaire qui, en plus, souffre de perdre un être cher… Les suppléments contiennent, outre des interviews, Les sentinelles du gris (33 mn), une analyse du film par Jean-Baptise Thoret. (Potemkine)
RheingoldRHEINGOLD
Le parcours extraordinaire d’un réfugié kurde qui va passer par le crime (des petits deals de drogue dans les quartiers au trafic de cocaïne puis à la prison pour braquage) avant de connaître l’ascension dans le monde de la musique rap jusqu’à devenir une star du hip-hop allemand ! Voici une adaptation de Alles oder Nix: Bei uns sagt man, die Welt gehört dir (tout ou rien, comme on dit, le monde est à toi), le livre publié en 2015 par le très populaire rappeur de Bonn Giwar Hajabi alias Xatar (interprété par Emilio Sakraya) qui aujourd’hui, au-delà de son statut de star dans l’univers du rap allemand, est aussi un entrepreneur et restaurateur couronné de succès. Derrière la caméra pour diriger ce biopic, on trouve Fatih Akin, le réalisateur allemand d’origine turque fêté pour des films comme Head-On (2004), De l’autre côté, prix du scénario à Cannes 2007, Soul Kitchen, grand prix du jury à la Mostra de Venise 2009 ou encore In the Fade qui a valu à Diane Kruger le prix d’interprétation à Cannes 2017. Si Akin est très à l’aise quand il évoque l’enfance de Giwar, l’expulsion d’Iran, une éducation criminelle, il l’est moins, même si le film est brillamment mis en scène, ensuite… Mais l’histoire de Xatar demeure néanmoins aussi impressionnante qu’extravagante. (Pathé)
A ContretempsA CONTRE-TEMPS
Avocat aux fortes convictions sociales, Rafa s’apprête à vivre une journée bien compliquée. Il a jusqu’à minuit pour retrouver la mère d’une fillette laissée seule dans un logement insalubre. Sinon la petite sera placée en foyer par la police. Dans sa course contre la montre, Rafa croise Azucena, une mère de famille injustement menacée d’expulsion, et qui pour s’en sortir, tente de provoquer une révolte citoyenne. Tandis que les heures défilent implacablement, ces deux personnages en lutte commencent à douter d’arriver à leurs fins tandis que Madrid gronde toutes les colères. Pour son premier long-métrage d’une parfaite efficacité, l’Argentin Juan Diego Botto (également acteur dans The Suicide Squad et la série White Lines) mêle, à un rythme haletant, le thriller urbain et l’atmosphère de la chronique sociale dans une Espagne au bord du gouffre financier et qui peine à se relever de la crise financière de 2008, laquelle a entraîné une crise du logement et une vague d’expulsions terrifiante alors que les petites gens sont au bout du rouleau…. Le film bénéficie enfin de la présence d’un remarquable duo d’acteurs avec Luis Tosar, avocat épuisé par trop de causes à défendre et la star Penelope Cruz (qui a longuement porté le projet) en femme au bord du chaos. Dommage que la dernière séquence dérive dans un lourd pathos. (Condor)
HouseHOUSE
Une lycéenne nommée « Belle » se rend à la maison de campagne de sa tante malade, accompagnée de six amies de classe. Isolées dans une grande demeure perdue au milieu de nulle part, Gari, Merodî, Kunfû, Makku, Suîto et Fanta vont être les témoins d’inquiétants événements surnaturels une fois la nuit tombée. En 1977, le cinéaste japonais Nobuhiko Obayashi réalise, avec House, son premier long métrage et réussit une comédie d’horreur qui utilise un mélange d’astuces photographiques et de techniques d’avant-garde pour obtenir ses effets visuels surréalistes. Une manière, notamment autour du thème du passage à l’âge adulte, de travailler qui deviendra la signature d’Obayashi (1938-2020) au début de sa carrière avant qu’il ne se tourne vers un style plus populaire. Cette pépite du cinéma nippon fantastique ressort dans une nouvelle version avec des suppléments inédits. On y trouve House of time, une interview inédite (37 mn) du cinéaste Nobuhiko Obayashi par Stephane du Mesnildot et Yves Montmayeur. Spécialiste du cinéma japonais, Stéphane du Mesnildot propose également une lecture du film. Pour sa part, Fabien Mauro signe le documentaire (29 mn) Maison truquée: les effets spéciaux de House. (Potemkine)
MagnificatMAGNIFICAT
Une chambre aux rideaux tirés… Un médecin vient de constater un décès. Un prêtre est mort. Pourquoi a-t-on appelé à la rescousse, Charlotte, la chancelière de l’évêché ? Quelque chose ne va pas. « Y’a une erreur là ! » dit cette « fonctionnaire » de l’Église. Sombre, le médecin rétorque : « Non, vous pouvez vérifier… » Abasourdis, les responsables du diocèse, et à leur tête Monseigneur Mevel, découvrent que le prêtre était une… femme ! Sans que personne ne s’en doute, elle exerçait sa vocation depuis des années. Consterné, l’évêque s’angoisse : « Si le Vatican découvre que nos séminaires sont infiltrés par des femmes, ce serait une apocalypse ! » Virginie Sauveur (ça ne s’invente pas!) adapte librement Des femmes en noir, le roman d’Anne-Isabelle Lacassagne (2017 aux éditions du Rouergue) et aborde un sujet de société qui ne cesse de faire débat. En optant pour la forme de l’enquête mâtinée (légèrement) de thriller, Magnificat, avec une bonne Karin Viard en Charlotte troublée puis déterminée et un François Berléand matois à souhait en évêque, pose d’intéressantes questions mais dommage que le propos se délaye dans la seconde histoire de la quête du père dans la communauté gitane des Saintes Maries de la Mer… (Orange Studio)
Integrale BorgenINTEGRALE BORGEN
Politique, ton univers impitoyable ! Petits arrangements, manipulations, alliances, chantages, Borgen, une femme au pouvoir plonge dans l’intimité d’une démocratie d’aujourd’hui et raconte la conquête du pouvoir par une femme, et son combat acharné pour s’y maintenir. Série politique culte créée par le Danois Adam Price, Borgen retrace le combat d’une ambitieuse politicienne, Birgit Nyborg (la craquante Sidse Babett Knudsen vue au cinéma dans L’hermine ou La fille de Brest), pour accéder au pouvoir et le garder. Au coeur des batailles politiques pour le pouvoir au Danemark et en mettant en lumière les sacrifices personnels qu’elles entraînent, voici une plongée palpitante et immanquable dans l’univers cannibale de la politique danoise aux côtés d’un personnage féminin d’une incroyable force et ténacité. Dans un coffret (15 DVD), sont réunies les les trois premières saisons de Borgen ainsi que les huit épisodes de Borgen – Le pouvoir et la gloire sorti sur Netflix, neuf années après la fin de la saison 3. Enfin, le coffret comprend plus d’1h30 de compléments (À propos du scénario, scènes coupées commentées par le réalisateur, visite guidée des décors, bêtisier…) (Arte Editions)
Le RetourLE RETOUR
Employée dans une famille parisienne aisée (les parents sont incarnés par Virginie Ledoyen et Denis Podalydès), Khédidja se voit proposer de s’occuper des enfants le temps d’un été en Corse. L’opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica et Farah, âgées de 15 et 18 ans, sur cette île qu’elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques. Alors que Khédidja se débat avec ses souvenirs, les deux adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales : rencontres inattendues, 400 coups, premières expériences érotiques. Ce voyage sera aussi l’occasion pour elles de découvrir une douloureuse partie cachée de leur histoire. Précédée d’une polémique sur ses conditions de tournage (qui avait un temps suspendu sa sélection pour le Festival de Vannes), le film de Catherine Corsini traite tout à la fois de l’éveil amoureux et du choc des cultures. Tandis que, sur les plages, sous le soleil de Corse, les filles (Suzy Bamba et Esther Gohourou) font des rencontres amoureuses et s’émancipent, Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna, remarquable) retrouve ceux qui ont profondément marqué sa première venue sur l’île… Un film solaire, plein de poignante tendresse… (Le Pacte)
MiraculousMIRACULOUS – LE FILM
Adolescente socialement anxieuse, Marinette Dupain-Cheng, va à l’école en essayant d’éviter d’attirer l’attention. Ayant noué une amitié avec Alya Césaire, elle tente désespérément d’éviter la colère de la riche Chloé Bourgeois. En fréquentant la bibliothèque, Marinette rencontre Adrien Agreste, beau garçon de sa classe, et tombe amoureuse de lui. Emotionnellement fragile depuis le décès de sa mère Emilie, Adrien reste au côté de son père Gabriel, lui aussi dévasté par cette tragédie. Gabriel utilise le Miraculous du Papillon pour se transformer en super-vilain nommé Papillon. Son but est de trouver les Miraculous, des bijoux magiques, dont il a besoin pour faire un vœu et ramener sa femme Émilie à la vie. Série télévisée d’animation franco-coréo-japonaise, créée par Thomas Astruc, Miraculous : Les Aventures de Ladybug et Chat Noir a été diffusée à partir de 2015 sur TF1. Jeremy Zag embarque maintenant Marinette et Adrien qui ont le pouvoir de se transformer en super-héros, Ladybug et Chat Noir, sur le grand écran et suit la destinée des deux collégiens parisiens, amenés à combattre le mal. Voici un blockbuster musical et animé bien ficelé qui a rencontré son public de cours de récré dans les salles ! (M6)
Grosse Colere FantaisiesGROSSE COLERE ET FANTAISIES
Voici un moyen-métrage destiné au jeune public qui réunit cinq courts-métrages d’animation. Dans Vague à l’âme (7 mn), Cloé Coutel raconte l’histoire d’une fillette qui, tandis que son père fait la sieste, va jouer dans les dunes. Seule, elle s’ennuie et regarde passer un bernard-l’ermite. Imitant l’étrange animal, elle se met à danser et découvre dans la joie une nouvelle liberté. Avec Grosse colère (8 mn), Célia Tisserant et Arnaud Demuynck suivent Robert qui a passé une très mauvaise journée. Il n’est pas de bonne humeur et en plus, son papa l’a envoyé dans sa chambre. Robert sent tout à coup monter une chose terrible: la colère… Des mêmes auteurs, voici Quand j’avais trop peur du noir (8 mn) dans lequel Robert n’a guère envie de monter se coucher… car il pense qu’il y a des monstres dans sa chambre. Sa maman laisse la lumière du couloir allumée et la porte de la chambre de Robert entrouverte. Mais cela ne fonctionne pas, l’imagination du petit garçon l’emporte! Heureusement, il peut compter sur l’aide de son nounours… Basile, 6 ans, est le héros des Biscuits de Mamy (13 mn) de Frits Standaert. Il vient de perdre sa grand-mère et trouve qu’il n’a pas eu assez de temps pour lui dire au-revoir et les délicieux biscuits de sa « Bobonne » lui manquent déjà… Quand le soir, Basile la découvre cachée sous son lit, il est tout heureux d’aller préparer avec elle de nouveaux gâteaux. Enfin La trop petite cabane (6 mn) de Hugo Frassetto montre Papy qui met le dernier clou à une jolie petite cabane qu’il offre fièrement à son petit-fils. Mais le P’tiot la trouve un peu petite, et puis… il y a un ver dans la cabane! « Va donc chercher le poussin, il s’en occupera! » lui propose le malicieux Papy. (Arte éditions)
Marcel CoquillageMARCEL LE COQUILLAGE (AVEC SES CHAUSSURES)
Adorable coquillage de quelques centimètres de haut , Marcel mène une existence douce et chaleureuse auprès de sa grand-mère Connie, dans un pavillon déserté par ses propriétaires depuis leur séparation. Faisant autrefois partie d’une vaste communauté de coquillages, ils vivent désormais seuls tels des survivants d’une mystérieuse tragédie. Lorsque Dean, un réalisateur de documentaires, les découvre dans le logement qu’il a loué via Airbnb, le court métrage qu’il met en ligne sur Youtube va faire du sympathique bigorneau une star d’internet avec plus de 20 millions de visionnages et des milliers de fans passionnés (avec les dérives dangereuses qui en découlent). Cette notoriété relance ses espoirs de retrouver sa famille perdue depuis longtemps. Mêlant prises de vues réelles et animation en stop-motion, le film de Dean Fleischer-Camp (qui est à l’origine une succesion de trois courts-métrages qui ont totalisé plus de 48 millions de vues sur Youtube) est une prouesse technique qui regorge d’idées originales et de bonnes trouvailles. Quand une belle richesse émotionnelle se mêle à une vraie sensibilité et une tendre mélancolie, cela donne une facétieuse bouffée d’air frais. (L’Atelier d’images)

WIM WENDERS, DOUGLAS SIRK ET L’EXOTISME SELON FEDOR OZEP  

Ailes DesirLES AILES DU DESIR
Quand des anges bienveillants viennent faire un tour chez les humains ! Dans le Berlin-Ouest d’avant la chute du Mur, le célèbre comédien hollywoodien Peter Falk, fameux interprète de l’inspecteur Columbo, arrive dans la ville pour jouer dans un film reconstituant la chute de la capitale nazie, en 1945. L’acteur, qui interprète son propre rôle, erre dans Berlin sur la trace des souvenirs de sa feue grand-mère, juive. Les passants ne sont pas sûrs de le reconnaître… De leur côté, Damiel et Cassiel, deux anges invisibles, errent à l’écoute des voix intérieures des habitants, « âmes mortes » enfermées dans leur quotidien et ses soucis, que ce soit la vieillesse, l’enfance, l’infirmité, le deuil, l’accouchement, le déménagement, le divorce. Depuis « les cieux au dessus de Berlin » (traduction du titre original allemand) ces esprits « messagers » documentent, tel le cinéaste filmant les vestiges de la ville, les désirs et angoisses secrètes des humains afin de témoigner de tout ce qui chez eux relève d’une démarche artistique et traduit une recherche de sens et de beauté. Présents depuis toujours, ils ont assisté au début de la lumière, à la fin d’une ère glaciaire, à la formation des rivières, à l’apparition des animaux. Puis, avec le premier homme, ils ont connu le rire, la parole, la guerre, l’histoire… Parfois, les poètes et les aveugles croient sentir leur présence… Pourtant soucieux d’agir dans le monde, avide aussi d’un présent qui ne soit plus l’éternité, Damiel voudrait entrer dans la condition humaine. Lorsqu’il croise Marion, trapéziste de cirque, au bord du désespoir, l’ange décide de renoncer à l’immortalité et son existence purement spirituelle pour l’aimer. Pour ce faire, il obtient le secours de Peter Falk mais son destin ne sera fixé que par la seule décision de Marion. Reposant sur la géniale lumière d’Henri Alekan, Les Ailes du désir (prix de la mise en scène au 40e Festival de Cannes) est une splendide fresque visuelle et sonore sur le Berlin de la fin des années 1980. Wenders retourne dans son pays natal et livre un bel hommage à la capitale et à ses habitants. Mais surtout, avec une poésie expressionniste défendue par des comédiens de talent (Bruno Ganz, Otto Sander, Solveig Dommartin), il entraîne dans un conte « camusien » qui pose l’impérissable question : « Comment vivre ? » Présenté dans une édition disponible pour la première fois en France en Blu-ray et en 4K UHD et dans une nouvelle restauration validée par le cinéaste, le film est accompagné de multiples suppléments dont un entretien avec Wim Wenders, des scènes coupées, un vol en hélicoptère au-dessus de Berlin (11 mn) ou Invitation au voyage : Berlin, capitale du désir de Wim Wenders, une émission du magazine d’Arte (2018) où le cinéaste retrouve les lieux de tournage et observe les métamorphoses de la capitale allemande depuis 1987 et la chute du Mur. (Carlotta)
Ami AmericainL’AMI AMERICAIN
Encadreur et restaurateur de tableaux, Jonathan Zimmerman vit à Hambourg avec sa femme Marianne et leur jeune fils Daniel. Depuis un certain temps, Zimmermann sait qu’il est atteint de leucémie, mais son état semble être stable. Lors d’une vente aux enchères de tableaux, Zimmermann fait la connaissance de Tom Ripley, un Américain trafiquant de contrefaçons qui fait la navette entre New York et Hambourg. Ripley apprend la maladie de Zimmermann. Il l’apprend à son tour à l’un de ses contacts dans le milieu criminel, le Français Raoul Minot. Celui-ci va proposer à Zimmermann de commettre un meurtre à Paris, en contrepartie d’une importante somme d’argent qui lui permettrait d’assurer une certaine sécurité financière à sa femme dans le cas de sa mort prématurée des suites de sa maladie. Se sachant condamné, Zimmermann finit par accepter, et à partir de ce moment-là les choses se compliquent. Inspiré de Ripley s’amuse et de quelques éléments de Ripley et les ombres, deux romans de Patricia Highsmith, le film réalisé en 1977 par Wim Wenders transplante à Hambourg et Paris l’imaginaire du film noir américain. Le cinéaste Wim Wenders (qui venait d’achever la trilogie de la route avec Alice dans les villes, Faux mouvement et Au fil du temps) mêle ici le cinéma d’action et le film d’auteur européen. Il réunit aussi une superbe distribution avec Bruno Ganz, son interprète des Ailes du désir mais aussi les cinéastes et acteurs Dennis Hopper et Gérard Blain. Pour faire bonne mesure, d’autres réalisateurs (Nicholas Ray, Samuel Fuller, Peter Lilienthal, Daniel Schmid et Jean Eustache) viennent faire des apparitions dans ce film disponible pour la première fois en Blu-ray en France dans sa nouvelle restauration 4K supervisée et approuvée par Wim Wenders. Enfin de nombreux suppléments accompagnent cette édition dont un long entretien (46 mn) avec Wenders qui revient sur la genèse de L’ami américain, sa rencontre avec Patricia Highsmith, le choix du duo d’acteur, et explique comment le film a propulsé sa carrière à l’international. On y trouve aussi un livret exclusif (40 pages) Mes Amis Polaroid, composé de 28 polaroids et d’un plan du film commentés par Wenders qui montre la richesse des photos instantanées, ancêtres des selfies contemporains, prises par le réalisateur sur le tournage du film. (Carlotta)
Sirk Melodrames AllemandsDOUGLAS SIRK – LES MELODRAMES ALLEMANDS
Maître incontesté du mélodrame hollywoodien (il a fui l’Allemagne nazie en 1939) avec des films comme Tout ce que le ciel permet (1955), Ecrit sur du vent (1956) ou Le miracle de la vie (1959), oeuvres qui se distinguaient notamment par une palette de couleurs baroques, chaudes, voire excessives, Douglas Sirk, a connu, avant la flamboyance de l’usine à rêves, une première période allemande. Né à Hambourg en avril 1897, Hans Detlef Sierck découvre le théâtre, notamment de Shakespeare. Pour financer ses études, il devient assistant metteur en scène au Deutsches Schauspielhaus puis s’impose comme metteur en scène… Il se tourne vers le cinéma en 1934, réalise des courts-métrages puis son premier long, April, April ! (1935) que suivront La fille des marais (1935), Les piliers de la société (1935), La neuvième symphonie (1936), Du même titre (1936), enfin La Habanera et Paramatta, bagne de femmes, les deux en 1937, qui feront beaucoup pour la gloire cinématographique de Zarah Leander. Dans de nouvelles restaurations 2K et 4K réalisées par la fondation Murnau, ces sept films -rares ou inédits- de la période allemande sont remis au centre de l’oeuvre de Sirk et témoignent de ce qui fera la beauté des chefs-d’œuvre du cinéaste : des femmes tourmentées, des couples impossibles, des lumières éclatantes, la recherche d’un paradis lointain, la quête d’amour et de dignité. Rainer-Werner Fassbinder dont le cinéma fut largement influencé par Sirk, disait :« Sirk a dit, le cinéma c’est du sang, des larmes, de la violence, c’est la haine, la mort et l’amour. Sirk a dit, on ne peut pas faire des films sur quelque chose, on ne peut faire des films qu’avec quelque chose, avec des hommes, de la lumière, des fleurs, des miroirs, du sang. […] Il a fait les films les plus tendres que je connaisse. » (Capricci)
AmokAMOK
Exilé au cœur de la jungle de Malaisie (recrée en studio par le grand décorateur Lazare Meerson), le docteur Holk (Jean Yonnel) noie sa solitude et son désespoir dans l’alcool. Un jour, ce médecin fiévreux reçoit la visite d’Hélène Havilland, une belle jeune femme de la haute société enceinte de son amant et qui vient le trouver pour avorter. Holk refuse de pratiquer l’opération mais est pris d’une vive et soudaine obsession pour cette femme (Marcelle Chantal) et se dit prêt à tout pour sauver son honneur. Réalisateur russe, exilé en France, Fédor Ozep a tourné, dans son pays d’adoption, cinq films dont cet Amok, œuvre rare dont la réalisation reflète parfaitement le parcours sombre et multiculturel d’Ozep. En 1934, Ozep adapte de belle manière Amok ou le fou de Malaisie, la nouvelle de Stefan Zweig, l’une des œuvres littéraires majeures de l’écrivain viennois et donne une œuvre âpre, fascinante et… féministe (Hélène Havilland est une femme forte qui assume son histoire) qui frôle les pièges du mélodrame mais sans jamais y tomber. Véritable vestige injustement oublié de la grande histoire du septième art, Amok, qui sort dans une version restaurée en combo DVD/Blu-ray, est une surprenante pépite du 7e art. Dans les suppléments, on trouve un portrait de Fédor Ozep, cinéaste nomade et deux analyses du film. (Pathé)
MarinetteMARINETTE
Au bord d’un terrain de foot quelque part dans le Grand Est, une petite fille regarde les garçons de son âge taper dans le ballon… Un coach lui lance : « Tu veux jouer ? » La réponse tombe : « Je ne peux pas. Je suis une fille. » Nous sommes en 1980. Marinette Pichon a cinq ans et elle ne sait pas encore qu’elle sera la première joueuse professionnelle de football féminin et surtout la première star française de cette discipline. C’est un sacré parcours que celui de cette fillette qui a le foot dans la peau. Sa maman (Emilie Dequenne) la soutient constamment mais son univers familial est glauque avec un père violent et alcoolique. C’est ainsi que Marinette Pichon se forge un caractère de battante qui lui permettra, souvent dans la douleur, de surmonter les difficultés… Claire Verdier signe un bon biopic sportif en adaptant la biographie de Marinette Pichon, Ne jamais rien lâcher. Le parcours de la joueuse (incarnée par Garance Marillier) est jalonnée de dates majeures comme 1994 qui la voit intégrer l’équipe de France ou 2002 qui marque son arrivée dans le club américain de Philadelphie et la cinéaste alterne habilement les hauts avec son désir de vaincre et ses ambitions pour donner au foot féminin une vraie place mais aussi des bas, dans une jeunesse volontiers sinistre ou encore dans ses relations avec ses compagnes. Cela jusqu’à la rencontre avec Ingrid Moatti, championne de basket handisport, qu’elle épouse en septembre 2013. Une rebelle et une pionnière ! (Les Jokers)
ExorcisteTHE EXORCIST
Fille d’une célèbre actrice, la petite Regan McNeil, 12 ans, souffre de troubles psychologiques et comportementaux. Médecins et spécialistes l’examinent en vain jusqu’à ce que la vérité éclate : la fillette est possédée par une force surnaturelle. On appelle à la rescousse, un prêtre jésuite. C’est le père exorciste Karras… Succès controversé dès sa première sortie au cinéma (on dit que des femmes enceintes terrifiées accouchèrent avant terme!), L’exorciste s’est imposé comme le film le plus terrifiant de tous les temps. A l’occasion du cinquantième anniversaire de sa sortie, on peut (re)découvrir, en restauration 4K UHD et dans une version longue Director’s Cut, cette aventure cauchemardesque et fantasmagorique signée William Friedkin (1935-2023), classée troisième meilleur thriller par l’American Film Institute et titulaire de l’Oscar du meilleur scénario dans laquelle deux prêtres, l’un assez sceptique et l’autre résolument pieux, se rejoignent dans la lutte contre le Mal ultime, laissant les spectateurs à bout de souffle. Le coffret est accompagné de multiples suppléments, dont Au-delà du rationnel : L’Exorciste de William Peter Blatty, auteur du roman sur lequel repose le film. (Warner)
Amerique Face HolocausteL’AMERIQUE FACE A L’HOLOCAUSTE
Que savaient les États-Unis du génocide perpétré par le régime hitlérien contre les populations juives et certaines minorités d’Europe ? En ont-ils fait assez pour leur ouvrir leurs portes ? Dans une fresque documentaire en six épisodes, Ken Burns et Lynn Novick se penchent en profondeur sur le dossier. Pendant des siècles, l’Amérique a été un refuge pour des millions de déshérités ou de persécutés fuyant leur terre natale qui ont assuré la conquête du continent et la construction de la nation. Au début des années 1920, l’antisémitisme gagne du terrain, attisé par des personnalités comme le suprémaciste blanc Madison Grant, le constructeur automobile Henry Ford ou l’aviateur Charles Lindbergh. En 1924, l’Amérique ferme ses portes, instaurant des quotas nationaux, les immigrants devant désormais obtenir dans leur propre pays un visa américain. En 1921, près de 120 000 juifs originaires d’Europe de l’Est avaient commencé une nouvelle vie aux États-Unis. Cinq ans plus tard, ils ne sont plus que 10 000 à y être autorisés. Les auteurs dissipent le mythe selon lequel les Américains ignoraient le génocide hitlérien. Nourrie d’archives, d’éclairages d’historiens, de témoignages d’anonymes et de personnalités comme la jeune Anne Frank ou l’écrivain américain Daniel Mendelsohn (Les disparus), voici une relecture de l’histoire qui se fait aussi leçon à méditer pour nos sociétés contemporaines confrontées à la montée de la xénophobie et aux crises migratoires. (Arte)
Hotel FranceHOTEL DE FRANCE
Quand ils avaient vingt ans, Michel et Sonia se sont aimés. Ils faisaient partie d’une bande de copains provinciaux. Michel en était le leader, celui qui « irait loin ». Mais il s’est arrêté en chemin, et voilà qu’ils se retrouvent tous à une réception quelques années plus tard. Sonia ne peut s’empêcher d’être déçue et Michel d’en être blessé. En 1986, Patrice Chéreau tourne Hôtel de France, un film adapté de la pièce de théâtre Ce fou de Platanov écrite par Tchekhov en 1878. Le cinéaste, également directeur du théâtre Les Amandiers et de sa célèbre école, imagine son film pour ses dix-neuf élèves à qui il confiera les rôles principaux. Parmi eux : Valeria Bruni-Tedeschi, Marianne Denicourt, Agnès Jaoui, Laura Benson, Vincent Perez, Laurent Grévill, Bruno Todeschini, Pierre-Loup Rajot, Thibault de Montalembert, Marc Citti, Eva Ionesco… Homme de théâtre, d’opéra et de cinéma, Chéreau a toujours œuvré sur tous les fronts et surtout là où on ne l’attendait pas. Militant pour que le théâtre sorte de la salle, aille dans les écoles, les usines et les foyers de tous les français, Chéreau (qui a, alors, déjà son actif, La chair de l’orchidée, Judith Therpauve ou L’homme blessé) signe avec Hôtel de France, une œuvre singulière et audacieuse. Dans cette édition restaurée en 4K, on trouve, en supplément, des entretiens inédits autour du film avec Marc Citti et l’historienne de cinéma Françoise Zamour, le tout illustré d’images d’archives. (Pathé)
Processus PaixLE PROCESSUS DE PAIX
Quand on s’aime mais qu’on ne se supporte plus, qu’est-ce qu’on fait ? Marie et Simon sont profondément amoureux, malgré les disputes constantes dans leur vie de couple. Lui est professeur d’histoire du conflit israélo-palestinien à la fac, projetant quelquefois les démêlés de son couple dans son cours, elle est animatrice d’une radio féministe. Pour ne pas se séparer, ils se lancent dans une aventure un peu folle : établir une liste de règles qu’ils devront suivre coûte que coûte. Ils l’appellent la charte universelle des droits du couple. Cinéaste venu du documentaire, Ilan Klipper se lance, pour sa seconde fiction (après Le ciel étoilé au-dessus de ma tête en 2018) dans une bonne comédie autour de la problématique du couple. Voici un film qui a des allures de conte fantaisiste reposant sur de belles images et une distribution de qualité avec Camille Chamoux (Marie) et Damien Bonnard (Simon) bien entourés par de solides seconds rôles (Ariane Ascaride, Jeanne Balibar ou Laurent Poitrenaux). Tout ce qu’il faut savoir pour mettre un terme aux difficultés amoureuses et faire en sorte que l’amour perdure ! (Le Pacte)
Sisu Art SangSISU – DE L’OR ET DU SANG
« Il est immortel ? Non, il refuse juste de mourir ! » Dans la nature sauvage et hostile de la Laponie, Aatami Korpi, un ancien soldat devenu chercheur d’or découvre un gros gisement… Las, nous sommes en 1944 et la Finlande est sous le joug nazi. En essayant de ramener son pactole en ville et prêt à tout pour sauver son précieux butin, l’homme va devoir affronter une armée allemande aux abois et parfaitement cupide. Mais notre homme est un escadron de la mort à lui tout seul. Avec Jorma Tommila, grand acteur de théâtre finlandais, en tête d’affiche, le cinéaste finlandais Jalmari Helander (auteur de Big Game en 2014 dans lequel un jeune adolescent réfugié dans les bois aide à sauver le président des Etats-Unis lorsque Air Force One est abattu près de son campement) signe une épopée complètement délirante autour d’un baroudeur à côté duquel Rambo est tout bonnement un enfant de choeur. On se laisse emporter dans cette histoire, évidemment totalement improbable mais bien menée, où Aatami va dézinguer les SS jusqu’au dernier. Et lorsqu’il tue, il ne fait pas dans la dentelle. De l’action à gogo dans une épopée inattendue qui laisse pantois et… hilare ! (M6)
La SireneLA SIRENE
1980. Abadan, Iran. Les habitants résistent à un siège irakien. Parmi eux, Omid, quatorze ans, choisit de rester dans la ville avec son grand-père en attendant le retour de son frère aîné. Omid trouve un bateau abandonné dans le port d’Abadan. Et si c’était une solution afin de sauver sa famille ? Installée en France depuis près de trente ans, Sepideh Farsi n’a pourtant jamais cessé d’observer l’Iran et de filmer son pays à travers des fictions ou des documentaires. Elle le fait, ici, à travers un film d’animation empreint de poésie, qui a pour cadre la ville d’Abadan au sud du pays, en 1980, en pleine guerre Iran/Irak. Le lieu était un important enjeu pétrolier avec une grande raffinerie (qui tient un rôle dans le film) ce qui explique ce siège sans relâche de la ville par les troupes irakiennes. La cinéaste multiplie les personnages (le grand frère qui part au front, le grand-père bougon, la mère qui prend la fuite avec les plus jeunes de ses enfants) et on s’attache sans peine à tous ces personnages, même secondaires comme l’ancienne star adulée. Portée par des images superbes, une œuvre riche, sensible, prenante, lyrique même, d’une puissance évocatrice enfin quand le film évoque l’anéantissement d’une ville… (M6)
One RangerONE RANGER
Alex Tyree est un taiseux qu’il ne vaut mieux pas déranger… Au fond d’un Texas inhospitalier, ce Ranger pourchasse un voleur et finit par lui tomber dessus. Mais voilà que des affreux viennent croiser la route du flic. Ils seront abattus sans pitié. C’est alors que Jennifer Smith, une charmante agent des services secrets britanniques, demande son aide à Tyree (Thomas Jane) pour transférer un terroriste extrêmement dangereux du Mexique aux Etats-Unis. Une mission quasiment de routine pour le Ranger. Hélas, un instant d’inattention et le transfert tourne au carnage. Pire, Declan McBride, le terroriste, a filé à Londres où il prépare un attentat majeur. Tyree n’a d’autre choix que d’accompagner l’agent Smith (Dominique Tipper) dans la capitale britannique pour mettre McBride, toujours couvert par un tueur russe quasiment increvable, hors d’état de nuire. Ce ne sera pas une mince affaire. Un bon thriller qui passe du désert texan à l’univers urbain londonien et enfile les scènes d’action… (Metropolitan)
The DiveTHE DIVE
Drew et May, deux sœurs dont les rapports ont été difficiles dans leur jeunesse, sont des plongeuses expérimentées. Las, alors qu’elles s’entraînent dans un coin désertique à proximité des falaises de l’île de Malte, un glissement de terrain se produit et un rocher tombe sur le bas du corps de May, l’empêchant complètement de bouger. Sa sœur piégée sous l’eau à 28 mètres de profondeur, Drew doit trouver d’urgence un moyen de la sauver avec l’oxygène qui se raréfie rapidement pour les deux plongeuses… Autour d’un terrible compte-à-rebours létal, le cinéaste allemand Maximilian Erlenwein (qui adapte ici un film suédois intitulé Breaking Surface) réussit à créer plusieurs bons moments de suspense et on se demande comment May (Louisa Krause) va s’en sortir et comment Drew (Sophie Lowe) va pouvoir, en 22 minutes, la libérer de son piège marin. Si le film commence presque posément, la tension gagne rapidement dans cet huis-clos sous-marin et le spectateur s’installe quasiment dans un état d’angoisse entre asphyxie et noyade ! A vous dégoûter pour toujours de la plongée sous-marine ? (Wild Side)
SexygénairesSEXYGENAIRES
Propriétaire d’un hôtel à Sanary-sur-Mer, Michel, 65 ans, constate que les affaires sont au plus mal. Pour rester à flot, il reprend contact avec Denis, un ami et associé avec qui il possède un bar à Paris. Michel propose à Denis de lui céder ses parts. Mais en se rendant sur place, Michel découvre que non seulement Denis a revendu le bar mais aussi qu’il est devenu mannequin senior et tourne des publicités. Alors qu’il assiste à un shooting, Michel est repéré par Marion (Zineb Triki, vue dans la série Le bureau des légendes) qui lui propose de devenir modèle. La (très) bonne rémunération pourrait lui permettre de régler les dettes de son hôtel… Mais ce monde d’artifices et d’apparences pourra-t-il le rendre heureux ? Avec un duo de comédiens comme Thierry Lhermitte (Michel) et Patrick Timsit (Denis), le réalisateur Robin Sykes joue sur du velours avec un tel duo. La comédie tire parfois un peu la jambe mais il est sans doute plaisant d’entendre qu’à la soixantaine, on n’est pas encore bon pour la casse ! (Orange Studio)
WahouWAHOU
Conseillers immobiliers dans la région parisienne, Catherine et Oracio enchaînent les visites de deux biens : une grande maison bourgeoise « piscinable, vue RER » (autrement dit, avec des passages réguliers de trains qui font un bruit considérable) et un petit appartement moderne situé en plein coeur du triangle d’or de Bougival. Objectif : provoquer le coup de cœur chez les potentiels acheteurs, celui qui leur fera dire « Wahou ! » On attend toujours avec une réjouissante impatience, de retrouver l’univers si agréablement loufoque de Bruno Podalydès. Comme ce fut le cas du temps de Liberté-Oléron (2001), Adieu Berthe (2012) ou Comme un avion (2015). En nous invitant à feuilleter un précis de tractations immobilières, le cinéaste, en compagnie de Sabine Azéma, Karin Viard, Isabelle Candelier, Agnès Jaoui, Patrick Ligardes, Claude Perron, Florence Muller, Leslie Menu, Denis Podalydès, tente de distiller un parfum de fantaisie. Mais ça ne marche pas vraiment. On attend déjà le prochain Podalydès pour retrouver le sourire. (Pathé)
38,5 Quai Orfevres38°5 QUAI DES ORFEVRES
C’est la panique au quai des Orfèvres ! Un tueur en série, surnommé le Ver(s) Solitaire, sème des alexandrins sur les scènes de crime, causant terreur et confusion. Jeune enquêtrice enthousiaste et fraîchement nommée au 36, Clarisse Sterling se voit confier cette affaire sous la supervision du légendaire et très suffisant commissaire Frank Keller. La charmante Clarisse va jongler entre les solides bras cassés de la brigade criminelle et des énigmes bien tordues pour démasquer l’assassin… Mission impossible ? Grand Prix du Jury au festival de L’Alpe d’Huez 2023, le premier long-métrage de Benjamin Lehrer s’attaque à un genre plutôt casse-gueule, la comédie parodique. Scary Movie se moquait de Scream alors que Dracula mort et heureux de l’être jouait avec les codes du film de vampire. Ici, c’est le cultissime Silence des Agneaux qui est passé à la moulinette. Si Caroline Anglade est une Clarisse Sterling marrante et pas dupe, le reste de la distribution, à commencer par Didier Bourdon, Pascal Demolon et Artus, ne font pas dans le léger. In fine, le délire parodique tombe à plat tant les gags sont lourds. (M6)
Poker FacePOKER FACE
Heureux milliardaire, Jake Foley réunit ses amis d’enfance dans son beau domaine pour une partie de poker à gros risque. Ces amis ont en effet une relation amour-haine envers lui et Jake leur a concocté un plan conçu pour leur apporter une certaine justice à tous. Cependant, le richissime joueur va devoir revoir sa stratégie lorsque son manoir -pourtant hautement sécurisé- est envahi par un groupe de malfrats dont les emplois précédents se sont tous soldés par un meurtre et un incendie criminel… Après La promesse d’une vie, un drame historique en 2014, Russell Crowe retourne, ici, derrière la caméra pour mettre en scène un modeste thriller qui manque singulièrement de rythme. On a surtout l’impression que le comédien néo-zélandais tente de retrouver le lustre passé de ses prestations dans L.A. Confidential, Révélations, Un homme d’exception ou Gladiator. Donc Russel le cinéaste sert la soupe à Crowe, l’acteur. C’est un peu court. (Metropolitan)